2.
Je suis derrière un centre commercial en train de fouiller les poubelles du soir quand des bruits de pas précipités et nombreux se rapprochent. Je vois un jeune homme blond débouler à l'angle, suivi par une dizaine d'autres prêts à lui faire du mal. C'est facile à deviner avec les émanations violentes de leur aura, ne me laissant aucun doute sur leur nature.
— Cours, me hurle le mec poursuivi.
Docilement j'obéis, car ceux qui le chassent ont l'odeur de la meute d'Orlando. Et que le blond, je l'ai déjà vu la toute première fois où j'ai aperçu le jeune homme aux cheveux blancs. Run. Ce groupe de solitaires a toujours été pacifique avec moi et dans la situation actuelle c'est assez pour suivre un conseil qui me paraît avisé.
— Parfait ! Il nous a mené à un autre solitaire ! s'exclame un de nos poursuivants, ne le laissez pas filé.
Je ne sais pas ce qui leur prend, mais je comprends que je suis en danger.
Nous nous éloignons vite de la civilisation. Nous coupons à travers champs. Nous sautons des ruisseaux. Nous traversons des lieux résidentiels, mais les autres nous collent toujours. Des gens nous regardent passer. Des voitures nous klaxonnent. Mais rien ne nous arrête. Je suis épuisé, mes sens commencent à se brouiller et mon souffle se raccourcit, malgré tout, je continue, conscient que je joue ma vie.
Nous arrivons à des lieux de plantations que nous parcourons à toute allure. Les autres n'ont aucun mal à nous suivre, car la vue est dégagée sur des dizaines de mètres. Le blond commence à me distancer, il bifurque. Je m'accroche. Nous franchissons un énième ruisseau. Nous traversons un petit bois, puis nous arrivons à une maison qui semble abandonnée, où il s'arrête et se retourne en souriant. J'ai envie de continuer ma course, mais je n'en ai plus la force. J'ai surtout envie de m'écrouler au sol pour retrouver de l'air, mais à la place je reste à côté du mec blond frisé qui m'a emmené dans ses emmerdes. Nos neuf poursuivants s'arrêtent, la victoire se lit sur leur visage. Et la seule question qui me vient en premier c'est : est-ce que c'est Suny ou Myron que j'ai accompagné dans ce bourbier ? Pour avoir une idée d'avec qui je vais crever. Ensuite, je me demande surtout si nous allons beaucoup souffrir et si nous arriverons quand même à leur donner du mal. Un peu de fierté mal placé qui camoufle la trouille que j'éprouve.
— Tu fais moins le malin ? énonce un de nos assaillants.
— Il faut éviter de se vanter quand on a besoin de venir à neuf pour s'occuper d'une personne. La dernière fois, vous étiez trois, et vous faisiez pitié.
— La ferme, gronde-t-il. On venait vous chercher, ici, on a simplement eu la chance de tomber sur toi avant.
Les neuf se déploient pour nous coincer. Leur demi-cercle avance vers nous. Nous reculons. Je jette mon sac jusque sur le perron de la maison, prêt à me défendre chèrement, même si la situation est perdue. Les hommes se déshabillent, ils veulent régler le problème sous forme lupine. Mon compagnon d'infortune se dénude aussi rapidement. Un flou remplace sa présence humaine avant que l'animal à quatre pattes ne fasse son apparition. Je me retrouve forcé de l'imiter. Mes os craquent, mon corps subit la mutation et se recouvrent rapidement de poils. La douleur disparaît presque aussi vite, car je suis rodée à la pratique et que le changement ne m'a pris que quelques secondes. Mais je suis inquiet, il est plus difficile de cacher son aura sous cette forme, l'exercice va me demander plus d'efforts, alors que je vais avoir assez à gérer.
Les grognements et les intimidations commencent. Je respire un grand coup pour me familiariser avec l'odeur du blond, son pelage est blanc, gris et noir, il me fait penser à un husky, mais avec moins de parties blanches. C'est assez rare, en général comme moi les loups sont gris. De différents gris, avec quelques tâches, mais gris quand même. C'est ma première transformation depuis que j'ai été banni. C'est la première fois que mentalement je ne peux contacter personne et ce vide me paraît oppressant.
Mon acolyte du moment, loin de ce type de préoccupations se jette sur celui qui l'a provoqué. Il étonne tout le monde, dont moi. Je l'imite rapidement, espérant surprendre l'un d'entre eux. J'arrive à mordre, mais harcelé par deux autres loups je ne garde pas ma prise. Ils sont tellement nombreux qu'ils ne nous attaquent pas tous en même temps. J'essaie de me rapprocher de mon allié pour au moins qu'il protège mon flanc, mais je suis violemment plaqué au sol. J'arrive à éviter de justesse une morsure mortelle au cou.
