Chapitre 21
Cela fait une semaine depuis notre petite escapade nocturne. Une semaine depuis que cet homme est mort dans mes bras. Une semaine que je suis prête à faire ce qui doit être fait. Du coup, je suis en quelque sorte des cours intensifiés et accélérés de la part de mes compagnons.
Chacun s'est vu attribuer une ou plusieurs compétences à me faire développer selon leurs aptitudes respectives. Ainsi Lysie et Liam m'inculquent les bases sur l'ESPRIT et le FUTUR. Alice aidé de Liam s'acharnent sur le COMBAT et la DESTRUCTION. Adesh a pris en main la partie MANIPULATION et TEMPS. Tandis que Peter m'inculque les bases sur la GUERISON, PROTECTION et RECONSTRUCTION.
Ainsi, on s'est installé dans un espace abandonné où je peux me consacrer à mes charmants et patients professeurs pour pouvoir développer le potentiel qui se trouve en moi. Motiver comme jamais, je donne tout de ma personne dans chacune des catégories. Pendant ce temps, ceux qui sont dispensés de leur séance particulière avec moi, quand je me retrouve dans les mains d'un autre, en profitent pour découvrir le monde humain. J'ai le droit à des résumés extasiés de Lysie, des brimades sur les humains de Liam, des questions d'Adesh et des remarques-critiques d'Alice.
Concernant les cours...
Avec Lysie, parfois accompagné de Liam, je passe des heures à tenter de bloquer l'accès à mes pensées, à essayer d'atteindre celle des autres, à créer un mur infranchissable dans mon esprit et à passer outre les mesures prises par la personne pour se protéger et atteindre les tréfonds de ses souvenirs. Lysie est une prof calme et à l'écoute de mes questions. Très précises dans ses réponses, j'ai peu de mal à comprendre. Mais je me retrouve 95 % du temps bloquer quant à l'application. Mais elle ne désespère pas et petit à petit mon esprit se forge, se modèle et se protège. Mes tentatives d'intrusion sont lentes et douteuses, mais j'essaie de ne pas désespérer. Malgré ça, rien n'arrête Lysie et sa puissance d'esprit. Elle est incroyable et d'une dextérité sans norme. J'avoue être parfois jalouse mais au fil du temps, j'apprends à la connaitre et découvre une personne que j'apprécie tellement que ce sentiment s'éteint rapidement.
Pour Alice... C'est une autre paire de manches. Ses séances me semblent sans fin et j'en ressors courbaturée, blessée, fatiguée mais surtout amochée dans mon amour propre. Elle n'en rate jamais une pour me mettre KO. Quand Liam s'en mêle, c'est pire. Enfin, au moins lui, tente de m'expliquer et de m'apprendre quelques techniques utiles que je dois absolument développer. Même avec mes années de Judo dans le dos, je ne vaux rien. Et si j'utilise un autre moyen que la Combat ou la Destruction pour attaquer (mais plus spécifiquement pour me défendre), je reçois bien plus qu'une tape sur les doigts de la part de la Furie. Je comprends d'où vient son surnom maintenant. Elle est survoltée dès que l'on commence. Je suis certaine, que elle, elle réussit le parcours du combattant de la mort des Mangepierres les doigts dans le nez vu la souplesse, la rapidité et l'équilibre dont elle fait preuve. Je suis même étonnée de voir Liam faire preuve de ces mêmes qualités pour son gabarit. Moi, je ne suis qu'un sac de patates pataugeant dans des sables mouvants qui bloque tous mes mouvements.
Le seul moment de "répit" que je peux avoir, c'est avec Adesh. J'adore le concept de la manipulation et le fait de contrôler le temps. Très à l'aise avec lui, j'assimile mieux qu'avec tous les autres et observe une certaine amélioration qui me fait souvent sourire. Ce n'est pas pour autant qu'il est sympa avec moi. Jamais satisfait, il m'en demande toujours plus et je ressors de son cours plus fatiguée et en sueur qu'avec Alice. La manipulation est un art à l'état pur. Tout est dans le contrôle et la patience. Quant au temps, c'est une partie que j'affectionne mais qui se révèle être la plus compliquée. Tout le monde le sait, "jouer avec le temps, c'est jouer avec le feu". Enfin, peut-être que tout le monde le sait pas mais c'est le cas. Ainsi, je remarque parfois des changements minimes. Rien de bien méchant mais Adesh s'empresse de corriger tout cela trop inquiet des impacts que cela pourrait avoir au cours du temps. Ce qui me plait le plus dans tout ça, c'est voir Adesh sous un autre jour. Ouvert et marrant, je souris souvent à ses côtés tandis que j'en apprends un peu plus sur lui. C'est comme ça que je commence à comprendre le fonctionnement de la vie souterraine des chasseurs.
