Chapitre 2_ Le face à face

Cela faisait un mois qu'ils parlaient, jour et nuit (surtout nuit pour Percy). Elle ne saurait dire de quoi il parlait, de tout et de rien, sans doute, elle connaissait maintenant son humour, sa passion pour la nourriture et ses lacunes en maths, pourtant elle ne connaissait rien de sa vie en tant que personne réelle, quelques anecdotes sur des amis mais cela s'arrêtait là ; rien sur la famille, la vie de couple ou ce genre de chose.

Le vendredi soir, Annabeth en rentrant des cours réalisa que malgré tout ce dont ils avaient discuté elle ne lui avait toujours pas parlé de la Grèce. Elle s'empressa de sortir son téléphone de sa poche. Ouvrit Snapchat et lui envoya rapidement un message alors qu'une idée un peu stupide germait dans son esprit :

A< Hey ! depuis le début je voulais te parler d'un truc et hum, enfin je me disais... tu sais quoi ? Oublis

Elle ne tarda pas à recevoir une réponse.

P> Mais nan ! dis ! tu ne peux pas me laisser avec ce suspens !

A< Euh j'ai pas pu m'empêcher de voir que tu étais allé en Grèce et que tu le parlais un peu...

P> Oui et ?

A< Je savais que j'aurais dû me taire !

P> Si tu ne veux pas parler tu peux le dire, c'est pas grave...

Et le petit point bleu, qui indiquait qu'il était toujours sur la conversation, disparu. Très bien. Elle l'avait vexé. Mais en même temps sans l'intonation les messages pouvaient vite être mal interprété. Le mieux serait qu'il est son intonation à elle pour lui dire les choses. Et cela en revenait à ce quel voulait lui proposer, sans oser. Un appel.

Elle se regarda rapidement dans le retour de son appareil photo. Après une rapide consultation elle opta pour changer sa queue de cheval en messy bun d'où s'échapperait quelques mèches. Elle voulait faire une bonne impression si jamais il répondait. Ils se parlaient sur Snapchat mais surtout par le chat ou parfois par photo mais jamais de leurs têtes.

Après une dernière grande inspiration et avoir empêché toute réflexion d'entrer dans sa tête, elle cliqua sur la petite caméra en bas de la conversation.

Elle laissa sonner. D'habitude, lorsque l'un d'eux appelait il raccrochait tout de suite car c'était juste le doigt qui avait ripé. Là, elle insista. Percy finit par revenir sur la conversation.

P> Annabeth, tu es au courant que tu appelles ?

Annabeth ne pouvait pas répondre et continuer d'appeler en même temps, du coup elle ne répondit rien, comptant sur la capacité que Percy avait pour deviner ce qu'elle pensait.

P> Tu le fais exprès, n'est-ce pas ?

Ce gars lit en moi comme dans un livre ouvert, pensa Annabeth.

P> Tu le fais exprès.

Une pause.

P> Bon je te préviens, c'est vendredi soir, ça fait trois heures que je reste au fond du lit. Je te prierais d'excuser ma tête de déterré.

Puis il décrocha. L'espace d'une seconde, aucun d'eux ne parla. Annabeth commençait à douter du fait que cet appel soit une bonne idée. Elle n'avait pas l'habitude de se trouver face à lui. Les blancs étaient plus faciles à gérer par écran interposés qu'en face à face, même virtuel. Elle profita de cet instant de flottement pour observer Percy sur son petit écran. L'image était de mauvaise qualité mais de ce qu'elle voyait les photos de son profil n'avaient pas mentit, il était vraiment pas mal. Ses yeux verts ressortaient autant que sur toutes les photos qu'elle croyait recouverte de milliers de filtre, c'était les plus beaux yeux du monde, elle en était persuadée. Par contre, ses cheveux ne ressemblaient plus à rien, elle avait déjà remarqué que sa chevelure était incoiffable dans ses stories snap mais à ce point, elle ne pensait pas que c'était possible. Rien n'était à sa place, aucune mèche brune ne paraissait avoir de direction précise et la gravité ne semblait pas s'appliquer.

