Chapitre 17_ Pas le temps

Une fois sur le trottoir, Annabeth vérifia avec une extrême attention que les harceleurs avaient bien disparu avant de sortir son téléphone.

- Allô Sally ?

- Annabeth, y a un problème ? demanda sans plus attendre la mère de Percy comme si elle possédait un sixième sens.

- Non, enfin oui mais non. Juste, je ne veux pas abuser de votre hospitalité, mais est-ce que vous pouvez venir me chercher ?

Elle ne voulait pas prendre le métro. Les transports en communs ayant la triste réputation d'être un lieu au harcèlement facile. Et en ce moment Annabeth se fichait bien de son empreinte carbone.

- Où je dois te retrouver ?

Après avoir fourni sa location, la blonde s'assit sur le trottoir et attendit, regrettant de ne pas avoir une cuillère pour pouvoir attaquer la glace tout de suite. Peut-être qu'elle aurait dû rester avec Kady, peut-être qu'elles auraient pu devenir amies. En tout cas elles étaient sœurs d'armes.

Elle appréciait le fait que son hôte n'avait pas posé pas de questions. Elle était présente, sans condition. Et Annabeth pouvait dire sans trop de doutes que Sally l'appréciait et ce, même si ces derniers jours elle passait vraiment beaucoup de temps à embrasser son fils.

Peu de passants traversaient cette rue, ou peut-être qu'il y en avait beaucoup, mais elle ne savait plus. Après Times Square ce passage ressemblait à un village de campagne sans Walmart au fin fond du Colorado. Aucun des rares résidents ne lui prêta d'attention. Et jamais, elle n'avait autant aimé être invisible.

Elle bascula son corps en arrière et s'appuya sur la paume de ses mains. Les graviers du trottoir s'enfonçaient dans sa peau qui laisserait plus tard des marques et ces coupures en formes de lune piquaient. Mais là le regard tourné vers un rayon de soleil qui perçait à travers les nuages, Annabeth n'en avait rien à faire. Elle ferma doucement les yeux et laissa ses pensées divaguer, loin, loin du bruit incessant de la ville pour se concentrer uniquement sur le battement de son cœur et sur la circulation incessante de l'oxygène dans ces poumons.

C'est ainsi que Sally la trouva. L'innocence placardée sur le visage, une ombre de sourire aux lèvres, elle ne laissait rien paraitre de la raison qui l'avait poussée à appeler la brune.

Elle n'avait pas posé de questions. Cela n'aurait pas été bien. Elle devait laisser les adolescents avancer à leur propre rythme et leur montrer qu'elle était là si besoin. Jusque là cette technique avait fait ces preuves. Percy était venu tout seul lui parler de cette fameuse Nancy qui les embêtait, lui et Grover, au début du collège. Il lui avait expliqué après quelques temps pourquoi il souriait toujours devant son téléphone et à qui il parlait jusque trop tard dans la nuit, lui exposant clairement qu'il savait ce qu'il faisait et que les gens sur Internet n'était pas tous mauvais. Il l'avait assis, paraissant beaucoup moins sûre de lui cette fois, pour lui parler de ses sentiments trop fort pour cette fille, une chose qu'elle avait deviné depuis bien longtemps. Il avait profité d'un dimanche calme pour partager avec elle tous ces doutes à propos de sa scolarité. Parfois c'était même Piper qui, à la recherche d'une figure maternelle -voire même juste parentale-, venait chercher des réponses auprès de la mère de son ami. Et plus récemment, Annabeth elle-même était venu pleurer sur son épaule.

Alors Sally avait confiance en sa technique. La jeune fille lui parlerait si elle le souhaitait.

Les jambes étendues sur la place de stationnement devant elle, Annabeth ne sembla pas la remarquer. Elle espérait qu'elle ne l'avait pas fait attendre trop longtemps. Elle appréciait vraiment cette adolescente. Elle rendait son fils heureux et c'est tout ce qui comptait pour Sally. Mais en plus de ça, elle était adorable, aidait dans les tâches ménagères, lui avait offert un livre, et quand elle se détendait elle pouvait être très drôle, de plus sa culture rendait les débats intéressants et... vraiment, son fils avait fait un bon choix.

L'écrivaine se glissa doucement sur la place de parking qu'occupait la jeune fille, espérant bien attirer son attention.

