Chapitre 19 : Entre secrets et souffrances

Lorsque la petite eut fini de manger, je l'aie emmenée faire un brin de toilette dans la salle de bain, et j'ai gardé la porte pour que personne ne vienne la déranger pendant sa douche. En parallèle, j'ai fait apporter certaines robes de Sosha. Comme elle était la seule femme à bord avant son départ, il s'agissait des seuls habits féminins que pouvait revêtir notre nouveau membre d'équipage.

Après une attente interminable, justifiée par le travail harassant consistant à décrasser sa peau, Kisi sorti de la douche, dans un nuage de vapeur d'eau chaude. Sa mine détendue et presque souriante faisait plaisir à voir. Elle choisit une tenue de la princesse pour s'habiller. Et bien évidement, elle était deux fois trop grande pour elle. Malgré les nombreux ourlets que je lui aie faits, elle a failli tomber plusieurs fois en se prenant les pieds dans le tissu sur le trajet de la cabine qui lui fut assignée. Elle jouxtait la mienne. Les gars de l'équipage ont trouvé ça logique puisque c'est moi qui aie eu l'idée de la récupérer et je semblais de toute évidence le plus soucieux de son sort.

J'ai passé le reste de la journée à raccommoder comme je le pouvais les tenues de Sosha pour que trois puisses aller à la petite, en attendant d'en trouver d'autres sur le marché.

Kisi, exténuée par son emprisonnement, ses émotions, le voyage et sa récente libération ; n'a pas attendue le repas du soir pour s'endormir comme une masse dans mon lit alors que je m'occupais des anciens vêtements de mon amie, qui allaient devenir siens.

En faisant en sorte de ne pas la réveiller, je l'aie portée jusque dans son lit. La voir à ce point détendue et reposée me donnait la satisfaction de savoir que j'avais bel et bien agit pour le mieux en la sauvant.

...

L'enfant au lit, je me suis remis à la recherche des informations demandées par le prince. Il ne m'a pas fallu longtemps pour retrouver mes ouvrages et notes sur les Tribus de l'eau. J'étais sur le point de m'y plonger lorsque Fuo vint m'annoncer l'heure du repas. Nous nous sommes mis en route en discutant des récents évènements et de la vie d'équipage. Passer du temps en sa compagnie est reposant, c'est un homme calme avec de l'expérience, mais tout de même assez proche de moi pour que nous ayons des centres d'intérêt en commun.

Au détour d'un couloir, j'aperçus Paran. Il avait à son bras son faucon personnel et à voir la manière dont il se déplaçait, il ne nous avait pas vu. Sa démarche laissait suggérer qu'il souhaitait se faire discret, mais la discrétion n'a jamais été le point fort de mon ami. J'enjoins mon camarade à partir devant, le temps que je discute avec lui.

Cela faisait trop longtemps que mon cerveau se rongeait d'incertitudes et de craintes, j'avais besoin de perdre en pression. Et une petite blague me semblait le remède idéal pour cela. Je pris en filature mon compagnon. Lui essayait toujours de se faire oublier, même si ses pas résonnaient dans le navire et qu'il faillit faire tomber un sceau et sa serpillère.

Au moment où il gagnait l'extérieur, je me suis tapi dans l'ombre et d'un bon, j'ai poussé un énorme cri qui l'a fait sursauter au point où j'ai cru qu'il allait passer par-dessus bord.

Paran se retourna, le souffle court : "C'est toi Voccan ?! Enfoiré, j'ai failli avoir une crise cardiaque."

Face à sa figure déconfite, je me suis laissé aller à mon premier fou rire depuis longtemps. Et cet élan de bonne humeur s'est propagé comme un virus, gagnant les joues de mon ami.

En me donnant une bonne tape sur l'épaule, il me questionna : "C'est pas si mal d'être surpris de temps en temps. Pourquoi tu m'as pris pour cible ?"

"Tu as toujours été un bon client pour les farces, et en te voyant si concentré je n'ai pas pu résister. J'ai sauté sur l'occasion, si on peut dire. D'ailleurs, qu'est-ce que tu fais avec ton faucon, on va bientôt manger ?"

