Chapitre 7 : Paran

La tente, faisant largement la taille d'une maison, était maintenue à la manière des chapiteaux. Ma nostalgie du cirque itinérant dans lequel j'ai joué a refait surface. Même s'il faut l'avouer, le cadre donne beaucoup moins l'envie de faire la fête ici.

En face de l'entrée se trouvait une carte du monde dont le cadre faisait presque deux fois ma taille. Des tapis rouges aux liserés dorés recouvraient le sol, au cas où on douterait encore que l'on soit dans la nation du feu.

Mis à part une urne et un râtelier d'armes, la pièce était incroyablement vide. Mon âme d'artiste avait envie de décorer tout cela pour donner une identité propre à cet endroit, un peu de vie.

Deux sièges à l'allure peu confortable étaient disposés à côté d'une table basse, sur laquelle reposait deux tasses à thé, accompagné de la théière renfermant le liquide si cher au vieux général. Mais tout cela ne me concernait pas. Je devais seulement rester sur mes deux pieds et faire en sorte que tout se passe bien.

Le prince s'assit sur une des chaises, l'air tendu. Iroh lui semblait épris d'un vif intérêt pour un Guandao placé sur le râtelier. Et le commandant se plaça, pensif devant sa carte, il déclama d'un ton assuré : "Avant la fin de l'année, la capitale du royaume de la terre sera sous notre autorité. Et le seigneur du feu sortira enfin victorieux de cette guerre."

Visiblement coincé dans une situation qu'il aurait préféré éviter, le prince Zuko n'avait en revanche pas perdu son franc parlé : "Si mon père croit que les autres nations vont gentiment le suivre, il est devenu fou."

Zhao s'assit sur l'autre siège vide, un sourire satisfait sur le visage : "Deux années en mer ne vous ont pas appris à modérer vos paroles. Dites-moi, vous semblez toujours à la recherche de l'Avatar ?"

Avant qu'il ne puisse aller plus loin dans son raisonnement, il fut coupé par le bruit de toutes les armes du râtelier tombant à terre, dans un vacarme de bruits métalliques. On aurait pu croire qu'Iroh avait prémédité cet acte pour éviter à son neveu de devoir répondre aux questions du commandant, mais il est évident pour moi que c'était simplement dû à sa maladresse.

Il s'excusa en prenant ses distances alors que je m'appliquais à remettre en ordre ce qu'il avait fait tomber. Contraint, le prince répondit tout de même à sa question : "Nous ne l'avons pas encore trouvé."

Le commandant reprit d'un ton plus autoritaire et méprisant, je commençais vraiment à ne pas l'aimer : "Parce que vous pensiez vraiment y arriver ? Mais l'Avatar nous a quitté il y a un siècle. En même temps que tous les fils de l'air. À moins que vous ne puissiez prouver que l'Avatar est encore en vie ?"

Il prononça cette dernière phrase avec un sourire mesquin et une lueur dans le regard que je n'ai pas du tout apprécié. Zuko, continua de jouer la comédie : "Non, navré, je ne l'ai pas trouvé."

"Prince Zuko, l'Avatar est le seul au monde à pouvoir empêcher la nation du feu de remporter cette guerre. S'il vous reste une once de loyauté, vous devez me dire ce que vous savez."

"Je vous le répète, je ne sais rien. Vous l'avez dit vous-même. L'Avatar est sans doute mort depuis longtemps. Venez mon oncle, on s'en va."

Alors que le commandant s'était relevé et que Zuko se dirigeais vers la sortie, les deux gardes postés à l'extérieur bloquèrent le prince avec leurs lances alors qu'un autre rentrait dans la tente, porteur d'un message : "Commandant Zhao, nous avons interrogé l'équipage comme vous l'aviez demandé. Ils ont confirmé que le prince Zuko a capturé l'Avatar et l'a laissé s'échapper. De plus, il semblerait que la princesse Sosha fut prise en otage lors de l'évènement par le groupe de l'Avatar."

Le prince relâcha un soupir de défaite à cette annonce. Pour ma part, je n'arrivais pas à croire que notre propre équipage ait pu nous trahir, qui plus est, aussi rapidement.

