Chapitre 7

Une fois descendues du carrosse, nous sommes guidées vers la grande salle. J'ai à peine le temps de regarder le décor tellement le valet qui nous accompagne marche d'un pas pressé.

Mes yeux sont attirés imperceptiblement par les armes des soldats qui nous escortes et qui surveillent chaque porte. Je suis sur mes gardes mais j'essaye de me détendre et de profiter du cadre exceptionnel qui s'offre à moi.

Au sol du marbre blanc, au mur des dizaines de tableaux. Je distingue différents portraits des familles Royales successives et des Rois du passé. Ils ont tous en communs ce port de tête altier, ces cheveux noirs comme la nuit, une grande stature et des yeux au regard acéré. Tout à fait ce qu'on imagine d'un souverain.

Déjà nous voilà arrivées dans la salle du trône où une bonne centaine de personnes richement vêtues s'écartent pour nous faire une haie d'honneur quand le valet nous annonce :

— Elina et Milly, Duchesses d'Estrus, filles du Duc Remus d'Estrus et de la Duchesse Murielle d'Estrus.

La pièce est à couper le souffle. Une grande voute d'environ dix mètres avec des lustres en cristal suspendus au-dessus des convives, des vitraux d'un camaïeu de bleu sur les côtés filtrant les rayons du soleil. Au fond une petite estrade avec deux trônes baignés de lumière bleutée.

L'un des trônes, le plus gros est vide. Sur le second une femme blonde d'une quarantaine d'années, des yeux froids et un sourire pincé, nous fait signe d'avancer.

— Votre majesté, souffle Milly en s'agenouillant devant la Reine régente.

Je l'imite en silence, en baissant les yeux. Je n'ai pas du tout l'habitude de cette culture. Jusqu'à maintenant j'étais restée au village et dans la demeure Estrus, où le protocole de la cour et de la noblesse n'était pas du tout appliqué.

Avant de partir, Murielle m'avait rapidement montré comment faire les différentes révérences en fonction du rang de mon vis à vis et m'avait expliqué les formules de politesse.

En tant que fille adoptive du Duché d'Estrus, deuxième famille du Royaume de Zahela, en dehors du Prince et de la Reine régente, personne n'était au-dessus de mon rang. Pour la haute noblesse je me devais d'incliner la tête, pour les autres je devais simplement leur faire un signe de main pour accepter leur révérence et y mettre fin par la même occasion.

Après un temps qui m'avait paru interminable, la souveraine, nous fait un petit signe, nous invitant à nous relever et prend la parole :

— Milly d'Estrus, ma chère enfant, tu as bien grandi. Tu es devenue un belle jeune fille, digne de ton rang.

— Merci ma Reine, répond la jeune fille en s'inclinant de nouveau.

— Et vous ma chère, vous devez être la fameuse Elina. J'espère que nous aurons l'occasion de discuter. Je suis curieuse de vous connaître. Remus et Murielle n'ont pas tari d'éloge à votre sujet. Votre intellect, a semble-t-il, marqué notre cher érudit.

— Majesté, c'est un honneur de vous rencontrer, dis-je en m'inclinant encore plus bas que ma sœur de cœur.

— Bienvenue au Palais. J'espère que votre séjour ici sera des plus agréable. Edgar, veillez montrer à ces deux jeunes demoiselles leurs appartements. Je compte sur vous pour assurer leur confort et les préparer pour ce soir.

— Oui Majesté, dit un homme bedonnant en faisant un pas en avant.

Je n'avais pas remarqué cet homme grisonnant derrière le trône. Sans perdre de temps, il nous invite à le suivre.

Après avoir fait une dernière révérence, nous nous engouffrons à sa suite, dans un couloir latéral. La foule semble se désintéresser de nous tandis que les murmures se transforment en brouhaha et que des petits groupes se forment aux quatre coins de la grande salle.

Le vieil homme avance d'un pas sûr, à travers les couloirs de la résidence royale. Sur son chemin, le personnel s'écarte vivement comme s'ils avaient peur de lui. Même les nobles ne semblent pas sereins à ses côtés.