Enfin, le reste du temps, je suis avec Peter. Très pro dans ses baskets, il ne lâche jamais un encouragement, un conseil ou un compliment. C'est à mourir d'ennui mais surtout d'énervement. Pour autant, j'applique ce qu'il m'inculque si j'y arrive et apprends sur la reconstruction et la protection. Il m'insuffle son savoir avec un entrain non dissimulé. Il aime apprendre et apprendre aux autres. Le problème, c'est la distance qu'il a imposé avec moi depuis l'incident. J'ai essayé de lui parler. Ce n'est pas mon meilleur ami ou autre, mais devoir traîner avec quelqu'un qui vous ignore sans cesse... C'est frustrant. Mais j'ai fini par passer outre. Ce n'est pas vital pour moi qu'il me parle autrement qu'à une élève.
- Tu m'écoutes ?
Je relève les yeux sur mon "professeur". Non, je ne l'écoute pas. Je ne comprends pas ce qu'il attend. Pourquoi on a toujours pas commencer cette partie là ?
- Jade !
Il soupire exaspéré. Comme beaucoup de fois en ce moment.
- Quoi ?
Mon ton est morne et sans réel intérêt. Je suis fatiguée et j'en ai assez.
- Répète ce que je viens de dire.
- Bla bla bla. Bla bla bla bla et bla bla bla !
Il me lance un regard courroucé que je ponctue d'un sourcil faussement étonné.
- Je me suis trompée dans un "bla" ?
- Très amusant Jade.
- J'ai l'impression que tu te prends pour mon père. Et mon père, je ne l'apprécie pas.
Son regard change du tout au tout. Derrière ses lunettes, ses iris ont pris une grande partie sur la couleur de ses yeux. Sa mâchoire est serrée et ses lèvres pincés.
- Regarde toi. Tu réagis comme lui. Si c'est pour passer du temps avec mon "père", je préfère arrêter tout de suite ce qu'on fait tous les deux. Je n'ai pas envie de l'avoir en face de moi, merci bien.
- De quoi as-tu envie alors ?
- J'en sais rien ! Tu agis bizarrement depuis la semaine dernière. Enfin, encore plus bizarrement qu'avant. Et je ne comprends pas où tu veux me mener avec tout ce "blabla" ni pourquoi tu ne m'as toujours rien appris sur le pouvoir de soigner. Mon père a dit que tu étais le meilleur, qu'est-ce qui te bloques pour que tu ne m'apprennes rien sur ça ?
Il ne répond pas tandis que je continue à vider mon sac.
- Tu sais ce que je fais aux gens. Tu sais ce que j'ai fait. Le mal que j'ai pu causé. Ce que j'ai vu et ressenti. Comment j'étais démunie. Et tu ne veux même pas me dire ce que je dois faire pour remédier au mal que je pourrais de nouveau faire ! Tu penses que je ne suis que capable de tuer, c'est ça ?
Mon regard brille. Les larmes ne sont pas loins mais je ne leur permet pas d'aller plus haut.
Il me regarde et tente une approche vers moi que je repousse d'un geste en reculant.
- N'essaie pas d'agir comme mon père. Tu ne fais pas partie de ma famille alors arrête de me prendre pour ta petite soeur stupide et insignifiante et réponds moi ! Tu penses que je ne suis bonne qu'à tuer ?!
Il tique sous mes paroles et j'y vois une sorte de confirmation. Blessée de me rendre compte que je n'ai peut-être pas si tort, je le plante là et je sors prendre l'air sur le toit du bâtiment abandonné. Le vent me fouette le visage et retire rapidement les quelques larmes qui ont pu s'échapper. Je prends une grande inspiration, mes mains biens enfoncés dans les poches et m'approche du vide que procure le toit. Je regarde au loin.
Suis-je vraiment incapable de soigner ? C'est vrai que depuis que j'ai commencé tout ça, les seuls pouvoirs où j'excelle en quelque sorte sont la destruction, la manipulation et le temps. Tout ce qui fait la combinaison d'un super méchant.
- Tu sais que nos pouvoirs ne nous permettent pas de voler, j'espère ?
Adesh me rejoint sur le rebord du toit.
- Ah bon ? Je pensais pouvoir fuir loin d'ici grâce à mes facultés hors normes.
J'exagère sur les derniers mots sachant que c'est loin d'être le cas.
Il me fait un de ses sourires dont il a le secret et fixe l'horizon.
- Alors, tu sèches ton cours avec M. Je-Sais-Tout ?
- Non, je réfléchis juste à un truc.
- Mais il n'est pas là pourtant.
- Peut-être bien que je l'ai planté au milieu de ses enseignements barbants et sans saveur.
Il penche la tête vers moi et remarque mon visage un peu plus fermé qu'à mon habitude.