La blonde sursauta, et puis sourit en réalisant qu'il s'agissait uniquement de Sally. Elle se releva rapidement et monta en voiture.

- Merci beaucoup pour vous être déplacer.

- C'est normal, Annabeth. Quel genre d'hôte je ferais sinon ?

- Le genre qui ne se plie pas en quatre pour un ado qui n'est pas le sien. Pas que se soit mal ou quoi, hein ? Je veux dire-... merci, bafouilla la jeune fille.

C'était juste qu'elle avait l'impression constante de déranger les Jackson. Ils l'accueillaient chez eux pendant plus de deux mois sans rien demander en retour, et cela la rendait incroyablement consciente de tout ce qu'elle faisait de banal et qui exigeait un effort gratuit de la part d'autrui. Elle prenait des douches de cinq minutes top chrono et mangeait du bout des lèvres parce qu'elle savait que cela avait été loin d'être facile tous les jours pour la famille de newyorkais.

Elles arrivèrent à un feu rouge et Sally se tourna vers la blonde, plongeant son regard dans le sien.

- J'ai l'impression que je me répète mais Anna, je n'ai pas accepté de t'héberger par obligation. Tu es à la maison comme chez toi. En plus, maintenant que tu sors avec Percy tu fais un peu partie de la famille.

L'adolescente rougit.

- Oh- nous ne somm- on sort- 'fin on est pas ensemble.

N'est-ce pas ? depuis cette conversation à la pizzeria elle avait arrêté de se poser la question. Ce qui était une bonne chose. Pas de prise de tête ; c'était les vacances. Mais lors de ce diner, ils ne s'étaient encore jamais embrassés. Maintenant, eh bien, disons qu'ils rattrapaient le retard qu'ils avaient pris par rapport aux contacts physique (heureusement que Sally et Paul faisait toujours attention de frapper à la porte avant d'entrer).

- Oh ? répondit Sally après avoir redémarrer. Je pensais. La manière dont vous vous regarder et vous vous comporter, porte à confusion.

- Sans doute, rit légèrement. Nous ne sommes probablement pas des amis banals.

- Ça, c'est le moins qu'on puisse dire.

Le silence retomba dans l'habitacle, alors que le véhicule progressait lentement à travers le trafic newyorkais. La passagère regardait le paysage par la fenêtre et jouait distraitement avec les pans de sa robe. Cette foutue robe qu'elle aimait tellement, cette magnifique robe dans laquelle elle c'était senti si bien, pas pour un garçon, pas pour ses amis, non, juste pour elle. Cette robe évasée, perdue au fond du rayon des trucs en solde, oubliée sur une étagère de son armoire, dans laquelle elle oubliait ses complexes. Cette robe imbécile qui lui avait apporter la pire des attentions. Elle voulait se concentrer sur tout sauf sur ça. Mais... Comment l'ignorer ? Comment faire comme si tout allait bien, alors que ces gars venaient de lui cracher à la figure qu'elle ne pouvait pas porter les vêtements qui lui plaisaient, se promener où elle voulait, vivre, sans qu'on lui fasse payer. Cette robe idiote !

Ô ce stupide monde !

- Je- est-ce que c'est ok si je vous en parle ? lâcha-t-elle, les mots se précipitant à ses lèvres avant qu'elle ne puisse réfléchir.

- Bien sûr, Annabeth.

- Vous la trouvez comment cette robe ?

Elle ne savait pas où elle allait avec cette question, il fallait juste parler.

- Je te trouve très mignonne comme ça, pourquoi ?

- Y a des garçons qui m'ont trouvé très à leur gout dans cette robe.

- Oh...

- Ouais...

- Et ils t'ont-

- Non, non, je suis allée dans une superette et j'ai demandé de l'aide à la caissière, elle leur à fait croire que j'étais championne de boxe. Ce qui me fait penser que j'ai trois pots de glace qui doivent être en train de fondre dans mon sac. Enfin, voilà, j'avais peur de prendre le métro.

- Et c'est normal. Je suis désolée que tu es eu à vivre ça. C'est tellement, tellement injuste. Mais ta réaction était la bonne, je te félicite pour ça.

- Merci...

- Je veux pas minimiser la chose ou quoi, mais c'est quel genre de glace ? demanda Sally.

- Ben and Jerry's aux cookies.

- Je suppose que respecter le code de la route c'est pour ceux qui n'aime pas profiter de la vie, sourit la conductrice.

