On me retient par le bras avec force. C'est Peter, ses cheveux blonds ébouriffés dans tous les sens et ses yeux vairons brillant d'une sorte de folie.

- Tu ne peux pas me lâcher un peu ? Genre pendant une semaine si tu vois ce que je veux dire.

- Dis-moi. Tu peux me le dire à moi.

- De quoi ?

- De ce qu'il s'est passé.

- Non. Il n'y a rien à dire.

- Jade...

- Quoi ?

- Tu fais peur aux autres.

Il détourne le regard gêné par ses aveux. Les larmes me montent aux yeux mais je me retiens. Jamais je ne me laisserais aller, surtout devant lui.

- Tu es puissante. Sans contrôle. Les gens ne connaissent pas ça et cela les inquiète. Je suis désolé...

- Ils veulent me tuer alors ?

- Quoi ?? Bien sûr que non. Je... On ne laissera pas cela arriver.

Je ris avec sarcasme.

- Donc, il y a des chances. Avoue-le !

- Je... Je ne sais pas... Je n'en sais rien... Mais fais attention.

- Je ne perdrais rien de toute manière.

- Ne dis pas ça.

- Pourquoi ?? Je n'ai personne, d'accord ? Au jour d'aujourd'hui, et ce, depuis 3 mois, je suis seule. Mes amis ont comme disparu et ma mère est morte. Morte ! Je n'ai plus rien. Je suis SEULE.

- Tu es ici maintenant.

- Parce-que tu crois que ça représente quelque chose pour moi ? On ne me parle pas, on se moque de moi, et on a peur de moi. À bonnes raisons, car je détruit tout sur mon passage. Je suis comme un ange mais de la destruction. Même le diable fait pâle figure face à moi.

- On peut t'aider ici. On peut gérer tout ça.

- Comment voulez-vous le gérer ? La seule chose qui risque d'arriver, c'est votre mort. Je ne sais même pas ce que je fais encore ici après tout ça !

En le disant, je me rends compte que c'est vrai. Je voulais apprendre pour me venger mais maintenant, j'ai trop peur des conséquences que cela pourrait engendrer autour de moi.

- Maintenant, je dois aller voir Gina. Bye.

Il lâche mon bras et me laisse tourner les talons.

Je monte, redescend, prends différents couloirs et passent plusieurs portes avant d'arriver devant celle de mon « tuteur ».

- Entre.

J'entre sans être étonnée qu'elle sache mon arrivée.

- Rabibochée ?

- Oui.

- Et cela a mis 4 heures ? Tu as fait quoi entre temps ? Une petite sieste ? Dragué ?

- Cela ne fait même pas une demi-heure que je vous ai quitté.

- Non. 4 heures précisément.

Elle me le prouve en me montrant l'heure. J'observe le cadran une bonne minute.

- J'étais où pendant 4 heures ?

- C'est ce que je te demande.

- Je n'en sais rien. On m'a juste soigné et ce truc est arrivé mais ça n'a pas duré plus de 20 minutes.

- Quel truc ?

- Mon pouvoir de destruction s'est déclenché... Je me suis retrouvée enfermée dans une zone de protection. Mais seulement quelques minutes, je vous assure !

Elle me fixe et ne dit rien.

- Vous aussi, vous avez peur de moi maintenant ?

Elle ne me quitte pas des yeux et ne réponds pas. Je soupire de lassitude.

- Je vous assure que je ne voulais rien de tout ça et que...

- Jade. As-tu peur de toi-même ?

- Bien sûr. Après tout ce que j'ai fait...

Elle pose ses coudes sur le bureau et appuie son menton entre ses mains.

- L'as-tu fait volontairement ?

- Non ! Bien sûr que non ! Je n'ai jamais voulu blesser quelqu'un...

- Qu'en déduis-tu ?

- Que mon pouvoir s'en contrefiche.

- Sois sérieuse, Jade. Tu peux y arriver. Contrôler tout ça. Il suffit que tu le veuilles. Maintenant, revenons à ton entrée dans la guilde.

- Vous ne m'expliquez pas comment 4 heures ont pu passé alors que seulement 30 minutes ont eu lieu pour moi ?

- Non. Pour ton entrée dans la guilde, je crois bien que...

- Je voulais vraiment réussir. Mais...

- Arrête de me couper !

Elle reprend son calme avant de prendre de nouveau la parole.

- Tu es acceptée parmi nous. Mais sache que le test ne sera jamais terminé. Pouvoir faire parti de cette guilde est un honneur. Il faut donc prouver à chaque instant qu'on en est toujours digne.

- Je ne suis pas certaine de comprendre. Je n'ai passé que 4 obstacles sur au moins une quinzaine...

- 3 plus précisément. Et sur 20.

- Et vous m'acceptez alors que je n'ai pas réussi votre parcours de la mort ?

- Tu as réussi.

- Euh... La fin, c'est censé être le dernier obstacle. Et je ne l'ai pas vu.

- Tu veux entrer dans cette guilde, oui ou non ? Finit-elle par demander énervée.

- Oui, je n'aurais pas continuer ce test de torture jusqu'à ne plus pouvoir me relever sinon.

- Bien. Alors tu sais maintenant pourquoi, tu es acceptée.

- Parce-que je suis têtue ?

