Chapitre 11

Quand j'arrive dans l'aile Ouest je suis surprise par toute l'agitation. Des gardes et des domestiques se précipitent dans tous les sens pour ouvrir les nombreuses portes du long corridor.

Au départ, tous me contournent comme-s'ils ne me voyaient pas, puis d'un coup la voix d'une femme s'élèvent :

— Dame Elina, vous voilà. Vous m'avez fait une frayeur, s'écrie ma jeune domestique en se précipitant vers moi.

— Je suis désolée. Je n'arrivais pas à dormir alors je suis sortie prendre l'air.

— Mademoiselle, je suis désolée j'ai manqué à mon devoir, je me suis assoupi, déclare son jumeau en s'agenouillant devant moi.

— Relevez-vous Armand. Il n'y a rien à pardonner. J'avais besoin d'être seule et puis il faut bien que vous vous reposiez, dis-je avec douceur en l'invitant à se relever.

— Venez Ma Dame. Vous devez être épuisée, déclare la jeune fille en m'entrainant vers mes appartements.

Une fois à l'intérieur, je commence à réaliser la situation dans laquelle j'ai mis mes deux serviteurs. Perdre l'héritière du Duc d'Estrus. Ils avaient pour ordres de m'accompagner partout, de me protéger et dès la première nuit, j'échappe à leur vigilance.

— Je suis désolée de vous avoir causé autant de soucis.

— Ce n'est rien Ma Dame, répondent les jumeaux en s'inclinant d'un même mouvement.

— Mais le Palais n'est pas un endroit sûr pour vous. Et puis une jeune femme de votre rang se doit d'être accompagnée à tout instant, reprend le jeune homme.

— Comme un chaperon vous voulez dire ?

— Ce qu'essaye de vous dire mon frère, c'est que le Baron Beladone, nous a personnellement choisis pour vous servir. Il a conscience de votre position et nous fait confiance pour vous protéger. Et cette nuit, nous avons failli à sa confiance.

— Et quelle est ma position ?

— Hum, vous êtes la femme célibataire la plus puissante du Royaume, souffle Armand en rougissant.

— Dans ce Palais, vous allez rencontrer deux catégories de gens. Ceux qui veulent vous séduire et ceux qui veulent vous nuire, ajoute sa sœur gravement.

— Charmant ! Et vous ?

— Nous sommes loyaux envers la couronne, mais plus particulièrement envers notre défunt Roi et le Duc d'Estrus. Nous sommes prêts à risquer nos vies pour les servir. Et par extension vous servir, en tant que fille adoptive du Duc, répond sans hésiter la rousse.

— Je vois. Et d'où vient cette loyauté aveugle ?

— Nos parents avaient des dettes et selon la loi, les hommes de la couronne nous avaient pris comme garantis. Ils s'apprêtaient à nous vendre au Royaume de Korvir quand le Prince Godric et votre père ont lancé le grand soulèvement et destitué le vieux Roi Altor. Depuis ce-jour, notre famille leur voue une loyauté sans failles, déclare Armand avec ferveur.

— Je comprends. Je suis désolée que vous ayez eu à subir tout cela. Vous deviez avoir à peine quatre ans... Quelle horreur.

— C'est de l'histoire ancienne. Maintenant nous ne risquons plus rien et nous pouvons enfin éponger notre dette en vous servant, reprit la jeune femme. Allez-vous reposer maintenant. Demain vous devez apparaitre à votre avantage pour rencontrer le Prince.

Sans discuter, je me dirige sagement vers ma chambre. Au final cette petite escapade aura été bénéfique. J'ai découvert un lieu magnifique, fait une rencontre surprenante et eu la réponse à mes interrogations concernant l'allégeance de mes serviteurs. Je suis rassurée de les avoir à mes côtés. Cela fait seulement quelques heures que j'ai rejoint la capitale mais je commence déjà à comprendre dans quel bourbier je me suis fourrée.

*****

Je suis réveillée brusquement par une lumière vive quand ma femme de chambre ouvre sans vergogne les grands rideaux.

— Il est presque dix-heure. Allez, il faut vous préparer pour rencontrer le Prince.

Je grogne en remontant l'édredon sur ma tête pour me protéger de cette cruelle lumière. Mais c'est sans compter sur la détermination sans faille de la jeune femme. Sans perdre une seconde, Amande tire avec force et fermeté sur la couverture.

