Chapitre 27
Après quelques étirements dans ma chambre, un rapide encas avalé sur le pouce, je me dirige vers la roseraie.
Je sais que le risque demeure mais je compte sur ma bonne étoile et sur son emploi du temps bien chargé, pour ne pas croiser le Prince. J'appréhende de le revoir, mais étrangement l'envie de me ressourcer dans ce lieu paisible et familier est plus forte.
Comme tous les jours, Armand m'accompagne et comme prévu l'un des frères le seconde. Impossible de les distinguer quand ils restent silencieux. Mais j'avais remarqué qu'Ikos était bien plus bavard et enjoué. Et là où Myo était tout en retenue et en froideur, le second était dans la dérision et le sarcasme.
Une fois arrivée devant la grande porte en fer forgée de la verrière fleurie, je fais un signe à Armand pour lui indiquer de m'attendre à l'extérieur, mais comme attendu l'autre garde décide de me suivre quand même.
- Je comprends mieux où vous l'avez rencontré, souffle l'ombre derrière moi.
- Vous dites ?
- Rien Duchesse, faites ce que vous avez à faire, je resterais en retrait.
- Merci Myo pour votre discrétion. J'aimerais pouvoir me recueillir en silence.
A l'entente de son prénom, l'homme hausse un sourcil, surpris. Puis il exécute une gracieuse révérence avant de reculer et disparaitre comme il sait si bien le faire.
Après son départ, je me dirige vers ma partie préférée de la roseraie, dans une contre-allée aboutissant sur une petite place ronde avec une étonnante fontaine représentant une femme et un loup, se recueillant devant les deux lunes Esia et Lyos. Les émeraudes dans le regard de la femme contrastent délicatement avec les obsidiennes dans celui du Loup et le marbre blanc de la sculpture. Esia est en argent et Lyos en bronze, parfaitement adaptées à leurs originaux.
Je ne peux m'empêcher de prendre une grande inspiration en arrivant au milieu de ce paysage magique, entouré de roses blanches où la rosée du matin perle encore. Et comme toujours, je sens une pointe de tristesse et de nostalgie m'étreindre. Mais pour la première fois, je sais pourquoi.
Car cette nuit, j'ai rêvé d'elle. Cheveux dorés, yeux verts remplis de tristesse, sourire tendre, entourée de roses, chantonnant d'une voix douce et mélancolique. Ma mère était fleuriste...
*****
Finalement, j'étais arrivée un peu en retard pour mon rendez-vous à la salle d'entrainement. En voyant le vrai Gabriel, je n'avais pas osé prendre la parole ou protester quand le vieux Capitaine m'avait ordonné de faire deux cents pompes pour faire amende honorable.
Une petite poignée de jeunes recrues s'étaient joint à Gabriel et moi, pour ce qui semble être un entrainement de routine.
Après une partie d'échauffements et d'exercices de gainages, le vieil homme nous avait séparés en binôme pour nous faire manier l'épée de bois.
Bien sûr, il n'avait pas trouvé mieux que de me mettre avec le jeune cousin du Prince. En le voyant rougir et éviter mon regard, j'ai vite compris qu'il était tout aussi mal à l'aise que moi.
Après avoir échangé mollement quelques coups avec lui, n'y tenant plus, je finis par lui faire un clin d'œil sournois avant de le désarmer.
Déstabilisé mais également revigoré, le jeune brun ramasse son épée et se met en garde avec cette fois bien plus de conviction. Après m'avoir observé d'un œil scrutateur, il entame une première fente en avant, me forçant à effacer mon flanc gauche pour éviter son coup ferme et rapide. Un sourire aux lèvres, je me lance alors à fond dans ce ballet de coups, d'esquives, de parades et de feintes. Je cale mon jeu de jambe sur celui de mon adversaire, comme une danse sauvage et dangereuse, rythmée par les chocs intermittents de nos armes factices.
