Chapitre 24
Le reste de la matinée se passe à toute vitesse, entre les cours d'étiquettes puis de géopolitique. Pendant le déjeuner je reste silencieuse pendant que les filles discutent entre elles en m'envoyant des regards curieux.
J'ai l'impression qu'Aubépine en sait beaucoup plus que je ne lui en ai dit. Connaissant Milly, elle n'a pas dû révéler mon secret. Alors si la jeune Baronne a découvert les choses avec son instinct et son sens de l'observation, je ne peux pas lui en vouloir. D'un côté cela me rassure qu'elle le sache. Je n'aime pas faire de secret avec mes proches. Et indiscutablement, Aubépine est devenue une amie précieuse au fil des semaines.
Parfois quand elle fronce les sourcils elle me fait penser à quelqu'un. Mais l'instant d'après ce souvenir fugace disparaît. J'ai l'impression qu'elle me rappelle quelqu'un qui a eu de l'importance pour moi dans mon ancienne vie.
Mon cerveau se fait des nœuds, voilà que je commence enfin à retrouver quelques souvenirs mais au lieu d'être apaisée, c'est de pire en pire. J'ai l'impression d'avoir une double vie, double personnalité. La fille sur Terre, mystérieuse, farouche et combattante, la fille de Zahela, embarquée dans une histoire d'amour dangereuse et en même temps tellement exaltante.
J'ai fini par reconnaitre que Milly avait raison. Je suis amoureuse. Amoureuse d'un presqu'inconnu, mais qui pourtant pour moi semble être la personne qui m'est la plus familière au monde.
J'ai l'impression d'être dans un roman d'amour où l'héroïne rencontre son âme sœur. Cela me parait complétement ridicule et pourtant j'ai comme l'impression que cela ne pourrait pas être plus vrai.
Je suis sortie de mes rêveries par la voix douce de Louise :
— Elina mon enfant, vous avez l'air bien songeuse aujourd'hui.
— Oui je n'ai pas beaucoup dormi cette nuit, désolée je suis de piètre compagnie, dis-je en baillant.
— C'est vrai que vous êtes plutôt silencieuse, mais à voir les différentes émotions passer dans vos yeux et teinter vos joues, je trouve cela plutôt distrayant pour une vielle femme comme moi, dit-elle avec un sourire espiègle.
A cette dernière remarque je sens mes joues rougir encore plus.
— Quand je vous vois ainsi, je ne peux m'empêcher d'être nostalgique. Je me rappelle mes premières rencontres avec le jeune baron, feu mon mari. Comme vous, je ne pouvais m'empêcher de sourire bêtement en pensant à lui, fit-elle songeuse, un doux sourire aux lèvres.
— Je ne vois pas de quoi vous voulez parler, répondis-je un peu sur la défensive.
— Du premier amour, voyons. Je sais reconnaître une jeune fille amoureuse quand j'en vois une. Mais ce que je ne comprends pas ce sont les regards tristes et songeurs qui entrecoupent ces sourires béats. A votre âge, l'amour devrait être pure et simple, pas entaché de craintes.
— Si seulement... fis-je doucement, la gorge serrée par l'émotion. Mais je semble être vouée à vivre dans une tragédie quel que soit le monde où je vive.
— Oh, vous avez commencé à retrouver la mémoire ? demanda la vielle baronne surprise.
— Oui mais malheureusement je m'en serais bien passé. Les peu de souvenirs que j'ai retrouvés sont plutôt tristes et déstabilisants.
— Je suis désolée de l'entendre. Mais cela ne m'étonne pas. Je sens une très grande force de caractère en vous. Vous êtes vouée à accomplir de grande chose. Elios ne vous aurait pas choisis sans une bonne raison. Malheureusement, la bénédiction d'Elios est souvent teintée d'un destin tragique. Mais il donne toujours une seconde chance.