Puis sans me regarder elle part directement fouiller dans mes armoires.

— Vous devez être éblouissante. Pour les cernes, Mademoiselle Aubépine devrait pouvoir cacher cela. Rose ? Non trop doux. La robe d'hier aurait été parfaite mais vous ne pouvez pas apparaître deux fois dans la même tenue.

— N'importe quoi fera l'affaire, dis-je en m'étirant.

— Mademoiselle Aubépine m'a parlé de votre plan. Pour annuler ce mariage, le plus simple serait de jouer sur le côté volage du Prince. L'opération séduction commence donc ce-jour, dit-elle avec entrain en me tendant une robe blanche brodée de feuilles d'argents.

— Je vois que les nouvelles circulent vite dans ce Palais. Mais il n'est pas question que je séduise ce bellâtre !

— Alors comment comptez-vous faire ?

— Je vais lui faire vivre un enfer jusqu'à ce qu'il cède et annule de lui-même ce mariage.

— C'est audacieux, mais pas impossible. Mais le Prince est quelqu'un de très déterminé.

— Alors nous verrons bien qui gagnera ce duel de volonté, déclaré-je en enfilant la robe par-dessus ma chemise en soie.

— Que le meilleur gagne, répond la jeune femme en serrant avec fermeté mon corsage.

Rapidement, me voilà sortis de mes appartements, habillée, coiffée et maquillée pour rejoindre d'un pas sûr, la salle à manger de l'aile Ouest. J'ai été surprise d'apprendre que le Prince vit dans la même aile que nous. D'ailleurs son cousin Gabriel aussi. Je suis à la fois intimidée et impatiente de le revoir mais ce n'est pas le moment de se laisser distraire.

Je vais rencontrer mon ennemi et je dois lui en mettre plein la vue.

Arrivée au rez-de-chaussée, Amande m'indique de la suivre dans le corridor de droite. Puis une fois devant la double porte en bois, la femme de chambre s'écarte et son frère pousse les battants en m'invitant à entrer.

Je n'ai même pas le temps d'y entrer qu'une petite tête blonde se précipite vers moi.

— Elina, enfin te voilà, s'exclame-t-elle en me prenant dans ses bras. Cela ne te ressemble pas de te lever si tard. J'étais inquiète.

— Désolée Milly, j'ai eu une nuit compliquée, répondis-je en lui caressant les cheveux avec tendresse.

— Vu tes cernes, je veux bien le croire. Tu m'expliqueras plus tard. Je suis attendue dans les appartements privés de la Reine, pour prendre le thé. Je te laisse rencontrer le Prince. Heureusement, son cousin est aussi présent, souffle-t-elle comme une confidence.

Je n'ai même pas le temps de lui répondre que la voilà disparue, ses serviteurs derrière elle. Je prends une grande inspiration et rentre finalement dans le petit salon.

Deux paires d'yeux noirs se tournent vers moi avec surprise pour l'un et amusement pour l'autre.

— Je vois que la nuit a été courte, s'exclame Gabriel en riant avant de se lever pour m'accueillir.

— Pour vous aussi il me semble, rétorqué-je.

— Hum, fait le Prince en se grattant la gorge. Vous vous connaissez ?

Je me tourne alors vers lui m'apprêtant à répondre. Mais je suis complétement abasourdi par la scène qui s'offre à moi. Les deux cousins se ressemblent en tous points. Cheveux noirs nattés, yeux sombres, carrure athlétique. Mais la comparaison s'arrête là. Car Gabriel, l'aîné, dégage force et droiture nuancé d'une pointe de dérision, alors que le second n'est que douceur et timidité.

Je n'aurais jamais imaginé cela de la part du Prince volage et arrogant que l'on m'avait décrit. Décontenancée par cette constatation, je m'incline légèrement et déclare :

— Prince Eldric de Zahela, enchantée de faire votre connaissance. Je suis Elina Duchesse d'Estrus, fille aînée du Duc d'Estrus, sœur de cœur de votre promise Milly.

— Je ne...

— Eldric, cousin. Je t'ai parlé d'Elina. C'est elle que j'ai rencontré cette nuit dans ta roseraie, déclare Gabriel en faisant un regard lourd de sens au Prince.

— Ah... Fort bien. Enchanté de vous connaître, balbutie-t-il en s'inclinant bien plus bas qu'il ne le devrait.

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