Chapitre 1

— Milly, Anna ! Vos parents vont partir. Descendez leur dire au revoir ! dis-je en rentrant dans leur chambre.

— S'il-te-plait Elina, fait-nous gagner du temps ! me supplie Anna en cachant tant bien que mal sa sœur assise dans son lit.

— Vous devriez être levée depuis plus d'une heure !

— Mais Milly ne se sent pas très bien.

J'essaye de voir la jeune fille pour voir si elle va bien mais Anna bouge en suivant mes mouvements pour rester toujours entre moi et sa grande sœur.

Je commence à m'inquiéter. C'est bien la première fois qu'elles me cachent quelque chose. Cela fait maintenant deux ans que je m'occupe des deux filles de la maison et nous avons toujours eu une relation très complice. En peu de temps elles sont devenues des sœurs pour moi. Des sœurs de cœur comme le dit Anna.

— Milly qu'est-ce qui se passe ? Tu as de la fièvre ? fis-je en essayant de toucher son front, mais vite repoussée par la plus jeune qui fait barrière.

— Non, couine-t-elle d'une voix étouffée.

— Tu as mal quelque part ?

— Un peu au ventre...

Je me précipite vers elle en contournant la petite blonde. A cet instant, deux choses me frappent : les yeux rougis de larmes de la jeune fille et sa chemise de nuit tachée de sang.

En voyant ma surprise Milly éclate en sanglot.

— Ne leur dit pas ! Je ne veux pas partir !

— Chut, tout va bien, soufflé-je en lui caressant les cheveux. Ce n'est rien. Tu es juste devenue une femme.

— Je sais mais je ne veux pas partir ! lance-t-elle en serrant ses petits poings.

— Mais pourquoi tu partirais ? demandé-je surprise par la réaction violente de ma protégée.

— Parce qu'elle va devoir l'épouser... murmure la plus jeune.

— Epouser qui ?

— L'homme le plus arrogant et le plus cruel du royaume ! Le Prince ! réponds le petite en s'asseyant au côté de sa sœur.

Je suis complétement perdue. Deux ans que je suis dans cette famille et pourtant je n'ai jamais entendu parler de ce Prince et encore moins d'un mariage arrangé.

Perdue dans mes pensées, je suis sorti de mes réflexions par la voix de la maîtresse de maison.

— Les filles, venez nous embrasser. Avec votre père nous partons pour la capitale. Nous serons revenus dans une semaine ! s'écrie-t-elle en bas des escaliers.

En attendant la voix de leur mère, les deux jeunes filles se jettent dans les bras l'une de l'autre et se mettent à pleurer de plus belle.

— Je ne dirais rien. Anna, tu es habillée alors descend et fais-nous gagner du temps pendant que j'aide Milly à se préparer.

— D'accord, acquiesce la jeune fille en s'essuyant les yeux avant de se lever prestement.

Elle a beau n'avoir que douze ans, c'est par moment elle la plus mature des deux. Elle a un esprit aiguisé et un caractère bien trempé alors que sa sœur, de trois ans son ainée n'est que douceur et naïveté.

Si on m'avait dit qu'Anna allait épouser le Prince, j'aurais dit bonne chance à lui ! Mais pour Milly c'est une toute autre histoire. Jamais elle ne pourrait supporter la vie de la cour surtout si cela ressemblait à la moitié de ce qu'on m'a dit. Alors sans réfléchir plus, je décide de prendre les choses en main et de mentir pour la première fois à l'homme et la femme qui ont eu la gentillesse de me recueillir, me nourrir et me vêtir quand je n'avais rien. Ils m'avaient appris à parler et m'avaient donné un but, une famille.

Après quelques minutes, je jette la preuve au fond de mon armoire pendant que Milly enfile une grande culotte rembourrée de coton et une robe bleue à dentelles. Je lui passe un rapide coup de brosse dans les cheveux pendant qu'elle asperge d'eau son visage pour effacer les sillons que ses larmes avaient laissés.

Une fois ses cheveux nattés, nous descendons rapidement rejoindre les maîtres de maison.

— Elina merci de vous occuper si bien de tes sœur, dit la femme en me faisant un grand sourire. Milly ma chérie, ta sœur m'a dit que tu ne sentais pas très bien ce matin. J'espère que tu seras vite remise sur pieds.

— Oui mère. J'ai un peu mal à la tête et mon ventre me fait souffrir mais Elina m'a dit qu'elle connaissait une bonne méthode pour me soulager, dit la jeune fille en prenant la main que sa mère lui tendait.

— C'est vrai ?

— Oui Madame la Duchesse. La menthe poivrée en infusion soulagera son estomac et ses maux de têtes.

— Appelle-moi Mère ou au moins Murielle s'il te plait. Je sais que tu as déjà une famille et qu'un jour tu les retrouveras, mais pour nous tu es devenu un membre à part entière de la famille Estrus. En tout cas, je ne savais pas que cette plante avait toutes ces vertus. Comment l'as-tu su ?

— Je me souviens que j'en utilisais pour soulager les maux de ventre et les migraines de ma mère, soufflé-je d'une petite voix.

— Oh mais alors tu as retrouvé tes souvenirs ? demande-t-elle avec bienveillance.

— Non pas vraiment. Je ne me rappelle toujours pas de ma vie ou de ma famille. Juste par moment je me rappelle de certaines choses anodines, comme la menthe poivrée ou une odeur, un son et parfois un mot. Mais rien de précis.

— Ma pauvre chérie. Nous allons profiter de notre venue à la capitale pour demander à nouveau à la garde si quelqu'un te cherche. Je suis sûre que tu as une famille quelque part qui t'attend avec impatience !

— Merci Ma..., Murielle, soufflé-je en m'inclinant émue.

— Bon chérie, le cocher nous attend. J'aimerais profiter de la fraicheur du matin pour voyager, dit le maître de maison en s'impatientant légèrement.

C'est un homme merveilleux. Sous son aspect parfois un peu froid et distant se cache un homme doux plein d'amour pour sa famille. Un homme de lettres passionné par ses livres et totalement dévoué au royaume. C'était lui qui m'avait trouvée et m'avait ramenée à la maison pour me soigner.

Quand j'avais repris connaissance, sa femme s'était empressée de me faire manger un bouillon, pendant que les deux filles de la maison jouaient doucement sur le tapis de la petite chambre. Après quelques jours, c'est lui qui avait décidé de me garder le temps de retrouver ma famille. En comprenant que je n'avais plus aucuns souvenirs, ni identité, il m'avait donné un prénom et avait commencé à m'enseigner tout ce qu'une jeune fille de bonne famille devrait savoir, en commençant par la langue du royaume.

Après quelques mois de recherche infructueuses sur ma famille et mes origines, il m'avait tout naturellement proposé de m'adopter en tant que fille ainée de la famille Estrus, ou devrais-je dire du duché d'Estrus.

Après les embrassades, les maîtres des lieux sont finalement partis et nous sommes remontés toutes les trois dans la chambre sous le regard curieux des employés de maison.

— Bon maintenant racontez-moi !

— Tu sais que notre père est un homme influent ? demande la petite blonde.

— Oui je sais que c'était l'un des conseiller du défunt roi et qu'il a un temps était le précepteur du Prince.

— En tant qu'homme de lettres et surtout en tant que Duc, il a un rôle important dans le royaume de Zahela, reprend Anna. Quand nous étions jeunes, nous vivions à la capitale et bien que le Prince soit plus âgé, nous le fréquentions souvent. Nos parents se sont mis dans la tête d'unir nos deux familles et c'est ainsi que Milly s'est retrouvée fiancée à ce gamin prétentieux !


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