Chapitre 9

Une fois préparée, je rejoins Milly dans ses appartements. La jeune fille est en train de se faire coiffer par sa femme de chambre pendant qu'Aubépine la maquille. Assise devant un petit meuble et un miroir, je peux distinguer le bleu clair de sa robe, ainsi que le magnifique collier de perles nacrées à son cou.

Je peux également voir l'anxiété dans ses yeux à l'idée de cette soirée. D'un naturel timide, cette réception en son honneur n'allait pas être facile pour elle. Mais je m'étais fait la promesse de rester à ses côtés tout du long et de mettre en œuvre dès maintenant la première étape de mon plan pour annuler ce mariage.

Pour ce soir ce serai simplement l'étape de repérage, d'analyse des lieux et des relations entre les principaux acteurs. Mais dès demain je passerais à l'action. Pour l'instant je n'ai aucune idée de comment je vais m'y prendre mais pas question que ma petite protégée se retrouve mariée à cet homme qui lui fait si peur.

— Bon mes demoiselles, ce soir tous les regards de la cour seront braqués sur vous. Je compte sur vous pour être parfaites. Ne parlez pas trop. Si l'on vous pose une question, essayez d'y répondre sans rentrer dans les détails. S'il s'agit de politique, essayez de changer de sujet. Et surtout, ne relancez jamais la conversation.

— Merci Aubépine pour vos conseils avisés, répondis-je en lui faisant un sourire inquiet.

— Ne vous inquiétez-pas, je serais assise à votre table. J'essayerais de diriger la conversation pour éviter tout sujet délicat. Milly, ils vont sûrement vous demander ce que vous pensez du Prince.

— Ce que je pense du prince ? demande la jeune fille paniquée.

A cet instant, Milly se retourne pour me regarder avec angoisse. Comme un appel à l'aide, elle me regarde avec insistante.

Aubépine remarque tout de suite le jeu de regard entre nous.

— Eloïse ma chère, merci pour cette sublime coiffure. Pourriez-vous aller prévenir l'intendant que nous sommes presque prêtes ?

— Tout de suite madame, réponds la jeune fille en s'inclinant avant de sortir prestement.

— Bon, expliquez-moi la situation. Je croyais que vous aviez hâte de revoir le Prince et de vous marier. C'est en tout cas ce qu'a dit votre mère à la mienne lors de leur dernière visite à la capitale.

Voyant que Milly n'était pas capable de répondre je décide de me lancer.

— En réalité, c'est plus compliqué que cela. Milly n'a jamais accepté ce mariage arrangé. Comme vous pouvez le voir, elle est d'un naturel calme et effacé. Elle a grandi avec le Prince mais vous le connaissez non ? Ce n'est pas du tout le genre de personne qui pourrait correspondre à Milly. Et puis elle ne souhaite pas vraiment devenir Reine. Au contraire.

— C'est vrai qu'il a beau avoir un physique très avantageux ce n'est pas vraiment un bon parti. Il a une réputation d'homme volage et froid. Et sa situation n'est pas très enviable vu la pression que lui mets sa mère pour qu'il accepte une alliance avec le Royaume de Korvir. Mais alors pourquoi accepter toute cette mascarade ? Pourquoi venir à la cour pour ces fiançailles ? demanda la jeune femme en se tournant vers moi.

— Parce que la famille Estrus a un devoir envers le Royaume et envers la couronne. Milly ne peut pas se permettre de refuser.

A ces mots, j'entends Milly retenir un hoquet d'angoisse. Des larmes silencieuses dévalent son visage tandis qu'elle baisse la tête toujours assise devant la coiffeuse.

— Oh ma chérie, vous êtes vraiment courageuse. Mais peut-être que le Prince sera un bon époux. Il est jeune et libre. Une fois attaché à vous, il aura peut-être un tout autre comportement, déclare la jeune femme en caressant les boucles blondes de ma protégée.

— Nous ne le saurons jamais. Ce mariage n'aura pas lieu, dis-je catégorique.

— Je ne comprends pas. Vous venez de dire qu'elle ne pouvait pas refuser.

— Oui mais lui le peut. Je ne sais pas encore comment mais je compte le pousser à annuler ce mariage et déclarer Seigneur Estrus, main du Roi.

— C'est assez audacieux mais ce serait une bonne solution, en effet. C'est décidé. Je vais vous aider à exécuter cette folie.

A cette déclaration, je vois Milly relever la tête et faire un petit sourire de soulagement à la jeune femme à travers le miroir.

— Mer...Merci Aubépine. Vous êtes trop gentille.

— Pas de problème ma chérie. Nos mères sont des amies d'enfance. Tu es presque comme une petite sœur pour moi. Tu ne t'en rappelles pas mais quand tu étais bébé, je m'occupais souvent de toi. Ensuite, je suis partie vivre quelques années à la campagne avec ma mère et mon frère. Quand nous sommes revenus à la cour vous veniez juste de la quitter. Mais j'étais très proche de ton frère, alors en son souvenir et parce que je t'ai tenue dans mes bras toute petite, je t'aiderais.

— Merci Aubépine pour votre aide, dis-je à mon tour.

— Oh non maintenant que nous sommes dans le même bateau, nous ne pouvons plus nous vouvoyer. Maintenant considérez moi comme une sœur de cœur. Je pense que je suis un peu plus âgée que toi, Elina, alors si tu es d'accord, considère-moi comme ta grande sœur.

— A vrai dire je ne connais pas mon âge. Mais Remus et Murielle, pensent que j'ai environ vingt ans alors je pense qu'effectivement tu es l'ainée.

— Alors c'est réglé. Nous voilà sœurs.

A peine cette phrase prononcée que la jeune servante revient pour nous annoncer que nous sommes attendues dans la salle du trône. Malgré les yeux rougis de la petite blonde, elle fait comme-si elle n'avait rien remarqué.

J'ai du mal à cerner nos domestiques. D'un côté Edgar nous a dit qu'on pouvait tout leur demander mais il nous a également dit de nous fier qu'à sa fille et lui.

Je ne sais pas encore ce qu'il en est d'Eloïse et Marcel mais de mon côté, j'ai l'impression que les jumeaux sont des personnes de confiances. Seul le temps me le dira.


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