Chapitre 22
Réellement sortir en ville m'avait manqué. Le bruit des klaxons, des téléphones qui sonnent, des gens qui discutent ou encore celui produit par les voitures. L'air, la pollution, les humains,... Tout ça. A part l'hôtel et le bâtiment abandonné, j'ai pas eu trop le temps de faire la touriste comme mes autres compagnons. Car trop occupée à être "torturé" par leurs cours.
- On te torture maintenant ? Pense à ce qu'on doit supporter. Tu verras qui est réellement torturer.
Je lui lance un regard courroucé mais il me coupe la parole avant que je ne puisse répliquer.
- Et ne me dis pas de ne pas fouiller dans ton esprit. Tu as des cours sur ça, non ? Alors applique le ou ne te plains pas.
Bon, il a raison sur ce point. Du coup, je me concentre et applique une à une les étapes que m'a enseigné Lysie. Petit à petit, une muraille psychique s'installe dans mon esprit et bloque toutes pensées à l'intérieur.
Je sors de cet état quand je finis à la renverse sur un homme opulent.
Peter m'aide à me relever tandis que l'autre s'énerve sans que je n'ai pu m'excuser.
- Vous ne pouvez pas faire attention ??
Il se tourne ensuite vers Peter qui vient de m'aider.
- Tenez votre petite amie en laisse. Vous ne connaissez pas cette règle ?
- Pardon ?
Le ton de Peter est glacial. Je le prends par le bras et tente de l'amener au loin.
- Laisse tomber.
- Il vient de t'insulter !
- On sait tous que les chinois n'ont pas les yeux en face des trous. Alors ayez au moins l'obligeance de penser aux autres quand vous trainez avec ce genre de personne. Être son petit ami vous donne ces responsabilités.
Peter respire la colère, vit la rage et dégage la haine. Mais c'est m'oublier.
Quand l'homme s'enfuit en criant, les passants nous observent et s'écartent prudemment.
Je tire Peter par le bras pour le sortir de son état mais un regard d'animosité me frappe. Je le lâche sous l'effet de la crainte et tente de le raisonner.
- Peter ? Oh, Peter ! Tu vas arrêter de me regarder comme ça ?
Il ne réagit pas. Son souffle est bruyant de colère.
- Mon amour, tu as fini ?
Ne me demandez pas d'où me vient cette idée. Sûrement le fait que l'autre bouffon ne cesse de me prendre pour la petite amie de Peter. Qui peut penser une chose pareil ?
En tout cas, ça marche. Son visage se détend et un souvenir semble passer sur son visage. Il me regarde maintenant ahuri et je me moque de lui.
- Alors on ne s'excuse pas envers sa petite amie ?
- Arrête ça Jade.
Il reprend la route et je le suis.
- Tu te dois d'être sympa envers la personne que tu aimes, tout de même.
- Ce n'est pas drôle, Jade.
- Tu veux bien me tenir la main ?
Je sais, j'abuse. Mais j'aime ça car il réagit si facilement.
- STOP.
Le ton est tranchant, catégorique et emprunt de méchanceté. Je m'arrête de suite de surprise. Il se retourne quelque pas plus loin et remarque que je n'ai pas bougé. Je suis clouée au sol de surprise et de honte. Il revient rapidement vers moi et s'apprête à me prendre contre lui mais s'arrête juste avant, finalement réticent.
- Désolé.
- Va falloir te détendre, et rapidement mon gars. Je veux bien que des gens me parlent de cette manière. Car ils ne savent rien. Mais toi ! Tu n'as pas ce droit, on est bien d'accord ? Et si cela t'inquiète, je ne compte pas devenir ta petite amie. Je ne l'ai même jamais imaginer tellement c'est risible.
Bon, c'est un petit mensonge. J'en ai rêvais, il y a quelques jours de cela. Mais ce n'était qu'un rêve et il n'est pas obligé de le savoir. Et je ne copte vraiment pas sortir avec lui. Déjà qu'il me prend pour sa petite soeur, et en plus, il ne ressemble en rien à ce que j'imagine être mon petit ami.
- Ris, alors.
Quoi encore ? Je l'ai blessé dans son amour propre ou quoi ? Je comprends vraiment rien aux mecs. Ils changent d'humeur et de comportement toutes les 5 minutes. Et après, on dit que c'est les filles qui sont compliquées ! Je rêve.
Je pars à sa suite et le rattrape illico presto. Et je crois que c'est ma journée car je lui fonce dedans quand il s'arrête aussi brusquement qu'il est parti. Il ne me lance même pas un regard pour savoir si je vais bien et entre dans le bâtiment. Je le suis en ronchonnant de son comportement mais m'arrête rapidement en voyant le lieu dans lequel on vient d'arriver.
C'est une sorte d'hospice. De nombreux malades se promènent dans le bâtiment. Certains avec plus de difficulté que d'autre. Mais leur état n'est pas glorieux. Pourtant, ils ont le sourire. J'observe la scène émerveillée. Comment des gens dans leur état peuvent respirer autant le bonheur alors que d'autres qui ont bien plus ne font que sourire par obligation ?