Et sans qu'elle puisse l'en empêcher, les lèvres d'Annabeth se retroussèrent. Ce qui lui était arrivé était grave, mais se laisser accabler c'était les laissé gagner. Il lui restait huit neuvièmes de ce voyage. Ce serait peut-être difficile avec Percy ce soir. Mais dès qu'elle pourrait, elle l'embrasserait assez longtemps pour qu'il oublie son propre nom.

**

Annabeth rentra dans l'appartement derrière Sally. Percy était de retour, et lui qui ne les avait pas vu de la journée se précipita vers ses deux personnes préférées au monde. Il embrassa sa mère et se tourna vers son Puits de Sagesse pour l'enlacer et se stoppa quand elle eut un mouvement de recul. Leur regards s'entrechoquèrent et il comprit tout de suite que quelque chose n'allait pas.

La jeune fille croisa les bras sur sa poitrine comme pour se protéger des yeux verts qui transperçaient son âme et Percy détourna immédiatement le regard.

- Je peux vous laisser ? demanda Sally.

- Oui, merci, fit Annabeth.

L'adulte s'éclipsa avec un dernier regard vers les adolescents.

- C'est ce que je pense ? lâcha Percy, les mâchoires crispées.

- A quoi tu penses ? tenta-t-elle.

- Ils t'ont touchée ?

- Comment tu as su ?

- Réponds-moi.

Il ne la regardait pas. Elle le dévisageait. Ses sourcils brun froncés et ses poings serrés. Les mots s'échappant de lèvres qu'il ouvrait à peine.

- Non. Juste du regard.

Les épaules du nageur se détendirent légèrement.

- Je suis désolé, Puits de Sagesse.

- Pourquoi tu t'excuses ?

- Je sais pas. Je- ça n'aurait pas dû arriver.

- Il y a un certain nombre de choses qui ne devraient pas arriver. Tu le sais très bien.

Il la regarda enfin dans les yeux, une vielle cicatrice imprimé au fond de son regard.

- Je sais, souffla-t-il.

Ils restèrent un instant dans un silence fragile. Puis le garçon prit finalement la parole.

- Qu'est-il arrivé à tes mains ?

Ne voyant pas de quoi il parlait elle analysa rapidement ses mains et vit des restes de sang séché que le mouchoir n'avait pas suffi à nettoyer, la terre du trottoir se mélangeant avec ses croutes.

- Oh, ça...

- Tu veux te désinfecter ?

- Oui, oui ce serait bien. Mais avant...

Elle ne finit pas sa phrase et s'empressa d'aller mettre les pots de crème glacée au congélateur.

Percy l'attendait dans la salle de bain, il était en train de sortir un pschitt de Biseptine et des pansements de sous le lavabo.

- Tu peux prendre les cotons démaquillants de ma mère, fit-il en désignant un paquet qui trainait sur le lavabo.

- Tu m'aides ? proposa la blonde en s'avançant dans la pièce exiguë, testant ses propres limites.

- Tu es sûre ?

Elle lui tendit ses mains.

Il prépara un coton et fit un pas en direction d'Annabeth, s'assurant d'un regard que c'était toujours bon pour elle. Elle hocha la tête.

Il lui saisit délicatement le poignet et commença à effacer, avec la douceur d'une plume, les traces d'une lutte vaine. Des frissons couvrirent la peau bronzée de l'adolescente

- Ce n'était pas grand-chose, vraiment. Je me suis déjà fais siffler depuis l'Incident.

La poigne de Percy resta légère, même si elle distingua clairement ses épaules se blinder.

- C'est juste qu'ils ont commencé à me suivre et ça- ça avait commencé comme ça la dernière fois.

Percy n'ajouta rien. Il continuait de la soigner et de l'écouter parler.

- J'avais tellement peur que ça recommence, tu vois. J'ai trouvé une révolutionnaire sur ma route et on les a convaincus que j'étais une championne de boxe.

Le brun sourit presque à cette remarque.

- Je vais bien, tu sais. Aujourd'hui ça va être compliqué. Et demain aussi, sûrement. Mais...

- Puits de Sagesse, ne te presse pas, ok ? On a tout le temps du monde.

- Non, on ne l'a pas. Je repars dans deux mois. On ne sait pas quand est-ce qu'on se reverra après ça. Je ne veux pas passer le peu de temps qu'on a à avoir peur de toi sous prétexte que certains spécimens de la gente masculine sont de beaux enculés. Je ne veux pas que tu ais peur de moi pour ces mêmes raisons. Cet été, je veux que ce soit le plus beau de notre vie, Persée.

