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TW : Mention de drogue

Le temps d'aider Pyras à se relever, rassembler les cadavres et ramasser les armes laissées à l'abandon et ils se mirent en route, prenant l direction empruntée par Elios plus tôt. Ils s'occuperaient correctement des corps lorsque le blessé et la princesse seront à l'abri. Elios les guida à travers la forêt, s'éloignant du chemin.

Au bout de quelques minutes, ils s'arrêtèrent devant un petit bosquet au pied d'un monticule. On pouvait vaguement deviner une ouverture dans la roche. Le cadet s'avança vers les plantes à larges feuilles et commença à les écarter.

— Je suis tombé dessus lorsque le brigand m'a échappé.

Les trois hommes valides allèrent inspecter la cavité. Une fois établi qu'il n'y avait aucun danger, ils aidèrent Pyras et invitèrent la princesse à entrer. Ils installèrent le blessé contre la paroi du fond, de sorte à ce qu'il ait toujours un œil sur la sortie. L'endroit était frais et humide. Allera resserra sa cape autour d'elle, cherchant un peu de chaleur.

— Vous devrez rester ici le temps que Pyras se remettent de ses blessures, décréta Ygor. Nous vous rapporterons de la nourriture et des médicaments à tour de rôle.

Allera acquiesça, inquiète. C'était la première nuit qu'elle passait dehors et elle appréhendait ce moment. Elle qui avait toujours connu le confort d'une chambre chauffée et d'un lit plus ou moins confortable, elle allait découvrir ce que c'était de dormir à même le sol, sur de la pierre froide.

— Je vais chercher du bois pour le feu, indiqua Eniel.

Ygor acquiesça et la princesse le remercia silencieusement. Les deux hommes restants vérifièrent que le blessé était bien installé avant de se relever.

— Quant à nous, déclara le plus âgé. Nous devrons retourner nous occuper des corps avant que l'odeur n'attire les voras dans les environs.

Elios grommela face à la tâche qui l'attendait. Ce n'était pas du tout l'idée qu'il se faisait d'un chevalier lorsqu'il s'était engagé. Pour lui, être chevalier, c'était jouer les héros en partant au combat ou en arrêtant les pilleurs, pas en se débarrassant de cadavres au milieu d'une forêt ou en montant la garde près de la frontière. Le jeune homme suivi toutefois son supérieur, bien à contrecœur et le tableau fit presque sourire Allera. Il lui rappelait beaucoup un certain homme de sa connaissance à ses débuts.

Eniel aussi avait eu beaucoup de mal à s'habituer à certaines des tâches conférées aux chevaliers. Pendant un moment, il avait même pensé à arrêter. Allera et sa sœur l'en avait fortement dissuadé. Après tout, il avait toujours rêvé de suivre les traces de son père.

Lorsqu'ils furent seuls, la jeune femme vérifia le contenu des gourdes. Il ne leur restait pas assez d'eau pour tenir jusqu'à la fin de la journée. Les blessures de Pyras devaient être nettoyées. Quant à la nourriture, il y en avait assez pour tenir deux jours s'ils se limitaient à deux repas frugaux.

Son ami revint de longues minutes plus tard avec un tas de brindilles sous le bras. Il disposa le bois assez proche de la sortie et commença à frotter de branches ensemble. Il se passa quelques minutes avant qu'un mince filet de fumée s'élève vers le plafond de la grotte. Le soldat souffla délicatement sur les morceaux chauffés. De petites braises commencèrent à apparaître avant de laisser petit à petit la place aux flammes.

Lorsque Elios et Ygor revinrent, le soleil était déjà en train de descendre derrière les arbres. Ensemble, ils décidèrent de la méthode à suivre pour les jours à venir. Il fallait encore soumettre la suggestion à Posos.

Les trois hommes partirent quelques instants plus tard, après s'être assurés que les deux restants ne risquaient rien jusqu'à leur retour.

La nuit était tombée lorsqu'ils revinrent à Landsberg, apportant avec eux le fruit de leur chasse. Ils emmenèrent les cadavres aux cuisines avant d'aller faire leur rapport au commandant. Posos fronça les sourcils lorsqu'il entendit parler de l'attaque. Cela ne faisait que quelques jours que ses hommes avaient ramené la princesse, presque morte, au camp. D'après ses propres mots, elle avait sauté d'une cascade se trouvant à plusieurs kilomètres de l'endroit où ils se trouvaient au moment de l'attaque. Quelque chose n'allait pas.

Ygor vit le trouble dans les yeux de son supérieur. Lui aussi se posait des questions sur la présence de ces bandits dans cette forêt hostile.

