Chapitre 3: Tout va bien, Professeur Xavier!
Le 14 janvier, je me présente de nouveau chez mon médecin traitant, munie des résultats de mon échographie. Il ouvre des yeux ronds en voyant la taille de la "masse mixte" qui occupe le bas de mon ventre.
Pour la première fois, je note une constante qui se poursuivra tout le long de mes déboires médicaux: quand je montre une image de mon kyste géant à une femme médecin, elle se montre très cool. Si c'est un homme, il a l'air complètement horrifié. Je ne sais pas si cela veut dire que les femmes ne veulent pas me transmettre leurs inquiétudes, ou si les hommes sont plus émotifs ou si cela a un autre sens. Toujours est-il que le docteur me prescrit un scanner et une analyse. Avant que je quitte son cabinet, il me conseille aussi d'en parler à ma mère.
Il faut dire qu'il connaît ma mère. Ma grand-mère maternelle elle a habité dans cette ville et c'était lui, son médecin traitant. Ma maman a l'habitude de s'occuper de tous ceux qui l'entourent et quand ma mamie a eu des problèmes de santé, elle demandait souvent de ses nouvelles à son médecin. J'hésite. J'envoie un email à ma psy. Elle ne me répondra pas avant notre prochaine séance mais ça fait du bien de parler.
Ma mère me téléphone dans la journée. Pendant un bref instant, j'envisage de lui cacher ce que je viens d'apprendre, puis je renonce car ma mère a toujours eu une intuition extraordinaire quand il s'agit de ses enfants. Il est impossible de feindre la joie devant elle; elle sait tout de suite quand ça ne va pas. Par moments, elle me fait presque penser à Charles Xavier, le professeur humaniste des X-Men.
Je lui raconte tout d'une voix étranglée. Elle essaie de me calmer. Il se trouve qu'on a dû l'opérer d'un nodule il n'y a pas si longtemps que ça et elle m'explique la différence entre un kyste et un nodule. Dans la foulée, elle me demande de lui envoyer les résultats de mon analyse en pièce jointe. Je raccroche un peu plus rassurée. Plus tard, j'apprendrai que je lui ai transmis mon inquiétude sans le faire exprès. Pardon, maman.
Il faut un délai d'attente démesuré pour passer un scanner dans ma ville. Après plusieurs coups de téléphone, je finis par trouver un endroit où on peut être examiné plus facilement. J'arrive sur place. Après un moment passé en salle d'attente, on me fait entrer dans une cabine privée où je dois mettre une blouse verte. Ensuite, j'entre en salle d'examen et on me fait allonger sur une couchette.
J'ai déjà passé un scanner à 17 ans. Je sais comment ça se passe : l'examen est légèrement bruyant mais indolore. Tout cela ne dure pas trop longtemps et j'ai vite mes résultats. Mon médecin traitant me reçoit dans la journée. En voyant les résultats de mon scanner, il m'enjoint d'aller tout de suite aux urgences. Je jette quelques affaires dans une valise, je préviens ma mère et j'envoie un mot sur mes blogs ainsi que sur le forum que je modère. Ensuite, je cours pratiquement jusqu'à l'hôpital. Je me présente à l'entrée des urgences en gynécologie et j'attends. Il est 14h50.
Au bout de trois heures, une interne me fait entrer dans une petite pièce. En voyant mon ventre, elle me demande si je ne suis pas enceinte, si j'ai eu des rapports sexuels récemment. Il s'ensuit le dialogue suivant:
- Non. En fait, je suis asexuelle.
- Je ne connais pas ce mot.
- J'ai jamais ressenti d'attirance sexuelle pour qui que ce soit. Je ne suis jamais passée à l'acte.
- Vous n'avez jamais eu de problèmes, alors!
- Si, j'ai eu une rhinopharyngite le mois dernier.
Elle ne critique pas le concept. Je sais que les asexuels sont plutôt rares (une personne sur cent, à ce qu'il paraît) mais ma vie sans sexe me convient très bien (tant qu'on n'essaie pas de me priver de chocolat, auquel cas je ne réponds plus de rien). L'interne me fait alors passer une échographie. Elle me confirme ce que je sais déjà: j'ai un gros machin gênant dans le ventre.
- Il va falloir vous l'enlever, m'annonce-t-elle. Seulement, on ne peut pas faire ça dans l'immédiat. Je vais vous faire une ordonnance pour une IRM et vous reviendrez avec les résultats.
J'acquiesce et je rentre chez moi, me sentant bête d'avoir traîné ma valise pour rien. A peine suis-je arrivée que mon portable sonne. On m'annonce que l'interne a oublié de me rendre mon dossier. Je refais le trajet à pieds, je demande mon dossier à l'accueil, je reviens et je me fais à bouffer. J'attendrai encore avant d'être débarrassée de mon boulet.
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