Chapitre 3 : L'épave de la nation du feu

Après une bonne nuit de sommeil, je me suis rendu dans la cabine de la princesse pour lui annoncer le service du petit déjeuner. La plupart des cabines se ressemblaient et il ne nous était pas possible de les décorer comme on le souhaitait. En revanche celle de la princesse était bien singulière. Elle vivait une grande passion pour les origamis, ainsi sa chambre en était remplie.

Elle bénéficiait aussi de plus de vêtements que le reste de l'équipage. Une chose normale pour la seule femme à bord. J'ai remarqué qu'elle ne portait que des robes amples et chaudes. Sans doute influencée par son rang et la rudesse du climat du sud, mais cela restait curieux.

Comme la majorité des membres de notre nation, elle a les yeux de la couleur de l'ambre et des cheveux d'un noir profond. Et ses deux éléments alliés à la finesse des traits de son visage lui donnaient une allure de bienveillance naturelle. Même si sa petite taille constitue un frein pour la stature royale qu'elle doit donner. D'ailleurs, même si elle aimait me savoir auprès d'elle dès que nous étions côte à côte, elle demandait bien vite à ce que je m'éloigne, frustrée de notre écart de taille.

Je me suis annoncé devant sa cabine, et elle me donna la permission d'entrer. Comme je m'y attendais, elle travaillait sur un nouveau modèle d'origami. Ce sujet donnait toujours un bon moyen d'engager la conversation : "Ces plis me sont inconnus. Quelle forme voulez-vous lui donner princesse ?"

Elle me répondit en mettant de côté la feuille de papier vert : "Je t'ai déjà dit de m'appeler par mon nom quand nous sommes seuls, c'est plus convivial."

"J'ai du mal à m'y faire Sosha."

Je me suis assis à côté d'elle sur son lit, en posant mon casque, l'encouragent à continuer avec un signe de tête.

"C'est un colibri, enfin, c'est sensé en être un. C'est une des premières fois que je m'attaque à un modèle aussi complexe."

"Dans mon village, les filles les plus douées arrivaient à peine à faire un bateau. En comparaison, vos créations auraient leur place dans un musé." dis-je en portant un regard admiratif sur ces décorations.

"C'est gentil, tu veux du thé ? J'en ai préparé."

"Non merci, j'en ai déjà pris avant de venir."

"C'est le genre d'offre que mon oncle n'aurait jamais refusé."

J'avais beau essayé de m'occuper l'esprit, je revenais toujours à penser à cette lueur et cette recherche de l'Avatar. Alors, perdu dans mes idées, je ne répondis pas tout de suite.

La princesse s'en aperçu : "Quelque chose te préoccupe Voccan ?"

Je suis un homme assez facile à cerner, surtout pour une fille aussi perspicace. Elle me connaissait suffisamment pour lire entre les lignes : "C'est au sujet de ce qu'il s'est passé hier, je pensais qu'avec les semaines de voyage je serais mieux préparé si on trouvait des signes de l'Avatar. Mais maintenant je me demande si on fait bien. Je veux dire, cette explosion était très puissante. Est-ce qu'on serait capable de résister à quelque chose de ce calibre, et à quel prix."

"Je comprends ce que tu veux dire. La plupart des personnes de notre nation ne penseraient pas comme toi. Ils chercheraient à aller au-devant du danger pour faire valoir leur honneur, sans se préoccuper des conséquences. Comme mon frère. C'est pour cela que j'aime discuter avec toi."

"C'est peut-être dû à ma fibre artistique. Je voulais vous poser une question. Le prince Zuko semble vraiment obsédé par la recherche de l'Avatar, au point de se raccrocher à la moindre piste capable de le conduire jusqu'à lui. Il doit bien y avoir une raison, et je pense que vous la connaissez."

"Oui, en effet, je la connais. Mais ce n'est pas à moi de tout te dire, je pense qu'il faut attendre qu'il ait assez confiance en toi pour ça."

L'espace d'un instant, sa tête se pencha vers le sol et un rayon de lumière parvenant du hublot se répercuta sur sa coiffe royale en forme de flamme. Elle sembla dépitée, je ne l'avais jamais vue comme ça. La capture de l'Avatar est certes une perspective effrayante, mais aussi réjouissante, nous pouvions mettre fin à la plus grande menace envers notre nation. Je ne pensais pas que cette nouvelle puisse la chambouler à ce point.

Je me mis en tête de la rassurer : "Tout va bien Sosha ?"

Elle recoiffa une des deux mèches de cheveux qui lui tombaient sur les joues en m'accordant un faible sourire : "Oui, c'est juste que, moi aussi je me pose des questions."

"Bon, venez, on nous attend."

...