On me prend la main pour me sortir de mon observation. C'est Peter. Et il me sourit.
- Ne me lâche pas où je risque encore de te perdre vu tes tendances à partir de tous les côtés sauf le bon.
Et il fait de l'humour maintenant. Ce lieu a vraiment un effet incroyable sur sa personne. Il respire la bonté, fait de petits sourires mystérieux et surtout me touche. Je parle dans le sens où il n'a pas posé un doigt sur moi depuis la mort de l'homme que je n'ai pu sauvé.
- Tu veux bien me prendre la main, maintenant alors ?
Je cherche à l'emmerder. Oui, encore une fois. Un sentiment fugace traverse son visage mais on est rapidement coupé par une jolie fille qui doit avoir dans les 22 ans.
- Ah Peter !
Elle le prend dans ses bras sans hésiter et il lui rend son étreinte une petite seconde.
Non mais je rêve ! C'est qui ce gars que je vois là ? Il est où Peter ?
Je croise mes bras sous ma poitrine et tape du pied d'impatience. Pour qui se prend cette fille ?
- Hum.
Elle semble ENFIN me remarquer. Je lui adresse un faux sourire qu'elle me rend. Sauf que le sien est sincère.
- Enchantée de vous connaitre !
- Moi aussi.
Oui, je ne mets pas tout mon coeur dans mes paroles. Mais elle ne s'en formalise pas.
- Tu me présentes ta petite amie Peter ?
- Voici, Jade. Jade, je te présente Melody. Par contre, ce n'est pas ma petite amie.
Melody rit comme si il venait de faire une blague. Je la regarde bizarrement.
- Je m'en doutais ! Elle pourrait être ta soeur. Je voulais dire dans le sens "jeune" amie.
- Ah d'accord, tu me rassures.
Ils se mettent à rire. Hein ? J'ai envie de les frapper tous les deux. Pourquoi je ne pourrais pas sortir avec lui ? Ce n'est pas 5 ans d'écart qui empêche deux personnes d'être ensemble, non plus.
- Ils t'attendent avec de plus en plus d'impatience, tu sais ! Et les lits ne cesse de se vider par ta faute !
- C'est une mauvaise chose ?
- Bien sûr que non !
Et ils plaisantent encore comme de bons vieux amis. Je soupire d'agacement. Cette situation m'exaspère et m'énerve.
- On va rester planter là encore longtemps à échanger des broutilles ou on va enfin bouger ?
Je ne regarde que Peter quand je pose ma question d'un ton sec. Il me fixe étonné mais approuve finalement de la tête.
- On se retrouve plus tard Melody. Je t'envoie une fournée de guéris !
Elle lui tape sur le bras en riant et nous laisse (finalement) partir.
Je suis Peter dans les couloirs tandis qu'il échange quelques paroles avec de nombreuses personnes qui semblent ravis de le voir et surtout qui semblent bien le connaitre. Ils ne sont pas aussi familier que cette Melody alors cela me dérange moins et je ronge mon frein.
On finit par entrer dans une salle immense où de nombreux lits sont installés côte à côte et où des personnes sont installées en plus ou moins mauvais état. La scène est assez triste mais l'entrée de Peter enclenche un déferlement de murmure qui conduit à des sourires ravis et soulagés sur beaucoup de ses visages anciennement meurtris.
Je m'approche de lui et sur la pointe des pieds, je lui murmure à l'oreille.
- Je vois que tu es connu ici.
Il esquisse un petit sourire en coin que je ne lui connaissais pas et s'approche du premier lit. Il me fait signe d'approcher et je le fais avec beaucoup de révérence.
- Jade ?
Je lève mes yeux jusqu'à rencontrer les siens si particuliers.
- Entre.
Je ne comprends pas sur le coup. Entrer où ? Puis je commence à comprendre son jargon.
- Tu es certain ?
Il me dit que oui alors je laisse mon pouvoir glisser lentement vers lui pour arriver dans son esprit. Ses défenses tombent mais j'en vois d'autres se former. Il ne me laisse pas accès à tout comme la dernière fois. Mais je ne m'en formalise pas.
Au contraire de Lysie où son esprit pétille de joie et bonne humeur, le sien exhale la bonté et l'altruisme ainsi que le confort. Je semble "voir" une partie plus sombre qui me donne la chair de poule mais celle-ci est rapidement entouré de grands murs. Du coup, je me retrouve juste dans un cocon de confort qui apaise mon esprit.
Pour autant, toujours consciente, je l'observe faire avec la première malade. Il murmure des mots inaudibles pour la dame mais pas pour moi car ils résonnent dans son esprit. Et ses mains bougent lentement dans un sens et un mouvement particulier. Je le regarde faire avec concentration et tente d'enregistrer ce qu'il fait. Je comprends alors qu'il tente de trouver la source du problème pour pouvoir la guérir.
