Chapitre 11

Je suis assise sur un lit recouvert de draps bancs. La douleur est lancinante mais en même temps agréable.

Mes pieds se balancent dans le vide tandis que j'observe autour de moi. La pièce est nickel. Mais blanche. Tellement blanche que cela en fait mal aux yeux. Des gens sont couchés dans des lits. Certains dorment, d'autres lisent ou encore discutent avec des amis.

Pendant ce temps, des personnes en blouse se promènent à travers la pièce et font différents check-up. La plupart sont des gestes normaux. Ce que j'entends par là est que c'est ce que ferait un médecin ou un infirmier humain. Mais il arrive de voir apparaître un glyphe bleu dans les airs au-dessus d'une personne.

- Tu pourrais arrêter, s'il te plait ?

- Quoi ?

Je tourne le regard vers mon « soigneur ».

- Ce que tu fais là avec tes jambes. C'est perturbant.

- Quoi, ça ?

Je continue ce que je fais juste par plaisir de l'embêter. Un geste rapide puis une main bien placée sur mes jambes, et mes pieds pendent maintenant dans le vide sans bouger.

- Merci.

- Comme si j'avais eu le choix.

- Bon, maintenant, dis moi ce que tu as.

- Je pense que ça se voit assez, non ?

- Je parle de ce que tu as en dehors de ce qui est apparent.

- Je ne suis pas médecin, gourou ou tout truc du genre. Je crois que je suis juste défoncée de partout.

Il soupire, désespéré. Il pose son calepin et prend une grande inspiration en fermant les yeux. Ses mains se lèvent jusqu'à la hauteur de mon visage en forme d'éventail. A chacun des mots qu'il prononce, un doigt bouge, se plie ou tourne avec dextérité.

Plusieurs glyphes tournent alors autour de moi et chacun vient se poser sur une zone blessée. Petit à petit, mes blessures disparaissent sous l'effet d'une grande chaleur. Toute la salle nous observe. Ils sont émerveillés de la dextérité de mon soigneur. Beaucoup sont jaloux mais le regardent tout de même faire avec envie.

Concernant mes muscles, mes nerfs, tendons ou os, cela prend plus de temps et est assez désagréable. Je vois comme en moi et j'observe alors mes muscles se détendre, mes tendons se réparer, mon nez se ressouder et ainsi de suite.

- Je ne peux plus...

Je finis par avouer cela à bout de souffle, la sueur dégoulinant sur mon visage, les yeux dans le vide.

Mon corps retombe sur le lit comme une masse et la boule d'énergie que je retenais jusqu'alors en moi explose tandis que mon regard se voile de noir. Tout devient obscur autour de moi. Je ne vois plus rien et je n'entends rien.

- Peter... ?

Il n'y a aucune réponse. J'essaie de voir à travers mais je suis totalement aveugle.

Je retiens mon souffle quand une idée me traverse l'esprit. Et si je venais de tuer tout le monde à cause de mon manque de contrôle ?

- Peter !

Rien. Toujours rien. Je panique alors.

Soudain, mes membres brillent dans le noir. Ils sont recouverts de glyphes. De couleur bleu.

- Jade ?

- Tu n'es pas mort ?

- Désolé de te décevoir.

Il apparait à mes côtés et s'assoit sur le lit comme sonné. Je le serre dans mes bras avec joie. Il me tapote le dos avec gêne.

Puis je me souviens de qui il s'agit et je m'éloigne rapidement.

- Et les autres ? Je les ai ... ?

- Non. J'ai prévu le coup cette fois et j'ai installé un bouclier autour de toi.

- Merci.

Je suis soulagée. Je l'observe et remarque qu'il est blessé à la tête. Je tends la main vers la blessure dont suinte du sang. Lorsque mes doigts touchent celle-ci, il tique et recule.

- Attends.

Il me regarde et je peux à nouveau poser les doigts sur son front. Mes doigts s'illuminent en bleu et je les passe de bout en bout de la blessure. Celle-ci disparaît petit à petit. Je retire alors mes doigts couverts de sang et ceux-ci s'éteignent lentement.