Nous sommes perdus. En quelques secondes, je ne fais déjà plus le poids.
Je relâche mon aura d'alpha espérant les intimider et surtout pour être sûr de me donner à fond, mais la tentative ne fonctionne pas. Sans lien de meute partagé avec eux, la protection de leur lien mental avec leur alpha et l'intensité du moment, ils n'y prêtent pas attention. C'est même plutôt le contraire, ils deviennent plus enragés envers moi. Mon partenaire dans cette lutte sans issue relâche aussi son aura et je réalise qu'il la contenait pour éviter qu'elle m'influence et m'empêche de me battre, ce que je n'ai pas pensé à prendre en compte. Il aurait pu mourir par ma faute. Une seconde d'inattention, c'est parfois tout ce qu'il faut pour une catastrophe. Heureusement, qu'il a la même nature que moi.
Les grondements, les jappements, les souffles saccadés ne parviennent pas à masquer les bruits de course qui se rapproche du chaos de la bataille. Une seconde, je pense à leur renfort. Je n'arrive pas à les analyser, mais cinq autres loups déboulent et se jettent sur nos adversaires, les mettant en déroute dont certains en piteux états. Aussi simple que ça, c'est tout juste si j'ai eu le temps de comprendre. Le raid a été rapide et très violent.
Je suis sonné. J'ignore si je suis le prochain et je n'ai plus la force de maintenir ma forme de loup. C'est les fesses dans la poussière et haletant que je me retrouve cerné par six jeunes hommes qui me dominent de toute leur taille.
Je fixe le blond, il saigne de beaucoup de plaies, ses cheveux frisés collent à son front plein de sueur, cachant le brun de ses yeux.
— Tu te bats bien, mais tu as été inconscient de leur annoncer comme ça que tu étais potentiellement un loup dangereux et puissant qui plus est. Tu m'as obligé à les détourner de toi le temps que les autres arrivent. Il a fallu que je laisse mon aura leur faire comprendre que j'étais tout aussi une menace que toi.
— Désolé, je ne pouvais pas deviner que d'autres allaient venir, j'ai tenté le tout pour le tout.
— T'es surtout un idiot qui ne réfléchit pas, dit-il en se détournant pour entrer dans la maison inhabitée.
Je prends sur moi de ne pas grogner et rester passif. Je ne sais pas qui sont ces mecs ni leurs intentions, je ne veux pas leur paraître agressif. J'ose néanmoins lever la tête. Leurs corps sont musclés, recouverts de cicatrices de morsures, de griffures et même certaines qui me font penser à des armes plus humaines, comme des couteaux ou à poudre. Je m'attarde sur celui avec les cheveux d'une blancheur spectrale, les côtés du crâne rasé et très long sur le dessus. C'est le fameux : Run que j'ai déjà croisé.
— Je suis Run, l'entends-je dire quand il me voit le fixer, mais il ne semble pas dérangé, il doit avoir l'habitude, il me tend même la main.
— Lyas, réponds-je en saisissant le bras offert qui me relève avec force.
— Myron, viens avec moi on va chercher nos fringues, s'il te plaît, demande Run à un brun. Suis les autres à l'intérieur, Lyas, toi et Suny avez salement morflé.
Avant de s'éclipser, Myron se présente à moi. Il est doux, tant dans sa façon de parler que sans son attitude. Il a de grands yeux marrons et une bouche pulpeuse. C'est un soumis et sa simple présence me fait du bien.
Je reste interdit, je n'ose pas poser de questions ou refuser, s'ils me chassent avant que j'aille mieux, je sais que je suis foutu. J'attrape mes affaires et leur emboîte le pas à l'intérieur de la maison qui me paraissait abandonnée. L'intérieur confirme mon impression, c'est poussiéreux et sale, il règne même une légère odeur de moisissure.
La bâtisse est grande, le rez-de-chaussée semble vraiment inhabité et ce n'est pas très rassurant. Néanmoins, je suis la bande jusqu'à un escalier défoncé, dont il n'y a que les premières et les dernières marches, le reste est vide. Un enchevêtrement de bois gît au sol sous leur emplacement d'origine. Mes nouveaux compagnons sautent pour rejoindre le premier, je les imite avec peine, rouvrant les plaies de mes cuisses. Celui qui, si j'ai bien compris, s'appelle Suny et qui m'a entraîné dans cette histoire est assis sur le rebord d'une baignoire, dans une salle de bain qui me paraît entretenue.
