Chapitre 12
Le silence s'est installé depuis quelques minutes dans la grande pièce. Pour un petit salon privé, je le trouve quand même assez majestueux. Mais après tout nous sommes dans le Palais de Zahela alors j'imagine qu'ici toutes les pièces sont démesurées.
— Donc vous avez fait la connaissance de mon cousin cette nuit ? Mais que faisiez-vous à une heure pareille dans la roseraie ? Seule qui plus est, déclare le jeune Prince d'une voix douce.
— Je suis désolée de m'être introduite dans votre sanctuaire. Gabriel m'a dit à quel point c'était un endroit spécial pour vous.
— Mais je lui ai dit qu'elle y serait toujours la bienvenue, n'est-ce pas mon cher cousin ? renchérit Gabriel.
— Euh oui... Bien sûr, répondit le plus jeune en faisant de gros yeux à son aîné.
— Pour répondre à votre question Majesté, j'ai ressenti le besoin de m'isoler pour réfléchir.
— Réfléchir à quoi ? intervint Gabriel.
— Je vais être directe avec vous Majesté. Je m'oppose à cette union et je ferais tout pour l'empêcher.
— Comment cela ? Pourquoi vous opposer à ce mariage ? C'est dans l'intérêt de Zahela, répondit le Prince avec surprise.
— Peut-être mais ce n'est pas dans l'intérêt de ma sœur de cœur. Milly est une jeune fille douce et calme. Et au vu de ce que l'on raconte Majesté, je ne pense pas qu'un Prince coureur de jupon et arrogant soit un époux convenable pour elle. Et puis elle ne souhaite pas devenir Reine.
— Alors vous vous faites un avis sur les gens sans les connaître ? répond avec véhémence Gabriel. Vous, plus que quiconque, devriez savoir qu'une réputation ne reflète pas la réalité. Je vous pensais différente, dit-il en sortant précipitamment de la pièce avec rage.
Je suis complétement bouche bée face à cette réaction. Je ne m'attendais pas du tout à cela. Surtout de la part de Gabriel, qui n'est même pas concerné par ce mariage. Probablement une histoire de loyauté. Après tout, si quelqu'un avait critiqué Anna ou Milly j'aurais réagis pareil. Bec et ongle pour défendre mes protégées.
Mais le plus étrange c'est que le principal intéressé, bien que gêné, ne semble pas vraiment perturbé par ma déclaration.
— Je suis désolé pour la réaction de mon cousin. Il a beaucoup souffert des préjugés et des rumeurs malsaines de la cour. Mais sachez que c'est un homme juste et totalement dévoué à sa famille et au Royaume.
— Je viens de vous insulter et tout ce qui vous importe c'est l'image que j'ai de votre cousin ?
— Je sais ce qu'on dit sur El... sur moi. Mais sachez Ma Dame que ce n'est qu'une façade pour cacher une terrible solitude et une angoisse sans nom. Pour l'avenir de notre Royaume cette union entre nos deux familles doit avoir lieu. Je vous prie donc de réfléchir et d'abandonner votre projet.
— Vous avez l'air effectivement bien différent de ce que l'on dit. Mais il n'empêche que Milly ne souhaite pas vous épouser et encore moins régner. Alors à partir d'aujourd'hui vous devenez pour moi l'ennemi à abattre, déclaré-je froidement en prenant congé.
En sortant, je tombe directement sur mes deux serviteurs qui commencent à me suivre en silence.
Après quelques minutes, agacée, je finis par me tourner vers eux :
— S'il vous plait j'aimerais être seule.
— Nous ne pouvons pas vous laisser. C'est un ordre direct de monsieur le Baron.
— Mais nous sommes en plein jour, que pensez-vous qu'il puisse m'arriver ? Ce n'est pas un champ de bataille, c'est un foutu Palais.
— Mais c'est tout aussi dangereux, souffle la jeune rousse.
— Bon d'accord, je veux bien vous écouter. Suivez-moi.
D'un pas décidé, je me dirige à travers les dédales du Palais. A mon passage tous s'inclinent : serviteurs comme nobles. Tous sans exceptions.
Je réalise soudain où mes pas me portent. À la roseraie !
Arrivée devant la grande verrière, j'hésite un instant. Puis avant d'en pousser la lourde porte je me tourne vers mon escorte.
— Je vais rentrer dans cette roseraie. Seule. Vous pouvez garder la porte.
— Mais c'est la roseraie du Prince !
— Je sais, répondis-je avant de m'engouffrer dans l'édifice.
Dès que j'entre, l'odeur des roses m'assaillent et je me sens instantanément détendue.
Je souffle doucement et relâche mes épaules. Je prends une grande inspiration pour m'enivrer de leur parfum et libérer la tension qui m'étreint depuis que je suis arrivée dans ce Palais. Je marche doucement dans les allées fleuries en caressant du bout des doigts les roses majestueuses. Pour la première fois depuis deux ans, je me sens à ma place. J'ai comme l'impression d'être rentré à la maison après une longue, très longue absence.
— Encore en train de pleurer. Décidément c'est une habitude.
— Et vous c'est votre habitude de briser le moment de solitude des autres ? dis-je agacée en voyant Gabriel approcher.
— Eh, mais c'est mon moment de solitude ! J'étais là avant, répond-t-il en levant les yeux au ciel.
— Je suis désolée pour tout à l'heure. Mais vous devez comprendre que Milly est comme une sœur pour moi. Je me rends bien compte que les rumeurs ne sont pas entièrement fondées. Le Prince est sûrement quelqu'un de bien au fond. Mais elle a vraiment peur de ce mariage et c'est mon devoir de la protéger.
— Mais elle a grandi avec le Prince, leurs pères étaient meilleurs amis. Pourquoi redouter ce mariage ?
— C'est sûrement des souvenirs biaisés de petite fille, mais le Prince qu'elle connait, est froid et calculateur. Et puis il y'a toutes ces rumeurs sur ses nombreuses conquêtes. Enfin, Milly n'a pas du tout la carrure pour endosser le rôle de Reine.
— Les conquêtes ! Cela me fait rire ! Mais passons. Le Duc d'Estrus a dû vous expliquer en quoi ce mariage était essentiel pour Zahela. N'imaginez pas que le Prince se plie à cet engagement avec gaité de cœur. Croyez-le ou non, mais c'est un homme romantique qui rêve d'un mariage d'amour. Mais il est prêt à accepter cette union pour le bien du peuple. Alors qui êtes-vous pour vous y opposer ? Une simple étrangère qui n'a que faire de Zahela.
— Ne croyez pas cela. Le Duc d'Estrus m'a accueilli dans sa famille, m'a appris votre langue, votre histoire, votre culture. J'ai appris à aimer ce monde. A aimer son peuple courageux et travailleur, ses terres magnifiques. Mais ma loyauté ira toujours à cette famille qui m'a offert un toit et m'a donné un nom, une identité, un but quand je n'avais plus aucun souvenir.
— Je suis navré. Je comprends vos motivations mais je dois m'opposer à vous. Ce mariage aura lieu dans six mois alors préparez-vous. Milly est une fille intelligente et dévouée à sa famille. Je suis sûre qu'elle finira par se faire une raison.
— Alors à partir de maintenant nous voilà opposés, répondis-je en tournant les talons pour quitter les lieux.
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