Zhao, à l'opposé de Zuko affichait un air triomphal sur son visage en s'approchant dans le dos du prince : "Maintenant, répondez-moi. Dans quelles circonstances, votre navire a-t-il été endommagé ?"

...

Immédiatement après avoir reçu la confirmation que ses soupçons étaient fondés, le commandant Zhao m'expulsa de la tente pour s'entretenir en privé avec le prince et son oncle. Je me retrouvais donc à errer sans but précis dans le camp, anxieux de la tournure que prenaient les évènements. Je me demandais si cela signifiait la fin de notre mission et ce que cela signifierait pour le prince et son bannissement. Je m'en faisais aussi pour Sosha, que se passerait-il si un homme comme Zhao la retrouvait avant nous ?

En désespoir de cause, pour ne plus y penser, je m'occupais à détailler les défenses du port. Je me suis posté sur un point en hauteur alors que le prince subissait un interrogatoire plus poussé sur les récents évènements. J'avais commencé à crayonner les points stratégiques sur un calepin que j'emporte toujours dans les failles de mon armure, au cas où nous devions nous enfuir par force. Bien que mes traits soient toujours assez précis, j'avoue avoir un peu perdu la main.

Mon regard se portait sur un groupe de macareux-seiche bronzant sur un rocher lorsqu'une voix familière et réconfortante m'interpella : "Voccan, toujours la tête dans tes notes. T'as pas changé."

Je n'arrivais pas à croire que dans mon dos se trouvait en ce moment mon ancien camarade de bataillon, Paran. C'était un maitre du feu, contrairement à moi. Il avait toute la fougue et la joie de vivre qu'une personne de notre âge pouvait avoir, en accord avec son élément. Nous nous sommes rencontrés lors de notre formation et avons rapidement sympathisé. Il répondait à la majorité des critères de beauté de notre nation, en plus d'être un soldat aux compétences solides. Il est certain qu'avec les années, il serait destiné à avoir une bonne carrière et un mariage heureux. À ses dires, il a toujours eu du succès auprès des filles, enchainant les conquêtes. Je ne partage pas son attitude en la matière, préférant laisser le temps au temps. De même, alors que depuis mon enfance, je me passionne pour les arts et l'histoire, Paran trouve ses sujets ennuyeux à mourir et peu dignes d'intérêt. Mais ces différences de point de vue n'ont jamais déteint sur notre bonne entente.

J'ai laissé sur le côté mon stylet et mon calepin pour lui donner une accolade vigoureuse, qu'il me rendit bien. Son arrivée présentait une bien bonne nouvelle dans cette triste journée : "Paran, tu m'avais bien manqué. Je suis agréablement surpris de te voir ici. Comment tu t'es retrouvé là ?"

Il me répondit avec un grand sourire : "Après qu'on se soit séparé, j'ai continué mon service militaire. Et j'ai fini par être affecté à la flotte du commandant Zhao. J'espère avoir une promotion bientôt."

Curieux de connaitre son avis sur l'homme, je le questionnais : "Notre navire vient de débarquer aujourd'hui, et j'ai eu l'occasion d'échanger quelques mots avec lui. Comment est-il selon toi ?"

Songeur, il reconsidéra mes paroles : "Le seul navire à avoir accosté aujourd'hui c'est celui du prince Zuko, non ?"

"Oui, j'ai rejoint son équipage, il y a peu. Je te raconterais tout cela avec force détail."

"C'est moi qui aurais dû te questionner sur ton parcours plus tôt. Pour répondre à ta première question, le commandant est un homme assez strict et protocolaire, il lui arrive d'être sévère, mais il porte à cœur les intérêts de notre nation."

Je n'ai pas pu m'empêcher de lâcher un zeste de sarcasme dans ma réponse : "Oui, j'ai remarqué. Comment tu as fait pour me retrouver dans ce dédale de chemins et de tentes ?"

"C'était pas compliqué de remarquer le seul garde en train de dessiner au sommet d'une butte."

Un peu gêner, j'ai reconnu : "J'imagine, oui."

