Chapitre 17
Je pleure. Je pleure car je ne comprends pas. Je ne comprends pas pourquoi Maman dit que Papa ne reviendra pas. Je me demande pourquoi il ne veut plus me voir. Est-ce parce qu'il sait que je me suis battue au jardin d'enfant ? Il m'a toujours dit que la violence ne résout rien, mais il m'a aussi dit que l'on devait défendre les plus faibles. Alors pourquoi il ne veut plus me voir ? Mais ce qui m'inquiète vraiment ce sont les pleures de Maman.
Elle m'a fait mettre une robe noire. Quand j'avais voulu mettre la rose, elle m'avait souri tendrement et m'avais tendue la noire. Puis un monsieur habillé comme Papa était venu nous chercher. Lui aussi avait l'air triste.
Ensuite on avait été dans un endroit étrange avec plein de petite cabane en marbre et des drôles de pierres rectangulaires plantées dans la terre. C'était comme un jardin sauf que les fleurs étaient coupées et posées au sol et que Maman ne souriait pas. On s'était arrêtée prêt d'une grande boîte en bois à côté d'un trou et peu à peu pleins de gens tristes nous avaient rejoints.
Un monsieur chauve avec une drôle de robe blanche avait raconté une histoire. Je n'avais pas tout compris mais je préférais les histoires que Papa et Maman inventaient pour m'endormir.
Maman m'avait pris par la main et nous avions déposé une rose blanche sur la grande boîte et nous nous sommes arrêtées à côté. Maman me serrait la main comme-si elle avait peur que je disparaisse. Elle ne pleurait plus mais ses yeux étaient vides et sa bouche pincée, comme pour éviter de crier. Je crois que je préférais encore quand elle pleurait.
Puis, un à un, des gens habillés comme Papa étaient venus poser une fleur ou une simple caresse sur la boîte avant de venir nous embrasser et de se poster dernière nous.
Puis d'autres personnes habillées normalement avaient suivis. Certains restaient silencieux, d'autres chuchotaient des mots à l'oreille de Maman. Mais il y'avait aussi ceux qui pleuraient à chaudes larmes comme cette femme âgée qui m'avait serrée dans les bras en me disant d'une voix étranglée que tout irait bien.
Mais moi je sais. Je sais que rien n'ira bien. Car Papa est parti.
*****
Finalement le lendemain est passé à toute vitesse et pas une seconde nous n'avons pu reprendre notre discussion. Le matin, la Comtesse d'Isbruk s'était joint à nous pour notre cours d'étiquette avec Aubépine et Louise. Nous avions mangé tous ensembles dans la grande salle et j'avais été agréablement surprise quand la jeune Comtesse s'était platement excusée pour son comportement quelques jours plus tôt. J'avais accepté ses excuses et proposé de repartir à zéro. Elle avait eu l'air soulagée de ma proposition mais en même temps j'avais eu l'impression qu'elle n'était pas à l'aise en ma présence. Je sens qu'il y'a quelque chose de pas clair chez cette fille.
Mais a défaut d'être amies, nous avons décidé d'entretenir des rapports cordiaux et d'étudier ensemble les dures lois de la cour et de sa politique imbuvable.
Après le repas, Milly est partie pour une énième audience avec sa future belle-mère. Au départ, je m'étais sentie exclue, puis vexée mais maintenant je suis franchement en colère. Je ne peux pas me permettre de rester dans cette situation. Je vais devoir me défendre, voir contre-attaquer. Car après deux semaines intensives de formations avec Aubépine, j'ai eu l'occasion de comprendre l'importance de mon rang. Le fait que la Reine ne m'ait jamais conviée à une audience privé est un sérieux manque de respect, pour moi mais aussi pour le Duc d'Estrus. Car il m'a désigné comme héritière et qu'en tant que telle, je serais amenée à avoir une place importante dans le règne de son fils. J'aurais des privilèges mais également des devoirs envers le peuple, envers la couronne. Et pourtant, elle appris le parti de m'ignorer, je dirais même de m'évincer.
Les mises en gardes d'Aubépine et de Louise, résonnent dans ma tête depuis des jours. Je dois absolument montrer à la Reine qu'elle n'est pas seule à tirer les rennes. Qu'elle le veuille ou non, elle a besoin de l'appui du Duc d'Estrus pour garder sa couronne et par extension celle de son fils. Mais d'accepter ce foutu mariage ne seras plus suffisant, car Remus a changé la donne.
Je comprends pourquoi il l'a fait mais j'aurais aimé qu'il m'en parle avant de me designer comme héritière. Il y'a un an quand il m'a annoncé mon adoption, j'avais été aux anges. Pour une fille comme-moi, sans passé, sans racines, c'est une bénédiction d'être acceptée dans cette famille aimante. Mais j'aurais aimé connaitre les tenants et les aboutissants. Savoir qu'il m'a choisi comme héritière. Car d'après Aubépine, bien que l'ainée, en tant que pièce rapportée j'aurais dû rester en dehors de l'héritage. Mais Remus a apparemment bousculé toutes les règles. Il a choisi une presqu'inconnue, une fille mystérieuse, pour perpétuer son titre mais surtout pour perpétuer ses valeurs. Car je l'ai compris maintenant, il n'a pas le choix pour ce mariage arrangé. C'est le seul moyen de garantir le maintien de ce régime qu'il a chèrement défendu avec son ami l'ancien Roi. Mais il sait aussi que la Reine compte sur l'effacement de Milly pour prendre l'ascendant sur sa belle-fille et son fils. Ainsi les époux royaux auraient été de simples pantins dont elle tire les ficelles.
Mais Remus a ajouté son grain de sel, il a sorti la carte mystère, son atout caché. Moi, indépendante, impulsive, déterminée, parfois maladroite mais surtout assoiffée de justice.
*****
Après un après-midi à lire dans mes appartements, j'ai rapidement mangé sur le pouce avant de me diriger vers la roseraie. Ce qui m'amène à cet instant. Depuis presqu'une heure, je me balade dans les couloirs fleuris, caressant avec amour les pétales délicates des roses multicolores. M'interrogeant sur les sensations que leur parfum me procure et sur mon rêve. Ou devrais-je dire mon souvenir. Car j'en suis sûre, cette petite fille c'était moi.
J'ai donc perdu mon père. D'après les uniformes et les objets étranges à leurs ceintures, qui sans savoir exactement comment, j'identifie comme étant des armes, je pense qu'il était soldat ou quelque chose s'en approchant.
Je me rappelle encore le regard hanté de cette femme, ma mère, quand elle a déposé cette rose blanche. Couleur de l'amour, de la loyauté mais aussi du deuil. Le deuil d'un mari, partit trop tôt. D'un père partit trop tôt. A l'époque je devais être vraiment jeune pour ne pas comprendre le concept de la mort. Pourtant, j'avais compris l'essentiel. Il ne reviendrait plus.
Et encore maintenant des heures après ce rêve, je sens encore en moi le profond désarroi qu'elle a ressenti, que j'ai ressenti en comprenant que plus rien ne serait comme avant. Que mon père, mon héros ne serait plus dans nos vies.
Je laisse couler les larmes. A la fois triste et heureuse d'avoir pu renouer avec cet instant.
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