La présence de l'officier du district et des soldats a l'air de se montrer dissuasive puisqu'à compter de l'épisode du piège, dans la nuit du 3 au 4, on ne déplorera aucune victime jusqu'au 7 décembre.

Trois nuits sans attaques !

Mais on n'a pas tué les lions malgré ce déploiement de forces, et celles-ci, comme l'officier du district, doivent repartir ce 7 décembre.

Patterson se retrouve de nouveau seul aux prises avec son problème. Maigre consolation, l'officier qui commandait les soldats lui a offert une puissante carabine à double canon avant de partir.

Dès le soir venu, alors que Patterson est comme à l'accoutumée à l'affût dans un arbre, les lions, qui ont sans doute compris que la voie était redevenue plus libre, recommencent : ils forcent, comme par hasard de l'autre côté de celui où se trouve embusqué Patterson, la boma de l'unique camp qui reste et attrapent un homme parmi quelques uns qui discutaient autour du feu. C'est la panique au milieu de la boma, comme d'habitude, et les fauves en profitent pour retraverser celle-ci en sens inverse, emportant leur victime. Scénario hélas trop connu...

Patterson est écoeuré. Il n'a même pas vu les lions, cette fois !

Il prend la décision de faire réparer le wagon-piège, en désespoir de cause, et s'installe lui-même dedans dès la nuit suivante armé de la puissante carabine offerte par l'officier, sous la protection d'un des seuls contremaîtres encore présent qui est posté dans un arbre donnant sur le piège.

Le camp étant privé de protection, tous les hommes ont hissé leurs lits dans les arbres un peu partout, même en dehors de l 'enceinte puisque de toute façon la boma semble totalement inefficace.

Mais les mangeurs d'hommes ont été échaudés par le piège, l'autre nuit.

Patterson les entend rôder dans la pénombre sans les voir.

Soudain ils attaquent un arbre où se trouvent les lits de deux hommes, posés sur un machan. Malgré une fureur incroyable, ils n'arrivent toutefois pas à faire tomber leurs proies de là-haut.

Dépités, ils traversent alors subitement la boma et visitent les tentes mais les rares hommes encore présents dans le camp sont enterrés dans des fosses recouvertes de plaques.

Le diable au corps, ils pénétrent dans l'étable et tuent un âne qu'ils parviennent à extirper en dehors de la boma !

Dès l'aube, Patterson quitte le wagon-piège et rentre dans le camp où on lui raconte les évènements de la nuit, qu'il n'a pas pu voir depuis sa cachette. Il en conclut que les fauves doivent être en train de dévorer l'âne pas loin d'ici et que cela vaut peut-être le coup de les pister.

Il a vu juste : l'un des lions est occupé à manger non loin de là et, comme ils le dérangent, il se réfugie dans un taillis.

Il faut l'en déloger et le tirer ! Tous les hommes sont réquisitionnés aussitôt et munis de bidons, casseroles et de toutes sortes d'ustensiles pouvant servir à faire du bruit, ils se mettent à battre le taillis en avançant dans un fracas assourdissant tandis que Patterson s'est embusqué de l'autre côté, là où le lion battra en retraite épouvanté par le vacarme.

Et effectivement, le lion sort sur le chemin, se dirigeant vers lui.

Lorsqu'il arrive à une dizaine de mètres, Patterson vise soigneusement et appuie sur la détente... clic ! En vain. La carabine offerte par l'officier s'est enrayée !

Le lion qui l'a vu et a entendu le cliquetis de l'arme se ramasse et va lui bondir dessus lorsque les ouvriers sortent du taillis dans un bruit de casseroles infernal. Le fauve renonce à Patterson pour fuir. Il a eu chaud !

A cause de la maudite carabine, non seulement il a raté une occasion unique de tuer le lion mais il a bien failli être tué lui-même, il s'en est fallu de quelques fractions de secondes...

Il réalise que la carabine a deux canons et qu'il aurait pu essayer de tirer l'autre balle engagée mais il est trop tard, la panique a obéré ses réflexes.

A moins que ce ne soit encore un des sortilèges des démons « Fantôme » et « Ténèbres », ce dont sont persuadés les quelques hommes qui lui sont restés fidèles...