— Ça va ? lui demande un rouquin en s'accroupissant près de lui.
— Vous avez traîné.
— Ta gratitude me chauffe le corps, réplique le blond cendré présent aussi.
Il s'appelle Vael, si ma mémoire est bonne, du moins c'est comme ça que Run l'avait nommé. Il remue son bassin de façon suggestive et inappropriée, je ne peux m'empêcher d'avoir l'air étonné.
— Fais pas attention à Vael, il est tout le temps un peu bizarre, me dit Suny avant de se tourner vers le rouquin. Hemza va te rhabiller, voir ton machin pendre pendant que tu me tripotes ça ne m'inspire pas.
— J'y vais. Tu ne serais pas dans cet état, si on n'était pas tombés sur les six autres qui se rendaient ici. Ils avaient dans l'idée de nous coincer à la bicoque, soupire le dit Hemza en se tenant près de la porte.
Avant d'obéir à Suny les deux se présentent et Hemza s'en va en rigolant, emportant avec lui le curieux Vael.
Seul pour le moment avec Suny, je me risque à le déranger.
— Pourquoi vous avez la meute aux trousses ?
— C'est le jeu de ces glands depuis quelques semaines, chasser et tabasser les solitaires, voire les tuer. Meute de merde, on va être obligés de se tirer d'ici à cause de ces cons. Ils tournent autour de cette baraque depuis plusieurs jours. Mais ces lâches, ils nous attaquent jamais quand on est tous ensemble... Bien qu'avec la branlé qu'ils ont encore pris, ils vont peut-être changer de méthode et vouloir se venger...
— Merci, alors, ça aurait fini par être mon tour.
— Ouep.
J'ouvre la bouche, mais n'entame pas ma phrase de peur des conséquences que je ne suis pas prêt à assumer.
— Accouche ! ordonne Suny.
— Vous êtes plusieurs, vous êtes une meute ?
— Six pelés, six mâles qui plus est, c'est pas vraiment les ingrédients d'une meute pérenne, réplique-t-il, sans vraiment se dérider, alors que sa remarque m'arrache un sourire.
— Tu vas bien t'entendre avec Hemza, lui aussi il sourit tout le temps, lâche-t-il d'une voix atone.
Je le fixe, espérant un rire, quoi que ce soit qui me prouve qu'il est décontracté, mais rien ne vient. Je me demande si je ne suis pas tombé sur un regroupement de solitaires dérangés.
Je le regarde se décrasser dans la baignoire sans vraiment le voir, je suis assis par terre, entre la porte et le lavabo, toujours nu, en proie à une foule de questions.
Hemza refait son apparition quand Suny sort de la douche et m'invite à y aller. Je ne me fais pas prier. L'eau sur la multitude de blessures pique, mais je prends sur moi, surtout devant les deux autres. Hemza recoud les plaies les plus profondes de Suny. Il désinfecte toutes les béances et enveloppe les plus grosses dans des mètres de bandes, avec des gestes qui semblent habituels. Quand je sors de la douche, c'est mon tour et Suny nous laisse seuls.
— Les saignements ne s'arrêtent pas, ton corps est fatigué.
— Je sais. Quand dois-je partir ? demandé-je, car je me sens plus en confiance devant Hemza, il a un sourire engageant.
— Ne pense pas à ça de suite, refais-toi une santé, je ne peux pas parler pour nous tous, mais si tu restes réglo, on ne te chassera pas.
— Je n'ai rien à vous donner en échange, je n'ai pas d'argent, je n'ai rien à apporter.
— Tu as quel âge ?
— Quatorz... non, quinze, réalisé-je en le disant, j'ai pris une année durant mon errance, sans le voir.
— Tu as fui ? Ou on t'a chassé pour ta forte dominance ?
— On m'a chassé... Pourtant je ne voulais pas la tête de la meute. Je...
— Pas la peine d'expliquer, je comprends. Je t'avertis, ici on prend tous sur nous pour éviter les conflits, ça peut être difficile pour les dominants tels que toi. Run est notre leader, il n'est pas l'alpha, nous ne sommes pas une meute, mais pour notre fonctionnement, nous avons besoin qu'une personne tranche et arrête les choix.
— Je comprends.
— Tu es encore jeune, ça reste plus facile, ta part loup sait qu'elle n'est pas prête. Pour Run et Suny, c'est de plus en plus compliqué avec les années qui passent. Ils sont assez susceptibles.
