5.

Deux jours sont passés, nous bouillons tous d'être enfermés et de ne pas avoir pu revoir les autres. Nous tuons le temps comme nous pouvons dans la pièce à vivre de notre appartement.

Heureusement, le salon dégagé des meubles reste un espace suffisant pour se défouler. Nous nous entraînons, confrontant nos techniques humaines. Run me ménage, même si depuis ce matin, je me sens en pleine forme. J'ai même repris mon poids d'avant d'être banni, car malgré ma croissance, je n'avais fait que maigrir, je le sais grâce à un de mes boxers qui me va à nouveau à la perfection.

— Tu as bien été entraîné où tu as vécu, s'étonne-t-il.

— Oui, la pression de la présence de la meute de Los Angeles demandait une vigilance constante, les rapports étaient assez mauvais. C'était impossible d'avoir de laissez-passer par exemple et il y a toujours eu des escarmouches aux frontières. Aucun des adultes n'échappait aux patrouilles, même notre alpha en faisait.

— Je doute quand même que tout le monde ait ton niveau, sinon vous seriez la première meute du pays, si ce n'est en concurrence directe avec celle de New York.

— J'ai toujours été assidu, réponds-je en rougissant.

— Tu battais beaucoup de monde ? Même parmi les adultes ?

— Non, je n'ai jamais osé, mais j'aurais pu...

J'avais toujours cru que les autres se retenaient aussi de battre les professeurs, parce que c'était ce qu'on attendait de nous. Ma naïveté me dégoûte. Si j'avais été plus réactif, j'aurais pu mieux préparer ma sortie de la meute, j'ai été stupide et sans mes six nouveaux compagnons, j'aurais fini par mourir.

— Qu'est-ce qui te met en colère ? s'enquiert Run en continuant de m'attaquer lentement pour me permettre d'assimiler les mouvements.

— Ma bêtise.

Myron me frôle de son épaule, sa façon à lui de tenter de m'apaiser.

— Si tes parents n'étaient pas dominants, c'est normal que tu aies appris à penser et à rester en dessous des autres. Pour la confiance des dominants, c'est important, ça leur donne de l'assurance, c'est bon pour la protection d'une meute.

— Je le sais, mais j'aurais pu mieux organiser ma vie en solitaire, sans vous j'étais perdu.

— Pas forcément, tu aurais pu trouver un autre loup avec qui t'associer. Les solitaires ne le restent pas souvent, ce n'est pas possible d'être vigilant chaque minute du jour et de la nuit. Et tu es vraiment un allié de taille, même si tu n'en as pas conscience.

Je me contente de hausser les épaules. Jam vient à son tour me réconforter en me touchant. Des gestes qui dans ma meute étaient devenus rares, sûrement à cause de notre grand nombre, sauf auprès des dirigeants, qui, eux, recevaient souvent des marques d'attentions.

Ou alors c'est parce que pour Jam et Myron je prends cette place qu'ils se sentent obligés de me soutenir. Je ne sais pas, je me sens confus.

Run propose de se transformer pour éprouver ma capacité sous forme humaine à repousser un loup. Il se dévêt rapidement et amorce la transformation, elle est rapide. Il a dû beaucoup éprouver sa pratique pour la maîtriser aussi bien, je n'ai même pas eu le temps de réellement discerner le remodelage de son corps qu'il était déjà à quatre pattes. Je n'ai même pas eu la capacité de voir le flou caractéristique.

— Heu, Run, tu l'as fait exprès qu'on ressente ton aura quand tu t'es transformé ? demande Myron.

Je réalise que je l'ai senti aussi, c'était rapide, mais présent.

Le loup blanc grogne, apparemment ce n'était pas volontaire.

Jam grimace et je perçois de la colère émaner de Run.

— Il dit quoi ? demandé-je, toujours aussi frustré d'être coupé des échanges mentaux.

— Qu'il n'a pas contrôlé son aura. Et Suny s'est moqué de lui en disant, je cite : « Tu peux pas t'empêcher de pisser sur les gens quand tu te transformes, de l'incontinence si jeune, triste. ».

