CHAPITRE 2 (Partie 2)
Depuis quelques heures, les verres s'enchaînent, les discussions devenaient de plus en plus bruyantes. Les enceintes pulsaient au son des basses ou du frottement des guitares. Des chansons alternant métal et rock passaient, remplissant la salle de leur mélodie.
La fumée des cigarettes était de plus en plus épaisses formant ainsi un brouillard artificiel, la lumière des spots colorés alternés entre le rouge, le violet et le blanc.
Une violente migraine s'immiscer sous mon crâne, m'obligeant à grimacer lorsque la lumière ou la musique devenait insupportable. Je voulais rentrer chez moi, m'enrouler dans ma couette et dormir jusqu'à demain après-midi. Seulement Jay ne semblait pas prêt à partir, il continuait de parler avec ces amis oubliant mon existence.
Je ne lui en voulais pas, il avait le droit de profiter d'un peu de répit, mais je commençais à regretter de l'avoir accompagné. J'aurais pu rester dans mon lit, mon ordinateur sur les genoux avec une série Netflix.
D'ailleurs, j'aimais bien les séries fantastiques comme Shadowhunters. Mais je trouvais que celles-ci différaient de la réalité.
Il n'y avait pas de méchant ni des gentilles créatures surnaturelles. Pour moi le concept manichéen ne s'appliquait pas à la réalité. Il y avait seulement des gens esclaves de leurs émotions, de leurs passés, de leurs erreurs, de leurs regrets, de leurs ambitions et de leurs rêves pour certain. Il suffit d'un sentiment, d'une émotion trop forte : la jalousie, l'amour, la peur, la colère...pour enflammer le brasier qui est en nous et lâchés nos démons les plus enfouis.
Une chose que les heures d'entraînement et les contrats m'avaient apprise : le contrôle de mes émotions. Je me savais capable de faire abstraction de toutes mes émotions pour me concentrer sur mon objectif. De les éteindre comme si elles n'étaient que de simples luminaires.
Pour le moment, c'était plutôt l'ennui qui a pris possession de mon être. Je me savais être patiente, mais quand cela m'arrangeait.
Alors que Steve, racontait un de ces énièmes exploits en pêche, je bâillai et finis me lever pour aller aux toilettes. Faute d'alcool, j'ai dû me rabattre sur des sodas et des boissons énergisantes. Mais cela n'avait pas eu l'effet escompté, j'étais devenu plus amorphe qu'avant.
Je fis signe à Jay que j'allais aux toilettes, il hocha la tête puis reprit la conversation, ne me prêtant plus attention.
Je soufflai, et me faufilai au milieu des tables et du ballet des serveuses. Le bar était plein à craquer, remplis de motard, ou de personnes voulant se distraire. Je reconnaissais certains élèves de la Jackson High school profitant de leur week-end.
Je poussai la porte des toilettes, et me dirigeai vers le côté droit, celui réservé à la gente féminine, et partis me réfugiais dans une cabine. Le calme me fit un bien fou la musique était assourdie, le bruit des conversations et des rires s'estompaient. Je sortis de la cabine au même moment où deux filles de mon âge apparurent dans l'encadrement, gloussant comme des dindes. Elles ne m'étaient pas inconnues. Sans doute, les avais-je aperçus au détour d'un couloir au lycée.
Je ne prêtais aucune attention continuant de me laver les mains, observant mon reflet dans le miroir en face de moi, alors que leurs rires avaient subitement cessé à ma vue. Je notai la disparition du rouge qui coloré mes lèvres, et le mascara lui tenait bon, par je ne sais quel miracle.
Elles disparurent chacune dans une cabine, je séchai mes mains et décidai de prendre une petite pause, et de calmer mes nerfs en pelote, avant de retourner dans la salle. Je m'assis sur le rebord du lavabo en marbre vert, et sortis mon portable consultant mes messages et mes mails, plus par habitude que par réelles nécessité. Elles étaient toutes deux vides. Qu'est-ce que je croyais ? Que du jour au lendemain on fera appel à mes services, alors que j'avais clairement signifié à Marco de ne plus me recontacter.
Je consultais le fil d'actualité de mon Facebook, et fis un tour sur Instagram. Je ne raffolais pas des réseaux sociaux, sans doute dû à mon côté solitaire. Ce n'est que très récemment que je me suis inscrite sur ceux-ci, sur un coup de tête, le même qui était à l'origine de mon nouvel abonnement à la salle de sport.
Et puis imaginer ma story sur Instagram :
" Salut tout le monde, on se retrouve pour une nouvel story, sympathique et utile, où je vous montre comment arracher la tête d'un métamorphe..."
C'est sûr il y n'a pas à dire, je risquerai d'avoir des millions d'abonnés, ou un abonnement dans un hôpital psychiatrique.
Faisant défiler les photos et story sur Instagram, j'essayais sincèrement de comprendre ces personnes qui ne pouvaient s'empêcher d'étaler leur vie sur les réseaux sociaux, sans aucune pudeur.
Je supposais que le besoin de briser la solitude, de reconnaissance, de sortir de la routine qui nous pousse à détailler notre vie, même dans nos moments les plus intimes. Les réseaux sociaux nous entraînent dans des cercles vicieux. Nous partageons des moments de notre vie, rencontrons des gens, mais finalement cela ne changera rien. On aura beau avoir dix mille abonnés, ou cent, nous sentirons toute cette solitude nous peser. Le besoin de reconnaissance de se sentir supérieur de se dire que notre vie n'est pas aussi merdique que l'on pense. Le besoin de notre société de tous nous ranger dans des cases, des moules, d'uniformiser, de diriger, pour finalement effacer les différences qui font de nous des êtres uniques.
