Chapitre 13 : Rupture
Je repris conscience plus vite que je ne le pensais, comme si je sortais de la sieste la plus étrange de ma vie. Je me suis même mis à penser que tout ceci ne s'était passé que dans ma tête, un mauvais rêve, rien de plus. Mais je m'imaginais mal m'être endormi dans un moment pareil. L'urgence de la situation m'a obligé à sortir de ma torpeur, après tout, j'ignorais combien de temps avait pu s'écouler. Nos corps physiques auraient pu être endommagés, peut-être même que le navire du prince était déjà parti. Des douleurs dans mes membres ont commencées à se faire sentir. Il faut dire que j'étais resté tout ce temps, allongé sur le parquet dur et froid du temple.
"J'aurais pu trouver une position plus confortable pour être expédié dans le monde des esprits." grommelais-je contre moi-même.
Au même moment, J'ai discerné les premiers soupçons de mouvement chez Sosha, sur qui j'avais reporté mon attention.
Je la voyais toujours de dos quand elle se levât, vacillante, comme l'esprit embrumé. J'intervins de suite pour la soutenir et lui offrir mon appui. Elle se retourna et me prit dans ses bras avec affection.
"Je suis content que tu sois là. Désolé pour la manière dont nous nous sommes quittés, mais il fallait que je le fasse. Tu as reçu ma lettre." me disait-elle avec enthousiasme.
Je lui répondis aussi vite que possible, pour réguler son débit de paroles : "Oui, je suis tombé dessus. À ce propos ... "
"Toi aussi, tu as vu ce qu'il s'est passé dans cette vision. Je n'imaginais pas Kyoshi comme ça ! Tu te rends compte que j'aurais pu être choisie pour être l'Avatar ! C'est incroyable, non ?"
"Oui, assez incroyable, justement si on pouvait discuter de ça ... "
Mais j'avais l'impression de parler à une boule d'énergie qui n'arrivait plus à se canaliser. Je ne l'avais jamais vu dans cet état-là, elle avait toujours un contrôle de ses gestes et mouvements quand je l'ai côtoyé sur le bateau. C'est sans doute lié à sa formation de princesse royale, l'encourageant à rester digne en toute circonstance. Mais j'ignorais qu'elle cachait une personnalité aussi pétillante.
"Il faut absolument que je te présente à Aang et les autres, c'est vraiment des personnes charmantes. Tu adoreras voyager avec eux, je leur aie beaucoup parlé de toi."
Alors qu'elle s'agitait un peu partout dans la pièce, je l'ai prise par les épaules pour focaliser son attention sur notre conversation : "Sosha, je pense que ça ne va pas trop être possible. Tu entends ?"
Elle tendit l'oreille, se calmant pour accéder à ma demande. On entendait en effet les bruits de combat et de bâtiments en train de brûler à l'extérieur. Je repris : "Le village est attaqué. Il faut partir d'ici et vite. Viens, je vais te reconduire au bateau."
"Le village est attaqué ? Par qui ?"
"L'équipage et moi avons suivi votre trace jusqu'ici. Le prince est descendu à terre pour chercher des indices de votre présence, et à mon avis, la situation a dû déraper lorsqu'il est arrivé sur place. Je ne sais pas combien de temps nous avons passé là-dedans, mais nous devons sans doute nous dépêcher de rentrer."
Elle me répondit d'un ton posé, qui lui correspond plus : "Il n'a pas dû s'écouler tant de temps que ça. La temporalité dans le monde des esprits, est bien différente que sur le monde terrestre. Retournons au village, on peut sans doute encore apaiser le conflit avant qu'il n'y ait d'autres victimes."
Elle prit ma main pour me faire sortir du temple, mais je restais ferme sur mes positions pour la retenir de partir trop vite : "Attends, comment tu en sais autant sur le monde des esprits ?"
Elle me donna un sourire chaud et réconfortant : "Ce n'est pas la première fois que je m'y rends, mais c'est toujours impressionnant. Le fait que je me sois concentrée dans un lieu aussi chargé en énergie spirituelle a dû favoriser ton entrée. Et toi, comment ça s'est passé ?"
"Un peu traumatisant comme première expérience étant donné que j'ai cru mourir, mais je m'en remettrai. Maintenant rentrons, ton frère, ton oncle, l'équipage et moi-même nous nous sommes fait un sang d'encre pour toi, depuis ton départ."
Elle retira sa main et ses yeux résignés dégageaient une pâle tristesse : "Je ne reviendrais pas. Comme je te l'expliquais, ma place est aux côtés l'Avatar pour mettre fin à cette guerre et ramener l'harmonie dans le monde."