J'en rigolerais si ce n'était pas problématique, manquer de contrôle, ne fait jamais plaisir à personne.

Run retrouve forme humaine et nous observe, pour vérifier que dans ce sens de la transformation nous ne sentons rien. Ce qui est le cas, ce constat le rassure un peu, mais il décide de retourner sous forme lupine pour voir. Et malheureusement, de nouveau, son aura nous frôle. Le loup grogne.

— Arrête de t'en faire, murmure Myron en s'accroupissant à côté de lui et en caressant le pelage de son cou. Aucun loup, surtout fort, ne peut cacher entièrement ce qu'il est. Suny aussi si on est proche, on le ressent un peu qu'il est très dominant. Tu t'en fais pour rien, ce n'est pas flagrant.

Run se calme, je pense qu'il le fait surtout pour ne pas contaminer les autres en exsudant des émotions négatives. Il m'attaque. Son loup est fort et rapide. Quand il saisit l'un de mes membres, il ne force pas, mais je sais qu'il pourrait m'arracher un morceau de chair sans avoir de mal. Je me baisse, j'esquive, je suis obligé de rester mobile, de me tourner et de me retourner pour toujours lui faire face. Puis je parviens à le saisir au vol par-derrière, mais impossible de le garder immobilisé, pourtant j'y ai mis tout ce que j'avais.

Run atterrit prestement et redevient humain.

— T'es bon, tu manques encore un peu de force, mais c'est l'âge qui veut ça.

Je souris, ses compliments me font du bien.

Ensuite, il se retrouve face à Myron. Et moi, je m'entraîne avec Jam. Nous simulons à vitesse normale, les chocs ne sont pas trop violents, car nous ne cherchons pas à blesser l'autre. Ces exercices me font un bien fou, même si je sais que, malgré tout, j'aurais quelques bleus.

Nous sommes en train de manger après une longue pratique, quand Run se redresse prestement :

— Ça suffit, j'y vais.

Je regarde Jam et Myron, essayant de comprendre.

— Les autres sont sortis se rapprovisionner en nourriture, mais ils ont été suivis par plusieurs loups, ils n'osent pas sortir du lieu public où ils sont. Ils ont tenté de les semer, mais ils finissent toujours par remonter leur piste, m'explique Jam. Ils ne veulent pas les amener à la cachette, parce qu'ils ont peur que cette fois les loups ne se contentent pas que de les observer de loin. Surtout qu'il y a plusieurs groupes, de ceux qu'ils disent.

Je secoue la tête, dépité, à moins de traverser un lieu avec de très fortes odeurs, surtout chimique, ou sous forte pluie, ils ne pourront pas semer quelqu'un qui les suit d'aussi prêt.

— Si tu y vas, tu comptes faire quoi ? demande Myron.

— Les aider à revenir ici, tant pis si on se retrouve à devoir avoir une explication avec d'autres loups. On déménagera quand on aura le champ libre. On ne peut pas continuer à se cacher alors qu'on suscite visiblement autant d'intérêt. À force la meute de Chicago va s'en mêler !

— C'est prudent que tu y ailles seul ? demande Jam, inquiet.

— Oui, affirme Run.

Je sais ce qu'il pense, que si nous étions avec lui, il paraîtrait plus faible que seul. C'est terriblement frustrant d'être un boulet.

— On n'aura jamais la paix, soupire Myron.

Run pose sa main sur l'épaule de Myron pour le réconforter en passant près de lui et sort de l'appartement sans un mot de plus.

— Les autres sont loin ? demandé-je.

— Oui, assez. On n'a même pas fini de se faire un plan de la ville et de coder le nom des lieux par sécurité.

— Je ne comprends pas.

— On évite d'utiliser le nom des rues, on sépare la ville en plusieurs zones qu'on numérote, avec des nombres, ou des lettres d'ailleurs et on donne des noms à nos planques. Comme ça même si quelqu'un surprend une de nos conversations, il ne peut pas savoir de quoi on parle, m'explique Jam.

