Chapitre 2: Face à face

  "Mesdames et Messieurs, je sais que vous l'attendez, sous vos yeux ébahis, je vous présente Le MOOOOOOOOOOONSTRE!" La foule en délire exulta dans l'arène. C'était la grande arène de Peyrepertuse, faite de pierre, de forme circulaire pouvant contenir plus de 4000 personnes. Donc, 4000 personnes autour de moi criaient. De joie sûrement. Dans cette arène, j'avais une certaine notoriété. "Le monstre" était connu de tous. A mes dépends cependant car je détestais au plus haut point ce nom. Je regardai les gens autour de moi. Des jeunes adultes, avec des drapeaux, des danseuses pour animer le public, des femmes, des hommes, des vendeurs, des vieux, des jeunes et même quelques enfants. Avec aussi, une tribune spéciale avec des gens de la haute société. Des gens riches à qui je ne pourrai sûrement jamais discuté. Des gens en haut de tout le monde. Pour eux, je n'était qu'un grain de poussière équivalent à ceux qui recouvrent le sol de l'arène. Il faisait un très beau temps. Mis à part l'énorme pression qui était mise sur mes épaules, j'aimais regarder le ciel lors de mes combats. C'est une sorte de rituel qui m'apaise. Je regarde aussi Connard, habillé de riches vêtements brillants. Il a autour du cou une sorte de collier qui amplifie sa voix. Des vêtements violets certis de pierres brillantes et des lunettes de soleil bleu ciel. Avec aussi une coupe de cheveux verts. Son excentricité m'exaspère. Sa tenue riche me semblait inutile. Pourquoi dépenser autant d'argent dans des vêtements. Pour paraître plus riche? A quoi bon. On dirait plus une incitation à se faire vider les poches par des voleurs comme Dreran.

Les applaudissements finis, Connard ayant fini de jubiler des acclamations de la foule, il s'écria: "Mais face à lui, se trouve un soldat de taille! Il vient d'une grande famille de chevaliers. Voilà deux ans qu'il défend son pays. Il a été le défenseur du roi de notre chère ville et il est maintenant marié à la famille des Manygers, mesdames et messieurs, face au Monstre, veuillez accueillir sous un tonnerre d'applaudissements Natma Nigk, le pourfendeur de démons!" Encore un tonnerre d'applaudissements tandis qu'un homme en armure arrivait face à moi. Il n'avait pas de casque. On pouvait voir son visage avec sa coupe de cheveux noire et une queue de cheval derrière comme le font certains guerriers expérimentés. Son armure semblait pesé une centaine de kilos mais lui, la portait comme si de rien n'était. Il avait aussi dans ses mains gantées, un long sabre dans une main et un magnifique bouclier en métal, brillant. les rayons du soleil se reflétaient sur son armure et des gens dans le public furent aveuglés. C'était mon adversaire. Je ne l'avais jamais vu, ne lui avait jamais parlé. J'étais là, moi, un homme d'à peu près 30 ans face à un soldat expérimenté qui avait déjà tué sûrement des centaines de personnes. Tout le monde parirait sur mon échec mais c'était sans compté sur ma pierre. Cette pierre dorée incrustée dans ma peau. Comme une pierre précieuse. Elle m'accompagnait depuis que j'étais tout petit. Depuis mes 10 ans en fait. En tout cas, nous nous faisions face. Le public n'attendait qu'une seule chose. Du sang et du combat. Beaucoup de sang. Du spectacle, c'est ce qu'ils voulaient. Ils voulaient la boucherie du Monstre. Par contre, ils ne voulaient même pas l'approcher. Ils avaient même installés des barrières magiques invisibles pour éviter tout problème. On étaient littéralement dans une cage.