- C'est souvent que tu te coiffes avec un bâton de dynamite ou c'est exceptionnel ?

Percy rit en se passant une main dans les cheveux. Et sur ce rire tout sembla plus naturel, plus simple, plus vivant.

Au bout d'une heure et demie de discussion et rigolade le Newyorkais eut l'air de se rappeler d'un truc.

- Qu'est-ce que tu voulais me dire tout à l'heure, quand tu ne voulais pas parler ?

- Oh... hum... je...

- T'es lesbienne ? Tu sais moi je m'en fou, stresse pas pour ça. Ça ne change rien pour m-

- Quoi ? Nan, répondit Annabeth après un instant de surprise. Je ne suis pas lesbienne. Bien que je n'aie rien contre les homosexuels, c'est pas ça.

- Oh... alors tu as besoin de conseil avec un garçon ?

- Non plus, laisse-moi finir ma phrase ! s'impatienta la blonde.

- Mais tu mets toujours quinze ans ! Je mords pas, je t'assure.

- Très bien, très bien, je vais parler. Je voulais te proposer de t'appeler ! Je voulais te parler de ton voyage en Grèce, parce que je trouve ça hyper cool que tu es pu en faire un. Et puis tu t'es vexé, alors j'ai décidé d'appeler pour m'excuser en personne, histoire qu'il n'y est pas d'ambiguïté sur mon ton. Puis bah, j'y ai plus pensé, déblatéra la lycéenne.

- Je ne me suis pas vexé, Annabeth.

- Tu vois ! Tout est dans le ton, moi j'ai cru que tu t'étais vexé.

- En même temps, je suis heureux que tu es appelé, c'est super sympa de se voir en face à face.

Percy imita des guillemets sur « face à face ».

- C'est mieux que rien, souffla Annabeth.

- Mouais...

- Positive un peu, déjà tu n'es pas Australien ! lança-t-elle en référence au jour où ils avaient compris que trois fuseaux horaires les séparaient.

Il sourit.

- Du coup ton voyage en Grèce ?

- Qu'est-ce que tu veux savoir ?

- Jeu des 20 questions ? proposa-t-elle.

- Ok, mais je t'en pose aussi. Ça fonctionne dans les deux sens le jeu des 20 questions.

- Ça marche ! Je commence...hum... c'était il y a combien de temps ?

- Au mois de juillet cet été, donc un mois. Mon tour... ton livre préféré ?

- Le Petit Prince.

- Pourq-, s'apprêta à demander Percy.

- Une seule question, rappela la blonde. Tu y es resté combien de temps ?

- Tout le mois d'aout. Pourquoi ?

- Ce livre a changé ma vie. Parce qu'il change en même temps que ma vie. A chaque relecture il change de sens, et j'ai beau connaître l'histoire par cœur c'est comme si je la redécouvrais à chaque fois. En hôtel, AirBNB ou autre ?

- Chez mon père, il habite à Athènes. Ta matière préférée ?

- Grec ou histoire, c'est super dur de choisir. Tes parents sont séparés ?

- Ouais, mon père habite à Athènes où il est conférencier sur le monde Antique et j'y vais tous les étés. Τι σας αρέσει στα ελληνικά; (Qu'est-ce que tu aimes dans le grec ?)

Wow il était vraiment doué ! La jeune blonde se concentra pour être sûr de bien comprendre la question. Elle comprenait le grec plus qu'elle ne le parlait

- Euh... si je comprends bien, je dirais que c'est parce que j'aime beaucoup la civilisation de la Grèce antique, même si la condition de la femme et l'esclavage étaient des choses exécrables, sur certains points ils étaient en avance par rapport au Moyen-Age ! Et puis même la langue, elle est peu parlée, un peu mystérieuse et j'adore l'alphabet. Tu parles grec couramment ? demanda Annabeth.

- Peut-être pas couramment. Parfois je cherche mes mots ou carrément place un mot en anglais, mais je me débrouille assez pour avoir des amis grecs, dit-il modestement avec un rire nerveux.