— Quel intérêt ? Il y a la télépathie.

— Le premier intérêt, c'est que, malgré tout, on parle parfois à voix haute, puis il peut arriver que suite à de fortes tensions entre nous le lien télépathique faiblisse. Une seule fausse note et aucun de nous ne peut plus communiquer avec personne. Ce n'est pas comme dans une meute où c'est l'alpha qui fait presque office de relais et que tant qu'il est là, la meute reste une unité. Si un membre meurt, est viré de la meute, ou la quitte de son plein gré, ça peut perturber l'humeur de la meute, mais ça n'influera jamais sur le lien entre tous les membres qui restent. Le lien qu'on a réussi à créer est très fragile, il naît de la confiance brute entre nous, avant de rencontrer Run et Hemza, je ne savais pas que c'était possible. Je pensais que leur lien télépathique était une réminiscence de leur ancien lien de meute et qu'ils étaient liés par le lien alpha-bêta. On a fait beaucoup de tentatives pour que j'intègre la famille qu'ils formaient, car eux-mêmes ne savaient pas trop pourquoi le lien existait. Ils avaient huit ans. Au départ, ils ne s'étaient pas posés de questions, ils avaient plus urgent à traiter.

— J'imagine, soufflé-je, toujours aussi impressionné d'apprendre que Run et Hemza survivent seuls depuis autant d'années.

Je mange un peu, laissant mon esprit tourner avant de réaliser la confiance qu'ils mettent en moi en me proposant d'intégrer leur lien.

— Merci pour votre confiance, déclaré-je, tout à coup très ému.

Myron pose sa main sur la mienne par-dessus la table, alors que Jam décale sa chaise pour se coller à moi et j'ai l'impression que le poids du monde tombe sur mes épaules, car je réalise les responsabilités qui vont m'échoir. Si je foire, si je me braque, si un jour quelque chose ne va pas, je peux briser ce qu'ils ont mis des années à construire.

— Pourquoi ?

— Pourquoi quoi ? demande Myron me fixant de ses yeux marrons dont perce une douceur qui me réchauffe.

— Pourquoi vous me faites confiance ? On se connaît depuis guère plus de quelques semaines.

— On en a beaucoup parlé entre nous. Soit on te chasse, soit on t'accepte complètement et on accepte de te faire confiance, être avec nous sans faire entièrement partie du groupe, c'est dangereux pour tout le monde. Tu nous as prouvé qu'on pouvait avoir foi en toi, que tu te donnerais toujours à fond, qu'est-ce qu'on pourrait demander de plus ?

Je ne sais pas quoi répondre à sa remarque.

— Puis, ce que Myron ne dit pas, c'est qu'on tient déjà à toi et qu'on sait que la réciproque est vraie, tu t'es intégré presque naturellement parmi nous. C'est comme si on avait besoin de toi, la dynamique du groupe est meilleure depuis que tu es là, même les tensions entre Run et Suny se sont apaisées.

— Pourtant, dans quelques années, je serais pleinement en concurrence avec eux.

— Et alors ? Je suis certain que tu arriveras à te tempérer, au contraire, ça contrebalance le lien naturel entre Run et Hemza, qui, qu'ils le veuillent ou non, forment un duo dominant qui met beaucoup de pression à Suny. Il ne peut pas s'empêcher de se sentir écrasé par eux, m'explique Jam.

— C'est vraiment pas facile quand on a un loup avec des caractéristiques marquées, acquiesce Myron.

Je ne peux qu'être d'accord, je ne l'avais jamais réalisé avant. Dans la meute de San Francisco il y avait l'alpha, le seul l'unique. D'autres dominants très forts, mais pas au point de faire peser un danger sur le chef. Les meilleurs se retrouvaient tous à peu près au même niveau, comme bêta. Et des soumis plus ou moins faibles, certains avec les natures les plus douces n'étaient craints par personne comme mes parents, qui étaient des omégas. Myron est comme eux, même quand nous jouons, il prend sur lui quand il attaque, ce n'est pas dans sa nature. Jam a du mal, mais moins.