Soudain, les trompettes sonnèrent. Bordel, j'étais perdu dans mes pensées. Je n'avais même pas entendu l'annonce du début du combat. A peine je voyais mon adversaire me foncé dessus à vitesse grand V que je frappa sur le dos de ma main. Et là, voilà pourquoi je m'étais entraîné. Voilà pourquoi j'étais ici. Ce Monstre, c'était lui. Pas moi. Je ne me voyais pas mais je savais à quoi je ressemblais après cette transformation. Tout d'abord, je ressentais de la douleur car mon corps entier changeait de formes. Mes yeux changaient de couleur, mes doigts s'élargissaient, je grandissais. Puis, j'étais transformé. En une vraie bête sauvage. Un démon plus précisément. Un monstre venu des Enfers. Un Dracorn même. Une créature avec d'énormes cornes, des poils partout, des pattes arrières énormes, comme un lapin, des yeux rouges comme la lave, une bouche de crocodile, prête à cracher le feu ou à mordre avec ses dents immenses. Avec aussi, des ailes de chauve souris géante et évidemment, une taille de plus de 3m de haut. Un énorme bestiau. C'était cette bête que je cachais en moi depuis que j'étais tout petit. Cette bête qui me rongeait de l'intérieur et qui m'avait emmené jusqu'ici. Ils voulaient du spectacle? Très bien, le public aura du spectacle. Le soldat fut pris de court et d'une frappe, je l'envoya contre le mur de l'arène. Je criai. Tout ce que je faisais, le monstre le faisait. C'était moi ce monstre. En tout cas, une partie de moi. Je produisais un cri rauque de monstre en colère. En fait, j'étais un monstre en colère. De mes énormes bras, je frappa l'endroit où était le chevalier mais il esquiva au dernier moment et courut derrière moi après s'être relevé. Il prit son épée et me lacéra le dos d'un simple coup. Je sentais le sang couler le long de mon dos et se mélanger à mes poils. Alors, je décidai de frapper en me retournant, d'un revers de la main. Cependant, il sauta au dessus de mon bras. Avait-il utilisé un sortilège pour sauter aussi haut, je ne sais pas, mais en tout cas, il passa au dessus de ma main. Pendant tout le combat, Connard expliquait avec précipitation les actions accompagné des cris du public qui supportaient en majeure partie le soldat. Qui supporterait l'énorme monstre baveux et poilu? Forcément, les humains supportent les humains, c'est logique au final. Tout le monde veut la mort de ce Monstre. L'humain, acclamé par la foule, retomba sur mon bras poilu dans lequel il planta son épée. C'est bon, il est fini. La douleur ne m'empêchait pas de faire quoi que ce soit. J'étais habitué à ce genre de douleurs. De mon deuxième bras, je le frappa de toutes mes forces comme on éloigne un moustique prêt à nous piquer. Il s'éclata contre le mur, ensanglanté et inconscient. C'était plutôt rapide mais ce n'était pas fini, le public l'acclamait encore. Moi aussi je veux qu'on m'acclame! Je retire l'épée tel une écharde de mon bras la lance au loin et fonce vers mon adversaire. S'ensuit alors une ruée de coups que je lui assène, frappant sur le sol comme un fou, c'est ce que le public veut, du sang. Beaucoup de sang. Je frappe et chaque coup augmente ma rage. Je frappe et refrappe encore. Il n'est pas encore terminé! Qu'il meurt cet enfoiré, qu'il meurt! C'EST TOUT CE QUE TU MERITE! TU NE MERITE QUE LA MORT! C'EST TOI LE MONSTRE! CE N'EST PAS... Tout s'arrête.

Une douleur dans la nuque vient arrêté mon acharnement. Une douleur forte, dans le cou qui me pétrifie. Une douleur que je connais bien. Mon collier. Il était resté sur mon cou pendant tout le combat. Il était temps d'en finir avec ce combat. Mon adversaire était en miette. Son armure cabossée. Il ne pourra plus jamais aller au combat. Il est handicapé à vie et moi, je m'étale au sol dans un bruit sourd. Les mots de Connard résonnent maintenant dans ma tête. Je ne l'entendait plus, pris dans l'action mais là, tout devient plus clair... "Qu'on amène un médecin sur l'arène!" Des gens crient. Qu'est ce que j'ai encore fait. Je regarde mon bras. Je suis redevenu humain sans m'en rendre compte. Je suis allongé par terre, sur le sable de l'arène et tout le monde me crie dessus. "Monstre! Assassin! Créature de l'enfer!" Ces habituelles quolibets ne me font plus rien depuis le temps. Je suis réellement devenu un monstre. Je me suis trop déchaîné. C'était pas ce qu'ils voulaient? Les humains ne voulaient pas du sang? Moi je n'ai fait qu'apporter un divertissement! On criait de joie non? J'avais mal au dos. Le sable s'infiltrait dans la plaie ouverte que m'avait fait le soldat. Heureusement, des médecins arrivèrent. Enfin, je vais pouvoir me reposer et ils vont me soigner, ça ira mieux. Je les regarde avec un grand sourire tandis qu'ils arrivent vers moi avec un brancard. Mais, il passe au dessus de moi pour atteindre le soldat. Ils le mettent sur le brancard et se dirigent à toute vitesse dans les tribunes. Super... Encore une fois, je vais devoir me débrouiller tout seul... Je regarde le ciel. Des oiseaux passent au dessus de moi. Si seulement je pouvais m'envoler, comme eux. Je serai libre. Mais je suis cloué ici à cause de ce collier et de ces chaînes et de cette prison et de cette pierre qui me fait passer pour un monstre. Putain... J'arrive pas à croire que je chiale. Pourquoi je pleure à ce moment là? C'est irrationnel! Je suis un homme adulte en train de pleurer. J'en ai marre. Ce ne sont pas d'énormes sanglots. Juste des petites goutellettes qui coulent le long de mon visage meurtri. Je repense à Dreran, qui va encore devoir me soigner. C'est un peu un mage Dreran. Il connaît deux trois sorts de soins pour se sortir du pétrin. C'est assez limité mais il s'en sort bien pour les entorses. Dreran il s'en fout que je sois un monstre. Il me l'a dit. Il m'a dit que lui on le considérait comme un démon alors c'est pas mieux. Parfois, il était intelligent Dreran. Mais ces oiseaux, eux, ils avaient tout compris. Ils faisaient ce qu'ils voulaient. Et encore. Toujours obligé d'aller d'un endroit à un autre pour survivre. Les migrations ils appellent ça les scientifiques. Encore un moyen de prouver par A+B que on est tous enchaînés à son destin, à tenter de survivre du mieux qu'on peut. C'est ça finalement la morale de la vie. On est tous enchaînés à notre destin. Point final.