- C'est impressionnant ! T'es trop fort...

Peut-être que c'était l'image de mauvaise qualité mais Annabeth eut la forte impression que son interlocuteur rougit.

- Ma question... euh... Tu as ton permis ?

- Mais c'est quoi cette question ? pouffa-t-elle.

- Je sais pas, j'ai paniqué, se justifia maladroitement le brun. Te moque pas !

- J'oserais pas, ironisa la lycéenne. Sinon, nan j'ai pas mon permis. J'ai même pas le code en fait, avoua honteusement la blonde.

- On dirait que t'en a honte.

- Je dois être la seule adolescente sur cette planète à ne pas l'avoir, je ne me sens pas spécialement fière de l'annoncer.

- C'est pas bien grave... en bon gentleman que je suis, je te proposerais bien de t'accompagner mais bon...

- Je sais... soupira la blonde. Tu as peur de l'avion ?

- Et tu juges mes questions ! non mais je rêve ! rigola Percy.

- Gneugneu !

- Si tu le dis, dit-il en calmant son éclat de rire. Et, oui j'ai peur en avion, genre vraiment peur. C'est quoi ta plus grosse peur ?

- Les araignées, lança Annabeth sans même hésiter.

- Sérieusement ?

- Bah oui pourquoi ? demanda-t-elle sur la défensive.

- Tu ne me semble pas être le genre de fille à avoir peur des araignées, fit-il en haussant les épaules.

- Parce qu'il y a un genre de fille qui ont le droit d'avoir peur de ces fils du diable ?

Le brun se retint de rire au surnom que leur donna son amie.

- Nan, c'est juste que... je sais pas... et je vais même pas essayer de savoir, y a de grandes chances pour que ça empire ma condition.

- Effectivement. Sinon... Ton livre préféré ?

- On a pas le droit de redire les mêmes questions ! réfuta Percy.

- Ah bon ? On a pas établi ça dans les règles, remarqua la lycéenne, un sourire en coin.

- Merde... bah Le Petit Prince, aussi. Vanille ou chocolat, la glace ?

- Van... Chocolat ! J'aime trop le chocolat. D'ailleurs je devrais peut-être me calmer sur la consommation de ce cadeau des dieux...

- Je vois pas pourquoi, tu es magnifi...

La fin du mot mourut dans la gorge du jeune homme quand il se rendit compte de ce qu'il disait. Le rouge lui monta aux joues et il détourna le regard de sa webcam.

- Euh et bien merci, répondit Annabeth, les pommettes rosies. Pourquoi Le Petit Prince ?

- Comme toi, ce livre il peut prendre tous les aspects du monde. Je n'aime pas lire et pourtant lui je le relis souvent. Ce livre il peut vous faire rire et vous mettre en colère juste parce qu'on le lit à un moment différent de notre vie. Je veux, dire c'est magique. Et puis, je crois bien que c'est ce livre qui m'a fait tomber amoureux des étoiles...

Sa voix s'éteignit et il mordit sa lèvre inférieure comme s'il réalisait en avoir trop dit.

- Tu es amoureux des étoiles ? demanda-t-elle surprise par la deuxième partie de la réponse.

- Une seule question très chère, rappela le jeune homme. Tu as déjà vue de la neige ?

- Euh, nan. J'ai toujours vécu à San Francisco et on n'a pas de neige. Il parait que quand j'avais deux ans une fine couche de rien du tout est tombé mais je n'en ai aucun souvenir.

- Faudrait vraiment que t'en vois. Il faut vivre au moins une fois une bataille de boule de neige avant d'aller regarder un film de Noël en famille en buvant un chocolat chaud ! s'enthousiasma Percy des étincelles dans les yeux.

- Je sais, je l'ai vu dans assez de films pour savoir que je veux faire ça un jour. Tu es amoureux des étoiles ?

- Venant de la bouche de quelqu'un d'autre ça sonne vachement bizarre, mais oui, se confit-il. T'aimes les étoiles ?