Il parut décontenancé par ma question et bafouilla avant de me fournir une réponse, alors que son messager me scrutait d'un regard accusateur : "Euh, je ... eh bien. Disons que j'envoyais un message ... à une de mes conquêtes. Oui, c'est ça !"

Son attitude, bien qu'étrange ne m'a pas interpellée plus que ça : "Et d'où vient cette jeune demoiselle ?"

Il me répondit sur le même ton hésitant : "Du village de Coron, en ton absence, j'ai eu le temps de séduire une belle jeune fille, t'aurais dû voir ça. Je lui envoyais juste un message pour qu'elle sache que je ne l'oublie pas, voilà tout."

Il sembla ajouter quelque chose pour lui-même que je n'ai pas réussi à comprendre.

"C'est étonnamment prévenant de ta part, quand on sait comment se sont terminées tes dernières relations."

Cette fois, il reprit le ton assuré qu'il prenait d'habitude : "C'est nouveau chez toi, remuer le couteau dans la plaie ?"

J'ai essayé de voir le symbole du message entourant la patte de l'oiseau. Mais Paran la cachait au point où on pouvait croire cela intentionnel. Le rapace prit son envol et mon ami se retourna vers moi, un sourire soulagé sur le visage.

Il m'attrapa par le col : "Tu sais ce qu'on mange ce soir ? De la canne-tortue, je crois bien que c'est ton plat préféré. Je me sens plus léger après avoir envoyé ce message. On y va ?"

Nous nous sommes dirigés par la suite vers la cantine, bras-dessus bras-dessous en rigolant et se racontant des anecdotes de camps nous remémorant de bons souvenirs. Et il ne se trompait pas au sujet des cannes-tortues, c'est toujours un délice en bouche. C'est vraiment dommage que ses petites bêtes soient aussi mignonnes et bonnes à manger.

Après ce copieux repas, je me suis mis au lit, reportant mes recherches au lendemain.

...

Réveillé de bonne heure comme à mon habitude, on m'informa que pour sa première journée à bord, la petite Kisi serait prise en charge par Iroh. Il avait insisté pour s'entretenir avec elle aussi vite que possible, et le connaissant, ses raisons devaient être bonnes. Ce vieil homme prenait toujours soin des personnes qui l'entouraient, en particulier les membres de sa famille, je ne doutais pas que sa bonhommie lui assurerait bientôt la confiance de la fille.

En ce qui me concerne, j'ai enfin épluché mes documents en recherche de nouvelles découvertes. J'ai retracé en diagonale mes nombreux ouvrages. Et après être arrivé à la moitié de mon corpus, je suis tombé sur ce que je cherchais ; six rouleaux de parchemins sur la joaillerie des Tribus de l'eau. Mais avant de pouvoir l'étudier en détail, Fuo m'interrompit à nouveau au moment décisif. Cette fois pour une tâche plus conventionnelle, je devais juste nettoyer les box des Rhinos Komodos.

La matinée avançait et malgré l'odeur fauve qui se dégageait de mon lieu de travail, je passais un bon moment. Ces lézards aux trois cornes pointues pouvaient terrifier par leur apparence au début, mais en les côtoyant de près, ils ne représentent qu'un danger minime. Ils se révèlent même très dociles lorsqu'il s'agit de leur toilette.

Je grattouillais le menton de l'un d'entre eux lorsque la silhouette de ma petite protégée se dessina aux abords de l'enclos. J'étais heureux de la voir, surtout que je souhaitais qu'elle s'intègre de son mieux à nos côtés. Mais quelque chose avait changé en elle. Le semblant de chaleur et de bonté que j'ai éveillé chez elle la veille semblait avoir disparu.

Je m'apprêtais à lui demander la raison de sa venue, mais je fus pris de court par un mouvement vif de sa part. En un éclair, elle sortit un couteau de la manche de la robe ayant appartenu à mon amie. Et sans l'once d'une hésitation me fonça dessus tête baissée et lame en avant. Ses yeux avaient le froid du blizzard et la foudre d'un orage.