Après avoir pris le petit déjeuner en compagnie de son oncle, la princesse a été invitée à une séance d'entrainement de son frère. Il voulait que tout le monde soit prêt à combattre. La princesse comme à son habitude a mis beaucoup de temps à finir son repas, elle n'a rien d'une grosse mangeuse. Nous avons donc traversé les couloirs du navire, la princesse et moi pour retrouver tout le monde sur le pont. Le prince Zuko s'exerçait déjà en armure légère face à deux gardes. Il était impossible de les reconnaitre avec leurs casques. Seul le prince n'en portait pas.

Le général Iroh se tenait sur un petit tabouret pour observer l'entrainement. Son chignon chancelait au gré de la légère brise glaciale du sud.

La princesse annonça notre présence : "On est là, qu'est-ce qu'on a manqué ?"

Le vieux sage se retourna pour nous accueillir : "Ah Sosha, content de voir que tu as apprécié le repas mon enfant. Je fais réviser à ton frère les bases de la maitrise du feu. Il tient à s'entrainer plus que de coutume aujourd'hui."

Il semblait en effet plongé dans un calme inhabituel chez lui, les yeux fermés et la respiration lente, en attente du signal de l'exercice. Iroh revint vers eux et annonça le début de l'échange : "Recommence !"

Les deux gardes envoyèrent des boules de feu vers le prince. Celui-ci répliqua en les contrant avec deux autres déflagrations, venant de chacun de ses poings. Il se mit hors de portée en effectuant une roue sans les mains tout en lançant une autre boule de feu, qui se logea entre les deux cibles.

Une démonstration spectaculaire, mais très rigide, si mon avis comptait.

Semblant désappointé de voir que son enseignement entrait par une oreille pour ressortir par l'autre, Iroh s'écria : "Mais non ! La puissance de la maitrise du feu vient du souffle, de la respiration, pas des muscles. La respiration se transforme en énergie dans le bas de l'abdomen. L'énergie accumulée se dilate et jaillit de tes membres sous forme de feu."

Il appuya son explication de gestes montrant en détail la méthode à employer. Et il conclut par une démonstration avec une flamme jaune sortant de la paume de sa main. Elle termina sa course juste avant d'atteindre le visage du prince, à découvert. Cela témoignait du niveau de sa maitrise.

L'entrainement repris : "Recommence correctement."

Le prince sortant encore une fois de ses gonds, s'impatienta : "Non, ça suffit. J'ai travaillé cet exercice pendant toute la séance. Enseignez-moi les exercices suivants. Je suis plus que prêt."

Restant sur sa prise de position Iroh déclara : "Non, tu es trop impatient. Tu dois d'abord maitriser les bases. Recommence tout de suite."

Explosant de rage, il lança un coup de pied de pied dans la technique Yoko Geri sur un des deux soldats, produisant une déflagration suffisante pour le propulser sur plusieurs mètres. Grâce à son armure, il n'avait pas à s'en faire pour les brûlures, mais cela devait être un sacré choc.

Sa sœur intervint une fois de plus : "Zuko, tu n'arriveras à rien en étant aussi impulsif. En plus c'était loin d'être loyal."

Il se retourna pour nous faire face : "Et je n'arriverais à rien si je ne deviens pas plus fort. Les sages et les anciens nous ont dit que l'Avatar était le dernier maitre de l'air. Il doit avoir plus de cent ans aujourd'hui. Il a eu un siècle pour maitriser les quatre éléments. Il me faut beaucoup plus que les bases de maitrise du feu pour le vaincre. Vous devez m'enseigner les figures du niveau supérieur."

Iroh sembla céder à sa demande, à certaines conditions : "Très bien, je le ferais. Mais je dois d'abord finir mon canard rôti, sinon il va refroidir."

Le général prit le petit plat juste à côté de lui et commença à avaler goulument quelques morceaux de viandes à grands coups de baguettes. Et tout cela face au visage dépité de son neveu. Sosha ne put réprimer un rire franc face à cette situation. Et je dus forcer pour me retenir, elle avait le droit d'en rire, pas moi.

...

Malgré quelques nuages épars, le soleil brillait de toute sa splendeur. Si nous n'étions pas entourés d'une mer de glace, on aurait presque pu croire qu'il faisait chaud.

Une fois le repas de l'oncle Iroh terminé, à l'immense soulagement de son neveu, l'entrainement repris. Cette fois-ci, ils passèrent en revu un certain nombre de postures et mouvements que j'ai rarement vus, même lors de ma formation. Sosha y prit part, mais sans jamais lancer de boules de feu. Une chose que personne ne souligna, pas même son oncle, ni son frère.