— Je m'en souviendrai.
Hemza me sourit, faisant ressortir ses taches de rousseur et me tend des habits propres avant de quitter la pièce.
Par réflexe, je les sens. Ils sont au seul dont je ne connais pas le nom, le plus grand celui aux cheveux noirs et aux yeux bleus très clair, presque délavés.
Je sors de la salle de bain et une bonne odeur de nourriture me percute, me faisant saliver. Je suis ce fumé appétissant jusqu'à une pièce, qui semble à la base être un grand salon, mais au coin duquel, ils ont installé des réchauds portatifs. C'est justement celui dont j'ignore le nom qui cuisine, je le regarde faire, car j'essaie d'estimer dans combien de temps ce sera prêt.
— Je m'appelle Jam, m'annonce-t-il en rigolant devant mon air affamé.
— Lyas.
— Oui, je sais.
— Viens t'asseoir, m'invite Hemza me sortant de ce moment gênant.
Je les rejoins et m'installe par terre devant le canapé à côté de Vael et de Myron, qui chahutent au sol.
Suny se lève dans l'indifférence générale et s'appuie contre le mur du fond, dans le dos de tout le monde. J'essaie de ne pas me montrer paranoïaque, mais c'est plus fort que moi, je reste concentré sur ce qu'il fait de peur d'être attaqué. Il bouge. J'entends de la vaisselle. Puis je réalise qu'il distribue nos assiettes. Je le regarde du coin de l'œil et je le vois discrètement goûter et rajouter des choses dans le plat qui mijote, sans que Jam ne s'en aperçoive.
Je m'inquiétais pour rien.
— Détends-toi, Lyas, tu ne serais pas là si on avait voulu te faire du mal, me rassure Run.
Sa voix est apaisante, elle fait du bien à ma part animale, je ne saisis pas bien pourquoi. Le fait qu'il soit un dominant peut-être. Ou le réconfort d'avoir quelqu'un qui prend soin de moi me manque.
— Je ne comprends pas ce que je fais là, lâché-je de but en blanc.
— Je t'ai foutu dans la merde, énonce Suny. Et en plus, si tu n'avais pas été sur ma route, le temps que les autres me rejoignent, je n'aurais pas tenu. C'est la moindre des choses.
Je me retiens de lui dire que même si je l'avais voulu, je n'aurais pas pu le laisser en plan pour tenter de semer les membres de la meute, je n'en avais plus la force. Surtout qu'ils avaient été plutôt clairs, j'étais le suivant.
J'inspire, autant pour l'odeur alléchante de nourriture que pour mémoriser les leurs. Et je réalise que Hemza m'a menti, ou alors il se voile la face, car même si elle est ténue, ils partagent quelque chose. Certes, ce n'est pas puissant comme une odeur de meute, elle ressemble plus à une qui serait familiale, quelque chose de léger, qu'on ne remarque que dans l'intimité des gens, car la meute passe avant tout.
— Tu as su qu'ils arrivaient, par télépathie ? demandé-je innocemment, après avoir réfléchi.
— Oui.
Cette affirmation confirme mes conclusions.
— Je sens ta satisfaction jusque-là, me fait remarquer Run. Je peux savoir pourquoi tu sembles si content de toi ?
— Je cherchais à comprendre, c'est tout.
— Nous ne sommes pas une meute.
— Oui, mais vous êtes plus qu'une bande de solitaires se tenant les coudes et vous vous connaissez depuis longtemps.
— Nous sommes à six depuis seulement deux ans. Certains d'entre nous n'ont pas le choix, c'est soit défier un alpha, soit errer. Il n'y a pas le moindre trou paumé qui n'ait pas de meutes, soupire-t-il. En parlant de ça, dit-il en reprenant d'une voix plus forte, il nous faut choisir où on va, ça devient impossible de bosser ou de se retrouver seul, ils nous tombent de plus en plus systématiquement dessus. Sans parler du fait qu'ils nous ont chassé de nos deux précédents lieux de vie.
— New York, propose Suny qui apporte avec Jam ce qu'il manque devant nous et commence à nous servir.
— Non, Chicago, réplique Hemza.
— Non, New York insiste Suny. C'est plus grand, on passera plus inaperçus. On rejoint un gang d'humains qui trafiquent, ça nous rendra intouchables pour les autres solitaires. On aura toujours quelqu'un pour surveiller nos arrières. Le territoire est tellement peuplé que personne ne fera attention à nous, c'est le lieu où tous les loups trop forts qui veulent rester seuls vont.