J'ai l'impression, que cet homme a un certain pouvoir au Palais et qu'il vaut mieux ne pas se le mettre à dos. Sans discuter, nous le suivons de près en essayant de garder le rythme. Décidément depuis notre arrivée, j'ai l'impression qu'ici le temps est compté. Tout le monde semble se presser dans leurs activités. Du moins au niveau du personnel.

L'homme finit par ralentir en arrivant en bas d'un grand escalier, avant de se tourner vers nous.

— Edgar, Baron de Belladone pour vous servir, Duchesses d'Estrus. Je suis l'intendant du Palais et je superviserais votre séjour ici. Nous vous avons préparé les meilleurs appartements privés de l'aile Ouest. Vous aurez chacune une femme de chambre et un valet pour vous servir. Vous pouvez tout leur demander, ils s'efforceront de vous satisfaire au mieux. Si vous avez la moindre réclamation sur leur comportement, n'hésitez pas à venir me voir. Vous aurez également une dame de compagnie, ma fille Aubépine, qui pourra vous aider pour les jeux de la cour. Nous sommes de la noblesse inférieure mais je vous assure qu'elle n'a pas à pâlir en ce qui concerne la politique et les manigances.

Voyant que Milly n'ose pas répondre, je finis par prendre la parole.

— Merci Monsieur le Baron, dis-je en m'inclinant.

— Relevez-moi ce joli minois jeune fille. Ici vous êtes les filles du Duc d'Estrus, pas des jeunes jouvencelles de la campagne. Ne vous inclinez devant personne en dehors de la Reine. Vous devez être fortes et intransigeantes avec la noblesse sinon ils vous dévoreront et marcheront sur votre cadavre pour atteindre le trône.

— Pas même devant le Prince ? demanda timidement Milly.

— Tant qu'il n'est pas Roi, vous êtes son égale. Vous êtes les héritiers des deux plus grandes familles du Royaume de Zahela. Je vous rappelle qu'il y'a encore trois générations vous apparteniez à la famille Royale. Vous avez du sang bleu dans les veines.

— Mais ce n'est pas mon cas, soulevé-je.

— Les seigneurs Estrus vous ont officiellement reconnus comme leur fille. Vous êtes maintenant l'ainée de la deuxième famille la plus puissante du continent. Remus m'a expliqué que vous n'aviez aucuns souvenirs de votre ancienne vie et que vous n'étiez pas à l'aise en société. C'est pourquoi j'ai choisi Aubépine pour vous servir. Elle sera à la fois votre bouclier, votre professeur et votre confidente. En dehors de nous deux, vous ne devez jamais montrer vos faiblesses ou vos doutes. Surtout pas à la Reine, souffla-t-il sous un ton de mise en garde.

— Je pensais que la Reine et Remus étaient alliés, demandais-je avec surprise.

— Remus et Godric étaient comme des frères. Mais la Reine Allistelle, est une princesse de Korvir, tribut de la dernière guerre. Depuis le décès de son époux, elle manigance avec son frère, le Roi Orus, pour annexer Zahela au royaume du nord.

— Elle voudrait évincer son propre fils ? intervint Milly.

— C'est un peu plus compliqué que cela. Mais le Palais a des oreilles, nous en parlerons plus tard. En attendant, suivez-moi. Je vais vous présenter vos domestiques.

Nous nous engageons dans le grand escalier en marbre, puis arrivé à l'étage, le vieil homme se dirige vers le couloir de droite. Au sol, un tapis bleu rend les lieux plus chaleureux et étouffe nos pas. Tous les cinq mètres une lampe à huile éclaire le corridor.

Après d'interminables minutes, l'homme s'arrête devant des jeunes gens en uniformes blanc et bleu postés de part et d'autre du couloir.

Il nous présente aux domestiques et rapidement nous voilà chacune de notre côté, embarquées dans nos appartements.

Quand j'arrive dans le petit salon, je suis ébahie par la richesse et la beauté des lieux. Les tapisseries sont d'un doux bleu azur. Sur le mur de droite, une cheminée en marbre noire. Sur la gauche, une grande fresque champêtre entourée de deux portes aux extrémités. En face se trouve une grande fenêtre encadrée de rideaux ivoire.

Au centre deux petits divans aux tissus du même ton, agrémentés de coussins fleuris d'un bleu légèrement plus foncé que la pièce. Au milieu une table basse avec un splendide bouquet de lys blancs. 

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