De mon côté, je m'entrainais au maniement du katana avec une lame émoussée, pour ne pas risquer d'accident. J'étais avec un de mes partenaires préférés, Fuo. Un brave gars avec un style un peu maladroit, mais il met toujours du cœur à ce qu'il fait. Comme moi, il faisait partie des combattants non maîtres de l'équipage. Malgré le fait qu'il soit dans la trentaine on s'est très vite bien entendu.

Je venais de gagner un échange par un coup d'estocs. J'entendis la voix du prince derrière moi : "Je vois que ta formation te revient. Que dirais-tu d'un duel plus corsé ?"

Le prince Zuko, un combattant aguerri qui ne s'épuise pas facilement. Mais même lui après plus de deux heures d'entrainement commençait à fatiguer et des perles de sueur tombaient de son front. Si je n'étais pas concentré sur mon combat, j'aurais pu remarquer qu'il avait fini de s'exercer à la maitrise du feu. Il tenait à présent en main ses épées jumelles ; deux sabres conçus par le même forgeron pour être utilisées ensemble. Ils rentrent dans le même fourreau, pour se faire chaque lame ne comporte qu'une moitié de garde.

S'il m'a fait cette proposition, c'est car il a reconnu ma force. J'ai accepté avec gratitude : "Ce serait un honneur mon prince."

Il se mit en garde haute, Jodan. La première épée pointant dans ma direction au niveau de la taille et la seconde, la pointe au-dessus de sa tête, prête à donner un coup de taille. Quant à moi, je sortis mon Wakisashi de son fourreau et me mit moi aussi en garde. Je pris la posture de droite, Migi Waki, mon bras gauche tenant le Wakisashi tendu et pointé vers l'avant. Et le katana à la hanche pour préparer un contre, en menaçant mon adversaire d'un coup d'estocs.

Le prince Zuko passa à l'attaque, il fondit sur moi, l'épée en garde haute me donnant un coup de taille. Je l'ai parée par un mouvement de mon Wakisashi, en la faisant glisser pour tenter de me créer une ouverture. J'essayais un coup d'estocs avec mon katana, mais il fut paré facilement par l'autre sabre, resté en défense.

Je n'ai pas eu le temps de réagir, en un instant, le prince réussi à coincer ma gorge entre les deux lames de ses sabres jumeaux. Vaincu, je ne pouvais qu'abdiquer.

Contre toute attente il me complimenta, enfin, si je puis dire : "Ton contre n'était pas mal, mais tu manques de réflexes, face à un autre adversaire tu serais mort, ou sévèrement blessé. Tâches d'améliorer tout ça."

"Je le sais mon prince. J'y travaille."

Il se désintéressa de moi par la suite et commença à défaire son armure tout en prenant une serviette pour s'essuyer le visage. Il se dirigea ensuite vers ses quartiers.

Sosha vint à ma rencontre : "Alors, ça va, pas trop stressé ? Tu t'es bien débrouillé."

"Ça va, c'est le genre de situation qu'il faut subir pour devenir meilleur. Mais vous me flatter trop, j'ai quand même perdu et de beaucoup."

"C'est vrai, mais avant ton arrivée ici, tu n'aurais même pas eu le temps de réagir."

Voyant le soleil grimper dans le ciel, je me rappelais mes obligations : "Vous devriez rentrer dans vos appartements, le repas de midi va bientôt être servi. Je dois ranger le matériel d'entrainement."

"Très bien à tout à l'heure."

Je la regardais s'éloigner avec sa démarche gracieuse, qui ne fut entachée que par une perte d'équilibre sur la première marche de l'escalier menant à l'intérieur du bateau. Et je ne m'en suis rendu compte que plus tard que la chose qui m'effrayait le plus depuis l'apparition de cette lumière, c'était la perspective qu'il lui arrive quelque chose.

...

Dans le début d'après-midi, le prince convoqua la totalité des gardes moi y compris, dans la tour de contrôle. Ses doutes étaient levés. Il nous informa de ses nouvelles découvertes : "Messieurs, le terme de notre voyage se dessine. J'ai enfin trouvé l'Avatar. Grâce à mes observations, j'ai réussi à discerner une forme humaine sortant d'un navire de la marine du feu pris dans les glaces. Il se déplaçait par des bons de plusieurs mètres dans les airs, une preuve d'agilité pour son grand âge. J'ai aussi repéré l'endroit où il se cache. Un petit village de la Tribu de l'eau. Je veux des cartes de la région pour planifier au mieux l'attaque. Préparez-vous au combat, aujourd'hui, nous reviendront victorieux, ou nous mourrons au champ d'honneur."

Cette nouvelle sembla galvaniser les hommes et les terroriser à égale mesure. Suite au discours de son frère la princesse Sosha me tendit un faible sourire d'encouragement, qui ne faisait que cacher sa propre anxiété. Une chose était sûre, je la protégerais, ma vie importait peu, si je pouvais la savoir en sécurité. 

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