Chapitre 9_ et la nuit

Italique dans dialogue : en français dans le texte

De tous les cauchemars horribles qu'Annabeth pouvait faire, les plus terribles étaient ceux où elle et Percy s'embrassaient.

Ils étaient étendus sur les draps bleus qu'elle avait vus si souvent grâce à la technologie. Appuyés sur leurs coudes, l'un en face de l'autre, ils souriaient - sans doute parce qu'ils étaient heureux -, ils riaient - elle ne savait pas pourquoi mais cela importait peu -, ils parlaient - sûrement de tout, ils avaient tellement de choses à dire. Et puis d'un commun accord ils se retrouvaient au milieu et ils ne souriaient plus, ils ne riaient plus, ils ne parlaient plus. Ou peut-être faisaient-ils tout à la fois. Parce que c'est tout ceci qu'embrasser Percy faisait ressentir. C'était le feu de cheminée durant une soirée d'hiver, c'était la glace au chocolat sous le soleil écrasant de l'été. C'était le toucher le plus réconfortant du monde. C'était une nuit d'été, des milliers d'étoiles se reflétant dans ses yeux verts océan. Parfois, il passait son bras libre autour de son dos et heureusement qu'elle était couchée car elle ne savait pas comment elle aurait pu tenir debout plus longtemps. Et puis sa main allait explorer ses cheveux bruns. Et rien n'importait, c'était juste eux, le reste de l'Univers pouvait attendre.

C'était fini. fini

Elle se réveillait.

Toujours.

Toujours

t o u j o u r s

Elle sentait venir la fin. Juste au moment où Percy se décollait pour reprendre son souffle, juste avant que ses yeux se rouvrent. Tout redevenait fumée. De temps en temps, elle pouvait réagir avant la fin et elle retenait le garçon en attrapant son col d'une main ferme et presque désespérée. Puis elle se rendait compte que ses lèvres n'avaient ni chaleur ni goût.

Et Annabeth se réveillait dans son lit. Le sourire qu'elle arborait pendant son sommeil disparaissait bien assez vite. Elle se retrouvait seule dans son lit froid à maudire la notion de distance même.

C'était dans ces moments que la distance la tuait le plus. Et c'était pire depuis leurs implosions, parce qu'elle savait qu'il le voulait aussi, que cela les blessait de ne pas l'obtenir, et cela rendait tout plus dur.

Et c'était dans ce genre de moments qu'Annabeth ne savait pas ce qui serait le plus douloureux : perdre Percy ou continuer comme ça toute sa vie.

Elle connaissait pertinemment la réponse. Peu importe la manière dont Percy était présent, tant qu'il l'était. Mais parfois, ça faisait juste trop mal. Elle voulait tellement plus.

Et ces rêves faisaient semblant de lui donner ce qu'elle voulait. Ils ne faisaient que la torturer un peu plus.

Mais Annabeth ne se résumait pas à Percy. Pas plus que ses sentiments se résumaient à ceux qu'elle éprouvait pour le jeune homme.

Alors le jour elle était insouciante, ados basique qui se rebellait contre un monde qui ne lui convenait pas. (Elle arborait tout de même le problème avec beaucoup de maturité.) Lycéenne brillante qui cherchait à réussir dans la vie. Amie heureuse de chanter faux et à tue-tête dans les rues agitées de San Francisco avec ses compagnons de toujours. Sœur qui essayait de plus en plus de s'intégrer dans la vie de sa famille recomposée avec un peu de retard. Grande enfant qui bavait sur la sortie des Indestructibles 2, ayant déjà prévu d'aller le voir cet été avec ses amis. Adolescente connectée qui scrollait les réseaux sociaux et parlait à des amis qu'elle ne verrait pas de sitôt, sans que cela la rende triste.

