8.
— Je vais bien, vous inquiétez pas, résonne la voix de Jam dans ma tête
Ce dernier s'est fait attaquer par deux solitaires, deux dominants, car il s'est trop approché d'un lieu qu'ils considèrent comme le leur.
— Reviens avec nous, l'invite Suny avec neutralité.
— Non, ça ira.
L'échange en reste là. Je sens la gratitude de Jam, qui est content que Suny ait fait attention de ne pas l'influencer, ce qui a dû lui demander une forte dose de contrôle. Jam est fort. Sous forme humaine, c'est lui le plus athlétique, il a dû faire des efforts pour compenser son loup plus petit et pouvoir se défendre à chaque fois que quelqu'un voulait profiter de sa qualité de soumis. Il force le respect.
Malgré le fait que les autres nous assurent que tout va bien, la nuit entière passe sans que je trouve le sommeil. Je suis trop nerveux.
— Qui veut s'entraîner ? demande Suny en sortant du van, lui aussi ne s'est pas endormi.
Myron et moi sommes volontaires. Suny est énergique, loin de son impassibilité habituelle, je ne me ferai jamais à ce contraste. Myron et moi tentons de le toucher, mais il est agile. Je finis à plusieurs reprises par percuter Myron. Autrement dit, je me fais promener.
— Tu es trop frontal, Lyas, trop prévisible. Et toi, Myron, tu n'oses pas assez. Recommencez.
Nous essayons de tourner pour que l'un de nous se retrouve dans son angle mort, mais même quand nous pensons que c'est le cas, il parvient à anticiper. Nous persévérons. Myron lui saute dessus, j'en profite pour me jeter au sol, m'appuyant sur un coude j'envoie mes deux jambes contre l'une des siennes. Il réceptionne Myron, tente de le projeter sur moi me pensant toujours debout, il me voit au sol, il saute, se rate et les deux finissent par me tomber dessus.
Suny rigole et nous ne pouvons que l'accompagner.
— C'était bien joué !
Je tente de ramper pour m'extraire du poids des deux autres, mais Suny n'a pas dit son dernier mot, il me plaque contre le sol poussiéreux et Myron ne tente pas de m'aider. Il nous regarde en continuant de rire.
Nous roulons un peu, tentant chacun de prendre le dessus, j'y parviens presque à plusieurs reprises, mais systématiquement Suny m'en empêche et il finit par m'immobiliser.
— On est propre avec tout ça, déclare-t-il en m'aidant à me redresser.
— On se changera quand on devra rejoindre les autres. J'espère qu'ils vont vite trouver un lieu de vie, intervient Myron.
— Hemza semblait avoir un truc. On va encore se marcher pratiquement dessus, mais ce sera toujours mieux que de rester dans le van.
— Vous pensez à moi ? nous parvient la voix de Hemza. Je suis dans le sud de Brownsville. Il n'y a pas d'odeur de loup de la meute ici, mais niveau solitaire c'est un peu surpeuplé.
— Tu oublies les humains peu fréquentables. Si on s'installe dans un lieu de ce genre on va encore faire des choses illégales et ça va mal finir, réplique Run. Je cherche toujours en dehors de New York, sans sortir du territoire de la meute pour ne pas tomber sur un autre.
— Il ne m'a pas cité, mais je ne peux que me sentir visé, commente Suny à haute voix.
Ma curiosité me pousse, malgré moi, à essayer de comprendre les bêtises qu'il a pu faire. Je me heurte à un puissant sentiment de regret, que je ne comprends pas de suite. Suny est en train d'essayé de penser à autre chose, j'essaie moi aussi de canaliser mon attention ailleurs, mais mon envie de savoir me fait apercevoir des flashs d'images : un gyrophare, Run le torse recouvert de sang, des chaussures remplissant mon champ de vision. Je ne comprends pas le lien entre tout ça.
— Tu es une fouine, Lyas, me sermonne gentiment Suny me faisant rougir. Pour rassasier ta curiosité, il y a un an environ quand nous vivions à Atlanta, je gagnais honnêtement ma vie, je gérais une partie de l'intendance d'une villa, mais j'ai eu une opportunité de gagner plus et c'est comme ça que ça a commencé. Le fils de mon patron cherchait du Fentanyl, je l'ai entendu en parler avec ses potes, j'ai saisi ma chance et je lui ai proposé de l'héroïne. Je savais où en trouver. Je le fournissais lui et son groupe d'amis, sans vouloir être gourmand. Mais tout s'est accéléré quand l'un des étudiants a fait une overdose, mon nom a été ébruité et des dealers implantés depuis longtemps ce sont foutus à mes trousses. Ils étaient pas fan de la concurrence. Run a pris ma défense, il s'est fait poignarder le haut de l'épaule. Myron, Jam et Hemza l'ont entraîné à l'écart et Vael est resté avec moi pour couvrir le départ des autres et retenir les dealers jusqu'à l'arrivée des flics. Ils ont tenté de décamper quand ils ont entendu les sirènes, mais c'était trop tard. On s'est fait arrêter aussi, de façon assez musclée. J'ai été jeté au sol devant un flic. Je te le précise, car mon côté loup a très mal réagit à cette soumission forcée et que je ne sais pas ce que tu as perçu au juste et c'est vraiment quelque chose qui m'a marqué.
