Mon sac sur le dos et mon dossier en main, je parcours les souterrains sans comprendre la logique des lieux. Après ce qui me semble des kilomètres, je m'arrête simplement.

Aucune personne n'a voulu me répondre. Je dois être atteinte de la peste bubonique sans le savoir car tout le monde s'éloigne de moi aussi vite que possible dès que je les observe ou que je m'approche pour leur poser une question.

Une semaine, ici... ça va être l'enfer. Déjà une demi-journée et je suis la bête malade à ne pas toucher.

- Mais non, ça va être d'enfer, tu vas voir !

- Vous pourriez arrêter de lire dans mes pensées à tout bout de champ ?

C'est un jeune homme faisant deux têtes de plus que moi qui vient de s'infiltrer dans mon esprit. Roux et battit comme un rugbyman, il en impose avec ses yeux marrons qui m'observe.

- Il suffit que tu t'en protèges.

- Ou simplement, vous arrêtez tous de trifouiller dans ma tête.

- Bonne alternative. Mais ce n'est pas amusant.

- Tu ne serais pas un ami d'Alice ?

- La Furie ? Pourquoi ?

- Vous me sortez les mêmes trucs insensés.

- Peut-être bien.

- Et pourquoi tu m'adresses la parole ?

- Pourquoi pas ?

- Je ne sais pas si tu as remarqué mais tout le monde fuit à mon approche.

- Ah, ça ! Ouais, j'ai vu. Pas cool pour toi de faire l'objet d'une sorte de sanction.

- Je fais l'objet d'une sanction ?

- Ouais, on n'a pas le droit de parler à la nouvelle sous peine de sanction. Et je sais plus trop quoi d'autres. Je n'ai pas trop écouté, ça ne m'intéressait pas vraiment.

- Ah oui ? Et qui a eu cette bonne idée ?

- Le chef d'Alphatage. Celui qui décide de tout.

- Je savais bien que cela ne pouvait venir que de mon père...

- Cool ton Dad !

- Tu n'imagines même pas. Et sinon, pourquoi tu me parles ?

- Ben c'est interdit, donc c'est à faire.

- Oui, logique.

Pas du tout logique, en fait. C'est même incompréhensible. Que cherche-t-il à faire ? Mon père ne semble pas du tout être l'homme cool et sympa plutôt tout le contraire. Et pourquoi cherche-t-il à me mettre des bâtons dans les roues alors que j'ai décidé de rester ?

- Liam ! Interdiction de lui parler, tu comprends ces mots ?

- Ouais, m'dame mais c'est ennuyant franchement.

- Fais avec. On fait tous avec.

- Je ferais semblant pour vous alors !

- Merci.

Elle est sérieuse ? Elle est prête à cacher ça et à laisser passer le truc sans rien faire ni rien dire à mon père ?

- A plus toi ! La prochaine fois, je te présente ma copine Lysie ! Elle va t'adorer. Et t'avais raison, la Furie et moi, on est pote.

Il s'en va tandis que je le regarde sans vraiment comprendre ce qui vient de se passer.

- Jade ?

- Jasmine.

- Ouais, on m'a dit ce truc. Sauf qu'ici, tu es Jade. Va falloir t'y faire poulette. Je suis Gina. Parait que tu me cherches ?

- Je veux entrer dans votre guilde.

- C'est une entrée tardive. On commence dès 11 ans ici. Donne ton dossier.

Je lui tends celui que m'a rendu Kathy et elle l'ouvre pour lire les résultats. Ses yeux deviennent de plus en plus rond au fur et à mesure qu'elle avance. A la fin, elle me regarde comme si j'étais cinglée.

- Tu es bien certaine que tu as compris dans quoi tu t'engages ?

- Je dois choisir une guilde pour passer la semaine. Je vous ai choisi, il y a rien à comprendre.

- Ton "papa" ne t'a pas proposé d'être une Alphatage ? L'élite ?

- Oh, il le voulait. Et moi, je voulais l'emmerder. Alors ?

- J'espère que tu ne vas pas mettre ma guilde dans la merde juste pour l'ennuyer.

- Si j'ai bien compris, vous y êtes sans cesse, non ?

Elle me juge du regard. Je la laisse faire.

- Ne fais pas trop la maline avec moi. Je suis prête à t'accepter si tu réussies le test que l'on impose à chacun de nos membres.

- Je dois faire quoi ? Car aujourd'hui, j'ai tué un de ces monstres, appris à conduire une moto sur l'engin en marche, sauvé Alice de mort, détruit la pièce des années 1800, mis KO Peter 2 ou 3 fois, brisé en morceaux l'arme d'Alice et incendié tout le laboratoire. Et je vous avoue que je suis un peu fatiguée.

