Chapitre 22

Faisant mine de ne pas voir leurs mines impatientes, je caresse avec douceur la belle jument noire. Mais c'est sans compter sur la détermination de ma sœur, qui finit par se planter devant moi avec un regard accusateur.

Je crois que je suis en mauvaise situation, car même si mon mensonge a fonctionné avec les jumeaux, je n'ai aucune chance de convaincre les deux nouvelles arrivantes, qui me regardent déjà avec suspicion.

— Bon j'abandonne ! dis-je en levant les mains en l'air, comme pour me rendre. Je vais tout t'expliquer. Mais laisse-moi ramener ma monture à l'écurie. Elle est assez nerveuse en présence d'étrangers, finis-je en lui désignant les badauds qui commençaient à s'agglutiner autour de nous.

— Duchesse, laissez-moi m'en charger, s'empressa de dire un jeune garçon.

Celui-ci, que j'identifie tout de suite comme étant l'apprenti palefrenier que j'avais vu plus tôt dans la matinée, s'avance avec assurance vers l'animal. Mais le caractère farouche de la jument prend le dessus, et celle-ci recule en prenant une posture défensive, frappant son sabot droit au sol.

— Merci jeune homme, mais je préfère le faire. Montrez-moi la voie.

C'est ainsi que notre petite troupe quitte l'orée du Parc sous le regard curieux des serviteurs et nobles en mal de potins.

Le silence s'installe dans notre petite troupe improvisée. Suivie de près par les quatre autres, je suis le jeune palefrenier, qui ouvre la voie, en tournant fréquemment des coups d'œil intrigués vers moi. Il a l'air d'être impressionné et à la fois mal à l'aise.

Quand il finit par croiser mes yeux, je le vois rougir jusqu'aux oreilles.

— Posez votre question. Je vous écoute, dis-je en lui faisant un sourire rassurant.

— Je n'oserais pas Duchesse, fait le jeune homme en ralentissant pour arriver à mon niveau.

— Ne vous inquiétez pas je ne mords pas, lancé-je, amusée par sa timidité.

— C'est juste que j'ai beaucoup entendu parler de vous et je ne vous imaginais pas ainsi, dit-il en rougissant.

— C'est-à-dire ? Je sais qu'ont dit des choses folles à mon sujet. Mais au final je ne suis qu'une jeune femme sans souvenir ayant eu la chance d'être adoptée par le Duc D'Estrus. Je n'ai rien d'extraordinaire. Désolée si la réalité vous déçoit.

— Non... Au contraire. J'imaginais une jeune femme arrogante et suffisante, jolie mais très superficielle, répond-t­-il en rougissant de plus en plus. Je ne pensais pas découvrir une jeune femme de votre...hum, prestance.

— Je vous assure je suis une fille tout ce qu'il y a de plus normale.

— Aucune fille normale ne serait capable de monter Minuit ! s'exclame le jeune garçon.

— Oh ça ? Disons, qu'elle et moi, nous nous sommes comprises, fis-je avec un clin d'œil avant d'accélérer l'allure.

Arrivé aux écuries Royales, le palefrenier, copie parfaite mais plus âgée du jeune homme qui vient de m'escorter, s'empare des rennes de la jument et sans un mot l'emmène vers sa stalle.

— Excusez mon frère. Depuis le décès de père il est devenu assez rustre. Vous pouvez y aller, Luka s'occupera bien de Minuit.

— Merci pour votre escorte. Je pense que nos routes se recroiseront.

— Ce sera avec plaisir Duchesse. Mika, pour vous servir, fit-il avec une révérence grotesque avant de partir en riant.

Je sens les jumeaux se tendre face à cette entorse à l'étiquette alors avant de leur laisser le temps d'intervenir pour rabrouer le jeune garçon, je me tourne vers eux et déclare :

— Armand, Amande, j'aimerais parler en privé avec ma sœur et mon amie. Pourriez-vous nous suivre en nous laissant un peu d'espace ?

— Bien Mademoiselle, répondirent de concert les deux roux.