J'eus à peine le temps d'esquiver. Privé de mes armes et de mon armure, je n'ai pas eu d'autre choix que de sacrifier ma main pour neutraliser ses attaques. J'ai saisi son couteau d'une main, ma poigne si ferme que les faibles forces de Kisi n'étaient pas suffisantes pour me l'arracher. Avec ma main libre, j'ai défait son emprise de l'ustensile.

La sensation d'urgence m'a fait oublier la douleur sur le moment, mais dès la fin de notre échange, ma paume fendue faisait ruisseler le sang dans un filet de souffrance. Mais je n'avais pas le temps de souffrir, il fallait que je gère la situation le plus vite possible.

Dépourvue de son arme, mon adversaire s'apprêtait à fondre sur moi, alors dans un éclair de lucidité, j'ai sifflé entre mes doigts pour appeler le Rhino dont je m'occupais. En approchant il bouscula Kisi, juste assez pour la déséquilibrer et la faire tomber à terre. Voyant l'occasion de gagner du temps, je lui aie ordonné : "Couché !"

La moitié du corps de l'enfant étant déjà sous la créature, ses jambes furent complètement bloquées par le poids du mastodonte. Elle essaya de se dégager en gigotant tout en poussant de nombreux rugissements de frustration, mais en vain. Le saurien à cornes ne se souciait même pas de son existence, il se contentait de brouter paisiblement la paille de son enclos. Sa nourriture devait avoir un goût particulier puisque mon sang faisait office de sauce.

Heureux d'avoir gelé les agissements de la petite pendant un temps, je me suis mis en tête de soigner ma blessure. Étant un non-maitre naturellement désavantagé en combat, j'ai vite appris à utiliser toutes les astuces à ma portée pour augmenter mes chances de survie sur le champ de bataille. Une de mes mesures les plus utiles était de transporter un kit de soin primaire en permanence sur moi dans une petite sacoche accrochée à ma ceinture. J'y aie tiré des bandages sur lesquels j'ai appliqué un cataplasme cicatrisant. Pour avoir essuyé un bon nombre de combats, j'avais déjà la confirmation des effets surprenants de ce produit. En moins d'une semaine, il n'y paraitrait plus. Le seul désavantage de ce procédé était l'odeur infecte du mélange. Mais plus le remède est dégoutant, plus il est efficace.

Après avoir stoppé le saignement, j'ai pu me recentrer sur ma prisonnière du moment. J'ai constaté avec satisfaction que le rhino avait effacé toutes les preuves de l'attaque en les avalant, à l'exception du couteau, que je tenais toujours en main.

La guerrière s'était calmée jusqu'à pouvoir tenir des propos cohérents, mais toujours véhéments : "Je n'aurai jamais dû te faire confiance ! Comme tous les autres tu as caché ton jeu pour te servir de moi. Vous avez brulé le village de mes sœurs ! Je ne vous pardonnerais jamais ! Et j'emporterais autant d'entre vous que je le pourrais dans le monde des esprits avant de mourir."

Depuis son attaque furtive, je n'ai pas pu m'empêcher d'essayer de deviner les raisons de son changement d'attitude. J'ai d'abord pensé à un plan murement réfléchi. Paraitre pour une jeune fille innocente pour abuser de notre confiance. Mais cela ne tenait pas debout. Et avec ses propos, la solution m'apparue comme une évidence, les gardes qui n'étaient pas au courant de son appartenance aux guerrières Kyoshi, ont évoqué notre halte destructrice sur cette île. Kisi a pensé qu'on se jouait d'elle depuis le début et elle s'est retournée vers moi pour me faire payer ma trahison.

En voulant dissimuler des informations à tout le monde, j'ai créé moi-même toutes les conditions pour un horrible malentendu. Il fallait que je calme la petite et que je dissipe ses doutes, mais il me fallait faire vite si je ne souhaitais pas qu'elle subisse des conséquences de son accès de violence. En espérant avoir été sa première cible. Je ne pourrais pas me pardonner qu'un homme comme Iroh ou le lieutenant ait pu être victime de mon manque de lucidité.