Mais la nuit, les étoiles habillant l'infini faisaient ressortir l'adolescente amoureuse de ce merveilleux garçon qu'elle ne pouvait voir. Une douleur sourde apaisée par les rires chaleureux et l'adorable accent du New-Yorkais. La nuit, la Grande Ourse, tout en leur offrant un lien physique, ne faisait que leur rappeler à quel point une futile étoile ne leur suffirait jamais pleinement. Et la Lune regardait ces deux âmes qui essayaient de parler comme elles le faisaient quand le Soleil veillait sur elles mais qui n'y arrivaient pas. La Lune voyait sa lumière faire ressortir les perles silencieuses qui striaient leurs joues alors qu'elles faisaient semblant de les ignorer.

Mais Annabeth refusait de devenir un zombie ronchon. C'était quoi son problème ? Elle avait une relation plus qu'amicale avec un gars qu'elle ne pouvait pas embrasser même s'ils le voulaient tellement fort tous les deux. Sérieusement ? Ce n'était pas très grave. Ce n'était même pas un chagrin d'amour comme la dernière fois. Elle devrait juste attendre un peu pour le voir. Sa vie ne devait pas dépendre de ça. À aucun moment. Elle se comportait comme toujours, comme avant. Parce que c'est qui elle était, parce qu'elle était heureuse. Et personne ne savait que la nuit, parfois elle craquait pour un problème qui ne valait pas la peine d'en parler. Car elle avait tellement de bonnes choses à côté.

C'est pour ça qu'elle fut surprise quand son père s'assit en face d'elle à la table de la cuisine, une tasse de café fumant à la main, le visage plus que sérieux. La blonde faisait ses devoirs et il était de nature publique qu'il ne fallait pas la déranger pendant qu'elle faisait ses devoirs (ni pendant qu'elle lisait). Elle s'était exceptionnellement installée à la cuisine car elle était censée être seule. Le reste de la famille partait quelque part (elle n'avait pas vraiment fait attention).

- Qu'est-ce que tu fais là ? demanda-t-elle.

- Je m'intéresse à toi.

- Alors tu devrais savoir qu'il ne faut pas me parler quand je fais mes maths.

- Oui, mais on n'a pas souvent l'occasion d'être seuls. Et je voulais te parler d'un sujet important, fit-il d'une voix trop rassurante pour l'être.

- Quoi ?

- Percy-

- Papa, si c'est pour essayer de me convaincre d'arrêter de lui parler, même de moins lui parler, tu peux partir tout de suite.

- Pourquoi j'essayerais ? N'importe qui te connaissant est largement capable de comprendre. Nan je voulais... sa voix retomba.

- Oui... ? encouragea-t-elle.

- Je... je fais de l'insomnie, Annabeth-

- Je le savais mais je vois pas le rapport, coupa-t-elle, voulant rapidement finir cet exercice.

- Laisse-moi finir !

Annabeth baissa les yeux, l'invitant à continuer.

- Ça signifie que je t'entends, parfois, quand tu es avec lui au téléphone la nuit.

Annabeth ouvrit de grands yeux et redressa sa position.

- Tu... tu entends tout ?

Rien que leur conversation de cette nuit n'aurait jamais, jamais dû arriver à l'oreille d'un adulte, encore moins son paternel.

(« Percy, tu... tu as déjà, tu sais ? Fais l'am... » Et elle ne comprenait toujours pas pourquoi cela l'avait rassurée quand il l'avait coupé pour lui annoncer que non, il était toujours parfaitement vierge, avec un petit rire nerveux. Et la discussion qui avait suivi était tout ce qu'il y avait de plus privé. Elle n'en aurait discuté avec personne d'autre, jamais. Parce que Percy était la seule personne avec qui elle se voyait parler de ça. Pas l'envisager mais juste en parler parce que c'était le 21e siècle et tout ça...)

- Pas tout, non.

Le soupir d'Annabeth ne passa pas inaperçu, et Frederick dut faire un gros effort pour ignorer la curiosité qui montait en lui. De quoi sa fille pouvait bien parler avec ce garçon ? Mais elle grandissait, cela ne le regardait pas et il avait été absent trop longtemps pour exiger de savoir ce qui se passait dans sa vie.

- Mais parfois j'entends les pleurs. J'entends les « je t'aime ».