— J'ai vu les chaussures, en effet.
— On a dû partir après ça, c'est comme ça qu'on a atterri à Orlando.
— Tu es trop dur avec toi-même, on avait besoin d'argent et on sait que tu as fait ça pour notre bien à tous, le rassure Myron.
— J'y ai pris mon pied aussi et on sait toi et moi, qu'avant de partir j'en ai remis une couche...
Je les regarde pour comprendre.
— Ce n'était pas toi, Suny, on a tous acceptés. Pendant que lui, Vael et les dealers étaient enfermés, m'explique Myron. Et étant donné qu'il nous fallait partir rapidement, on a décidé d'aller voler l'argent des trafiquants. Sauf que certains étaient encore là et c'est parti de travers. Run s'est interposé entre des tirs d'armes à feu et Hemza, alors qu'il n'était déjà pas en super forme, bref ça a été violent et on est partis in extremis, sans l'argent.
— Pourquoi t'es soulagé ? me demande Suny en me regardant.
— En fait je m'aperçois que c'est pas parce que je suis là que tout se passe toujours aussi mal, répliqué-je en rougissant que mes sentiments aient été si transparents.
Myron et Suny éclatent de rire et me bousculent gentiment. À chaque fois, je réalise à quel point j'ai besoin de ce contact avec eux. La chaleur qu'ils font naître dans ma poitrine pourrait faire fondre la banquise. Après ces échanges nous nous enfermons dans une routine monotone. Suny part nous chercher à manger, nous nous entraînons et nous prenons contact avec les autres pour qui les choses sont compliquées. Ils sont épuisés, ils ne s'accordent pas le temps de dormir, à travers notre lien je sens leur fatigue, nos échanges en deviennent compliqués comme si une brume opaque et solide recouvrait notre espace mental.
Malgré tout, Hemza finit par visiter un T2 dont le loueur accepte de ne faire aucun papier moyennant finance, évidemment.
Hemza arrive à nous montrer quelques courtes images, c'est à Harlem, tout ce qu'on voulait éviter, mais tout le reste est beaucoup trop cher. C'est petit, mais la chambre arrivera à contenir nos sept lits, c'est tout ce qui compte vraiment.
Nous attendons la nuit pour aller déposer nos affaires là-bas et Suny part stationner notre van dans un garde-meuble à l'abri des regards.
Je prends mes marques dans notre nouveau chez nous. La pièce à vivre est plutôt grande, meublée sommairement, mais elle suffit. Il nous faudra encore quelques jours pour avoir nos lits, pour le moment le lit double est occupé par Run, Hemza, Vael et Jam qui dorment à poings fermés dans un enchevêtrement de membres.
Avec Myron on en profite pour faire du ménage, ranger et préparer à manger. Un petit déjeuné en pleine journée pour les dormeurs avec ce que nous avons sous la main, soit pas grand-chose. Mais nous finissons par être interrompu par Suny :
— Les mecs, je viens de me faire interpeller par un type de la meute...
Ni Myron ni moi ne répondons, sûrement parce que nous ne nous sentons pas légitime à le faire, quoi qu'il en soit le silence montre que les autres ne se sont mêmes pas réveiller, preuve de leur grande fatigue.
— Merde, y'a quelqu'un ? panique Suny.
— Ouais, Myron et moi, on t'entend.
— Fais chier, rouspète Suny, tant pis.
On n'a pas le temps de réagir qu'il se passe quelque chose que je n'avais jamais vécu. Je me mets à être aspiré par la conscience de Suny, le phénomène a été tellement soudain que je n'ai pas eu le temps de me débattre. Puis le moment angoissant passé, je vois ce qu'il voit. J'ai le sentiment qu'en forçant un peu je pourrais bouger son corps, Myron est là aussi, le poids chaleureux de sa conscience très proche de la mienne. Je me reprends et arrête de m'extasier sur cet échange nouveau et je détaille le bêta devant moi, car si Suny nous le montre avec tous ces détails, ce n'est pas pour rien.