L'exemple des influenceurs est un des plus flagrants. Des personnes qui se permettent de dire que tel ou tel produit est génialissime et qu'il faut absolument l'acheter, sans même l'avoir préalablement testé, et en étant rémunéré. Leur principale victime des adolescentes mal dans leur peau se précipite pour acheter ce genre de produit sous peine de passer pour une ringarde ou autre, aux yeux de la magnifique société que nous formons.
Il suffit d'être un peu différent, de ne pas réussir à rentrer dans une des cases que cette foutue société à créer, d'être atypique, pour signer notre arrêt mort. Comme s'il existait plusieurs types de personnes, déjà prédéfinis. Insultes, menaces, intimidation, harcèlement et tout cela derrière un écran. Et summum du courage, se cachant sous des pseudos plus pitoyables les uns que les autres.
Les réseaux sociaux étaient mon dernier recours contre l'ennui. Netflix, le sport et la ma PAL (pile à lire, pour les incultes) me suffisaient largement pour combler mes heures libres.
Les deux filles sortirent enfin de leur cabine, m'observant avec méfiance, du coin de l'œil. Je fis mine de ne pas les avoir vus, le nez sur mon portable, jusqu'à ce qu'elles disparaissent. Elles ne perdirent pas une seconde à me critiquer, et les mots "bizarre" "tarée", revenaient souvent avant même de passer la porte ne se gênant pas pour faire preuve d'un minimum de discrétion.
Encore quelques choses qui me débectaient : le jugement des gens. Comme si notre apparence allait rendre meilleur le monde.
Je restai encore quelques minutes, me délectant de mes derniers instants de calme, ma tête ne m'élançait plus. C'est au moment où je me décidai à sortir de ma cachette, que je distinguais des gémissements. Je ne prêtai pas plus d'attention, supposant que cela devrait être un couple, profitant des plaisirs de la vie. Mais le grognement rauque semblable à celui d'un animal, ainsi qu'un feulement me fit changer d'avis.
Merde ! Ils devaient être inconscients de régler leur compte aussi proche d'un lieu rempli d'humain. Derrière un bar ! Non mais je vous jure ! Il y a des moments où je me demande si certaines créatures était absente lors de la distribution de neurones.
Je me précipitai vers la sortie de secours, situé entre les toilettes des hommes et des femmes. Et comme par le plus grand des hasards, je tombais nez à nez avec Andy Benner.
Remerde ! Manquait plus que lui !
Il avait dans ces bras l'une des deux filles. Le joli couple qu'ils formaient était en pleine exploration des amygdales.
Je me stoppai net quelques secondes, alors qu'Andy et la fille numéro un qui m'avait traité "de tarée" me lançaient un regard noir, pour l'une. L'autre étant un peu surpris de me voir sortir comme un petit diablotin des toilettes, resta les bras ballants.
— Oh ! Désolé de vous déranger, dis-je sans que je ne sois pas le moins du monde désolé du tout.
Je me faufilais à côté d'eux, car ils avaient eu la bonne idée de bloquer le passage, en se mettant en plein milieu.
Alors que je poussai la porte donnant sur l'arrière du bar, une main s'agrippa à la manche de ma chemise.
Je me retournai vivement, dégageant ma main de sa poigne.
— Qu'est-ce que tu veux ? le pressai-je pendant que les gémissements de douleur et les feulements reprirent de plus belle, mais assourdis par la porte et la musique.
Pas maintenant ! Pas ça !
Je redoutai qu'une personne lambda, viennent à tomber sur ce règlement de compte version surnaturelle, faisant rappliquer des visiteurs Indésirables.
— Toi, qu'est-ce que tu fais ici ?
Il me l'avait demandé avec une telle nonchalance, quoique légèrement surpris de me voir ici, laissons supposer que nous étions des amis de longue date.
— Ça se voit, je suis allée pisser. Maintenant, voudrais-tu bien me lâcher pour que j'aille prendre l'air, tranquillement ?
Mon ton agressif le fit relâcher sa prise et reculer de deux pas en arrière.
— Je ne voulais pas te déranger. Excusez-moi, princesse. Sa voix était suintante d'ironie.
Je grinçai des dents et le fusillai du regard.
— Andy ! s'exclama sa copine, mécontente que son petit-ami s'intéresse à moi.
Cette petite diversion me permit de me couler derrière la porte et d'échapper à cet emmerdeur de première.
Lorsque j'arrivai dehors, je tombai sur une impasse mal éclairée, et grouillante d'ordures ménagères. Une odeur nauséabonde provenait des détritus, qui s'amoncelaient dans et sur les poubelles à ma gauche et en face de moi. Des mouches voletaient produisant un bourdonnement, le léger bruit des griffes sur le bitume m'indiquait que des rats en faisait leur bercail.
J'avançai prudemment sur ma droite me fiant à mes sens, les bruits de luttes s'intensifiaient. Je distinguai trois assaillants et une victime, grâce au peu de lumière qui provenait d'un lampadaire. Je n'étais plus qu'à quelques pas.
La scène que je découvris me laissa sur le cul.
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