Des pas et des sons de voix résonnaient à l'autre bout du couloir, les soldats n'auraient pas eu à attendre longtemps avant de comprendre ce qu'il se passait, si je n'avais pas agi. Ne pouvant pas résonner Kisi en si peu de temps, j'ai appuyé sur un point de pression sanguine sous sa gorge pour qu'elle perde conscience, comme si elle s'était endormie. Ses cris et ses insultes s'étaient tût.

Par la suite, j'ai incité le rhino à se lever pour que je puisse récupérer la petite, un ordre auquel il obéit avec nonchalance. Je fus heureux de constater que les jambes de la guerrière Kyoshi n'étaient pas trop engourdies. J'eus à peine le temps de la cacher dans un sac à patate vide, que je me retrouvais face à mes camarades. Après une conversation banale, ils passèrent leur chemin tandis que je n'espérais aucun soupçon de leur part.

Laissant tomber ma tâche dans les box, je me suis occupé de ramener la fille dans ma chambre pour pouvoir m'entretenir avec elle à son réveil. Pour ce faire, je fus obligé de la porter sur mon dos, emballée dans le sac. Et malgré mes tentatives pour ne pas forcer sur ma blessure à la paume, celle-ci souffrit tout de même du voyage.

Et pour prévenir tout risque de récidive ou d'évasion de la part de la rebelle, une fois à l'abri des regards indiscrets, je la ficelais à une chaise avant de la mettre dans le coin le moins exposé à la lumière de ma chambre, à contre cœur. Pour finir, j'ai fermé ma porte à clé pour éviter toute visite importune.

...

En attendant de savoir ce que j'allais dire à cette pauvre enfant, je me suis remis à mon travail. J'eus la joie de découvrir très vite les informations que je cherchais. Je pensais à la base que la décoration de la fille de l'eau était un gage de passage à l'âge adulte. Mais il s'est avéré, sans le moindre doute possible, qu'il s'agissait d'un collier de mariage. Bien que je ne sois pas au fait des coutumes de ses tribus, il me semblait qu'elle était extraordinairement jeune pour se marier. Et plus étrange encore, ce collier venait de la Tribu de l'eau du Nord, et non du Sud, les cristaux qui le composent ne se trouvent que dans les contrées nordiques. Et je ne savais pas exactement ce que le prince allait faire de cette information.

Ma captive d'une heure choisie ce moment pour se réveiller. Elle essaya vainement de se débattre, et le bâillon que j'avais placé sur sa bouche avait pour seul objectif de l'empêcher de crier dans tout le navire et d'alerter mes compagnons.

Je me suis dirigé vers elle, satisfait de la réussite de ma recherche et l'esprit pleinement consacré à la résolution de ce nouveau problème.

Elle me regarda avec des yeux haineux et revanchards, je ne pouvais pas la blâmer pour cela. J'ai jugé préférable de lui révéler toute la vérité, c'était le seul moyen de regagner sa confiance et de la sauver d'elle-même.

Je me suis adressé à elle, pour qu'elle me comprenne bien : "Je ne t'ai jamais souhaité du mal, pas plus que maintenant après que tu as tenté de me tuer. Je veux vraiment t'aider, mais ce ne sera pas possible si on ne coopère pas tous les deux. Alors je vais retirer ton bâillon, et nous discuterons. Et il serait mauvais pour nous deux que tu mettes la pagaille et crie partout, je pense que tu l'as déjà compris."

Tandis que je mettais en œuvre mes paroles, son expression ne changea pas. Alors que je tournais la chaise de Kisi vers mon lit, je m'assis sur mon lieu de repos pour lui faire face : "Je répondrais à toutes tes questions. Mais avant, je voudrais que tu répondes à la mienne : qu'as-tu entendu pour te mettre dans un tel état ? J'ai déjà mon opinion sur la question, mais je souhaite te l'entendre dire."