Un grand blond, les cheveux hirsutes, une barbe de plusieurs semaines. Il est en chemise de bûcheron prête à craquer à chaque mouvement de ses muscles impressionnants. Et son aura... écrasante.
— Je t'ai posé une question, petit !
— Je viens d'arriver à New York, je prends mes marques, réponds Suny avec assurance.
— On n'aime pas trop les nouvelles têtes.
— Je suis désolé, je pensais que New York était un territoire tolérant.
Par notre lien, je sens que Suny bout, Myron tente de le calmer et j'ai le sentiment que ce n'est pas totalement en vain.
— Il l'est, mais on aime que les nouveaux se présentent.
— Comment ça ?
Suny est anxieux, comme nous, car nous ne comptons pas vraiment crier sur tous les toits que nous sommes sept. Mais mentir semble une très mauvaise idée.
— Combien vous êtes, où vous comptez vivre, ce que vous comptez faire dans la ville ?
— Qui te dit que je suis pas seul ?
— Tu sens d'autres loups, je suis assez bon pour repérer les odeurs sur les autres, et je ne pense pas que ce soit parce que tu viens de te battre... De toute façon ce serait étonnant, ricane le bêta, car ça t'aurait positionné face à au moins quatre autres personnes. Alors à moins que tu sois venu ici pour prendre la place de mon alpha en étalant ta puissance et en prenant le dessus sur tous les solitaires, je n'y crois pas.
— Je suis venu avec...
Pour la première fois, je vois Suny hésiter.
— Avec ? s'impatiente le bêta.
— Ma famille.
Le loup penche la tête sur le côté. Il se met à tourner autour de Suny, mais je commence à mal y voir et d'un coup je réintègre mon corps, qui est au sol et qui me fait comprendre que l'atterrissage n'a pas été sans peine.
— Désolé, les gars, je n'arrivais plus à tenir vos consciences.
— Y'a pas de mal, on sait au moins à quoi il ressemble et on a son odeur, le rassure Myron. Il te demande des détails sur la famille ?
— Oui, il me harcèle de questions, je lui ai dit que j'étais là avec mes frères... Ça l'intrigue, mais il ne semble pas agressif.
— Qu'est-ce qui se passe ? intervient Run dont la conscience vient de s'éveiller.
Myron lui explique, puis Run valide la stratégie de Suny et reste à l'affût.
Suny met du temps à se débarrasser du bêta curieux et à rentrer. Quand il débarque, il est assez agité.
— Il était puissant le bâtard, il a pas arrêté de me chercher avec son aura dominante, vraiment merci Myron.
Je comprends que je n'avais pas rêvé, Suny s'est servi de Myron pour encaisser les humeurs de son loup.
— Le bon côté de tout ça, c'est qu'on va pouvoir justifier en quelque sorte notre envie de normalité, intervient Run qui est resté debout et qui nous a rejoint dans la pièce à vivre.
— On n'a toujours pas de papiers... Ils vont finir par nous prendre pour une meute, et ça, c'est pas bon. Des solitaires colocataires qui partagent leur tanière, ça passe. Si on agit de façon trop organisée, ça va pas le faire, réplique Suny.
— On n'a pas le choix et tu le sais, Myron, Lyas et Vael sont jeunes, et Jam reste un soumis. Mais étant donné que c'est le plus vieux, il deviendra le décisionnaire et le visage de notre famille, si on peut dire. On se paiera des faux papiers, Jam deviendra le tuteur légal des trois plus jeunes. Il faudra juste se tenir à la structure qu'on voudra donner à notre famille et agir de cette façon, répond Run décontracté. C'était une idée qu'on avait déjà abordée et qu'on avait déjà mis en place ailleurs.
— Ça va être dur pour Jam, toi et moi. C'est pas dans notre nature. Et s'ils trouvent louchent que quatre dominants obéissent à un soumis ? On fait comment ?
— Dans les fratries, certains soumis arrivent à garder le dessus sur leurs petits frères, je l'ai vécu, même si j'étais jeune et je l'ai déjà vu sur des plus vieux.
— On se ressemble pas du tout ! T'as les cheveux blancs, mec ! s'exclame Suny.
— T'as d'autres arguments cons ! soupire Run en levant les yeux au ciel.
— J'ai pris le mauvais exemple, mais même mon blond n'a rien à voir avec celui de Vael, je suis le seul à être frisé, Hemza est roux et les autres ont une déclinaison de brun, et les yeux... Mecs les yeux ! Du vert, du marron et du bleu. Nos traits de visages n'ont rien à voir, personne ne va croire qu'on est vraiment frères.