Les loups forts, vraiment agressifs, avec une aura puissante sont supposément assez rares. Heureusement, car dans les liens de meutes, qu'ils le veuillent ou non, ils se positionnent au-dessus des autres. C'est pour cette raison que j'ai été chassé et c'est pour ça que Suny a quitté sa meute, âgé de treize ans à peine. Lui, il a senti ce que moi je faisais semblant de ne pas voir. Et Run n'a jamais eu l'occasion de se poser la question.

Je ne sais pas comment ils font pour réussir à tous cohabiter dans un lien mental. Ça me rend curieux, j'imagine que la présence de soumis n'est pas étrangère à cette capacité. Les grosses meutes en gardent le minimum pour ne pas paraître trop faibles, les petites de même. Je trouve la situation aberrante, car même dans notre modeste dynamique à sept, je sens l'importance de Jam et Myron. Ils apaisent et cimentent le groupe. Hemza est particulier, il serait un bêta d'exception, il est très imposant tout en étant doux. Son aura est autoritaire sans être agressive, j'aurais mille fois préféré être comme lui ou comme Vael qui a une tendance dominante sans pour autant entrer en conflit avec les autres, son loup accepte de ne pas être le plus fort. Ce qui est de moins en moins le cas du mien.

J'ai peur soudain, peur de ne pas résister à ma nature et de finir par tenter de m'imposer au sein du groupe, après tout, c'est ce que je suis, je n'y peux rien.

— Ne sois pas inquiet, me sourit Myron, Run et Suny t'aideront à composer avec les désirs de ta part de loup. Tu es fort, tu y arriveras.

Je hoche la tête espérant être convaincant alors que le doute persiste. Je regarde l'heure de la pendule, étonné de voir que mon cerveau a tourné un moment et que les autres sont restés sagement assis pendant que je réfléchissais. Run est parti il y a une demi-heure.

— Où en est Run ?

— Il court comme un fou, il est pratiquement arrivé, certains l'ont remarqué et le suivent, m'explique Jam.

— Solitaires ou meute ?

— Meute. Il y en a qui surveille Suny, Hemza et Vael aussi maintenant. Les solitaires se sont éloignés, mais ils sont pas loin. Leur attroupement a dû attirer l'attention de la meute de Chicago.

Ce que nous voulions éviter, la situation se complique. Mais j'ai foi en mes camarades !

— À votre avis, ils veulent quoi ? demandé-je.

— Comprendre, réplique Myron avec une moue que je ne déchiffre pas.

— Comprendre quoi ?

— Ce que fait un groupe aussi gros chez eux. Ils ne sentent peut-être pas la nature exacte de leur loup, mais ils ont compris que c'étaient des dominants. Ils imaginent même peut-être que c'est une meute qui masque son odeur. Les plus petites y arrivent, confirment-ils à mon regard interrogateur.

— Je découvre tellement de choses avec vous ! m'exclamé-je.

— C'est des techniques que des grandes meutes comme ton ancienne n'ont pas vraiment besoin de savoir, peu de choses peuvent les ébranler, relate Jam.

— Vous ne m'avez pas appris que ça, vous m'avez appris que des humains pouvaient venir à nous traquer, je n'avais jamais entendu ça !

— Ils sont peu et n'imaginent même pas à quel point ils sont cernés. Myron et Suny ont manqué de chance ! Que des mecs enquêtent sur un bébé bouffé dans sa chambre et que le hasard fasse que les chiens sauvages responsables vivent dans le même bois qu'eux. C'est ce qu'on appelle un manque de bol. C'est vraiment rare que ce genre de mecs arrive à nous mettre la main dessus.

— Ça me paraît quand même inquiétant. Je n'imaginais pas croiser autant de problèmes dans la rue, ni autant de loups haineux.

— C'est le manque de territoire qui veut ça.