Elle répondit d'une voix moins enrouée que la veille : "Tu le sais, vous connaissez très bien l'île de Kyoshi. Vous y avez débarqué avec vos armes, vos bêtes et vos véhicules, et vous avez réduit les maisons de mes sœurs en cendres. C'est tout ce que vous savez faire d'ailleurs. C'est inutile de le cacher, tes camarades ont tout dit sans faire attention."

"C'est bien ce que je pensais. J'ai été la première personne que tu as attaquée ?"

"Oui, tu as mal à la main ?"

J'ai vu dans ses yeux qu'elle ne mentait pas : "J'ai beau feindre de ne pas souffrir, mais je dois reconnaitre que tu m'as bien eu."

Elle eut un léger sourire : "Très bien, mais je n'ai pas fini mon travail !"

Elle se jeta sur moi pour la deuxième fois de la journée, libérée des cordes qui l'enserraient. Grâce à mes réflexes, j'ai réagi rapidement en l'esquivant d'un mouvement de côté. Pour conserver une distance de sécurité, je me suis saisi de la chaise et je l'aie levé pour créer un obstacle entre elle et moi.

Je me suis alors questionné sur la manière qu'elle eut de se délivrer. Mon expérience à la prison m'a appris à savoir gérer la maitrise de mon adversaire pour lui donner le moins de possibilités d'attaques. Je m'étais assuré qu'elle n'avait accès à aucune source de terre, elle n'a pas pu se servir de son don pour se libérer. Mon regard porta sur ses mains, le bout de ses ongles était ensanglanté. Elle a dû griffer les cordes jusqu'au sang pour se détacher. Comme quoi la dangerosité et la ténacité que le gardien a prêté à la jeune fille n'était pas usurpée. Cela me faisait de la peine de voir cette jeune créature, à peine sortie d'un enfer, se faire souffrir pour regagner un peu de la fierté qu'on lui a pris.

Alors qu'elle tentait à nouveau de m'atteindre, j'ai profité de ma taille, ma rapidité et mon adresse pour l'amener au sol dans une prise où elle ne pouvait plus bouger. Je bloquais ses bras avec les miens en étant dans son dos, et j'exerçais une pression sur sa respiration en enserrant mes jambes autour de son diaphragme. De cette façon, elle ne pouvait rien faire tant que je la tenais en mon pouvoir, mais je perdais toute influence sur elle au moindre changement de position.

Constatant son impuissance, je résolus de reprendre la discussion là où elle s'était arrêtée, le plus calmement possible : "Comme tu peux le voir, tu es prise au piège en ce moment. Et nous avons tout le temps devant nous, alors je te suggère de faire un peu la conversation en attendant que l'un de nous deux se lasse."

Elle tentât de se débattre faiblement à la recherche d'une solution : "Tu as forcément un point faible."

Sans que j'aie le temps de réagir, elle mordit avec virulence dans la main qu'elle m'a tranchée une heure plus tôt. J'ai ressenti une vive douleur lorsqu'elle le fit. Ne voulant pas desserrer mon étreinte aussi facilement, j'ai fait abstraction des nerfs de mon corps me criant de céder aux pleurs et aux cris face à la souffrance. J'ai serré les dents, contracté les muscles de ma main le plus fort possible et éloigner ce membre de la portée de la petite. Je saignais à nouveau.

Ma réaction l'avait réellement surprise, je l'observais se replacer la mâchoire, stupéfaite par le choc que j'ai infligé à sa bouche par mon mouvement de défense. Reprenant mon calme, je lui exprimais : "Une tentative méritoire, mais futile. Tu n'auras pas autre chance comme celle-là."

"C'est ce que tu crois."

Kisi ne manquait pas d'aplomb, ni de ressource. Me concernant, j'ai jugé préférable de lui raconter ce qu'elle devait savoir alors qu'elle boudait et gigotait malgré mon emprise : "Ce que tu as entendu est vrai. Nous avons bel et bien attaqué l'Île de Kyoshi. Lorsque je t'aurais tout dit, tu seras libre de me détester et de me tuer si cela peut t'aider d'une quelconque façon, mais en attendant je te demande de m'écouter attentivement."

