Chapitre 4 : La pluie sur tes joues
2038 - Sommet des crêtes glaciales
Une dispute venait d'éclater dans la maisonnette. Le petit Isaac au caractère bien trempé tenait tête, pour la énième fois, à ses parents. Alors que son père le menaçait de le priver de sortie, le garçon sentit une bouffée de chaleur l'envahir. Ses émotions se mêlèrent entre elles jusqu'à former une boule d'énergie dans son cœur. Le sang dans ses veines s'échauffa et soudainement il prit feu. Son corps entier fut enveloppé de flammes orangées.
Sous la douleur de sa peau brûlée, l'enfant hurla. L'incompréhension envahit ses yeux noisette et il regarda avec terreur ses parents. Alors que sa mère tentait de le raisonner et de le calmer, son père s'empressa d'aller chercher de l'eau. Mais rien ne fonctionnait, Isaac continuait de produire des flammes qui ne cessaient de grandir.
Ce fut dans les pleurs, les cris de douleur et de peur que les meubles commencèrent à prendre feu. Comme alimenté par les émotions de l'enfant, le feu redoubla d'intensité jusqu'à, sans qu'ils ne puissent s'échapper, faire exploser la maison toute entière.
Lorsqu'Isaac reprit conscience, il lui semblait encore que sa peau était en train de brûler si bien que le contact de ses mains sur le sol pour l'aider à se relever fut un supplice. Encore sous le choc, il regarda autour de lui. Le foyer où il avait passé huit années de sa vie n'était maintenant plus qu'un tas de cendres et de planches calcinées. Complètement nu, il se précipita vers les corps qui reposaient à plusieurs mètres de lui. Isaac se figea, ses yeux se fermèrent et il poussa un hurlement de désespoir.
Lorsqu'il rouvrit les yeux à nouveau, le paysage de désolation avait disparu et il se réveilla en sueur dans son lit. Ce ne fut qu'un cauchemar cette nuit-ci, mais il y avait de cela quatre ans, ce drame avait réellement eu lieu et depuis il ne pouvait l'oublier. Ce jour-là il n'avait pas versé une larme mais depuis il n'avait pas cessé de pleurer.
Ses doigts se crispèrent autour de sa couette alors que son corps était parcouru de tremblements. Il ferma les yeux pour tenter de ralentir les battements de son cœur, mais sa panique ne faisait qu'augmenter. Alerté par son hurlement, un homme se précipita dans sa chambre. Ses traits fins et doux étaient déformés par la panique. Il s'approcha du garçon en prenant bien garde de ne pas le toucher.
— Isaac, il faut que tu respires, dit l'homme aux cheveux blonds. Fais comme je t'ai montré.
Avec difficulté au début, l'enfant répéta à l'unisson avec l'homme le mantra qu'il lui avait enseigné : « Le feu. La vie. L'amour ». À mesure qu'ils clamaient ces mots Isaac semblait s'apaiser et reprendre des couleurs. Les larmes aux yeux, il remercia son père adoptif. Castiel avait été d'un soutien immense pour l'enfant à la mort de ses parents et grâce à l'expertise de son mari Matt, Isaac avait aussi pu apprendre à maîtriser ses pouvoirs. Les sorciers des éléments développaient leurs dons la plupart du temps à l'âge de quatorze ans, pourtant Isaac avait vu les siens apparaître à seulement huit ans. Des pouvoirs immenses habitaient cet enfant si fragile et esclave de ses émotions.
— Et si on allait faire un tour dehors ? proposa Castiel.
— En plein milieu de la nuit ? s'étonna l'enfant.
— Les paysages sont très beaux à cette heure-là. Je vais aller réveiller Matt, prends ton manteau et on se rejoint dans le salon !
Isaac sourit devant l'enthousiasme soudain de son père adoptif. Il n'en était pourtant pas étonné, Castiel avait toujours été comme ça. Ce n'était pas un ange pour rien, il ne perdait jamais une seule occasion pour faire plaisir aux gens qui l'entouraient.
Alors que l'enfant se levait de son lit, Castiel se dirigea vers sa chambre où dormait encore son mari. Matt, le grand sorcier des montagnes, avait toujours eu un sommeil très lourd et n'avait même pas sourcillé au cri d'Isaac. L'ange apposa d'abord un doux baiser sur la joue de son ténébreux, mais voyant son manque de réaction il finit par devoir le secouer. Enfin, les grands yeux améthyste, qu'il aimait tant, s'ouvrirent.
— Qu'est-ce qui se passe ? grogna Matt.
— Isaac a fait un cauchemar, j'ai pensé que nous pourrions aller prendre l'air.
— Maintenant ? Tu as toujours de ces idées toi, souffla le sorcier en se frottant les yeux.
Non sans ronchonner, le sorcier se leva du lit et enfila sa longue cape en velours violet. Le couple vivait au plus haut sommet des crêtes glaciales, là où une épaisse couche de neige recouvrait le paysage. Si le froid aurait dérangé la plupart des gens, c'était comme une bouffée de vie pour Isaac. L'air frais entrait dans ses poumons alors qu'il inspirait pleinement et semblait apaiser son feu intérieur. Les amoureux s'étaient blottis l'un contre l'autre pour admirer le doux panorama éclairé par les étoiles, la lune et les lanternes magiques, Isaac se tenait à leur côté, appréciant silencieusement leur présence.
Matt et Castiel étaient très différents autant physiquement que mentalement pourtant, malgré des débuts tumultueux, ils filaient le grand amour depuis vingt ans. Castiel s'était accroché au bras du sorcier et regardait avec émerveillement de ses yeux chocolat les étoiles. De sa main libre, il montrait de temps à autres certaines constellations à Isaac qui l'écoutait attentivement. Matt, avec son épaisse barbe noire et son visage fermé semblait toujours ronchon. Pourtant, aux côtés de l'ange il s'était adouci. Sans bruit, il observait le profil de son mari avec amour, un petit sourire aux coins des lèvres.
Les montagnes n'étaient plus les mêmes lorsqu'elles étaient recouvertes par le manteau neigeux. Les reliefs s'adoucissaient, le vent modelait des dunes et des congères aux formes étranges et capricieuses. Les cascades tumultueuses se figeaient et dans la forêt, les arbres chargés de neige formaient un labyrinthe blanc. Un monde féérique s'offrait alors aux spectateurs.
Sous les rayons de la lune et des étoiles tout devenait lumineux et scintillant. Et le silence de la nuit rendait cette expérience encore plus prenante et plus singulière.
Il y avait de cela quatre ans Isaac avait tout perdu, mais aujourd'hui, devant ce magnifique paysage et avec ce couple si atypique, il pouvait enfin se dire qu'il était à nouveau heureux. Une larme coula le long de sa joue, une larme de joie.
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