— Sauf que vous n'êtes pas seuls, lui fait remarquer Hemza calmement. Les solitaires et la meute en place sont violents.
— C'est à ça que sert le fait de rentrer dans un gang. Il n'y a pas cinquante possibilités, les villes avec de grosses meutes sont violentes, celles trop petites tentent de chasser les solitaires ou de les tuer, et pour celles entre les deux comme ici on représente une menace qu'ils essaient d'exterminer.
— Dis directement que tu penses qu'on doit se séparer, intervient Vael. On ne peut pas rejoindre de meutes, aucune meute ne peut avoir de potentiels alpha tel que vous. Si on prenait la tête d'une petite meute, le lien de meute rendrait la cohabitation entre Suny et Run impossible, et si Lyas reste avec nous, ça rajoute un troisième alpha potentiel qui ne supportera pas d'être dominé. Qu'est-ce qu'un groupe est supposé faire avec trois loups aussi dominants ?! s'énerve-t-il.
— Personne ne se séparera, déclare Run, calmement. On est tous libres, si on avait voulu, tous autant que nous sommes, nous aurions pu rejoindre une meute, même si c'est plusieurs différentes. On ne retient personne, ce n'est pas l'obligation des uns envers les autres qui nous garde ensemble, c'est parce que nous nous sommes construit difficilement des liens qui fonctionnent. Je pense comme Suny, il nous faut rejoindre une grande ville, un endroit où les loups à gros potentiel d'alpha sont tolérés, ou du moins, pas traqués, où il est facile de se noyer dans la masse. Suny et moi on n'arrive plus à cacher nos natures aussi bien qu'avant et ça nous met tous en danger.
— Parle pour toi, grogne l'intéressé, avant de faire une pause et de reprendre avec sérieux. Mais c'est vrai que les autres cons, c'est toi et moi qu'ils traquaient le plus, c'est pas une coïncidence. S'ils cherchaient que les simples dominants, Hemza et Vael auraient eu des emmerdes aussi. New York me va, et vous ?
Le groupe se regarde, les deux dominants ont choisi, la décision me semble jouée d'avance, aura dominante ou non, on est tous conditionnés pour écouter les loups les plus forts.
— On va encore faire des trucs qui nous amènent au poste, ça va être joyeux, répond sarcastiquement Vael.
— Si Vael est aussi pressé d'avoir une fouille, je ne peux qu'accepter, je ne voudrais pas le décevoir, déclare Myron en esquivant un coup de coude de Vael.
— Jam ? Hemza ? demande Run.
— Vous êtes déjà quatre à avoir dit oui, je n'ai pas changé d'avis, mais je vous suivrai réplique Hemza en souriant.
— Jam ? relance encore une fois Run.
— Ça me va.
— Et toi Lyas, ton opinion ? finit par me sonder Run. Si tu veux rester, bien entendu.
— Pour des dominants solitaires, les grosses villes c'est le plus sûr.
Je ne m'étale pas davantage en explications, car je pense que Jam et Myron ne sont pas faits pour une grande ville, sans odeur de meute ils vont se faire tailler en pièce à la moindre rencontre. On sent qu'ils sont soumis jusque dans leur attitude et personne ne peut aller contre sa nature. Nous pouvons cacher dans une moindre mesure nos prédispositions naturelles. Mais quand l'un des nôtres nous croise il sait qui est soumis et qui ne l'est pas. Juger qui est plus faible que soi, c'est une partie intégrale de ce que nous sommes. Et moi, comme les soumis, je me retrouverai être une proie facile, mon âge joue contre moi, potentiel loup fort ou non. Sauf que les options sont vraiment limitées. Personne ne peut aller à l'étranger, les règles qui régissent notre espèce ne sont pas les mêmes partout. Ce serait du suicide.
— Quelle diplomatie, commente Suny pendant qu'il mange. Ça va être froid, au fait.
Il a clos le sujet et son intervention m'arrange, car je refuse d'entamer un conflit. Nous choisissons tous les solutions les moins pires en espérant qu'il n'y ait pas trop de casse.
Sans me faire prier, je me jette sur mon assiette, me valant quelques regards amusés. Une fois le repas terminé, Run et Hemza s'en vont et nous conseillent de nous reposer, car ils prévoient le départ pour le soir. Je suis embarrassé, j'ai envie de rester avec eux, mais je ne les connais pas assez et, leur idée d'aller à New York ne me plait pas du tout. J'aurais aimé avoir plus de temps, sauf qu'épuisé par ces derniers mois et ayant pour la première fois trouvé un lieu sécurisé, je m'endors sur le parquet.
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