Chapitre 2 - partie 2
Les hommes ouvrirent la porte et je découvris un spacieux bureau décoré d'un immense tapis ouvragé qui colorait la pièce. D'incroyables senteurs provenaient des différentes plantes disposées à travers la salle. Les murs étaient couverts de bibliothèques emplies de livres et les quelques pans libres étaient envahis de cartes géantes. Ce ne fus qu'après mon inspection de la pièce que je remarquai la personne assise devant le bureau en bois vernis. Cet homme dont mon frère m'avait si souvent parlé, m'en faisant même quelques croquis. Sa Majesté, le roi Thérion en personne. J'étais en présence du souverain de Vasileia. Je restai bouche bée devant la vision de cet homme, ce roi dont la lignée possédait l'un des plus grands pouvoirs du globe. Sa tête était appuyée de façon nonchalante sur son poing et se redressa, l'œil soudain vif, en m'apercevant. C'était un homme gigantesque, qui devait sûrement avoisiner la cinquantaine d'après les quelques mèches argentées au niveau de ses tempes et de sa barbe épaisse.
Lorsqu'il se leva pour s'avancer vers moi, la lumière se refléta sur la couronne d'or finement ouvragée et sertie de magnifiques pierres précieuses qui reposait fièrement sur sa tête. Neil m'avait dit que les membres des familles royales et nobles qui possédaient des pouvoirs étaient réputées pour être plus grands que le peuple,mais je ne m'attendais pas à un tel écart : au moins soixante-dix centimètres devaient nous séparer. Je fus obligée de lever la tête quand il arriva à ma hauteur. Sa main, énorme,s'approcha de moi. La peur m'envahit, mais je me forçai à ne pas quitter des yeux son regard aussi noir que le plumage du plus sombre des corbeaux.
Il m'attrapa le menton comme ma mère l'avait fait et la tristesse m'envahit. Je battis des cils, essayant en vain de dissiper les larmes qui troublèrent ma vision, mais également pour faire disparaître le souvenir de ma mère. Les larmes finirent par dévaler mes joues ce qui sembla surprendre et agacer le roi.
―Eh bien, eh bien. Il y a un problème ? me demanda-t-il d'un ton qui laissait transparaître son énervement.
Je secouai la tête, consciente que j'éclaterais en sanglots si je tentais de répondre à voix haute.
―Tant mieux, parce que je n'aurais pas apprécié qu'une Maudite se permette de faire des états d'âmes sous mon toit alors que les ambassadeurs Choroïn devaient arriver ce soir.
Me remémorer ce que Neil m'avait appris m'aida à chasser le fantôme de ma mère. Je me souvenais de Choroïn, c'était l'un des pays qui bordaient le nôtre à la frontière ouest. Il m'avait également appris qu'une guerre entre nos deux nations faisait rage sur cette démarcation depuis des dizaines d'années. Recevoir des ambassadeurs ici pouvait être un grand en perspective de paix.
Le roi m'attrapa brusquement les cheveux et les écrasa dans son poing.
―Cependant, j'ai dû les avertir au dernier moment qu'ils ne pouvaient pas arriver avant une période indéterminée pour cause d'épidémie, ce qui ne leur a pas vraiment plu, gronda-t-il en tirant ma chevelure, me faisant mal plus que je ne le laissais paraître. Tout cela à cause d'une Maudite.
Je n'aimais pas du tout la façon dont il avait craché ce dernier mot,pas plus que le regard profondément méprisant qu'il posait sur moi.Il relâcha mes cheveux d'un geste sec.
―C'est la première fois que l'un d'entre vous m'échappe aussi longtemps. Tes parents étaient vraiment des personnes intelligentes.Ils savaient très bien ce qu'ils faisaient en te gardant chez eux à l'abri de tous, toi et ton pouvoir.
Mon pouvoir ? Quel pouvoir ? Je le regardai avec un regard perdu, mais il ne le vit pas, trop occupé qu'il était à tourner autour de moi pour m'étudier sous tous les angles.