- Il a dit quoi ?
- Il n'a rien dit. C'est là, le problème.
- Explicite.
- Tu penses que je ne suis bonne qu'à tuer ?
Mon regard s'accroche au sien pour être certaine que je ne manque aucune réaction.
Il rit. Je ne l'avais jamais vu rire. Son rire est chaud et empreint d'une douceur insoupçonnée. Pourtant, ça me vexe.
Il le remarque et pince ma joue avec un léger sourire.
- Tu ne ferais pas de mal à une mouche, Paendeo (*Panda en Coréen).
Il m'appelle comme ça depuis plusieurs jours maintenant, juste car il sait que ça m'exaspère.
Je repousse sa main mais il l'attrape et m'attire contre lui. Son odeur d'encens emplit mes narines et apaisent quelque peu mes doutes.
- Tu n'es pas là pour tuer Paendeo. Au contraire, tu es là pour nous libérer. Alors cesse de tergiverser sur ça et n'écoute pas cet imbécile.
Ah oui, j'ai eu le droit à une partie d'une vision-prophétie très ancienne le lendemain de leur promesse de faire des efforts. Une personne est censée réussir à supprimer de manière définitive les monstres s'étant installés sur notre planète et ainsi libérer les humains de ces choses et surtout rendre la liberté aux chasseurs bossant sur cette mission depuis des siècles. Ce qui est assez comique, c'est qu'on pense que je suis cette personne. Enfin, ils le pensent. Mais bon, c'est facile de me comparer à eux. Ils excellent dans leur domaine et moi, j'excelle à ne rien comprendre.
- Tu m'as entendu ?
Il me relève le menton pour voir si je l'écoute. Je hoche la tête pour confirmer et il replace un mèche rebelle de mes cheveux derrière mon oreille. Sa bouche s'étire en une petite grimace qu'il ne dessert qu'à moi et que je trouve à tomber (pas de jugement, s'il vous plait).
- Jade.
Et voilà. Mon "père" vient d'arriver et de réduire ce moment en miettes, en morceaux, en débris, en poussière avec un seul mot direct et sec.
Je me retourne vers Peter et Adesh me retient de chuter quand mon pied glisse sur le rebord. Mini crise cardiaque arrêté, j'ai eu le temps de voir le visage de Peter se décomposer avant de se recomposer le temps de mon rééquilibrage.
- Quoi encore ?
- Ne me parle pas sur ce ton.
- Alors arrête de me considérer comme une enfant.
- Je ne fais pas ça.
- Arrête ton cinéma, "Papa".
Il se pince l'arrête du nez comme il a l'habitude de le faire quand il est à bout de nerfs. Bizarrement, ça aussi, je suis la seule à y avoir droit. Comme la petite grimace adorable d'Adesh, le surnom insupportable que me donne Alice, les brimades incessantes de Liam ou l'adorabilité de Lysie (Ouais, ce mot n'existe pas mais juste pour cette fille, on devrait l'inventer).
- Tu veux bien m'accompagner ?
Son ton est contrôlé, on l'entend.
- Notre cours est terminé maintenant. C'est censé être ma pause.
- Je voudrais t'amener quelque part. Là, où je vais.
Là où il va ? Pour comprendre, je décide de m'insèrer dans son esprit comme me l'a appris Lysie mais au lieu de faire face à un mur comme chez tous les chasseurs, le sien tombe sous mes yeux (d'esprit) et me laisse entrer. Je le vois alors marcher dans Los Angeles, aider des personnes (Ouais, il a beau être fatiguant et condescendant, il est quand même altruiste) mais surtout je découvre ce qu'il fait de son temps libre tandis que je bosse mes "pouvoirs" avec les autres.
Je sors tout aussi vite que je suis entrée dans sa tête et je saute du rebord pour atterrir à pieds joints sur le sol du toit.
- D'accord. Je viens. Mais je ne veux pas voir mon père.
- Il n'est même pas là.
- Tu m'as comprise.
Il soupire devant mon entêtement et finit par approuver.
- Paendeo.
Je me souviens alors d'Adesh. Celui qui vient de me sauver d'une chute mortelle et qui vient de me réconforter. Je me mords la lèvre de ma bêtise.
- Tu n'oublies pas quelque chose ?
J'hausse les épaules ne sachant pas à quoi il fait référence jusqu'à qu'il se retrouve à mes côtés, la joue bien en évidence. Je râle mais finis par lui embrasser (avec un certain plaisir quand même, oui). En échange, j'ai de nouveau droit à ma petite grimace personnelle que j'apprécie tant. Deux fois en une journée, c'est un record.
Quand je rejoins Peter en trottinant, une expression fugace traverse son visage. La colère. Je ne m'en formalise pas et il finit par bouger.
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