Mon interlocutrice n'exprimant aucune remarque, je continuais : "Tu te trouves en ce moment dans le navire du prince héritier de la nation du feu, si le vieil homme chez qui on t'a conduit ce matin ne te l'as pas expliqué. Mon prince est à la recherche de l'Avatar, le seul homme capable de maitriser les quatre éléments, il a refait surface. Et c'est en le cherchant que nous nous sommes rendus sur ton île natale."

Cette fois, sa réaction ne se fit pas attendre : "L'avatar est en vie, et vous essayez de le capturer ? En quoi est-ce que cela justifiait l'attaque de mon village ?"

"L'avatar était bel et bien sur ton île, comme nous le pensions. Mais en débarquant, nous n'avions pas l'intention d'engager le combat, les évènements se sont enchainés d'une manière triste et étrange. Je suis sincèrement désolé pour ce qu'il s'est passé, mon prince a commis ce jour-là une erreur que je regrette à sa place. Et c'est suite à cette escale que je suis arrivé jusqu'à cette prison et que je t'ai trouvé."

Elle enragea de nouveau : "Ce ne sont pas tes regrets qui vont rebâtir les maisons que vous avez détruites et guérit les cicatrices que vous avez infligées ! Pourquoi devrais-je te pardonner ?"

"Tu as raison, les mots seuls ne suffisent pas à réparer les fautes de mon peuple, c'est pourquoi j'y joindrais les actes qu'il faudra pour assurer un avenir meilleur. C'est pour cette raison que j'ai commencé par toi, si j'aide déjà une personne, ce sera plus facile d'en secourir deux, puis quatre, puis dix. Tu n'es pas obligée de me croire, mais j'ai appris lors de mon bref passage au sein de ton foyer qu'un lien inconnu m'unissait avec l'Avatar Kyoshi."

Son incompréhension et sa colère grandirent à cette annonce : "Quoi ?! Arrête de me prendre pour une idiote ! Je ne me laisserais pas avoir par un tour aussi simple, ce que tu dis, ne peut pas être vrai."

"Dans ce cas : Rangi, Kelsang, Yun. Dis-moi si ces noms te disent quelque chose ?"

Elle se figea et sembla en proie au doute, ses paroles devinrent hésitantes : "C'est impossible, tu ne peux pas connaitre ses noms, ils font tous partie de l'histoire de notre peuple depuis des générations. Le monde extérieur doit les avoir oubliés depuis longtemps."

"Dans ce cas, dis-moi comment un fils du feu comme moi peut les connaitre ?"

Elle ne répondit pas : "La fille dont tu portes les vêtements est mon amie, elle nous a quitté et elle a appris les usages de ton peuple. Elle m'a conduit dans le monde des esprits, on nous informé qu'un lien spirituel nous liait à Kyoshi et sa protectrice : Rangi. Et c'est dans cet antre spirituel que le passé de cet Avatar me fut en partie révélé."

Si Kisi ne s'était pas calmée, elle avait au moins abandonnée la lutte. Au gré de mes paroles, je lui donnais plus d'air, d'espace, jusqu'à la libérer totalement.

L'enfant se retourna pour me faire face. Et moi, je mis humblement un genou à terre, un poing au sol, en signe de pénitence : "Comme je l'ai dit, je regrette encore toute la violence provoquée par mon peuple lors de cette guerre de cent ans, y compris ton emprisonnement et la destruction de ton village. Rien de ce que je t'ai dit depuis le début n'était faux. Je crois pouvoir aider à changer les choses, à trouver une voie plus juste. Je veux sincèrement t'aider et racheter mes fautes envers toi et tant d'autres. Et si tu le veux, je te reconduirais chez toi."

Des secondes interminables s'écoulèrent, suspendues dans le temps, avant qu'elle me délivre une réponse : "Je te laisse une chance. Brise ma confiance encore une fois et tu ne pourras plus rien regretter. Mais si tu accomplis tout ce que tu as dit, tu ne trouveras pas sur terre de personne plus reconnaissante que moi."

"Cette réponse me suffit." 

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