- Va falloir couper court à tout ça ma cocotte. Te la jouer ne va rien t'apporter de bon ici.

- A part dans votre guilde, je crois. Étant donné les membres.

- Tu verras ça avec eux si tu réussies le test.

Je hoche la tête et elle me conduit dans une salle plongée dans le noir plusieurs niveaux en dessous du sol. C'est une vraie fourmilière ici. Les étages ne s'arrêtent jamais.

Lorsqu'elle allume, c'est une pièce banale. Une pièce où est stockée du matériel.

- Nous voilà arrivé.

- D'accord... Je suis censée faire quoi ?

- Apprendre.

- Quoi donc ? Le rangement ?

- Pourquoi es-tu là Jade ? Qu'es-tu prête à faire pour y parvenir ? Qui es-tu vraiment ? Acceptes-tu ce que tu es réellement ? Si en sortant de cette pièce, tu peux répondre à ces questions et que tu souhaites toujours faire partie de notre guilde, tu n'auras qu'à me chercher. Tu sais à quoi je ressemble maintenant.

Je l'observe totalement abasourdie.

- C'est tout ?

- C'est bien plus que tu ne le crois. Cela revient à savoir qui tu es vraiment et l'accepter dans tous les sens du terme. Aussi bien ton côté lumineux que sombre. Peu sont aptes à accepter cette dernière partie. Ils préfèrent l'ignorer et la cacher au plus profond de leur être. Ce qui arrive ? Quelque chose de pas joli-joli à voir.

Elle quitte la pièce et referme la porte derrière elle. Je pose mon sac sur un bureau déjà encombré de cartons et me laisse tomber sur un vieux fauteuil abimé. Combien de temps je suis censée rester là ? Je ne comprends en rien ce qu'elle veut que je fasse.

Je m'endors tandis que ces questions tourbillonnent dans mon esprit. Et pour la première fois depuis 11 ans, je rêve.

- Hum-Hum.

Une toux sèche me réveille. J'ouvre les yeux et observe mon invité.

- Un problème ?

Je suis lasse de le voir et de sa présence.

- Tu n'es pas censée passer un test pour entrer dans une guilde ?

- C'est ce que je fais.

- En ronflant ?

- Je ne ronfle pas !

- C'est toi qui le dis. Et ça consiste en quoi ? Combien de temps je peux ronfler ?

- Je ne ronfle pas, je te dis ! Et ce n'est pas ça.

- Je n'ai jamais vu un test de la sorte chez une guilde. Tu as choisi qui ?

- Tu ne devines pas ?

- Les Mangepierres ?

J'affirme de la tête.

- C'était prévisible.

- Pas du tout.

- Tu es prévisible alors si.

- Tu peux me laisser maintenant ? Et de toute manière, qu'est-ce que tu fais là ? Et tu n'as pas eu l'information comme quoi on a interdiction de me parler ? Tu pourrais en tenir compte et arrêter de ruiner mon espace vital ? Genre te tenir à minimum 20 mètres de moi et ne plus me parler, tu vois ?

- Je récupère ce dont j'ai besoin et je te laisse ronfler.

- Je ne ronfle pas !

Je lui lance le premier truc qui me tombe sous la main. Et l'heureux gagnant est un paquet de sucreries (je en sais pas ce qu'il fait ici) ! Qu'il reçoit en pleine face.

- Touch down ! Je déclare avec un sourire.

- Tu ne perds rien pour attendre !

Il se pince l'arrête du nez entre deux doigts en fermant les yeux. Quand il les rouvre, ses deux yeux sont noirs. Où est passé le vert ?

Sa main gauche se lève en l'air et descend en ligne droite tandis que sa main droite forme un cercle dans l'air. Il murmure 3 mots distinctement : Adum Regae Spectreatus.

Il me fixe et pousse les mains vers moi. Le glyphe orange tout juste apparu glisse rapidement vers moi et me plaque violemment au mur. J'ai le souffle coupé sur le coup.

- A plus tard, Jade.

Et il s'en va. Sauf que son glyphe reste et je suis totalement paralysée jusqu'à mes épaules.

- Tu ne vas pas me laisser comme ça ?!? Peter ! PETER !

Rien n'y fait, il a disparu et je me retrouve scotchée au mur sans pouvoir rien faire. Moi qui croyais que c'était un gars évitant toutes embrouilles et ne répondant pas à la provocation, je me suis bien plantée.

Quand on cherche les ennuis, on les trouve. Foutu dicton.

Je laisse aller ma tête en arrière contre le mur en réfléchissant à une solution pour sortir de là. Mais les seules choses qui me traversent l'esprit sont les fichues questions de Gina et des réponses à celles-ci. Des réponses que je ne m'avouais qu'à moitié. Et je sais pourquoi. Tout simplement car celles-ci ne me plaisent pas.