Prologue
J'avais toujours vécu caché.
Nous vivions dans un petit village, Kelari, au cœur d'un pays où l'on pouvait aussi bien voir de magnifiques plages de sable fin, sur lesquelles d'énormes vagues se brisaient, que de hautes montagnes dont les pics enneigés chatouillaient le ciel. Enfin, ça c'était Neil qui me l'avait dit. Je ne l'avais jamais vu de mes propres yeux puisque je n'avais pas le droit de sortir. Ici, les gens comme moi étaient appelés les Maudits. Ils s'évaporaient dans la nature sans de traces. De plus, durant la période précédant leur disparition, d'étranges événements avaient souvent lieu autour d'eux. Ma mère m'avait même dit que certains nourrissons étaient abandonnés dans les bois ou même tués à cause de leur nature.
Comme ma mère était une guérisseuse connue et respectée de tous dans le village, elle prétendit que j'étais une enfant mort-née le jour de ma naissance. Mon père racontait à tout le monde qu'elle restait alitée à cause de la tristesse et que lui et mes deux grands frères restaient avec elle pour la réconforter. En réalité, ils étaient en train d'aménager le grenier de notre maison pour que je puisse y vivre à l'abri des regards, le plus confortablement possible.
Tout en rêvant à le vie que j'aurais pu avoir si je n'étais pas née Maudite, je passais mes journées à dessiner, peindre, raconter des histoires à ma poupée à la lumière vacillante de mes chandelles. Il m'arrivait aussi de sculpter de petites figurines dans des morceaux de bois que me ramenait mon plus grand frère, Neil.
D'après lui, cela faisait maintenant exactement seize printemps que je vivais ici. Enfermée. Le grenier étant dépourvu de fenêtre, c'était entre autres les repas qui me permettaient d'avoir une notion du joue et de la nuit. Sans l'accord de mes parents, j'avais également percé de petits trous dans le mur, aidée de Neil, car le manque de soleil l'inquiétait pour ma santé. Ces ouvertures permettaient l'arrivée de la lumière naturelle en fins rais et j'aimais admirer la danse continue des particules de poussière des heures durant. Même si pendant chieochon* le froid pénétrait également dans mon grenier, j'aimais trop cette lumière pour me résoudre à les boucher. Je prenais toujours grand soin de cacher mes « petites fenêtres » à l'aide de lourdes caisses, lorsque j'entendais ma famille rentrer à la maison.
Ma mère, le matin, me portait rapidement de quoi me débarbouiller et me nourrir pour la journée. Ils ne venaient me voir tous ensemble que le soir après le travail. Je participais rarement aux discussions lors de nos repas car chaque intervention de ma part ne me valait non pas des reproches, mais des regards méprisants de la part de ma mère et de mon autre grand frère, Mikhael. De plus, les discussions ne tournaient qu'autour d'eux comme si parler de moi, de ma nature, rendait la situation encore plus réelle et pesante.
Ils mangeaient avec moi mais ne restaient jamais bien longtemps, « pour ne pas me tenter en évoquant trop le monde extérieur » disaient-ils. Ils avaient oublié que je n'étais pas stupide et j'avais bien compris que j'étais un fardeau pour eux, excepté pour Neil.
Il revenait parfois me voir la nuit au détriment des règles imposées par nos parents et il me parlait. Il me parlait de notre pays, de son puissant roi élémentaliste, de sa géographie, de son économie, de son peuple... Ou de choses plus banales comme sa vie, ses amis, notre village puis la capitale, Elischos, où il travaillait depuis son vingt-deuxième printemps...
Il avait attisé mon désir de sortir d'ici et même s'il espaçait ses visites, à cause de son travail qui ne lui permettait pas de rentrer souvent, chaque fois qu'il venait me voir en cachette, il prenait soin de me ramener un croquis du monde extérieur. Je le dissimulais alors avec précaution dans l'une des caisses en bois à laquelle personne ne touchait jamais. J'avais envie d'apprécier la douce chaleur du soleil sur ma peau, de voir le panorama infini des couleurs de la nature, de sentir le parfum des plantes sauvages, d'entendre le doux chant des oiseaux s'envolant à tire d'ailes dans le ciel.... Je voulais me sentir vivante.
Après tout, je n'avais jamais fait de mal à qui que ce soit, ma seule erreur avait été de naître. Ou plus précisément, de naître avec les cheveux blancs.
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