- Persévérante et courageuse. Un peu masochiste sur les bords également. L'ensemble parfait pour entrer chez nous.

Okay... Je ne la comprends pas. Mais apparemment, j'ai réussi à entrer parmi les Mangepierres.

La suite est simple, elle me prend le poignet gauche et y tatoue plusieurs signes grâce à la magie qui ont une signification bien particulière : Explorer, Challenge, Créer. Je la laisse faire en détournant le regard pour éviter qu'elle voie les veines de mes tempes qui battent follement.

Quand elle a finit, je retire rapidement mon poignet et replace la manche de mon T-shirt dessus.

- On se retrouve demain pour ta première journée parmi nous. J'enverrai quelqu'un te chercher. Tu trouveras ta chambre au numéro 666D.

Elle se replonge dans son travail sans un regard pour moi. Je comprends que je peux disposer. Je quitte la pièce en frottant mon poignet juste tatoué.

Comment je trouve ma chambre maintenant ?

- Salut. Tu es nouvelle, non ? Je ne t'ai jamais vu ici.

Je découvre une Indienne quelques pas derrière moi. Elle est presque aussi petite que moi.

- Oui.

- Je suis Lysie.

- Jade, je déclare automatiquement sans m'en rendre compte.

- Ah c'est toi à qui on ne doit pas parler.

Son visage semble hésiter entre me parler ou m'ignorer.

- Apparemment oui.

- Tu viens d'entrer chez les Mangepierres ?

Apparemment, elle opte pour me parler alors qu'elle semble être la fille qui ne transgresserait une règle pour rien au monde.

- Oui.

- Mon petit-ami s'y trouve.

Elle sourit en le disant.

- Pas toi ?

- Non, je suis une Lilspiritum. Et je suis désolée pour toi.

- Pourquoi ?

- Tu portes beaucoup de peine pour ton âge. Tu as vécu beaucoup de choses traumatisantes. Mais tu es encore là. Tu es forte.

Je ne sais quoi répondre. On a le même âge, c'est certain. Mais elle a raison de dire que peu de personnes font face à ce que je vis maintenant.

- C'est vous qui êtes spécialisés dans l'esprit, c'est ça ?

- On peut dire ça. Je t'aide à trouver ta chambre ?

Elle sourit naturellement en attendant ma réponse.

- Merci.

Tandis que je la suis, je me pose une question qui me taraude depuis quelque temps.

- Tu es arrivée ici à quel âge ?

Elle rit en me regardant.

- Je suis née ici. Comme nous tous. Enfin 99% d'entre nous, dit-elle en pensant à quelque chose.

Je la regarde choquée.

- Tu veux dire que tu vis ici depuis toujours ?

- C'est ça.

- Tu es déjà sortie au moins ?

Elle secoue négativement la tête.

- Tu n'as jamais voulu sortir ?

- Je ne me pose pas vraiment la question. Ici, c'est bien plus grand que tu l'imagines. On a vraiment tout ce dont on a besoin et je n'ai connu que ça alors, cela ne me pose pas de problèmes.

- Personne ne sort jamais ?

- Si. Mais seulement quelques rares personnes. La majorité sont des Alphatages et des Mangepierres. Parfois quelques Dorémorts. Pour les Aliudcuras et les Lilspiritum, c'est exceptionnel. Je ne me souviens pas en avoir vu un sortir depuis que je suis née.

Je suis plus que choquée d'apprendre ça.

- Et cela convient à tout le monde ?

- Ben oui. Si, on est ici, c'est aussi bien pour nous protéger mais également agir pour protéger le monde.

- Mais à quoi servent les cours que tu suis depuis toujours si tu ne peux même pas les appliquer ?

Je crois bien que je viens de déclencher quelque chose en elle.

- Je ne sais pas...

Elle semble toute retournée de ce que je viens de dire. Je tends une main vers elle pour la réconforter mais je m'arrête au dernier moment. Comment savoir si elle va apprécier étant donné qui je suis ?

Le reste du chemin se fait dans le silence. Elle s'arrête devant une porte d'une couleur neutre portant le chiffre 666. Je ne m'étonne pas qu'elle m'ait amenée au bond endroit sans que je ne dise rien.

- Tu dois poser ta main sur ta porte. Elle prendra la couleur du pouvoir qui te correspond le mieux.

Elle dit ça automatiquement. Elle a complètement perdu l'enjouement qu'elle avait au début.

Je fais ce qu'elle dit en fermant les yeux. Je sais de quelle couleur ma porte va être et j'ai peur. C'est le petit cri de surprise de Lysie qui me fait ouvrir les yeux.

Ma porte est noire. Je le savais. Je soupire mais entre temps elle passe au bleu. Puis au orange, au rouge, au jaune, au vert, au violet, au marron, au rose. Au final, toutes les couleurs sont présentes sur ma porte. Elle brille alors intensément pour devenir aussi blanche que la neige qui vient de tomber.

Lysie me fixe les yeux ronds et semble avoir retrouvé sa joie.

- C'est toi.

Elle murmure pour elle-même de me sourire et de me serrer dans ses bras.

Je ne bouge pas jusqu'à qu'elle s'éloigne d'elle-même.

- Je ne suis pas folle.

- Lysie ? Il se passe quoi ?

- Je reviens plus tard !