―Je suis sûr que tu caches un grand pouvoir, Amaryllis,dit-il en approchant soudain son visage du mien avec une expression menaçante. Alors, quel est-il ?
―Je... Je ne savais pas que j'avais un pouvoir, répondis-je aussitôt d'une voix semblable à un murmure.
―Tu ne savais pas, intéressant.
Je reçus la gifle avant de me rendre compte qu'il avait bougé. Les larmes refirent surface sous le coup du choc et de la douleur qui s'ensuivit. Sa force était incroyable.
―Je répète ma question, quel est ton pouvoir ? tonna-t-il, me faisant frissonner.
―Je ne sais pas, affirmai-je d'un ton plus ferme, retenant tant bien que mal mes sanglots.
Il serra violemment son poing mais ne fit rien, se contentant de se redresser de toute sa hauteur.
―Ghit, emmène notre invitée dans sa chambre. Il me reste du travail avant de pouvoir m'occuper d'elle.
―Bien, votre Majesté.
Ledi tGhit, qui ne m'avait pas lâché le bras depuis le début, s'inclina respectueusement devant le roi, puis me tira hors de la pièce. De ma main libre, je séchai rapidement les larmes qui inondaient ma figure tandis que nous avancions à travers la salle en direction de la porte qui menait à l'endroit d'où les merveilleuses odeurs s'échappaient. L'appréhension grandit en moi pendant ce temps. Où m'emmenait le soldat ? Qu'avait voulu dire le roi par ma« chambre » ? Une fois la porte passée, il bifurqua soudainement vers la gauche et, après quelques minutes de marche,nous amorçâmes l'ascension d'un escalier dont les immenses marches de pierres me demandaient de lever les jambes de façon ridicule.
Après une longue montée, je me retrouvai dans une large pièce circulaire aux murs recouverts d'étagères lourdement chargées d'épais livres. Plusieurs d'entre eux reposaient, ouverts, sur un bureau en bois massif, leurs pages jaunies mises en évidence par de petits morceaux de papier couverts de notes. D'autres étaient fermés et je restai bouche bée lorsque je me rendis compte qu'il s'agissait de livres de l'Avant. Ces ouvrages avaient presque tous été détruits et leur prix pouvait atteindre des sommes astronomiques. Certains d'entre eux, des reliques rarissimes, recelaient d'informations essentielles à la compréhension de notre histoire. L'autre problème avec ces livres était qu'il fallait parler l'ancien dialecte de notre pays pour comprendre ce qui y était écrit et c'était une langue très complexe. Je manquai de trébucher sur l'épais tapis quand Ghit me tira par le bras d'un coup sec vers une porte qui s'ouvrit sur un autre escalier aux hautes marches.
Lasse, je ne pus retenir un long soupir qui me valut un regard noir. L'ascension reprit son cours mais dura moins longtemps que la précédente. Elle aboutit cependant à un endroit bien moins plaisant. Même si le soleil baignait la pièce d'une douce chaleur,cet endroit restait tout de même un cachot aux murs sales situé derrière d'épais barreaux. Un frisson d'appréhension secoua mon corps. Poussée par Ghit, je pénétrai dans ma fameuse chambre.Terrifiée, je me débattis soudain de toutes mes forces, et me libérai de sa poigne. Cette fois, je me moquai des retombées qu'il pourrait y avoir. Je refusais d'être enfermée ici. Malgré la surprise, Ghit ne se laissa pas faire et me balaya les jambes. Mon corps rencontra douloureusement la pierre et l'air s'échappa brutalement de mes poumons dans un cri de souffrance. Il m'attrapa par les bras et me traîna sur le sol crasseux sans ménagement jusqu'aux menottes qui pendaient le long du mur. Je me débattis tout du long, poussée par la détresse, mais j'eus beau faire, le métal froid se referma sur mes poignets. Le claquement qui retentit fit disparaître la dernière étincelle d'espoir qui vacillait en moi. Le soldat partit ensuite, sans un regard en arrière, en fermant la porte de la cellule dans un bruit métallique. J'étais à nouveau seule, ne pouvant compter que sur moi-même.
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