C'est donc d'un pas décidé, que j'invite mes deux consœurs à me suivre. Je sais que les deux blondes ont une multitude de questions à me poser et j'aurais aimé éviter d'y répondre. Mais je sens que je ne vais pas pouvoir y échapper mais je ne sais pas par quoi commencer.

Manifestement mon temps de réflexion est trop long pour ma sœur, puisque celle-ci accélère pour marcher à mon niveau et finit par dire :

— Bon explique-moi pourquoi tu as disparu depuis hier soir. Et surtout que faisais-tu aussi tôt dans les bois ?

— J'avais besoin d'être seule alors j'ai préféré grignoter dans ma chambre. Désolée si je t'ai laissé seule pour le repas, dis-je avec un sourire contrit.

— Je comprends ton besoin de solitude mais tu as mal choisi ton moment pour te retirer du monde, souffle-t-elle doucement. Le Prince a fait une annonce pendant ce fameux repas et j'aurais aimé que tu sois là.

— Je sais... dis-je gênée.

— Tu sais que le Prince a annulé nos fiançailles ? En même temps je suppose que tout le monde en parle depuis hier. Pas étonnant que tu sois déjà au courant. Mais hier soir après le repas, je suis venue dans ta chambre et je ne t'y ai pas trouvé. Explique-moi pourquoi tu as encore faussé compagnie aux jumeaux pour passer la nuit dehors ? déclare la jeune fille en me bloquant la route sous le regard amusé d'Aubépine.

Malgré le tempérament doux et calme de la jeune fille, quand celle-ci s'inquiète pour ses proches, il vaut mieux ne pas la contrarier.

— Je n'ai pas passé la nuit dehors, me défendis-je. Hier soir je suis allé à la roseraie et ce matin je me suis levé tôt et je suis parti faire une balade à cheval.

— La Roseraie ? La Roseraie du Prince ? intervient Aubépine surprise.

— Oui je l'ai découverte le premier soir et depuis j'ai pris l'habitude d'y aller tous les soirs.

— Mais c'est la Roseraie du Prince. Personne n'a le droit d'y entrer ! s'exclame la jeune femme.

— Disons que j'ai obtenu un passe-droit, dis-je en éludant la question.

A cet instant, je ne pense que je ne pourrais pas être plus gênée par le regard scrutateur des deux filles. En me voyant si mal à l'aise, Milly doit comprendre qu'il y'a des choses dont je ne souhaite pas parler puisqu'elle me fait un sourire rassurant avant de dire :

— Aubépine, je vais accompagner ma sœur dans ses appartements pour qu'elle prenne un bain et fasse disparaitre cette odeur de cheval, fit-elle en plissant le nez. Pourriez-vous aller chercher la couturière Royale pour qu'elle prenne ses mesures pour sa robe de bal ?

— Bien sûre, fit la jeune femme en s'inclinant.

Quand elle relève la tête, je peux voir le regard déçu de la jeune Baronne, avant qu'elle ne s'éloigne. La pauvre, elle doit se sentir mise à l'écart mais je ne suis pas prête à tout lui dire pour l'instant. Bien que je lui fasse entièrement confiance pour les jeux de la cour, je ne suis pas sûre de pouvoir m'ouvrir à elle pour mes problèmes de cœur.

Nous continuons à marcher en silence vers mes appartements. Une fois arrivé, Armand prend sa place à l'entrée et la jeune servante se précipite dans la salle d'eau pour me préparer un bain. Toujours sans prononcer un mot, ma sœur m'aide pour retirer mes bottes et délasser mon corsage.

Elle ne dit rien mais je vois bien qu'elle se mord les lèvres pour ne pas poser les questions qui la démangent.

Une fois dévêtue complétement, je me glisse avec délectation dans l'eau chaude délassante et ma sœur vient s'asseoir sur la chaise qu'Amande a laissé pour elle. Je la vois se triturer les mains dans tous les sens puis finalement relever les yeux vers moi avec détermination. Attendant que je prenne la parole.

Cettefois je ne peux plus reculer. Je suis dos au mur et je n'ai d'autre choix quede m'ouvrir à elle.

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