- J'y avais jamais pensé, j'sais pas, j'suppose qu'elles sont cools. Pourquoi cet amour ?

- Chais pas. Toutes les civilisations, peu importe d'où elles sont, ont leurs propres légendes à propos de ces petites lumières. Je veux dire du Roi Lion au Cherokees on a tous des histoires différentes et magiques. Certains y lisent l'avenir et d'autres des coordonnées GPS. Certaine leur lumière a mis un milliard d'année à nous parvenir et d'autres seulement 20 ans. Tu trouves pas ça fantastique ?

- Ouais peut-être un peu, je crois que je commence à voir ce que tu veux dire.

- Et puis il y a autre chose, c'est quelle heure à San Francisco ?

- Cinq heures.

- Bon moi là je dois aller manger. Mais je te rappelle quand il fait nuit chez toi. Je t'expliquerais à ce moment-là. Bye !

- Okey, bye.

Annabeth n'avait pas compris ce qu'il venait de se passer, mais elle était heureuse. Elle avait eu une vraie discussion avec un gars qu'elle ne connaissait pas vraiment, et il parlait grec en plus !

Il était surement de ces surprises que vous fait la vie sans vous prévenir. Et si le karma était une vraie chose, Annabeth aimerait bien savoir ce qu'elle avait fait pour qu'il réponde à son commentaire relou sur cette photo niaise.

Trois heures plus tard Percy la rappela, pas sur Snap cette fois mais par vrai téléphone.

- Désolé, on a un problème de wifi, notre boxe est caca, dit Percy dès qu'elle eut décrocher. (Soi-disant que la vie était trop courte pour les politesses.)

- Pas de souci, tant que tu m'explique, ça me trotte dans la tête depuis des heures.

- Ok, vas à ta fenêtre.

Cette ordre surprit la jeune fille mais elle obtempéra, pressée d'avoir la réponse à sa question.

- Maintenant ouvre-là. (Elle ouvrit la bouche pour répliquer.) Ne te plains qu'il fait froid tu habites en Californie, merde, dit rapidement la voix à l'autre bout du fil la coupant dans son élan.

Annabeth observa le ciel. Durant trente seconde Percy ne dit rien. Et sûrement pour la première fois de sa vie elle observa vraiment le ciel, elle prit le temps de distinguer les petites lanternes qui, courageusement, se frayait un chemin dans le vide abyssal.

- Je crois que je commence à comprendre ton point de vue, murmura Annabeth devant cette immensité.

- Imagine-toi que ça pour les grecs antiques c'est le lait d'Héra qu'Héraclès aurait envoyé dans l'espace en arrachant une partie du sein de la déesse. Pour les Cherokees ce sont des hérissons argentés. Et que pour des lions qui parlent avec des phacochères se sont tous les rois morts qui les ont précédés. Et peut-être qu'on a tous torts mais en même temps on continue d'y croire, expliqua Percy. Elles étaient là avant nous et le serons bien après. Et la novelle raison pour lesquelles je les aime et qu'il fallait qu'il fasse nuit. Tu connais la constellation de la grande ours, celle qui ressemble à une casserole ?

- Tu m'as pris pour qui ? bien sûr que je la connais, sourit-elle.

- Très bien trouve-la, ensuite l'étoile de la jonction entre le manche et le récipient tu la fixes, dit-il d'une voix plus basse, presque comme une confidence.

- C'est bon.

- Annabeth, je ne peux ni te toucher, ni te voir en vrai, je ne peux pas avoir les mêmes heures que toi et pourtant on regarde exactement la même chose au même moment.

Et il avait raison cet imbécile, elle n'y avait pas pensé mais au final il y avait bien quelque chose de pas virtuel qui pouvait les unir.

- Putain... laissa échapper la lycéenne, le regard fixé sur la petite lueur.

- Et ouais, on a les mêmes étoiles, Annabeth.

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Nous avons le même ciel, les mêmes étoiles. Comme un lien physique, réel, le seul que l'Univers est voulu nous accorder.

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