Je craignais cette réaction, heureusement ma vision m'a donnée de nouveaux arguments pour valider ma décision : "Mais tu as bien vu la même chose que moi. Lorsque les nations tentaient de vivre chacune de leurs côtés, en maintenant une paix de façade, l'Avatar Kyoshi a vécue dans l'époque la plus chaotique de toutes. Notre nation tente d'établir un ordre où chacun pourrait vivre en sécurité sous son régime, pourquoi vouloir stopper un tel projet ?"
Cette fois, la princesse semblait contrariée : "Ah, mais tu mélanges tout ! Fichue propagande ! La nation du feu ne cherche pas à aider les autres nations, mais à s'élever au-dessus d'elles et les garder soumises sous sa domination. Nous devons changer les choses pour un avenir meilleur, ensemble. Alors s'il te plait, ne me demande pas de reprendre la mer afin de chasser le dernier espoir de paix de ce monde."
Elle conclut sa déclaration avec un sourire encourageant, m'étant destiné. Un choix s'est imposé à moi à ce moment-là. Croire en mon amie ou agir pour ce qui me semblait juste. Le choix que je redoutais depuis mon arrivée sur cette île, depuis les insinuations perfides de Zhao, depuis son départ.
"Sosha, je ne le ferai pas ... sans remords."
J'ai dégainé ma lame et me suis élancé vers elle, je voulais l'assommer rapidement pour la ramener au navire au plus vite et sans violence inutile. Une fois revenu, je n'avais qu'à dire qu'elle fut victime d'un coup dans le chaos d'un combat. Je détestai avoir à lui faire subir ça. Mais tout ce que j'ai fait était nécessaire, pour elle.
Sans que je ne m'y attende, elle dévia mon pommeau que j'avais armé en direction de sa nuque avec ... un éventail ? Ce n'est d'ailleurs que dans cet intervalle de secondes éphémères que j'ai réalisés qu'elle portait toujours mon katana aux côtés d'un deuxième éventail, qu'elle déplia avant de se mettre en garde.
Mon attaque surprise lui laissa le souffle court, elle reprit ses distances : "Qu'est-ce qui te prends Voccan ?! Pourquoi tu agis ainsi ?"
"J'ai compris tes intentions, mais tu poursuis un rêve utopiste. Toute la nation du feu te verra comme une traitresse. Tu ne seras jamais en sécurité, sois raisonnable."
Elle se redressa avec conviction : "Peu importe ! Je ferais ce qui est juste. Avec ou sans toi. Plus personne ne viendra me dire ce que je dois faire, ni ce que je dois penser. Je croyais que tu pouvais partager ma vision et je veux toujours le croire. Mais il était peut-être trop tard pour toi."
C'est à ce moment précis que le petit garçon que j'ai repéré à mon arrivée et que j'avais complètement oublié depuis, choisi son moment pour fuir le temple. Mon attention détournée l'espace d'un instant. Ce fut suffisant pour permettre à Sosha de commencer à quitter les lieux, suivant l'exemple de l'enfant.
Je tentais de la rattraper : "Sosha, attends !"
Dehors, je suis tombé sur une scène bien singulière. Paran et Fuo étaient aux prises avec trois autres guerrières Kyoshi. La petite clairière annonçant l'entrée du temple était alors parsemée de tâches noirâtres entourées de flammes consumant peu à peu la végétation alentour, sans aucun doute l'œuvre de Paran et du manque de contrôle de ses attaques, il faisait face à l'une d'entre elles qui semblait être la cheffe. De son côté, mon autre ami, sur la défensive, géraient les deux autres assaillantes, armé de ses armes fétiches : deux bâtons métalliques.
En voyant sortir mon amie une des guerrières s'écria : "Sosha, tu dois partir d'ici, tes amis sont déjà en route, mais en attendant un peu d'aide serait la bienvenue."
Ce à quoi elle répondit : "J'arrive Suki, tiens bon !"
Paran n'a pas réagi autrement que comme je m'y attendais : "Il y en a une autre qui arrive. Tu te sens chaud pour qu'on se la fasse Fuo ?"
Ne laissant pas l'opportunité à mon camarade de répondre, je clarifiais la situation : "C'est la princesse, crétin !"
"Ah, Voccan, parfait tu pourras nous donner un coup de main. Attends, quoi ? La princesse ?!"
"T'es long à la détente !"
J'avais arrêté ma course, nous étions tous au centre de la plaine ; moi et mes amis d'un côté et les guerrières de l'autre. Chacun appliquait une grande vigilance, sauf Paran : "T'as réussi à la retrouver champion ! Il suffit maintenant qu'on leur fausse compagnie et le tour est joué."
"Malheureusement, ce ne sera pas aussi simple. Elle refuse de me ... de nous suivre."
Ayant très vite fais le tri des informations dans sa tête, il répliqua : "D'accord, battons-nous et voyons ensuite ce qu'on fait."
La mort dans l'âme fasse à ce que j'allais devoir faire, j'acquiesçais : "J'imagine qu'on a plus trop le choix."