Connard annonce la fin du match. Il suggère à tout le monde d'aller boire un verre en attendant le prochain match. Les gradins se vident petit à petit le temps qu'on déblaie l'arène de la vermine. Moi quoi. Un homme en costume arrive. J'entend ses pas s'approcher de moi et j'aperçois sa tête au dessus de mon corps. Il me regarde. Pas seulement moi. Il regarde mon corps entier, me juge du regard. Il me met un coup de pied dans les côtes. Un léger, comme faire tomber un caillou d'une falaise pour voir ce que ça fait. Puis il me dit d'un air dédaigneux: "Lève toi le Monstre. Je sais que tu peux te relever." Oui je peux me relever. Mais je n'en ai pas envie. Vraiment pas là. J'ai mal partout et si je me relève, mon dos va me faire hurler de douleur. Mais d'un autre côté, cet homme semble particulièrement sérieux. Et surtout, il fait planer sur moi une sensation de mal-être alors autant s'en débarasser. Je me lève avec difficultés. Je me retiens de ne pas crier de douleur avec cette plaie qui me foudroie. Je le regarde droit dans les yeux. Mes cheveux sales, ma chemise délavée, mon pantalon à moitié déchiré sur le bas face à cet homme en costume noir qui a énormément de presantce, cela fait un énorme contraste. Le monstre face à je ne sais qui. D'ailleurs, qui c'est cet homme? Malgré cette sensation bizarre de le connaître, je ne connais pas son nom. Je commence à ouvrir la bouche pour parler mais il me coupe d'un geste de la main et dit: "Pas le temps pour discuter. Suis moi. Nous avons des affaire à faire." Je le regarde étonné. Donc, personne ne va rien faire pour mes plaies et mes blessures? Très bien. Je le suis donc à travers l'arène. Il marche d'un pas assuré et rapide. Moi, je claudique imperceptiblement derrière lui. J'ai toujours dit à Dreran qu'on pouvait déterminer une personne seulement par sa démarche et sa façon de marcher. Il suffit juste de regarder l'allure, analyser chaque pas, observer son faciès, ses bras, son mouvement des bras alterné et ainsi, on comprend presque qui on a en face de nous. Si je me voyais, ce qui est je l'accorde très difficile, je saurai que je suis souffrant, que je ne sais pas ce qui va m'arriver, que je suis de mauvaise situation, que je dors très peu et que je déteste la vie dans son ensemble. L'homme devant moi est un fils à papa, qui travaille bien, qui a une situation stable, beaucoup d'argent et surtout, beaucoup d'influence. Quand il veut quelque chose, il l'a, s'est inéluctable. Il est aussi perfectionniste et veut toujours aller au fond des choses et est prêt à tout pour réaliser ses projets. Voilà. Analyse effectuée.

On rentre dans la façade nord de l'arène. Je ne suis jamais allé de ce côté. D'habitude, je viens, je me bat et je retourne dans ma cellule exactement au même endroit. Je n'ai jamais vu personne là-bas. En tout, on doit être une vingtaine de prisonniers ici. Chacun se battant des jours différents. Là où on rentre, il n'y a pas de SAS. Seulement un escalier directement, qui monte très haut. Avec beaucoup de marche. Mais ici, c'est silencieux. Il n'y a pas de gens qui crient, de supplications. On monte dans les étages et on arrive devant une porte en bois. La porte fait aussi décalage, comme moi avec l'homme. Une belle porte en bois huilé à côté de pierre mousseuse horrible. C'est assez drôle quand on y réfléchit. C'est comme un riche à côté d'un pauvre. C'est absurde. Aucun riche n'approcherait un pauvre. Mais surtout, sur la porte, il y a une plaque dorée avec des inscriptions dessus. Je les regarde. Je sais à peu près lire. C'est le minimum que j'ai pu apprendre. J'arrive à lire: " Bureau de Monsieur Dragzan, directeur de l'arène de Peyrepertuse". J'avale ma salive. Une goutte de sueur coule sur ma tempe. C'est encore pire que d'être face à un adversaire colossal. A peine je fini mon combat et je me retrouve ici. Mais bordel. Qu'est ce que je fous ici?!

A suivre...

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