Cet été, je veux découvrir l'amour, viens avec moi pour ça, Cervelle d'Algues, s'il te plait. Mais elle ne le dit pas à voix haute.

Il arrêta sa tâche et la regarda, l'emploi de son vrai prénom l'alertant.

- Et si t'es prêt à me suivre en Norvège, alors-

- Bien sûr que je veux ça aussi.

Il abandonna l'idée de lui mettre un pansement les multiples croissants de lune au milieu de ses paumes n'étant pas la blessure la plus adaptée pour ce genre de chose. Le silence s'étirant entre eux.

Et doucement, il prit les mains de la fille qu'il aimait entre les siennes, la regardant tout le long, vérifiant qu'elle allait bien.

Elle allait bien. Elle avait rejoint la révolution. Elle se battrait pour ne pas confondre les affreux souvenirs qui hantaient ses nuits et les touchers du garçon fabuleux en face d'elle.

Là, leurs doigts entrelacés, dans cette salle de bain un peu petite, elle se sentait si proche de lui, dans tous les sens du terme.

- Mais ce que je veux aussi, c'est que tu ne te sentes pas obliger d'ignorer les Incidents juste parce qu'on n'a pas beaucoup de temps. Je veux qu'on soit à l'aise, que tout aille bien. Que tu comprennes que peu importe ce que tu me donneras, ça me suffira.

- Je sais ça, Percy, je te promets.

- Bien.

Le cœur du jeune homme battait trop fort, trop vite. Sa respiration était haletante, même s'il voulait le cacher. C'est donc à contrecœur qu'il lâcha les mains d'Annabeth et rangea les passements.

- Marathon Harry Potter ? offrit-il.

- Comment refuser ? sourit Annabeth en sortant de la pièce.

Paul avait commandé des pizzas qu'ils dégustèrent devant les aventures du fameux sorcier. A la fin du troisième film, les adultes allèrent dormir. Dès que la porte de leur chambre se referma, la blonde se rua à la cuisine sous le regard interrogateur de Percy. Elle revint avec un pot de glace et deux cuillères.

- Par tous les dieux, tu es géniale.

- Je sais.

- Encore une crise de grozamourproprecémie...

- J'ai oublié mon modestilax, rit Annabeth.

Elle se rappelait cette conversation, c'était après six mois d'amitié, juste avant qu'elle se rende compte que Percy était plus qu'un ami, que Stargazing devienne leur chanson.

Il s'en souvenait aussi, que trop bien. La panique qui l'avait affolé alors qu'il n'arrivait plus à enfouir toutes ces choses qu'il ressentait sans vraiment le savoir pour sa meilleure amie.

Ils sourirent et retournèrent leur attention vers l'écran. Le pot entre eux, les pieds sur la table basse, une distance raisonnable les séparant.

De temps en temps, l'un d'eux allait échanger le pot contre un autre. Ils avaient passé tellement de temps dans le sac d'Annabeth qu'ils fondaient vraiment vite.

Alors que les jumeaux Weasley interrompaient les B.U.S.E. Percy sentait ses paupières tomber. Ne voulant plus combattre le sommeil, il se tourna vers la fille à ses côtés pour lui demander s'ils pouvaient éteindre mais elle dormait déjà.

Avec un sourire, il rangea la glace, allongea Annabeth du mieux qu'il put sur le canapé, la couvrit d'un plaid avant d'aller retrouver son lit qui sentait désormais comme le shampoing d'Annabeth au citron.

Il n'aurait jamais assez de cette odeur.

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Stars don't disappear, they keep blazing

Even when the night is over

Stargazing, Kygo ft. Justin Jesso

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Bon, je sais que j'ai dit que le prochain chapitre arriverait vite, mais oups. Juillet pour moi a été très très chargé, du coup j'ai pas vraiment eu le temps d'écrire. Enfin bref, voici un nouveau chapitre avec un peu plus de Percabeth!

Je vous remercie poir tous vos retours positifs sur le chapitre précédent. Ça fait toujours super plaisir, mais là c'était un chapitre qui me tenait vraiment à cœur. Donc merci!

Désolé pour les fautes et j'espère que ce chapitre vous aura plu

Bye.....

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