- On ne se dit pas « je t'aime » !

- Non, c'est vrai. Cela n'empêche qu'ils s'entendent. Dans le ton de vos voix. Arrête de le mettre en haut-parleur si tu ne veux pas que je sache ce qu'il dit, ajouta-t-il quand il vit le visage d'Annabeth se décomposer. Je l'entends dans vos mots et même dans vos silences. Et pourtant je n'entends pas grand chose. Et je m'inquiète Annabeth. Je... je me demande si c'est sain de te mettre dans des états pareils pour un gars que tu ne vois pas.

Elle ferma les yeux, serra la mâchoire et inspira un grand coup.

- Je sais. Je vois ce que tu veux dire Papa. Je me suis posé la question. Mais d'un, qu'est-ce qu'être sain ? De deux, tant que cela ne nous tue pas, nous continuerons, parce qu'on est déjà allé trop loin. Et je ne veux pas te faire peur en disant ça ! Mais toi aussi tu as eu ton premier amour, j'en suis sûre, et tu sais probablement à quel point quand on est ado tout semble être la fin du monde. À quel point on à juste tendance à tout amplifier ?

- Ethan... Ethan n'était pas ton premier amour ? fit-il, perplexe.

Elle ne s'attendait pas à cette question. À vrai dire, elle ne se l'était jamais posée. Elle avait été avec lui pendant une partie de ses 14 et 15 ans. N'était-elle pas trop jeune pour tomber amoureuse ? Mais qu'est-ce que l'âge avait en rapport avec l'amour ? Rien, et elle sentait qu'à l'époque elle avait été assez mature pour tomber amoureuse. Mais est-ce qu'elle l'avait vraiment Aimé avec un grand A ? Rien n'était moins sûr. Et puis, elle avait envie que Percy soit son premier amour. Son premier tout. Il ne le serait pas. Mais elle espérait qu'il puisse être le premier (et aussi cliché que cela sonnait, le dernier) d'un maximum de choses.

- Non. Non je ne pense pas qu'il l'ait été. Il était juste mon premier copain. Et mon premier chagrin. Je crois que j'ai été amoureuse de lui à un moment mais je ne l'ai jamais réellement aimer. Ça a du sens ?

- Oui ça en a. Mais  du coup, ton premier amour est un garçon inaccessible ? Tu es amoureuse de Percy ?

- Oui.

Frederick connaissait déjà la réponse à cette question, depuis longtemps, sûrement depuis plus longtemps qu'Annabeth. Et elle savait qu'il savait. De plus, ce n'était pas la première fois qu'elle l'avouait. Elle l'avait dit à Silena et Thalia. Cet aveu n'avait donc, en apparence, rien d'effrayant, de nouveau ou d'inattendu. Et pourtant.

Pourtant il instaura un silence à couper au couteau. Annabeth avait les yeux rivés sur la table et elle jouait nerveusement avec ses doigts. Frederick faisait tourner la cuillère dans son café depuis trop longtemps pour que ce soit juste pour touiller.

- Très bien, finit-il par lâcher. J'espère que tu sais ce que tu fais Annabeth. Il te blesse.

- Non, les 4677 kilomètres qui nous séparent me blessent, nous blessent. Si je pleure la nuit c'est parce que quelque chose que je n'ai jamais eu me manque à tel point que c'en est douloureux. C'est parce que du haut de mes seize ans ça semble être la fin du monde. Même si je refuse de penser ça. C'est juste que ça craint d'être ados, ok ?

- Ok... je- je vais te laisser tranquille alors.

- Ouais, fit-elle en retournant à ses maths.

Juste avant de quitter la pièce, son père se retourna.

- Je veux juste que tu sois heureuse.

- Je veux juste que tu saches que Percy me rend heureuse.

Et comme ça, le Sujet Percy disparut de la maison des Chase. C'était une affaire classée. L'amour ça faisait mal et encore plus quand c'était le premier et encore plus quand on était adolescent et qu'on ne comprenait pas encore assez de choses. La peine d'Annabeth serait juste un peu différente. Pour la soutenir tout ce que son père trouva à faire c'était de ne jamais laisser le congélateur se vider de Ben & Jerry's. Ça faisait sourire Annabeth, elle n'avait plus la sensation que ses états d'âme ne préoccupaient personne, sa famille y faisait attention même si elle ne savait pas comment réagir.

