Chapitre 9: La fameuse soirée :


Je n'étais plus qu'un zombie. La journée de tâches venait de se terminer. J'avais faim et soif. Je sentais le crottin de cheval. Mes articulations me suppliaient de me poser et surtout, j'avais une irrépressible envie de m'arracher le coeur et d'en faire un tartare. J'errai donc dans le manoir à la recherche d'un rien inaccessible. Je ressentais la belle et pure fatigue. Même dans cette situation, je me pris à sourire. C'était quand même une journée géniale. Les gens que j'avais rencontrés étaient géniaux, puissants et très atypiques. Chacun avait un pouvoir. Incroyable. Avec mes ,nombreux combats dans l'arène, je pensais que la magie n'était pas si courante que cela. Je m'étais trompé.

Alors que je regardai avec lassitude les tapisseries du couloir sans même les regarder, Rudeya arriva. Lorsqu'elle me vit, elle eut un large sourire. Moi aussi. Étonnamment, mon coeur recommença à faire des siennes. Je ne comprenais pas pourquoi. Elle me dit :

« Salut M ! Alors cette première journée ?

- Fatigante. Lui répondis-je, les yeux vides.

- C'est normal, on y est tous passés. Tiens ! Elle me tendis une pomme rougeoyante de sa poche. Tu dois être affamé !

- Tu m'étonnes ! Je sautai sur la pomme et commença à la dévorer.

- Tu sais, la soirée devrait commencer dans une ou deux heures. Va te reposer, il faut que tu sois à fond pour ce soir ! M'expliqua-t-elle. C'est toi le roi de la soirée ! »

Je rougis. Pour la première fois. J'étais le roi de la soirée. Pour la première fois de ma vie. Je la remerciai et bégayai que j'essayerai de faire de mon mieux. Elle me fit un clin d'oeil. Je me sentais fondre. Nous nous dîmes à tout à l'heure et je pris la direction de ma chambre. Elle était petite et simple, comme dans les auberges. Il y avait une armoire, une salle de bain et un gros lit bien douillet. Sans prendre la peine de me changer, je tombai dedans et m'endormit pour un sommeil sans rêve ni cauchemar. Un sommeil de fatigue. Un sommeil de plomb.

Au bout d'une heure et demi, j'émergeai. Je jetai un coup d'oeil par ma fenêtre qui donnait sur la cour. La nuit commençait à tomber. J'avais les cheveux ébouriffés, la tête dans le cul, les yeux injectés de sang et la bouche pâteuse. Le sommeil avait bel et bien été réparateur. Au bout de l'allée, je vis une voiture qui arrivait à toute vitesse. Elle était tirée par deux grands et beaux chevaux blancs. C'était une voiture noire, couverte de striures et d'arabesques d'or. Les jantes des roues étaient elles, en argent. Arrivée au niveau du portail, elle ralentit et le conducteur la rangea sur le côté de la cour d'entrée. La porte s'ouvrit et en sortit un grand homme blond, habillé d'un costume blanc, d'un monocle et d'un haut de forme. Il avança vers le manoir de ces démarches insupportables de riches tout autant insupportables qui parlent de manière insupportable et qui ont des pensées insupportables sur le monde. En quelques secondes, je compris. Il venait pour la soirée. Je devais être prêt. Je ne l'étais clairement pas. Mon sang ne fit qu'un tour et je filai à la salle de bain.

Une fois habillé, douché et coiffé, je descendis les escaliers vers la grande salle de réception que Monsieur Lulsk m'avait indiqué. Evidemment, j'arrivai avec du retard à cause de ma préparation mais aussi à cause de ce foutu manoir qui avait des portes dans tous les sens, des couloirs montants et descendants et des portes qui mènent partout et nulle part. La grande pièce était remplie. Un grand lustre majestueux illuminait la pièce décorée de marbres et de feuilles d'or. Sur la gauche, il y avait un petit buffet avec boissons et amuse-bouches et de l'autre côté du comptoir, Jsina me fit un signe de la main.

A mon arrivée, tout le monde se tourna vers moi. Lorsque Monsieur Lulsk, qui semblait parler d'affaires sérieuses avec deux autres hommes moustachus, me vit, il mit fin à sa conversation et se tourna vers moi avec des yeux illuminés. Il s'exclama : « Ah ! M ! Enfin vous voilà ! Je commençais à m'inquiéter ! »

- Excusez moi Monsieur. Je... Je me suis endormi. Me rattrapais-je.

- Ce n'est pas grave. Ne répétez néanmoins plus cette erreur. Me dit-il plus sérieusement. Enfin bref, je voulais te présenter Le Capitaine, qui nous fait l'immense honneur de sa présence ce soir ! » Un très grand monsieur tendit la main pour me la serrer. Il n'avait pas de tenue spécifiquement chic. Il ne semblait faire partie d'aucune classe sociale. Il n'avait pas l'air riche, pas l'air pauvre. A l'allure, il n'avait rien à faire d'ici. Mais je sentis son aura. Et ça, c'était bien différent. De son corps émanait une aura prestigieuse. Comme si il avait déjà tout vécu, tout enduré. Il sentait le soldat. Une odeur légèrement épicée, avec une pointe de fer rouillé et de sang fraîchement versé. Cet homme avait vécu la guerre. J'en étais convaincu. Une fois sa main serrée, tous les regards se détournèrent. Les gens repartirent dans leurs discussions, recréant le brouhaha dans lequel j'étais arrivé. Le Capitaine me sourit. Il avait des yeux verts comme un sous-bois et des cheveux marrons en bataille. Il devait avoir une trentaine d'années tout au plus. Il me dit, d'une voix grave et posée :

