Chapitre 2 - partie 1

De lourds coups sur la trappe me firent émerger du rêve dans lequel je me trouvais. Nous étions au beau milieu de la nuit et Neil n'était pas revenu depuis l'incident. Je ne voyais donc pas qui voulait me voir. Un coup plus puissant que les autres fit voler le battant en éclat et un homme déboula dans le grenier. Sa lampe à huile éclaira de manière inquiétante le sourire qui naquit sur son visage quand il m'aperçut. Je me dégageai des draps en sursaut, la panique déferlant dans mes veines.

― On l'a trouvée ! s'écria-t-il d'une voix puissante.

Ne sachant que faire, je reculai dans un des coins dégagés de la pièce tandis que d'autres hommes arrivaient et se rapprochaient en un instant. J'étais acculée. Un sac en toile s'abattit sur ma tête alors que je hurlais de terreur et que d'autres hommes s'affairaient à entraver mes poignets et mes chevilles. Je fus soulevée sans efforts et je sentis que l'on descendait du grenier. Les pleurs de mes parents me surprirent car je croyais que c'était eux qui m'avaient livrés à ces hommes.

― Amaryllis ! sanglota mon père.

Je tournai la tête en direction de sa voix, il étouffa un cri de douleur et je compris qu'on venait de le faire taire. Je me débattis alors de toutes mes forces, enfin remise de la stupeur qui m’immobilisait, espérant leur échapper. L'un de mes ravisseurs me lâcha mais l'autre me mit un grand coup dans les côtes, me coupant le souffle. Des larmes de colère dévalèrent sur mes joues, imbibant le sac, alors que je tentais de reprendre mon souffle. L'homme qui m'avait lâché me reprit dans ses bras et je sentis qu'on dirigea vers l'extérieur de la maison. Je continuai à me débattre quand un courant d'air vif m'indiqua que nous venions de sortir de chez moi.

― Empêchez-les de sortir, chuchotaalors un homme.

Lorsqu’à travers mon sac je vis une lumière orangée se déplacer, je compris ce qu'ils comptaient faire. Je ne pus contenir le cri de désespoir qui s'échappa de ma bouche et me débattis avec encore plus de forces que tout à l'heure. Les hommes avaient de plus en plus de mal à me porter jusqu'à ce qu'un grand coup à l'arrière du crâne me fasse sombrer dans le néant

Je repris conscience dans un cachot. J'étais assise sur un petit tas de paille, qui isolait mes jambes du froid mordant de la pierre dont étaient fait le sol et les murs. Mes poignets étaient retenus en hauteur par de lourdes chaînes de métal, m'obligeant à me tenir droite pour ne pas me faire mal aux épaules. Un timide rayon de lumière provenant d'une minuscule et unique ouverture dans le mur ne parvenait pas à éclairer l'un des coins du cachot, d'où s'échappaient d'inquiétants couinements. Un sourire immense fendit, malgré moi, mon visage alors que je contemplais ce rayon de soleil. De fines particules de poussières menaient une danse ininterrompue si familière devant mes yeux. Je voulus tendre le bras pour les dissiper. Les chaînes stoppèrent mon mouvement et me ramenèrent aussitôt à la réalité.

Un courant d'air humide me fit frissonner et je remarquai que je portais encore la légère robe de nuit que j'avais lorsque les hommes étaient venus me chercher. Repliant mes jambes nues, je me demandai avec appréhension ce qu'il allait m'arriver. Les larmes coulèrent le long de mon visage et s'écrasèrent sur mes jambes à mesure que les récents événements refaisaient surface. Les couinements reprirent, plus forts à présents, et de petits mammifères apparurent. Vu leur taille, il s'agissait plutôt de rats que de souris. Au nombre de trois, ils s'approchaient doucement de moi. Je hurlai de peur et de colère en leur donnant des coups de pied qui ne semblèrent pas les décourager.

Le bruit d'une porte qu'on déverrouille réussit à les faire fuir. Je relevai la tête et aperçus un homme immense à l'armure ornée du sceau de la famille royale : un serpent enroulé autour d'un sablier dont le sable était figé dans la partie supérieure. Les cheveux aussi dorés que le soleil, il devait être environ aussi âgé que mon père d'après les rides aux coins de sa bouche. Je me sentis comme du bétail sous son regard pendant qu'il me jaugeait de haut en bas.

― Ne tente rien ou tu vas avoir de graves problèmes, me dit-il d'une voix monotone.

J'acquiesçai d'un hochement de tête. J'étais de toute façon bien trop intimidée pour esquisser le moindre autre geste. Après s'être approché d'un pas lourd, sûr de lui, il sortit un trousseau pourvu d'épaisses clefs et, de deux coups secs, ouvrit mes menottes. Je massai mes poignets endoloris sous son regard attentif. Il me prit soudain par le bras et me remit sur mes pieds sans ménagement. Il me conduisit ensuite hors de la cellule, à travers un dédale sinueux de couloirs malodorants, usés par le temps et que seules quelques chandelles éclairaient ; les parois, que la lumière avait déserté, étaient envahies de lugubres ombres. Ils étaient tous semblables mais j'entendais parfois des cris effrayants ou des pleurs désespérés. J'en frissonnai d'effroi. La carte que j'essayais de faire dans mon esprit fut un échec à cause de la similarité des galeries. Nous montâmes un escalier de pierre et le garde ouvrit une immense trappe. Il dut me lâcher afin de la soulever à deux mains. Je faillis me mettre à courir mais ne le fis pas, trop effrayée à l'idée de me briser la nuque sur les marches peu éclairées ou des conséquences que cela pourrait avoir. L'homme sortit et me tira à sa suite. Nous étions dans une minuscule pièce totalement vide, éclairée par une petite fenêtre derrière nous. Reprenant mon bras, il me guida hors de la pièce dans un large couloir ensoleillé où de délicieux effluves envahirent mes narines. L'eau me monta à la bouche alors que j'imaginais les somptueux mets à l'origine de ces odeurs alléchantes.

Nous arrivâmes en face d'une lourde porte de bois massif à double battant. Le regard bleu acier du garde se posa sur moi, proférant une menace silencieuse qui m'intimida encore plus. La porte, une fois poussée, révéla une pièce gigantesque bordée d'immenses fenêtres qui éclairaient d'une lumière éblouissante la salle surmontée de luxueux lustres. Des dizaines de tables parées de nappes aussi blanches que mes cheveux et pourvues de la plus fine argenterie qu'il m'avait été donnée de voir étaient réparties à distance égale entre les piliers élancés qui donnaient un certain charme à la pièce.

Je plissai les yeux et tentai de m'habituer à cette luminosité nouvelle. Le garde m'entraîna en direction d'un large passage décoré avec goût d'exquises peintures, mises en valeur par le grand soleil auquel je tentais encore de m’habituer. À l'autre bout du couloir se trouvait la porte d'une nouvelle pièce, surveillée par deux gardes armés qui me regardèrent avec des yeux emplis de dégoût lorsque nous l'atteignîmes. L'homme qui me tenait s'arrêta en face d'eux.

― Soldat Ghit et la Maudite, annonça-t-il d'une voix ferme.

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