Ayant toujours autant d'entrain, il m'invita : "Viens boire un coup, les gars sont en train de retaper votre navire, il y en a pour un moment, on a des choses à se raconter."

J'ai accepté avec plaisir. Nous avons échangé une coupe de saké, mais Paran fut le seul de nous deux à entamer le reste de la bouteille. Même si j'en apprécie le goût, j'ai le malheur ne pas du tout tenir l'alcool. Je l'ai donc accompagné avec du thé au Jasmin, où va ma préférence.

Nous avons passé un bon moment à raconter les périples qui nous ont amené à nous recroiser, accompagné de récits de batailles et d'anecdotes caucasses. Paran semblait avoir perdu la notion du temps à cause de la boisson, mais moi pas. Et je devais me rendre à nouveau auprès du prince à l'heure précise. J'ai écourté la conversation et mis mon ami dans un coin tranquille pour qu'il puisse décuver en paix.

Je repris le chemin de la tente du commandant, mes croquis m'ont au moins permis de ne pas me perdre dans ce labyrinthe où tout se ressemble, du point de vue d'un nouvel arrivant.

...

Une fois à portée de voix de la tente, j'entendais le commandant Zhao engueuler le prince comme un gosse n'ayant pas fait ses devoirs : "Vous et vos soldats fils du feu ont été dominés par un gamin de douze ans ?! Vous êtes encore plus pitoyable que je ne le pensais."

Lors de mon arrivée, il faisait les cent pas alors que le prince, semblant collé à son siège, entouré de deux soldats, tentait de se défendre : "Je l'ai sous-estimé une fois. Mais ça ne se reproduira plus !"

"Non, en effet ! Puisque vous n'aurez pas de seconde chance."

"Commandant Zhao, je poursuis cet Avatar depuis deux ans ... "

Avant de pouvoir poursuivre, Zhao bouillonnant de rage, se retourna, le visage sévère, laissant s'échapper une langue de flamme de son poing droit : "Et vous avez échoué ! La capture de l'Avatar est trop importante pour la laisser à un adolescent. Je vais me charger de ce gamin."

Il dirigea son attention vers moi à ce moment précis : "Quant à vous, votre échec n'est pas excusé par la piètre qualité de votre capitaine. Votre mission au-delà de vos fonctions de soldat, était de protéger la princesse, en tant que garde du corps. Et maintenant elle se trouve en position d'otage par votre faute. Pas besoin d'ennemi avec des alliés pareil. Je crois bien que le prince Zuko attire des individus tout aussi incompétents que lui. Qui plus est, vous avez eu l'audace de camoufler votre erreur sous des mensonges grotesques à un officier supérieur."

J'aurais pu rejeter la faute sur le prince, mais cela n'aurait pas été crédible de ma part. De plus, cela aurait été contraire aux valeurs de loyauté que je défends, c'est donc avec dignité que j'assumais la responsabilité de mon manque de vigilance : "J'avais bien l'intention de corriger mon erreur à la première opportunité, commandant."

"Vous n'en aurez pas l'occasion."

Zuko, ne tenant plus en place, tenta de se lever de sa chaise pour s'en prendre au commandant qui lui tournait le dos. Il fut toutefois stoppé par les gardes, le retenant par les épaules. Il s'adressa ensuite à ses hommes : "Conduisez-les dans leurs quartiers et faites en sorte qu'ils y restent."

Par dépit de ne pas pouvoir en faire plus, Zuko renversa d'un coup de pied la table et tout ce qui y reposait, la brisant sur le coup.

Iroh de son côté n'a pas perdu son flegme habituel, ni son amour des boissons chaudes : "Je boirais bien un thé."

Il fut ensuite fait selon la volonté du commandant. On nous installa dans des tentes séparées, hors de portée du reste de l'équipage. J'aurais aimé pouvoir revoir mon ami, mais au moins, nous ne manquions de rien. Nous étions en quelque sorte prisonnier, mais prisonniers de luxe. Bien loin de l'inconfort d'une cale de pirate. N'empêche, je me disais que cette situation ne pouvait pas bien se finir. Ainsi, je gardais l'esprit en alerte pour pouvoir aider le prince au mieux le moment venu. 

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