Ce soir-là, elle appela Percy (en faisant bien attention à ne pas le mettre en haut-parleur).

- Bonjour petit croissant !

- ¿Sabes que hago español ? (Tu sais que je fais espagnol ?)

- Oui ! Mais cela n'est pas grave... articula-t-il doucement même si Annabeth n'avait rien compris en dehors du oui.

- Qu'est ce qui te met dans un tel état de francitude ?

- Eh bien, tu sais que même si j'adore le français je me plains souvent que c'est ultra difficile ? Et que j'aurais dû faire espagnol ?

- Oui, mais je te rappelle gentiment que l'espagnol aussi c'est compliqué-

- J'ai eu un A ! J'ai eu un A en français, Annabeth, un A !

- Mais bravo ! C'est super ça Percy ! Félicitations ! C'était quoi comme devoir ?

- Une expression écrite sur l'amitié et j'ai parlé de l'amitié virtuelle, et, eh bien, de nous d'une manière un peu déguisée bien sûr mais oui. La prof a dit que c'était un très bon travail, qu'elle n'avait jamais rien lu de tel et que mon papier sortait de l'ordinaire. Elle a aussi dit qu'elle aurait adoré me mettre un A+ pour encourager mes progrès et parce que c'était un travail très touchant mais qu'elle ne pouvait pas à cause des fautes de conjugaison, mais que dans son cœur comme dans le mien cela devait être un A+, déblatéra fièrement Percy.

- Mais c'est tellement génial ! Je me sens honorée ! Et continue comme ça ! Bravo pétaï coissante !

Et Percy rit.

- Tiens-en-toi à l'espagnol, ça vaut mieux.

- Hé ! ne sois pas méchant !

- Jamais.

- Tu veux bien me dire quelque chose en français, avec ton plus bel accent, pour te faire pardonner.

Ce n'était pas la première fois qu'elle l'entendait parler français, et, franchement, elle adorait ça.

Il réfléchit à ce qu'il allait lui dire. Plus tard, quand elle lui demanda la traduction, il lui dit qu'il déclarait son amour aux biscuits de sa mère. Mais ce qui sortit de sa bouche fut tout autre :

- Je suis amoureux de toi, Puits de Sagesse. 

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et les voix autour de moi, elles me disent de me calmer, de moins t'aimer, que tu me fais souffrir. et les voix dans ma tête, elles me disent de me calmer, de moins t'aimer. et le son de ton rire, il me dit que tout ira bien. et mon âme, elle murmure doucement à la tienne que je ne peux pas arrêter de t'aimer. et ton âme, elle répond à la mienne que tu ne peux pas arrêter de m'aimer.

_____

Holà petits croissants ! (Je crois que ça va carrément rester 😂😂)

Alors, oui, je sais, il n'y a pas de majuscule dans la phrase/citation/machinchose de fin. Ce qu'il faut savoir c'est que je mets toujours très longtemps à en trouver une qui me semble le plus respecter le chapitre. Et cette fois j'ai eu un peu de mal j'avoue, et du coup pour m'inspirer j'ai passé pas mal de temps sur Pinterest et les majuscules personne ne connait sur ce site 😂😂 et à petite dose je trouve ça assez poétique.

Ensuite vous avez sûrement vu la nouvelle couverture 😍😍 je l'aime trop, j'en pouvais plus de l'ancienne. Celle-ci est le merveilleux travail de Marie-Alethe merci beaucoup 😍

De plus, j'ai une bonne nouvelle pour vos rétines. Chacha_ferber et Marie-Alethe  ont accepté de corriger mes textes donc mes fautes horribles devraient se faire largement plus rares.

Le prochain chapitre arrivera dans une semaine, c'est promis, il est déjà écrit 😉

Bye.....

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