« Ravi de vous rencontrer M. Monsieur Lulsk m'a beaucoup parler de vous. En bien, évidemment. Voilà quelques temps qu'il vous avait repéré et je n'attendais qu'à vous voir. »

Je rougis là non ? Bon sang mais pourquoi suis-je autant le centre d'intérêt de tout le monde ? Je n'ai rien de spécial. Je suis un monstre bon sang. J'ai tué pendant des années dans une arène et je suis... « Intéressant » ? Je ne sais pas quoi faire. Ces regards qui encadrent mon visage et me broient les intestins. Les soirées mondaines sont les pires au monde. Le Capitaine reprit sans attendre de réponse de ma part : « Il m'a dit que vous étiez de la tribu des Komolos. Puis-je voir votre pierre si cela ne vous dérange pas trop ? »

Mon coeur fit un bond de géant entre mes pieds et mon cerveau. Ma... Ma pierre ? Cette pierre qui avait réduit ma vie à néant. Qui m'avait rendu si spécial que mon existence en avait été bouleversée. C'est cette pierre qu'il voulait voir ? Et je devais en être fier en plus ? Mais qu'est ce que je fous là ? Il y a quelques jours à peine, cette pierre croulait en prison avec moi et maintenant, je devais la montrer ? Le regard insistant de Monsieur Lulsk m'obligea. Je lui montrai la pierre. Le Capitaine la scruta avec des yeux remplis de malice. Il souffla : « Fascinant ! ». Mes yeux roulèrent. Je regardai autour de moi, à la recherche d'une aide que je trouvai. Rudeya sirotait un verre d'eau. J'écartai ma main de la vue du Capitaine et dit avec précipitation : « Je suis appelé là-bas. Excusez moi ! » Le Capitaine continua de me regarder avec de grands yeux ébahis. Puis, il me répondit : « J'espère vous revoir très bientôt, M. » Je frissonnai. Son sourire énigmatique me fit peur. Celui-là, il ne fallait pas trop s'en approcher et j'étais bien content de rejoindre Rudeya. Elle me vit arriver et sourit : « Alors ? Tu profite de ta célébrité ?

- Je ne suis pas célèbre. Ils sont flippants tous ces riches bien habillés. Je ne me sens pas bien. Lui répondais-je.

- Tu te moque de moi ? Tu étais avec Le Capitaine je te rappelle ! C'est loin d'être un riche ! C'est le chef des armées du grand roi de Sins. C'est considéré comme l'homme le plus puissant du monde. Personne ne l'a jamais vaincu. Absolument personne. Sa renommée fait le tour du continent. C'est le fléau des démons et c'est surtout... Un homme magnifique. » Conta-t-elle en le regardant avec béatitude.

Voilà que Rudeya fantasmait sur lui. Décidément. Je le détestais. J'étais prêt à répliquer lorsqu'arriva le grand blond à la tenue blanche que j'avais vu arriver. Il avait une cicatrice que je n'avais pas remarqué sur le bas de la joue. C'était donc lui. Depuis que j'étais arrivé, je sentais son regard pesant sur moi. Tous avaient déviés du regard mais lui, il avait continuellement gardé ses yeux sur moi. Des yeux perçants, pesants. De sa voix de fouine, il me coupa : « Mon cher M ! Enfin je vous rencontre ! Cela fais des jours que je cherchai à vous voir depuis que Monsieur Lulsk m'en a parlé ! J'ai ouïe dire que vous saviez vous transformer en monstre. Lequel est-il ? »

Encore ces questions sur mon monstre ? Je venais de comprendre ce que voulait dire « Roi de la soirée ». C'était une métaphore pour dire « Bête de foire » ! Je lui répondis sèchement : « Un Dracorn.

- Tiens donc ! Justement, je trouve cette espèce très intéressante. Tu seras parfait ! » Je blanchis. Comment ça parfait ? Qu'est ce qu'il veut dire ? Je ne comprend pas. Rudeya le regardait aussi avec de grands yeux. Il ne nous prêta pas attention et fouilla dans sa poche. Il en sortit une seringue remplie d'un sérum vert. Je la regardai avec questionnement. Rudeya semblait avoir compris car elle lâcha son verre. Il n'était pas tombé que l'homme fonça vers moi. Je ne savais que faire. Je n'eus pas le temps de réagir. En quelques micro-secondes, il avait planté dans mon flanc droit la seringue et avait injecté le sérum. Il me prenait par l'épaule gauche, comme si il m'avait planté un couteau. Personne ne nous avait vu à part Rudeya. Le crime parfait. Il me sourit et me glissa dans l'oreille : « Montre moi ce que tu vaux, espèce de monstre infâme. » Il retira sa seringue. J'étais bloqué de peur. Je sentais le liquide se déverser dans mon corps, couler le long de mes entrailles. Le verre tomba au sol. S'éclata en mille morceaux. Je tombai sur le sol. Mes yeux s'embrumèrent. Mon coeur s'emballait. Je ne pouvait plus réfléchir. Tous mes sens manquaient à l'appel. Bientôt ma tête tomba au sol, dans un coma lourd.

Des cris.

Les autres gens criaient. Rudeya criait.

Mais bientôt. Un autre cri.

Je ne me maîtrisait plus. J'étais dans les vapes mais lui ne l'était pas. Il prit ma place.

Cet autre cri. Plus puissant, plus résonnant que les autres. Un cri sauvage.

Le Monstre s'était réveillé. Dans ma tête, j'entendis une voix lointaine d'un présentateur lointain : « Mesdames et messieurs, Le Moooooonstre ! »


A suivre...


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Eh oui! Je fini sur un gros suspense! Mais ne vous inquiétez pas, la suite arrive bientôt!

J'espère que vous avez apprécié ce chapitre!

Dites moi d'ailleurs ce que vous en avez pensé.

La bise!

Xant'

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