Prologue

Ma vie est on ne peut plus banal depuis que je suis née. Enfin, normal quoi. J'ai une mère, je vais au lycée et je vis dans un petit appartement à New-York. J'ai des amis et je sors de temps en temps.

Le seul truc peu "banal" dans ma vie peut être le fait que je suis sujette depuis ma petite enfance à des cauchemars à répétition. Les médecins les plus brillants ont tenté de résoudre cela mais ont tous finis par admettre la même chose : c'était impossible de ne pas y faire face car j'étais traumatisée par quelque chose d'inconnu.

C'était toujours le même style. Je reste moi-même mais les gens autour perdent le masque et dévoilent leurs vrais visages : ceux de monstres effrayants à la peau jaune, aux nombreuses dents tranchantes mais surtout aux yeux d'un bleu presque blanc, hypnotisant ses victimes.

Je me réveillais d'abord en tremblant et en criant. Ma mère avait pris l'habitude de venir me rassurer toutes les nuits. Ça, c'était vers mes six ans juste après une journée basique dans ma vie d'enfant.

Les seules choses dont je me souvienne, c'est le regard paniqué de ma mère face à ma question innocente :

- C'est qui ces gens jaunes maman ?

- Il y en a près de toi ? M'avait-elle demandé en m'éloignant des gens alentours.

- Non, avais-je déclaré en secouant négativement la tête.

- Et de moi ?

- Non, avais-je de nouveau dit en l'observant la tête penchée sur le côté ne comprenant pas ce qu'il se passait.

Elle m'avait alors serré contre elle en pleurant et je lui avais tapoté calmement la tête pour la rassurer. J'étais déjà très douée niveau sentiment comme on peut le voir. Elle m'avait ensuite proposé une chose. Un petit jeu que je m'étais empressée d'accepter, trop heureuse d'avoir un nouveau défi.

- Et si tu essayais de voir ce que je vois ?

- Car tu ne vois pas pareil ?

- Non, pas vraiment, ma chérie. Tu veux voir comme moi ?

Bien qu'étonnée, je voulais voir comme elle, bien sûr, c'était ma mère. Je voulais faire comme elle et être comme elle.

- Comment je dois faire ?

- Tu te concentres très fort sur les gens qui ne sont pas jaunes et tu verras que tout va changer. Tu veux bien essayer pour moi mon cœur ?

J'avais fait ce qu'elle m'avait dit et j'avais réussi du premier coup. Trop forte l'enfant. J'étais fière tandis qu'elle semblait soulagée.

Je n'ai pas compris. Même au fil des années, car cette habitude était ancrée en moi. C'était un réflexe comme de manger quand on a faim ou d'aller aux toilettes si besoin se fait sentir. Mais en échange, j'ai reçu ces cauchemars. Auxquels je me suis fait. Puis j'ai fini par vivre avec. L'accepter comme une part de moi-même pendant ces périodes de sommeil.

Du coup, j'ai complètement oublié ce passage de ma vie. Mais il restait en stand-by dans mon subconscient. Ben oui, pourquoi me faire le plaisir de me laisser vivre en paix avec ma mère et ne pas venir détruire ma vie en quelques minutes plutôt ?

* * *

Quand je me réveille en sursaut, transpirante à souhait, je ne peux retenir le cri qui s'échappe de mes lèvres. Cette fois, mon rêve a changé. Ils sont chez moi.

- Jasmine ?

- Maman...

La panique doit s'entendre dans ma voix car elle arrive en courant dans ma chambre et me regarde de ses beaux yeux verts. Je me suis toujours demandée comment une asiatique pouvait avoir les yeux d'une telle couleur. Ils expriment une peur inconsidérée. Comme si elle venait de voir la même chose que moi.

- Que vois-tu ? Qu'as tu vu chérie ?

- Maman, je crois qu'ils sont là. Et ils me veulent.

Je dis ça dans un murmure tremblotant sans savoir d'où je tiens cette certitude qui semble assez grotesque. J'ai l'impression d'être dans le cauchemar d'un cauchemar.