— On a la même odeur, j'interviens, sans l'assurance que j'aurais voulue.
— Il a raison, Suny, pour les humains, certes ils se poseront des questions, mais les loups curieux sentiront notre odeur unique « familiale », mime-t-il avec ses doigts. Ça leur suffira, c'est pas supposé être possible. Bref, c'est réglé, va nous falloir charbonner pour trouver la tune et un mec pour les papiers, je retourne dormir un peu.
Suny se calme et finit par reprendre son attitude impassible habituelle, appuyé contre un mur les yeux rivés sur le sol en pleine réflexion. Moi, j'en profite pour questionner Myron sur la façon dont Suny a pu nous faire partager ses sens. J'apprends que c'est lui qui y arrive le mieux, que les soumis du groupe y arrivent que quelques secondes et que plus nous sommes à être éveillés plus c'est compliqué. En gros, ce n'est pas le plus pratique, montrer quelques images est plus simple si les autres se concentrent sur ce que la personne fait, appeler les autres à soi demande beaucoup de concentration et c'est encore plus dur de s'imposer dans la conscience de quelqu'un d'autre, il n'y a que Suny qui en soit capable.
La nuit avance, je devrais aller dormir, mais je n'en ai pas envie, Myron est allongé sur le canapé, les quatre autres dorment toujours aussi. Il n'y a que Suny et moi qui sommes éveillés. Je le fixe, mais je pense qu'il ne s'en aperçoit pas. Après de très longues minutes, il lève ses yeux. Il hausse un sourcil et déclare :
— On sort.
Je ne bouge pas, ne comprenant pas.
— Lyas, viens.
Je le suis docilement et quitte l'appartement.
La nuit automnale est fraîche, aucun de nous n'a de veste, Suny ne semble pas s'en formaliser et, moi, j'essaie de ne pas montrer que le froid m'affecte.
Suny avance d'un pas sûr. Des gens nous observent de loin, l'endroit n'est pas des plus fréquentables. Des solitaires nous épient, mais aucun ne vient nous voir. Peut-être à cause des humains, ou alors parce que Suny les effraie. Suny est vraiment fort pour repérer les gens, c'est parce que je suis concentré sur lui et que je perçois ce qu'il fait que je prends conscience d'autant de choses.
Je n'ose pas parler par télépathie de peur de réveiller les autres. Alors j'observe et j'essaie d'apprendre.
Nous marchons longtemps, Suny semble chercher quelque chose. Il renifle beaucoup d'odeurs. Puis sur un terrain de basket assez éprouvé par les années, il finit par accoster un groupe d'humains.
Les mecs se lèvent, j'ai le sentiment d'être dans un film où les deux pauvres étrangers finissent en charpie pour être allés où il ne faut pas, sauf que là nous sommes directement allés nous livrer aux brutes. Suny n'a pas hésité, à croire qu'il cherche les ennuis sciemment.
Les humains nous provoquent, sans surprise. Suny ne répond pas, il attend que l'un d'eux s'avance et tente de le bousculer. Il l'évite. Pose ses mains derrière sa tête faisant presque mine de s'étirer.
— Je pensais être au bon endroit, déclare-t-il comme si de rien était. J'avais entendu parler d'un mec sûr, pour avoir des papiers, mais j'aurais dû écouter mon instinct et allé à Manhattan. On tente pas de frapper ses clients potentiels, si ?
— Toi, tu joues au plus malin. On va vous faire chier vos dents.
Suny jubile, je le sens et son attitude m'arrache un sourire carnassier. Moi aussi je prends plaisir à dominer. Je le comprends pour la première fois à cet instant.
— C'est donc que c'était un mauvais renseignement, déclare Suny en tournant le dos aux types.
Je le suis, nous avançons et étrangement, ils ne nous agressent pas, au contraire.
— C'est quel genre que tu veux ? nous hèle le mec.
— Tout ce que tu sauras avoir parfaitement.
Suny ne bouge pas, il ne s'est même pas retourné, il n'a que légèrement incliné la tête.
— Attends, reviens, on peut s'arranger.