Posos réfléchit. La princesse n'était pas en sécurité, la grotte ne lui servirait pas d'abri très longtemps. Et selon les dires de ses hommes, Pyras ne pourrait pas la protéger correctement dans son état. La jeune femme devait passer la frontière au plus vite.

— Où sont les corps ? Interrogea-t-il.

En les examinant, peut-être trouverait-il des indices qui confirmeraient ses soupçons. Malheureusement, Ygor l'informa qu'ils s'en étaient débarrassés pour garder les voras à distance. Il ne montra pas sa déception. Son second avait réagi au mieux dans cette situation. Le commandant mit fin à l'entrevue et congédia Ygor et Elios. Les deux hommes sortirent, non sans lancer un regard en coin à Eniel qui, lui, resta avec le commandant.

Lorsque la porte fut refermée, le visage inquiet de Posos de Posos laissa place à la contrariété et... la peur ?

— La situation semble bien pire que ce que je ne pensais, laissa-t-il échapper. Des assassins !

Le soldat garda le silence. Que répondre à cela ? Il n'avait pas plus de détails que lui. Allera pensait les préserver en ne leur disant qu'une partie de la vérité et peut-être que même elle ne savait pas tout sur les plans de sa belle-sœur.

— Il nous faut agir vite, poursuivit son supérieur. Et discrètement. Le temps presse et nous devons aider Son Altesse à mener sa mission à bien.

Eniel hocha la tête.

— Je me demande seulement comment ils ont fait pour la retrouver si vite, lança le jeune homme.

Posos se figea. La réflexion du jeune homme venait de lui faire comprendre quelque chose. Ce n'était qu'une théorie pour le moment, mais ils se devaient de la vérifier rapidement. Son cerveau tournait à plein régime, tentant d'échafauder un plan. Un espion se cachait forcément parmi ses hommes. Il fallait endormir sa vigilance et mettre la princesse en sécurité, de l'autre côté de la frontière. Toutefois, le démasquer trop vite ne semblait pas être la bonne solution non plus.

Eniel voyait tout un tas d'émotions traverser les yeux et crisper les traits de son chef. Il n'osait pas l'interrompre dans ses pensées, mais le temps pressait, ils devaient rapporter des soins à son frère d'armes et s'assurer de la santé de son amie pour qu'elle puisse repartir au plus vite. Le jeune homme ouvrit la bouche, mais n'eut pas le temps de prononcer un mot.

— Je vais avoir besoin de ton entière coopération pour les prochains jours. Et de ta discrétion la plus totale.

La réponse du soldat ne se fit pas attendre. Il n'y avait aucune hésitation dans sa voix.

— A vos ordres !

Ils discutèrent longuement d'une stratégie. Celle-ci ne fut au point qu'à la nuit tombée.

***

Trois jours étaient passés depuis l'entrevue entre Eniel et Posos. Aucun incident n'eut lieu depuis. A tour de rôle, Eniel, Ygor et Elios ramenèrent nourriture et onguents à la princesse et leur frère d'armes qui guérissait difficilement. Ils revenaient au campement avec du gibierqu'ils avaient trouvé prit dans les pièges pour ne pas éveiller les soupçons.

Posos et Eniel s'entretenaient régulièrement. L'espion n'avait pas été dévoilé, mais ce n'était plus qu'une question de temps. Depuis le retour de leur combat, des médicament particuliers disparaissaient de la zone de soin. Ceux-ci n'avaient rien à voir avec le traitement utilisé pour soigner leur ami. Ils pouvaient même être toxique si l'on n'en avait pas réellement besoin.

La théorie du commandant était : soit un ou plusieurs de ses hommes se droguait... soit l'un d'eux voulait les utiliser pour nuire à quelqu'un. Il pensait bien savoir qui était la victime.

Une enquête fut menée et les tentes et bâtiments fouillés de fond en comble. Les soldats furent enjoints à se rassembler à l'extérieur et attendre le verdict. Personne ne connaissait la raison de cette fouille en dehors de Posos, Ygor, Eniel et le médecin. Les chuchotements interrogateurs s'élevaient dans la foule.

Bientôt, ce fut la tente qu'Eniel partageait avec Elios et un autre soldat qui fut retournée. Les hommes les plus proches pouvaient voir les objets et vêtements voler avant de s'écraser de l'autre côté.

Moins de cinq minutes après l'entrée des supèrieurs Posos ressorti avec une fiole à la main. Il la montra au guérisseur qui acquiesça, la mine sombre. Et la leva devant tout le monde, les yeux brûlant de colère.