— Pourquoi je n'ai croisé que peu de louves solitaires ? Je n'en ai pas vu, j'ai juste senti leur odeur !

— Elles sont vraiment peu à se retrouver dans ce cas. Et elles restent seules. Et à part de très dominantes qui sont obligées de chercher à avoir leur propre meute, il leur suffit de vouloir en rejoindre une avec des alphas forts. Même si certaines choisissent leur indépendance. Soit content de ne pas en avoir vu pour de vrais, tu finiras par en croiser et tu vas détester, sourit Jam, elles frappent et discutent après.

— C'est instructif, j...

Je m'interromps, attirant les regards interrogateurs de Myron et Jam. Je leur montre mon oreille pour les inciter à écouter. Elle était tournée vers la porte, mais ils ne tardent pas à comprendre.

Il y a une sorte de rumeur qui court dans la cage d'escalier. Nous sommes au dernier étage d'un petit immeuble, j'arrive enfin à saisir le rythme peu naturel qui se rapproche. Des gens qui se déplacent avec synchronicité et en rythme. Je mettrais ma main au feu que c'est pour nous.

Je fais un signe aux deux autres pour qu'ils aillent dans la chambre. J'aimerais leur expliquer qu'ils doivent se cacher et fuir si ça part mal, mais je ne peux pas les étrangers entendraient. En plus ils refusent de bouger. Je joins mes deux mains pour les prier d'obéir, toujours une réponse négative. Je retiens un grognement, je leur fais au moins signe de se cacher. Ils hésitent, mais finissent par accepter et se mettent de l'autre côté du canapé, accroupis au sol.

Je me dirige vers la porte. J'écoute attentivement et je respire profondément. Une odeur de meute. Mince. J'attends le bon moment et j'ouvre, affichant mon plus beau sourire.

L'homme devant l'encadrement est surpris, il était légèrement baissé comme s'il allait écouter contre le bois.

— Je peux vous aider ? lâché-je innocemment.

Ils sont cinq, celui qui me fait face est un bêta. Je le sais parce que comme dirait Suny, il me pisse dessus avec son aura.

Il ne répond pas et inspire profondément, pour analyser les odeurs.

— C'est mal poli, constaté-je essayant d'infantiliser le plus possible ma réaction.

— Où sont les autres ?

— Quels autres ? répliqué-je feignant l'ignorance.

Le bêta tente de me pousser pour passer. Je résiste.

— Je ne vous laisserai pas entrer. Qu'est-ce que vous voulez ?

— Faire comprendre à vos quatre copains qu'on est chez nous, qu'on a tous les droits et qu'on n'aime pas trop une aussi grosse force sur notre territoire.

Je grimace m'appuyant sur le chambranle de la porte pour lui boucher le passage, car je sens la violence qui émane de lui. Elle me heurte, provocant mon côté loup. Mais je résiste, cinq contre trois, on ne tiendra pas.

— Tu peux essayer de gagner le temps que tu veux, gamin, tant qu'on ne l'aura pas décidé les autres vous rejoindront pas. Je me félicite d'avoir été volontaire pour remonter la piste de celui qui arrivait comme un chevalier blanc à leur secours. Au départ, on voulait juste saccager leur refuge. Mais ça promet d'être encore plus amusant.

La lumière perverse que je vois briller dans ses yeux me glace le sang.

Je me rassure, me disant que si Myron et Jam n'ont pas bronché c'est parce que gagner du temps est la chose à faire, ils doivent en discuter avec les autres.

Le bêta tend prestement sont bras pour me saisir à la gorge, je l'évite, grondant un avertissement.

— Le louveteau joue au grand, ricane mon interlocuteur. On va peut-être t'apprendre des jeux d'adultes, gamin, tu grogneras peut-être plus virilement après ça... ou pas.

Les quatre autres rigolent, moi je comprends le sens de ses paroles. Ils parlent de viols, ce constat me coupe le souffle quelques instants. Mentalement, je ne sais pas si moi ou ma partie loup supporterions ça. Il y a des dégénérés partout qui ont toujours besoin de soumettre les autres. La nausée me prend.

