Chapitre 10 - Et d'un !
Patterson retourne au camp, les jambes encore tremblantes après la mésaventure qui vient de lui arriver.
Il s'en veut : non content de s'être mis en chasse contre un animal qu'il savait très dangereux avec une arme dont il n'avait pas vérifié le fonctionnement, il a en plus paniqué au point d'en oublier qu'il avait deux canons à la carabine.
Il passe tout de même jeter un œil au cadavre de l'âne que le lion était en train de dévorer avant qu'il ne se réfugie dans le taillis : visiblement, en le pistant dès l'aube, on l'a bel et bien dérangé car il a à peine commencé son repas.
Patterson se dit que cela vaut peut-être le coup de se poster là, au cas où le lion reviendrait manger sur le cadavre de l'âne, mais il n'y a pas d'arbre alentours et il faudrait construire un machan de toutes pièces...
Il hésite et finit par se décider. On va chercher le matériel nécessaire et 4 poutres sont solidement enfoncées dans le sol, au bout desquelles on fixe, à près de 4 mètres de haut, une planche sur laquelle il prendra place en guise de siège pour la nuit prochaine.
Il prend soin de faire attacher le cadavre de l'âne à une grosse souche afin que les lions ne puissent pas le traîner hors de portée de tir du machan.
Dès la tombée du soir, il prend place sur ce poste d'observation improvisé.
Au bout d'un moment, alors que la nuit est là, silencieuse, il commence à percevoir des bruits.
Il est aux aguets.
C'est le lion, il en est sûr, il l'entend progresser avec précautions en direction de la dépouille de l'âne !Un grondement de colère retentit alors et le bruit de progression du lion change de direction : il ne va plus vers l'âne mais tourne autour du machan...
Patterson est repéré ! Il sent la peur le gagner : si le lion s'avise d'attaquer le machan, celui-ci résistera-t-il, est-il perché assez haut, d'ailleurs ?
Il scrute désespérément la nuit mais ne parvient pas à voir le lion dans cette pénombre, sinon il le tirerait !
Soudain, il entend un affreux grondement derrière lui, se retourne aussitôt et voit le fauve là en-dessous, ramassé sur lui-même, qui va sauter sur le machan. Il vise à peine et en un éclair tire à l'instinct pendant que le lion se détend dans sa direction.
Pan ! Un rugissement terrible retentit et le lion retombe au sol. Cette fois, il l'a eu !
Le fauve roule par terre et il le voit nettement se diriger vers un buisson, essayant de fuir, mais il est touché, Patterson en est certain. Il fait feu à plusieurs reprises et entend une série de rugissements, ou plutôt de plaintes, puis plus rien, le silence retombe.
Il est mort, pense-t-il, c'est sûr.
Patterson, au mépris de tout bon sens, hurle alors en direction du camp « Le lion est mort ! », ce qui a pour effet immédiat de faire accourir les ouvriers euphorisés par la joie et qui semblent ne plus se rappeler que les lions étaient deux !
Arrivés près du machan dont Patterson est descendu, celui-ci doit les dissuader, dans leur joie, de leur stupide intention d'aller chercher le lion dans les fourrés. Toute prudence est oubliée. Ils sont comme fous et tout le monde oublie que le deuxième lion pourrait rôder là, sans compter que personne n'est sûr que le lion tiré par Patterson soit bien mort !
Mais ils rentrent finalement tous sans encombre au camp et la nuit se termine dans la liesse générale.
A l'aube, Patterson retourne au machan avec des hommes et trouve sans peine le cadavre du lion non loin de là.
Il est fêté comme le libérateur de l'humanité !
Le lion est gigantesque : presque 3 mètres de long en tout pour 1 mètre vingt au garrot ! Il doit peser au moins deux cent cinquante kilos, voire plus. Ainsi qu'on l'avait déjà vu, il n'a quasiment pas de crinière.
C'est la première balle tirée par Patterson lorsqu'il sautait sur le machan qui l'a tué : entrée à l'épaule gauche, elle a perforé le cœur et les poumons. Une deuxième balle, non mortelle celle-là, l'a atteint à une patte arrière.
La dépouille est portée au camp attachée par les pattes à une poutrelle où, après les photos d'usage, Patterson enlève soigneusement la peau.
Pendant quelques jours, les autochtones vont défiler, accourus de partout pour voir le lion.
Patterson est félicité chaleureusement, y compris par télégrammes qui arrivent de partout.
Mais, une fois la joie un peu retombée, la réalité le rattrape : il n'a résolu que la moitié du problème...
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