Elle s'attache les cheveux avec un élastique à son poignet et serre les dents tout en m'observant.

- Tu vas devoir m'écouter maintenant, tu comprends ?

Je l'observe paniquée par son comportement.

- Mais... Ce que j'ai vu...

- Rien n'est défini à l'avance, tu ne me le feras pas croire. Tu m'écoutes ?

Je hoche la tête.

- Tu vas devoir fuir. Vite et discrètement, d'accord ?

Je ne bouge pas et regarde chacun de ses mouvements précis et rapides pour me sortir un sac déjà prêt. Je ne l'avais jamais remarqué...

- Et toi ?

- Il faut que je reste.

- Mais...

- Chérie, je n'ai pas le temps de t'expliquer. Je sais que tu ne comprends rien. C'est ma faute car je n'ai jamais voulu que tu saches. Je pensais que tu pouvais vivre avec sans pour autant vivre en étant cela. J'ai eu tort. Ton père me l'avait dit. Mais cela a marché tellement de temps...

Elle parle plus pour elle-même qu'à moi. C'est comme si elle répétait des paroles déjà dites cent fois et qu'elle débitait comme un automate en pensant au passé. « En étant cela... » ? Cool, les paroles, j'ai l'impression d'être un monstre.

C'est là que tout me revient à l'esprit. Cette discussion à mes 6 ans. Non pas grâce à ses paroles mais pour ce qui apparait soudainement dans mon esprit. Je me mords la langue pour ne pas hurler et pleure doucement, paniquée par ma vision. Je ne suis pas une pleureuse d'habitude, mais là, mes nerfs lâchent. Ma mère s'arrête de parler et me prend par les épaules suite à ma réaction inhabituelle.

- Où sont-ils Jasmine ? Combien ?

- Cinq. Dans le vestibule. Maman... C'est réel ?

- Je t'aime ma chérie. Je suis toujours là avec toi, d'accord ?

Nos murmures sont hachés par la peur et l'inquiétude tandis qu'elle me sert dans ses bras.

Je lui rends son étreinte. Je sais au fond de moi que quelque chose va se passer. Quelque chose d'horrible. Quand je rouvre les yeux, je sais qu'ils se dirigent vers ma chambre. Que d'une seconde à l'autre, ils vont franchir ma porte. Pourtant, ça ne devrait pas. Il n'existe pas.

Ma mère entrouvre soudainement ma fenêtre.

- Vas y maintenant.

La porte s'ouvre dans un claquement violent. Je reste pétrifiée devant la vision que j'ai. Tout ça est réel. C'est le hurlement de ma mère qui me fait réagir : "MAINTENANT". Je saute de mon lit et me faufile par l'ouverture pour atterrir sur nos issues de secours. Mon sac est déjà là. Quand je me retourne, ma fenêtre est fermée et mes rideaux tirés.

Puis j'entends des paroles d'un autre langage débité par la voix calme de ma mère. Des hurlements inhumains se font entendre et ma chambre se voit éclairé d'un coup par d'immenses flammes.

- Maman !

Je hurle, je crie et me débat contre cette fichue fenêtre qui m'empêche d'atteindre ma mère. Malgré cela, j'entends distinctement les dernières paroles qu'elle me dit.

- Jasmine, écoute-moi pour une fois. Va-t'en.

Les larmes coulant à profusion sur mes joues, je descends pieds nus les escaliers de secours. Le seul moment où je lève la tête est lorsque j'entends ma mère crier. Mon cœur cesse de battre une seconde avant de se mettre à battre à toute vitesse, si bien que j'entends chacun de mes battements marteler mon crâne.

Je fuis mon sac sur le dos et ne me retourne pas. Même quand j'entends une explosion venant de mon appartement.

* * *

- Docteur ! Docteur ! Elle est réveillée.

J'ouvre les yeux. Je suis dans une chambre. Une chambre d'hôpital. Des fils me sortent des bras et des électrodes sont posés un peu partout sur moi.

Un docteur entre dans la pièce et m'observe avant de regarder les papiers dans ses mains et de me poser une question de routine mais totalement stupide.

- Savez-vous où vous êtes ?

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