Patterson décide de s'installer dans l'arbre auquel s'en est pris le lion la nuit précédente, après que ses occupants en aient déplacé leurs couchettes afin de les jucher dans un autre grand arbre.

En pleine nuit, la lune aidant, Il aperçoit le lion qui s'approche de l'arbre dans le plus grand silence, rampant de fourré en fourré.

Il le tire d'assez près et le touche. Le lion s'enfuit néanmoins en bondissant tandis que Patterson tire balle sur balle en sa direction.

Dès l'aube, à nouveau, ils prennent sa piste maculée de sang et finissent par trouver le fauve tapi dans les fourrés et grondant. Il est bien blessé.

Patterson le vise et tire, ce qui a pour effet de le faire charger aussitôt. Il tire de nouveau. Le lion tombe, se relève et charge encore, mais cette fois il a l'air sérieusement atteint.

Les hommes de Patterson, terrorisés par la charge, l'ont abandonné pour se réfugier dans un arbre et il doit en faire de même en catastrophe, n'ayant plus de balles dans sa carabine, suivi par le lion claudiquant.

Le fauve parvient tout de même à se hisser de toute sa hauteur le long du tronc de l'arbre en rugissant. Patterson récupère l'autre carabine et, alors que le lion s'est enfin décidé à fuir, le tire encore. Cette fois, il s'écroule et ne bouge plus, tandis que Patterson recharge l'arme puis descend prudemment.

Le lion se relève alors et essaye à nouveau de le charger ! Il faudra encore deux balles, une dans la poitrine et l'autre en pleine tête, pour venir à bout du mangeur d'hommes qui ne voulait décidément pas mourir.

Nous sommes le 27 décembre 1898.

Comme son compagnon, le lion est véritablement énorme : 2,90 mètres de long et plus d'1,20 mètre au garrot. Il est plus élancé que l'autre mais plus haut et doit peser à peu près le même poids, peut-être à peine moins, 250 kilos en tout cas. Comme son compagnon, il n'a presque pas de crinière et est balafré de partout, sans doute à cause des taillis, des ronces et des bomas qu'il traversait.

On dénombre six balles dans son corps et Patterson se rend compte que la balle qu'il lui avait tirée depuis le machan il y a dix jours, croyant alors l'avoir gravement touché, ne l'avait blessé que superficiellement au dos.

On met la dépouille dans une bâche et elle est ramenée au camp où Patterson la fait placer à l'abri de la fureur des ouvriers dont certains, par vengeance, entendent la mettre en pièces.

Comme pour le premier lion on accourt de partout afin de voir le monstre et les télégrammes de félicitations affluent.

Dans les jours qui vont suivre, les ouvriers vont revenir par trains entiers et le chantier va reprendre avec un entrain décuplé. Il n'est plus question de grève ni d'assassiner Patterson, le triomphateur des lions, le sauveur de Tsavo !

La terreur aura duré presque 10 mois en tout.

Les deux mangeurs d'hommes auront tout de même réussi à faire arrêter totalement pendant un mois le chantier de construction du pont de la rivière Tsavo, mettant en échec le projet du gouvernement britannique, ni plus, ni moins.

Selon le décompte précis tenu par Patterson, ils auront tué, à eux deux, cent quarante personnes au moins. Mais Patterson n'a pas recensé les victimes tuées avant son arrivée ni les victimes faites parmi les autochtones ne travaillant pas au chantier...

En février 1899, alors que le pont de Tsavo est presqu'achevé (les premiers trains traverseront le pont début mars), Patterson et quelques-uns de ses hommes découvrent, non loin du site, une étrange caverne contenant des dizaines d'ossements humains ainsi que des bracelets en cuivre comme en portent les ouvriers indiens : il ne peut s'agir que de l'antre des lions, là où ils ont dû apporter nombre de leurs victimes pour les dévorer !

L'endroit fait froid dans le dos et Patterson le photographie.

Il s'agit là encore d'un comportement totalement inconnu de la part de lions que d'emporter des proies dans un tel repaire, et de l'habiter même...

Patterson quitte Tsavo le 28 mars 1899, sa mission accomplie, certes en ayant dépassé les délais, mais comment lui en vouloir ?