Nous échangeons des coups pendant plus d'une demi-heure et bien que je sois plus à l'aise à main nue, je réussis quand-même à atteindre l'égalité avec mon adversaire. Je dois reconnaitre qu'il est agile et possède de bons réflexes, mais je pense qu'avec un peu plus de temps pour l'analyser, j'aurais facilement pu prendre le dessus.
- Vous êtes vraiment une fine lame, fit le jeune homme en s'inclinant, indiquant dans le langage guerrier son respect face à un valeureux adversaire.
- Vous n'êtes pas mauvais non plus, fis-je en lui rendant son geste.
- Je ne m'attendais pas à devoir défendre chèrement ma peau quand Léonardo m'a invité à venir m'entrainer avec vous...
- Pourquoi ? Parce que je suis une femme ? fis-je sarcastique.
- Non, bien sûr que non. Loin de moi l'idée de dénigrer la gent féminine. C'est juste que je m'entraine depuis que je sais marcher et en dehors d'Eld, personne ne m'avait autant donné de fil à retordre. Et puis si je me souviens bien des dires de Remus, vous avez commencé votre apprentissage il y'a à peine six mois.
- Je ne savais pas que Remus parlait de moi, soufflé-je surprise.
- Oh, il ne tarit pas d'éloge à votre sujet depuis que vous êtes arrivée par miracle dans sa vie. Je me rappelle qu'il n'avait pas arrêté de se plaindre quand le chef de sa sécurité avait décidé de vous prendre sous son aile. Mais la fois suivante, il nous a raconté avec fierté les progrès fulgurants que vous aviez faits. C'est assez ironique finalement, ricana-t-il.
- Qu'est-ce qui est ironique ?
- Oh, rien. Je me remémorais juste à quel point toutes ces histoires à votre sujet avaient tendances à agacer mon cousin. Et pourtant je suis sûr que maintenant il doit s'en mordre les doigts de ne pas avoir été attentif, lance-t-il avec un sourire espiègle.
- Si vous êtes impressionné par mes talents de bretteuse, vous devriez m'affronter au combat à main nue, répondis-je crânement pour cacher ma gêne face à ses derniers mots.
- Alors je prends cela comme un défi pour notre prochaine rencontre !
Sans plus attendre, je lui fais un signe de tête approbateur couplé d'un semblant de salut militaire avant de partir en trottinant vers mes appartements, les joues rougies par l'effort et la gêne.
Sans prendre la peine de vérifier si Armand et Myo me suivent, je pousse la grande porte de mes appartements et me précipite dans la salle d'eau pour me rafraîchir. J'ai à peine quelques minutes pour enfiler ma robe, me coiffer et rejoindre les filles pour notre pique-nique improvisé dans le parc du Palais.
Une fois propre, j'enfile des sous-vêtements en me faisant un plaisir de laisser de côté le corset qu'Amande a préparé, puis je passe une simple robe en lin d'un délicat vert d'eau pastel et lace mes bottines en daim avant de me précipiter vers la sortie.
- Mademoiselle, vous ne pouvez pas partir avec les cheveux lâchés comme cela ! s'exclame ma jeune servante en essayant de me suivre.
- Je sais Amande, j'ai retenu la leçon, fis-je lui montrant le ruban doré que j'avais dans les mains.
Vaincue, la jeune fille abandonne sa course et mes deux gardes m'emboîtent le pas pour aller vers les jardins, tandis que je me bats avec mes mèches dorées pour les dompter en un semblant de coiffure. Une fois arrivée dans la partie centrale du grand bâtiment, je prends une allure normale adaptée à une jeune femme de bonne famille, hochant la tête face aux révérences des autres personnes que je croise.
J'ai fini par prendre l'habitude des attitudes révérencieuses des habitants du Palais à mon égard. Au départ, j'étais vraiment mal à l'aise face à ces marques de distinctions et ses révérences dégoulinantes de fausseté, mais maintenant je n'y fais plus attention. Cela fait partie du paysage.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top