Paran envoya un jet de flamme dans leur direction. Il fut paré par les éventails de guerre de deux guerrières. Mais Fuo et moi avons profité de l'attaque de notre collègue pour tenter une percée. Nous avons été contrés par celle appelée Suki et la princesse. Je me retrouvais face à cette dernière, laissant l'autre à mon compère.
Je retenais mes coups, parfois de manière intentionnelle, d'autres fois sans m'en rendre compte. Je voyais dans ses yeux qu'elle n'avait aucune envie de se battre avec moi, me renvoyant toute la dureté de ma décision.
Au bout d'un moment, Fuo a réussi à assommer une combattante d'un coup dans la tempe. Et Paran projeta une autre contre un arbre grâce à une boule de feu compressée qu'elle n'a pas pu repousser.
Suki profita de ce moment pour l'attaquer par derrière en le plaquant au sol avec une balayette avant de replier ses éventails et de lui asséner un violent coup dans les reins avec leurs pointes. Mon ami se plia en deux de douleur en poussant des cris dignes d'un animal blessé.
J'ai voulu l'aider, mais Sosha me désarma avec un mouvement précis de ses éventails. Elle sembla hésiter à m'attaquer. Avant qu'elle ne puisse prendre une décision, une chose immense surgit de la cime des arbres de la forêt. C'était le bison volant de l'Avatar que j'ai déjà eu la chance d'apercevoir. C'est lui qui le montait en compagnie des deux personnes de la tribu de l'eau. J'ai remarqué que le guerrier portait lui aussi une tunique de guerrière Kyoshi, lui donnant un air efféminé.
Je n'ai pas pu retenir une remarque sarcastique : "Très viril, monsieur."
Pour toute réponse, il lança à nouveau son arme de jet. Je me suis préparé à l'encaisser suite à ma provocation, mais je n'étais pas sa cible. Fuo para le tir avec ses deux bâtons malgré la surprise. Leur arrivée m'a permis de récupérer mon arme.
Mais ma réjouissance fut de courte durée. Le mastodonte fut à peine posé sur le sol qu'un coup de sa queue massive déclencha un puissant souffle de vent qui réussit à nous envoyer valser dans le décor moi et mes deux amis. Nous avons dégringolé la pente à une grande vitesse, protégeant nos visages et parties non couvertes par l'armure avec nos mains. Malgré tout, à la fin de notre chute, nous sommes ressortis avec un bon nombre d'égratignures, de bleus et de bosses.
Je repris mes esprits le premier avant d'inciter mes camarades à se relever et se mettre en route pour le navire, l'échec de la mission semblant évident à ce stade. En relevant la tête, la forme du bison transparaissait dans la canopée.
Je n'entendis qu'une seule phrase de la princesse, elle me provoqua comme un poignard dans le cœur : "Adieu, Voccan."
J'ai mobilisé toute ma concentration pour y penser le moins possible et pris le chemin de la côte, Fuo et Paran sur mes talons.
Arrivé sur la plage, j'ai constaté que des volutes de fumée s'élevaient déjà des habitations de l'île de Kyoshi, si paisible et accueillante à notre arrivée. Certains bâtiments étaient déjà en ruine ou réduits à l'état de cendre. La frustration m'envahit en constatant que nous avions apporté à ce village que feu et destruction.
Le prince criait à ses hommes : "Retournez au navire, sans les perdre de vue !"
Mais l'Avatar et son bison semblaient déjà hors d'atteinte, ils survolaient la baie. J'ai cru halluciner quand j'ai vu le jeune maitre de l'air sauter de sa monture pour plonger dans les eaux calmes de la mer.
Ce qui s'ensuivit me stupéfia plus encore. Il remonta à la surface sur la tête de l'énorme Unagi que nous avions fait fuir avec notre bateau. Il le chevaucha en s'accrochant à ses barbillons, à la manière des rênes des cheveautruches. Il les claqua sur son museau avec la force d'un coup de fouet. Cela a eu pour effet de lui faire cracher une quantité phénoménale d'eau. Il éteignit dans une pluie abondante l'incendie qui ravageait le village, mouillant par la même occasion mes frères d'armes sur leurs Rhinos-Komodos.
Le bison volant vint rechercher son propriétaire, et ils partirent emportant la princesse avec eux une fois de plus jusqu'à n'être plus qu'une poussière dans le soleil couchant.
Nous sommes remontés à bords avec mes amis peu avant le prince lui-même. Je m'attendais à recevoir une sanction exemplaire à mon retour pour mon insubordination, l'échec de ma manœuvre et la révélation des véritables intentions de la princesse, qui s'était dévoilées à mes deux amis. Mais honnêtement, ma plus grande punition a été la culpabilité d'avoir fait du mal à mon amie.
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