Quand il a trouvé, il se met à soigner. Mais aucun glyphe n'apparait. Tout reste invisible. Je me doute que c'est pour éviter d'effrayer les gens et de leur faire connaitre notre existence mais je sais aussi que seules les personnes avec d'immense capacité y arrivent. L'apparition du glyphe est une assurance de réussite. Alors que le faire sans est prendre un risque.
Je le regarde d'un autre oeil et voit alors sa puissance briller autour de lui. Je suis estomaquée de voir avec quel contrôle il l'utilise. Je me sens fier de lui et heureuse à ses côtés.
Tandis que cette pensée me traverse, il lève les yeux vers moi. Il est surpris. Je mords ma lèvre inférieure et m'insulte intérieurement de ma stupidité. Lysie m'a prévenu qu'en entrant dans l'esprit d'un autre, toute pensée trop empreinte de sentiment sera à la disposition de l'autre malgré le barrage qui encadre notre esprit. Du coup, il vient de comprendre ce que je pensais de lui à l'instant.
Bien qu'embarrassée, c'est lui qui semble le plus gêné. Cette fois, c'est moi qui suis surprise de cette réaction. Il tente de reprendre contenance et se relève avant d'aider la dame à faire de même. Celle-ci le sert chaleureusement dans ses bras, les larmes aux yeux et s'en va sans demander son reste.
On passe de lit en lit et j'observe sans rien dire. J'écoute simplement et ne pense pas. Je ne veux pas me mettre dans l'embarras à nouveau.
Une main douce mais abîmée m'enserrant le poignet me fait sursauter et je découvre une petite mamie. Je tombe directement sous son charme. Je m'accroupie à ses côtés.
- Mademoiselle ?
- Oui ?
- Aidez-moi s'il vous plait.
- Je ... Mon compagnon est plus apte à cela.
J'avoue avoir peur de faire une bêtise et de me retrouver avec un autre mort dans les bras.
Elle remarque mon regard apeurée et me sers la main de ses doigts fins.
- Vous l'êtes tout autant. Ayez confiance.
Je tente de trouver de l'aide du côté de Peter mais celui-ci est tellement obnubilé par son propre patient qu'il ne remarque pas mes tentatives d'appel.
- Je ne peux pas... Et si je vous faisiez du mal ?
Je tremble un peu et elle me sourit, d'une sourire que seule une personne âgée peut vous donner et qui vous fait sentir important.
- Ma puce, vous êtes là pour apprendre, non ? Pour cela, il faut appliquer.
- Mais...
- Essayez avant de déclarer forfait.
- Je ne veux pas vous blesser.
Je commence à perdre tous mes moyens et elle le remarque car elle prend mon autre main dans la sienne et me regarde avec une telle confiance que je sens s'arrêter petit à petit mon sentiment d'inconfiance.
Je prends une grande inspiration tandis qu'elle continue de me sourire et de me fixer de ses yeux bleus clairs. Le bout de mes doigts brillent maintenant d'une jolie couleur bleue que seule elle remarque. Pour autant, elle n'est pas effrayée et m'engage à continuer. Je ferme les yeux et laisse cette partie de moi s'infiltrer en elle et détruire sur son passage ce qui l'empêche de vivre sa vie depuis déjà un moment.
Quand j'ouvre de nouveaux les yeux, elle me prend dans ses bras. Elle me remercie mais au contraire des autres fois, ce n'est pas le guéri qui pleure mais le guérisseur. Elle me console et je me laisse aller dans son étreinte réconfortante et douce. On reste un long moment dans les bras l'une de l'autre. Je ne veux pas la lâcher et elle attend simplement que je me calme sans perdre patience.
Je sens qu'on me décroche d'elle et je regarde Peter. Il essuie les traces de larmes sur mon visage de son pouce.
- Ne pleure pas de ta réussite.
Il me sourit et semble s'empêcher de faire plus. J'ai fini par prendre l'habitude de ses restrictions alors je ne le prends pas mal.
- Jade... Je me souviendrais de vous. Et votre petit copain a raison.
J'observe cette vieille dame. Elle me fait encore un de ses sourires avant de s'éloigner.
Je remarque alors que la salle est vide. Peter s'est occupé de tout le monde tandis que je me morfondais dans les bras de cette pauvre dame.
- On peut rentrer ?
- C'est ce qui est prévu. Tu en as eu assez pour aujourd'hui.
Arrivés à l'hôtel, Lysie est dans l'entrée et me sourit en me voyant. Je me jette dans ses bras et elle me sert contre elle bien que surprise par tant de démonstration de ma part.
Je la sens s'infiltrer dans mon esprit. Je fais tomber mes barrières sans hésitation et la laisse apaiser mon esprit échauffé. Apaisée, mon corps se détend. On part alors toutes les deux prendre l'air. Pas besoin de parler. Elle sait déjà tout.
Ce que je ne remarque pas, c'est le regard inquiet mais fier de Peter.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top