Suny n'obéit pas, il détaille le mec qui finit par nous rejoindre et se place devant nous. Le potentiel receleur commence à parler du prix pour un faux permis, voire de fausses cartes de bibliothèques. Suny ne semble pas convaincu. Il lui liste les papiers qu'il voudrait. Les yeux du type brillent de satisfaction, sûrement à l'idée de l'argent qu'il pourra se faire. Il finit d'ailleurs par donner ses prix. Mais Suny négocie, il finit par obtenir d'avoir un exemplaire de chaque document avant d'avoir les sept et, aussi, de ne pas payer ceux qui ne sembleraient pas authentiques. Ils prévoient de se revoir demain, puis le mec lui tend sa main ouverte. Suny la saisit, le faussaire serre, ses muscles sont tendus, ses phalanges blanchissent, puis il retient une grimace de douleur.
— À demain, finit par déclarer Suny en reprenant la route.
Je reste admiratif, car je ne suis pas certain que j'aurais eu autant d'aplomb.
— J'espère que tu as bien noté les odeurs, ils sentaient l'encre, une odeur un peu métallique, entre autres. La plupart des faussaires ont ces résidus olfactifs qui les collent, murmure Suny.
— Je vois, merci.
Nous ne reprenons pas le chemin de l'appartement, je commence à me perdre avec les tours et les détours que nous faisons au milieu des immeubles et des habitations. Suny m'envoie une image, l'angle d'une rue à notre droite. Je ne regarde pas par précaution et j'essaie de comprendre ce qu'il y avait à voir, mais je n'y parviens pas. C'est le vent qui me donne la réponse : un membre de la meute. J'essaie d'être attentif sans paraître effrayé pour savoir s'il est seul, ce que Suny doit faire aussi. Sans certitude, il se dirige droit vers l'emplacement du mec.
Discrètement, l'homme essaie de se replier, mais maintenant que nous savons qu'il est là chacun de ses mouvements nous parvient clairement. Suny met un coup d'accélération et déboule à l'entrée de la ruelle.
— Tu cherches quelque chose ? déclare-t-il au type qu'il a surpris.
Je finis par le rejoindre et regarde attentivement celui qui nous espionnait. Il est grand, pratiquement aussi épais que le bêta déjà rencontré par Suny.
— Je me promène, réplique l'homme avec sang-froid en s'avançant vers nous.
Suny ne réplique pas, il laisse l'homme s'approcher, sa carrure est imposante, mais ce n'est rien à côté de son aura qui nous percute et nous écrase. J'aurais pu résister et le fixer, tout comme Suny, mais ce moment fait partie de ceux où il faut accepter de paraître faibles, donc nous baissons la tête.
Je reste tendu. Il pourrait nous frapper par surprise.
— Au moindre faux pas les nouveaux, je me ferais un plaisir de vous apprendre les règles ici. Si vous imaginez que vous réussirez à vous noyer dans la masse, vous vous trompez ! Il y a des zones qui vous sont interdites.
— On est là pour respecter les règles et faire de notre mieux pour ne gêner personne.
— Vous cachez des choses, j'espère que vous n'êtes pas assez cons pour imaginer qu'on ne se doute de rien. Si vous étiez vraiment une fratrie sans histoire vous rejoindriez une meute. Quelque chose vous en empêche et même le dernier des idiots peut comprendre ce que c'est.
— Chacun ses raisons d'agir comme il le souhaite. Toi tu nous pisses pratiquement dessus pour nous provoquer, alors qu'on ne fait qu'apprendre à se repérer.
— T'as vraiment une grande gueule.
Suny recule et baisse la tête, je l'imite. Je ne comprends pas quel jeu il joue.
Le membre de la meute approche davantage, Suny ne recule plus, je continue de l'imiter. C'est vers moi que se dirige le loup, je crispe les mâchoires, réfrénant mon envie de le défier du regard. Ces doigts enserrent mon menton, il me relève la tête et me détaille. Je ne grogne pas, Suny se retient aussi, notre lien s'émule, le gris qui caractérise Suny chauffe dans nos zones de contact, il est prêt à sauter sur l'inconnu et à me défendre, ce qui me rassure un peu.
— T'es jeune, toi, fini par déclarer celui qui me scrute, il fait une pause avant d'ajouter, tu vas encore en cours ?
— J'aimerais pouvoir les reprendre oui, murmuré-je en étant sincère.
— Pour éviter tout problème les solitaires scolarisés vont dans les établissements que nous choisissons. On vous transmettra les papiers et les informations rapidement.
Il m'a enfin libéré, il nous tourne le dos, sans avoir l'air de craindre pour sa sécurité. Tout comme moi Suny ne lui demande pas comment il sait où nous habitons, conscients de la menace sous-jacente de ses propos. Ils savent où nous vivons et bientôt, ils vont pouvoir me scruter d'encore plus prêt. Nous aurons intérêt à être au point. C'est des interrogations plein la tête que je suis Suny jusqu'à chez nous.
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