— C'est étrange, au départ je ne croyais pas du tout à ce Dieu salvateur dont tout le monde parle depuis mon arrivée à Zahela. Mais maintenant je me dis qu'il doit bien exister. Sinon comment expliquer ce qui m'est arrivé ? J'en viens à me demander s'il n'existe pas des choses qui nous dépassent.
— Comme ? demanda doucement la vielle femme.
— Comme le divin, le destin et ... l'amour ?
— L'amour ! C'est surprenant que vous le mettiez au même niveau que le divin. Car j'ai toujours pensé que l'Amour est l'expression même du divin. Imaginez toutes les forces qui entre en jeu pour rapprocher deux âmes sœurs. La multitude d'événements qui permettent cette rencontre. De deux être totalement différents et indépendants, qui une fois réunis ne font plus qu'un.
— Oh oui j'imagine. Ces dernières semaines j'ai pu voir à quel point le destin pouvait être puissant. Il a fallu que je change de monde pour rencontrer cette personne... Nous ne nous connaissons à peine, j'ignorais même son identité quelques heures plus tôt et pourtant c'est comme-si c'était une évidence. Mon cœur l'a reconnu... Ou était-ce mon âme ? murmuré-je pour moi-même.
— Alors j'avais raison ! s'exclame l'ainée avec une joie de petite fille. Vous avez trouvé votre âme sœur. Je suis tellement heureuse pour vous, mais à la fois navrée. Car votre vie risque de se compliquer encore plus...
A l'entente de ses paroles, je sens un frisson parcourir mon corps. J'ai l'impression d'entendre une prophétie. Ces mots font résonnance avec les mises en gardes de Léonardo ce matin. Mais je ne comprends pas les réactions de cette femme que je commence à considérer comme une grand-mère pour moi. Elle ne sait pas qui mon cœur a choisi et pourtant elle a déjà pressenti le danger qui m'attendait.
— Je vois que je vous ai troublée. C'est peut-être trop tôt pour vous mettre en garde mais je ne voudrais pas que vous soyez prise de court, souffla-t-elle désolée.
— Je ne comprends pas vos paroles. En quoi l'Amour devrait compliquer ma vie ? Je croyais que l'Amour était ce à quoi devait aspirer tout être humain.
— Bien sûre. Mais dans votre cas ce n'est pas si simple. L'Amour n'est pas anodin pour les messagers d'Elios.
— Désolée de vous déranger dans votre conversation, mais nous sommes en retard pour notre cours de danse, s'empressa de dire Aubépine, en se levant de sa chaise.
— Oui, désolée. Les élucubrations de cette vielle dame, vous empêchent de profiter pleinement de ce moment tant attendu ! Je me rappelle encore mon premier bal masqué, mais ceci est une autre histoire, fit la vielle femme en me faisant un clin d'œil.
Sans avoir le temps de répondre, je me retrouve embarquée par Aubépine et Milly, toutes excitées à l'idée de m'apprendre la danse de salon.
Pendant les heures qui suivirent, je n'eus pas une minute à moi pour réfléchir aux paroles de la vielle femme et encore moins à ce que j'allais faire avec Eldric.
Inlassablement, Aubépine et Milly s'alternaient pour m'enseigner les rudiments de la danse qu'une noble demoiselle comme moi devrait maîtriser. J'avais déjà appris les bases au duché mais j'étais loin d'atteindre le niveau requis. Au départ, elles m'avaient trouvée trop rigide et pas assez concentrée. Mais en voyant leur enthousiasme, j'avais laissé mes préoccupations de côté et avais commencé à suivre attentivement le rythme de leurs mouvements.
Je suis un peu intimidée par les deux jeunes musiciens qui ne peuvent s'empêcher de nous envoyer des regards désireux, tout en jouant sans discontinuer tout leur répertoire, allant de la valse à la danse acrobatique.
Mais rapidement,la musique m'entraine et je me sens complétement en phase avec monenvironnement. J'ai l'impression que mon corps est dans son élément, enchainer tousces mouvements chorégraphiés ne me semblent pas si différent d'un combat imaginaire.Et s'il y'a bien une chose dans le laquelle j'excelle, c'est le combat.
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