— Tu as peur ? Tu veux un câlin ? me nargue le type.

Je me reprends, plaque un sourire provocateur et profite de notre promiscuité pour relever la jambe et envoyer mon genou dans les parties du mec. À ma plus grande surprise, je fais mouche. J'effectue un grand bond en arrière juste après, heurtant une chaise pour éviter le retour de bâton. Le bêta se précipite sur moi. Je me penche sur le côté pour me soustraire à la trajectoire, je saisis la chaise et la lance derrière lui pour qu'elle ralentisse l'entrée des autres. Le projectile tout juste lancé, je suis violemment plaqué contre la cuisinière. Je grogne. Le mec me tourne le visage vers la porte en murmurant près de mon oreille :

— T'as vu, ils ont fermé pour plus d'intimité, c'est pas prévenant de leur part ?

Je rue et parviens à envoyer ma tête dans le nez du bêta qui relâche sa prise. Je me jette sur le côté atterrissant lourdement au sol. Je roule sur le flanc espérant avoir le temps de me redresser, mais un autre mec me stoppe d'un coup de pied dans le ventre.

Myron et Jam ont bondi sur les intrus, mais l'effet de surprise ne suffit pas.

— Y'a vraiment que les faibles ici, grommelle l'un des étrangers qui étrangle en partie Myron au mur, il ne touche même plus le sol.

Mon cœur se fend, je me sens responsable de Myron et Jam, que ce soit mal ou non, que je ne sois pas l'alpha, que je sois plus jeune, ne change rien au fait que je sais être le plus fort de nous trois et que je ne parviens à rien.

Je grogne, entamant une transformation partielle de mes mains et plantes mes griffes dans la jambe de celui qui m'a stoppé avec son coup de pied. Il allait appuyer sa chaussure contre mon cou. J'ai visé le mollet et l'aine, espérant toucher une artère. Quand ma victime se dégage, du sang gicle au niveau de sa cuisse. Il jure, appuyant rapidement ses paumes dessus pour endiguer l'hémorragie. Je sais que la blessure ne le tuera pas et qu'elle arrêtera vite de saigner, mais pendant ce temps, il ne nous posera plus problème. Sauf que de ce fait un autre vient en aide au bêta qui s'occupe de moi. Il m'a adressé de violents coups de pied en voyant mon geste, je roule rapidement et parvient à me relever, mais à peine debout, je suis projeté contre le mur, où mes griffes ensanglantées laissent des traces.

— Il veut jouer le louveteau, s'enthousiasme le bêta.

J'entends des plaintes de Jam et Myron, ils servent de punching-ball, mais Jam parvient malgré tout à se dégager, il envoie son tortionnaire sur celui de Myron qui arrive à s'extraire à son tour. Mes deux amis grognent. Et je me joins à eux, sautant sur le bêta. Avec tous les habits que je porte je ne peux pas me transformer entièrement, alors que la lutte entamée nécessiterait plus que quelques bleus pour les faire renoncer. Je puise dans mes forces pour amorcer un changement partiel de la mâchoire. La douleur me fait gronder, heureusement qu'elle reste rapide.

— Il a plus d'un tour dans son sac le louveteau, on devrait peut-être essayer de te recruter.

Cet idiot n'a pas réalisé ce que j'étais et je ne compte pas le lui dévoiler, j'ai retenu la leçon. J'esquive ses coups, espérant parvenir à le mordre. Lui rendre un membre inutilisable serait le bienvenu. Je sais que Jam et Myron ne recourront pas à des transformations partielles, ils n'y arrivent pas aussi rapidement que moi, étrangement je suis plus rapide dans ces cas-là que quand je dois me transformer entièrement.

Le mec qui saignait à la cuisse, rejoint le bêta et l'autre qui me harcelaient de coups que j'avais beaucoup de mal à dévier, éviter ou encaisser. À trois contre moi, je me fais entièrement submerger et je me retrouve vite acculé contre un mur à subir les frappes.