— Depuis quelques jours, clama-t-il assez fort pour que tous puissent l'entendre. On me signal la disparition de certains médicaments de l'infirmerie ! Le médicament en question contient de la fleur d'elgor. Pour ceux qui n'en connaitrait pas les effets, il s'agit d'une plante permettant de soigner le cœur. Toutefois si la personne qui en prend n'a aucune souffrance cardiaque, à petite dose elle peut avoir des effets grisants, mais toxique pour celui qui la prend.

Il prit une profonde inspiration avant de reprendre.

— Vous me décevez beaucoup de vous adonner à ce genre de consommation !

Un silence de plomb plânait sur l'assemblée de soldats. Les têtes se tournèrent vers les trois personnes qui logeaient dans cette tente, cherchant à découvrir lequel des trois était coupable.

— Vous rendez-vous au moins compte de ce que cela veut dire ? Un homme qui n'ait pas en pleine possession de ses moyens ne peut pas rester dans l'armée !

Un Brouhaha s'éleva dans le campement. Qui était assez bête pour succomber à ce genre de chose ?

— SILENCE !

En quelques secondes, il n'y eut plus que le son des feuilles s'agitant au vent qui brisa le calme. La tension ne pouvait pas être plus forte. Eniel sentait quelques regards inquisiteurs peser sur lui. Il jeta un coup d'œil aux deux personnes qui partageaient sa tente. Algor semblait tout aussi en colère que leur supérieur et les fixait tour à tour Elios et lui.

Quant à la recrue, elle regardait fixement la fiole que Posos arborait toujours. La stupeur paraissait sur ses traits. N'importe qui aurait pu placer le contenant dans les affaires des uns et des autres, mais le campment grouillait constamment de soldats. Si l'un des leurs avait essayé d'entrer dans leur tente sans y être invité, ils l'auraient sû... en théorie.

Le jeune homme fixa tour à tour les hommes autour de lui. La déception et la colère se lisaient sur chacun de leur visage. Il n'y avait rien d'autre.

— Soldat Eniel Gaelys, approchez !

A l'entente de son nom, Eniel fixa son chef, surprit. Toutes les têtes se tournèrent vers lui. Tous le jugèrent immédiatement coupable.

— Moi ? Mais je n'ai rien...

Il n'eut pas le temps de finir sa phrase, le commandant l'interrompit immédiatement.

— C'est un ordre !

Le jeune homme s'exécuta. La tête basse, il fendit la foule pour arriver devant ses supérieurs. Posos tendit la fiole en verre au médecin. Les trois hommes fixaient le soldat avec une déception non dissimulée.

— Vous étiez un soldat si prometteur. Comment avez-vous pu tomber aussi bas ?

Pourquoi tenter de s'expliquer ? Il semblait déjà coupable aux yeux de tous. Ses camarades le regardaient avec mépris. Devant son silence, le commandant soupira.

— A genoux ! Donne-moi ton épée !

Le jeune homme s'exécuta sans dire un mot, le regard fixé devant lui, il déposa son arme dans les mains du chef. Celui-ci hésita un seconde avant de poursuivre.

— N'as-tu toujours rien à me dire ?

Eniel leva enfin les yeux pour les plonger dans ceux de Posos, puis il regarda autour de lui. Là se tenaient les frères qui l'accompagnaient depuis des années et qui le connaissait mieux que personne... du moins c'était ce qu'il pensait.

Devant son silence, le commandant pointa la lame de l'épée vers le jeune homme.

— Commandant, interrompit Ygor. Vous allez vraiment le faire ?

Posos ignora son second et prononça ces paroles que tout chevalier redoutait.

— Eniel Gaelys ! Tu es coupable d'avoir voler un médicament et de t'en être servit pour ta consommation personnelle. Ce sont deux actes que nous ne tolérons pas au sein de notre armée ! 

Un silence de plomb s'était abattu sur l'assemblée. Plus personne n'osait faire le moindre bruit. Tous attendaient de voir quel châtiment serait infligé à leur camarade. Il y en avait plusieurs possibles, mais celui que le chef prononça, personne ne s'y attendait.

— Tu es par conséquent inapte à rester un chevalier de Moriack. Je t'exhorte à rendre ton épée et ton armure et à quitter les lieux sur le champ ! Pour toi, il n'y aura aucun retour en arrière possible.

Et comme si l'homme qui se tenait devant lui valait moins qu'un insecte, il tourna les talons et s'éloigna. Ygor resta pantelant quelques instants, aux côtés du médecin qui ne comprenait pas non plus ce qu'il venait de se passer, avant de tenter de le rattraper.

Eniel resta un moment à genoux, les hommes autour de lui ne savaient plus où se mettre. La pitié se lisait dans le regard. Jamais personne n'avait été radié de l'armée pour ce genre de chose.

N'en pouvant plus de leurs insistants, le jeune homme se leva et retourna dans sa tente. Il avait des affaires à préparer. 

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