- Merci.

- Je ne contrôle pas tout ce qui arrive. Je suis juste un pantin de ces fichus pouvoirs.

- Tu les contrôleras.

- En une semaine ? Est-ce au moins possible ?

- Pourquoi une semaine ?

- Je ne veux pas les garder, je te rappelle.

- Ah oui...

- Sinon, pourquoi tu ne m'as pas juste enfermée seule dans le bouclier au lieu de t'insérer dedans ?

- Je ne sais pas. Premier instinct.

- Les autres avant soi-même. Que c'est beau. Et stupide.

- Pourquoi tu dois toujours critiquer les choix d'une personne ?

- Pas toujours. Juste souvent. Tu sais, dans le monde, donc au dessus de nos têtes, les gens sont égoïstes, ne pensent qu'à eux et se servent des autres pour obtenir ce qu'ils veulent tant que leur petite vie n'est pas dérangée et que leur soi-disant bonheur reste parfait. Le monde est cruel et n'a d'autres pensées que lui-même. Dans ce cadre, il vaut mieux se fondre dans la masse.

- Comment peux-tu dire ça alors que tu souhaites y retourner ?

- Je dis la vérité. Je ne dis pas qu'ici c'est mieux.

- Ça l'est. Nous ne sommes pas comme ça.

- Tu penses mal. Peut-être que vous apprendrez la vérité un jour au lieu de rester terré ici bas et de suivre les ordres des autres. Nous ne sommes pas des moutons. On a la capacité de réfléchir. Tu sais ce que cela signifie ?

- Je sais que le sarcasme est fréquemment utilisé chez les personnes en manque de confiance en soi, blessées, apeurées et jalouses.

Il m'a bien fermé le clapet. Je me laisse retomber sur l'oreiller de mon lit et observe la noirceur autour de nous. La seule source de lumière est toujours l'illumination de mon corps par les glyphes bleus.

- Maintenant que tu es calmée, pourrais-tu avoir l'amabilité d'arrêter ton pouvoir de destruction pour que mon bouclier se désactive ?

- Quoi ?? Je continue à alimenter tout ça ?

Je regarde autour de moi et fixe l'intensité qui se dégage du vide profond créé par mon pouvoir. C'est alors que je crois voir un corps immatériel effrayant foncer sur moi, la bouche ouverte mais vide. (Si je devais le rapprocher de quelque chose, je le comparerais à un Mangemort). Je pousse un cri de terreur en voyant la noirceur de l'âme et me réfugie dans mon oreiller. Très courageux et utile, je sais.

Quelques secondes après, une main me secoue l'épaule. J'ouvre les yeux et relève la tête. On est de retour. Tout le monde nous regarde et semble soulagé. Mon père est là et il discute avec Peter qui me lance parfois des regards.

Mon père se dirige ensuite vers moi.

- Tout va bien.

- Oh oui, j'adore cet endroit qui ne fait qu'empirer ma vie.

- Jade, as-tu le moyen d'arrêter un moment d'être condescendante ?

- Et vous d'arrêter de vous prendre pour le Grand et Unique ?

- Je vois que tu n'es pas prête à cela.

- Tout comme vous.

Je me lève, en bien meilleur état que je suis arrivée et traverse la petite foule formée par mon incroyable talent à ne faire que des bêtises.

- Jade !

- Interdiction de me parler. J'ai pu voir ça un peu partout. Cela s'applique à vous. Attention, car il paraît que la punition est sérieuse !

Je sais que le rouge lui monte au visage. Tout comme cela m'arrive quand je suis à bout.

Je sors de cette pièce aseptisée et trop blanche pour moi pour rejoindre le bureau de Gina. J'entends qu'on me court après mais pourquoi m'arrêter ?

- Jade ! Tu peux attendre s'il te plait ?

- Jade n'est pas là pour le moment, désolée. Cherchez la plus tard. Bien plus tard.

- Stop !

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