— Eric, va aider les autres, imbécile, hurle le bêta.

Du coin de l'œil je vois que l'un des leurs est à quatre pattes, il saigne du visage. Même si c'est une petite victoire, nous ne nous en sortirons pas. Leur avoir donné du mal ne sera pas une satisfaction.

J'ai du mal à respirer avec les coups que j'ai pris dans le foie, mais je profite d'être plié en deux pour charger le bêta, la tête en avant. Tous deux surpris – moi de mon succès, lui de mon acte –, j'arrive à le faire reculer jusqu'à la table où il bouscule les reliefs du repas. Il me frappe violemment sur le dos, mais j'ai réussi à lui griffer profondément les flancs. Je tombe à genou.

— Tu es pressé d'y goûter, claironne-t-il.

Exaspéré et énervé je mords avec toute ma force ses parties. Son hurlement est déchirant, son acolyte me frappe sur la tempe, je lâche prise, sonné et m'écroule sur le planché.

— Je vais te tuer, sale chien galeux. Doucement. Tu vas regretter.

Les coups pleuvent, mon corps redevient entièrement humain. Les gémissements des autres me parviennent, mais ma colère et ma fureur ne suffisent plus à me donner la force.

J'ai dû perdre connaissance, car je me réveille nu, le buste sur l'assise d'une chaise, mes bras et ma tête pendent mollement dans le vide et une personne est assise sur mon dos.

Du regard je cherche les autres. Je suis soulagé de les voir affalés contre un mur, ensanglantés, mais entiers et habillés.

Mon soulagement ne dure pas.

— T'es réveillé, souffre-douleur, je suis ravi.

Je sens dans le ton de sa voix qu'il est crispé, sûrement de douleur. Puis ses griffes mordent la chair de mes fesses. Le sang dévale mes cuisses, la sensation me donne un frisson. Mais la souffrance reste supportable, même si j'ai sursauté.

— Je vais devoir m'occuper le temps de guérir, tu vas aimer louveteau.

Je prie silencieusement pour que les autres arrivent. Ses griffes frôlent mes bourses, mon orifice. J'essaie de ne pas me crisper, mais l'appréhension est trop forte. Heureusement, ils continuent de parcourir mon corps sans s'arrêter sur son premier intérêt. Alors que je commence à espérer qu'ils ne fassent rien, ses griffes tranchent dans ma chair très profondément. Je grogne de douleur. Je sursaute, faisant bouger le mec sur moi. Quand les griffent s'extraient, je profite de plus être retenu par rien pour me transformer.

Mon loup se ramasse à peine mes pattes touchent le sol, l'autre se rassoit sur moi avant que je n'ai le temps de sauter, expulsant tous l'air de mes poumons.

— Il est combatif, marmonne le mec qui a son derrière sur mon échine.

Je tourne la tête, plongeant mes crocs dans sa cuisse, il se relève et me frappe, me faisant basculer avec la chaise.

Je me redresse vite. Les cinq m'encerclent, je tourne grognant à tous ses visages inamicaux. Je veux les tuer. Tous.

Je bondis sur le bêta, il me réceptionne par la poitrine, ses deux mains sous mes pattes avant, me maintenant loin de lui alors que j'essaie de le mordre et de l'éventrer avec mes pattes arrière.

Une seconde son air est absent, puis il peste. Il fait un signe de tête aux autres, puis me jette puissamment contre un mur. Le choc me coupe le souffle et me fait voir noir quelques secondes.

— On y va, mais, toi et moi, louveteau, je doute que ça en reste là. Quand j'aurai tout relaté à mon alpha, je suis sûr qu'il me renverra.

Ils partent, refermant la porte et je ne comprends pas pourquoi. Mon retour sous forme humaine est laborieux, je suis à moitié évanoui quand il arrive. J'ai le sentiment que mes membres ne se remettent pas correctement. Je finis par arrêté de lutter et laisse la douleur m'emporter.

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