Il emporte dans ses bagages les peaux des mangeurs d'hommes qui lui auront causé tant de déboires et va être rapidement promu au grade de lieutenant, ce qui le fait donc accéder de sous-officier à un statut d'officier.

Le chemin de fer atteindra sa destination finale, le lac Victoria, officiellement le 20 décembre 1901.

Notes annexes :

* Patterson a écrit le récit de l'histoire des mangeurs d'hommes dans un ouvrage intitulé « The man-eaters of Tsavo », publié en 1907 (Paris, Montbel, 2008 (ISBN 9782914390521)).

* Patterson a vendu en 1924 les peaux des deux lions au Field Museum de Chicago, après qu'elles aient servi de descentes de lit pendant des années. Le taxidermiste du musée parviendra à les adapter sur des moules mais le résultat, qu'on peut voir de nos jours dans ce musée, donne une idée totalement fausse de l'apparence et de la taille des deux mangeurs d'hommes puisque les peaux ont rétréci pendant toutes ces années précédant leur vente et ont été très largement amputées.

Pour ceux qui savent comment arriver à copier les liens depuis Wattpad, et afin de se rendre compte de la monstruosité des lions et du piètre résultat obtenu par le Museum, voir les photos suivantes (je les mets aussi dans les commentaires ci-dessous) :

Le premier lion, photographié peu après sa mort :

http://www.google.fr/imgres?imgurl=http%3A%2F%2Fmedia.smithsonianmag.com%2Fimages%2FColonel-Patterson-first-Tsavo-Lion-631.jpg&imgrefurl=http%3A%2F%2Fforum.mystere-tv.com%2Fles-mangeurs-hommes-tsavo-t4268.html&h=300&w=631&tbnid=VetFZWEuNv9GXM%3A&docid=wkv7C-GQ7V40jM&ei=65T-VdWaJsz4UqL-m6gL&tbm=isch&iact=rc&uact=3&dur=789&page=1&start=0&ndsp=16&ved=0CCcQrQMwAmoVChMIlbzh3r2FyAIVTLwUCh0i_wa1

Le second lion, photographié peu après sa mort :

https://en.wikipedia.org/wiki/Tsavo_Man-Eaters#/media/File:Second_Tsavo_lion.png

ou encore :

http://www.google.fr/imgres?imgurl=http%3A%2F%2Fwww.taxidermy4cash.com%2Fstuffedtsavolion%25255B1%25255D.JPG&imgrefurl=http%3A%2F%2Fanimalsversesanimals.yuku.com%2Ftopic%2F3124%2FBarbary-Lion-vs-Tsavo-Lion&h=425&w=518&tbnid=Xe2n3X1muvI8pM%3A&docid=a0_m2ibmZdDPoM&ei=yZv-VZbbK8msUcbAudAG&tbm=isch&iact=rc&uact=3&dur=631&page=5&start=74&ndsp=20&ved=0CKICEK0DMFRqFQoTCNbjiqXEhcgCFUlWFAodRmAOag

Les lions reconstitués du musée de Chicago :

http://www.google.fr/imgres?imgurl=http%3A%2F%2Fidata.over-blog.com%2F0%2F53%2F13%2F65%2Flions_de_tsavo.jpg&imgrefurl=http%3A%2F%2Fvegetalementvotre.over-blog.com%2Farticle-6621363.html&h=196&w=300&tbnid=3sMlWlGiF1C8aM%3A&docid=HnX-W8B1b6FO-M&ei=0Y3-VclYxbFRkfiwkAo&tbm=isch&iact=rc&uact=3&dur=2013&page=1&start=0&ndsp=17&ved=0CCQQrQMwAWoVChMIiYXK-7aFyAIVxVgUCh0RPAyi

* Un film retraçant plus ou moins fidèlement l'histoire est sorti en 1996 : «L'ombre et la proie » (titre original « The ghost and the darkness ») de Stephen Hopkins, avec Val Kilmer et Michaël Douglas dans les rôles principaux.

* Le site des camps, et la caverne, se visitent aujourd'hui dans le parc de Tsavo-Ouest au Kenya.

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FIN