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La présence d'une femme au visage dissimulé avait beaucoup fait parler dans le camp ces trois derniers jours, mais il n'y eut aucun incident à ce sujet et les soldats avaient très vite tenter d'inclure la cousine de leur frère d'armes dans leur conversation lorsqu'elle sortait.

L'ambiance qui régnait sur ce lieu avait réussi à détendre un peu la princesse et elle se surprenait parfois à vouloir rester, malgré la pression de la magie ambiante et sa mission. Elle n'oubliait pas cette dernière.

Seule dans la demeure de Posos, elle préparait ses affaires, s'assurant de ne rien oublier. Le précieux rouleau qui lui causait tant de problèmes, de nouveau dissimuler dans la doublure de sa cape richement brodée, qu'elle plia et rangea dans une sacoche.

Eniel devait préparer de la nourriture pour le voyage, pendant que Posos, Pyras, Ygor et Elios préparaient leur chemin pour raccompagner Estrezia chez elle. La jeune femme dirait au revoir aux soldats et partirait avec son faux cousin en milieu de matinée. Eniel, Elios et Ygor les suivraient de loin, prétextant aller relever les pièges, pour assurer leurs arrières et éviter les questions.

La porte de la bâtisse s'ouvrit dans un grincement, laissant entrer la lumière extérieur et Pyras qui venait la chercher. C'était le moment.

— Vous êtes prête ?

Sa question sortie Allera de ses pensées. Elle enfila la cape empruntée à Eniel et dissimula son visage sous la capuche.

— Allons-y, répondit-elle en passant la bandoulière du sac par-dessus son épaule.

Le soldat tenta de lui prendre le sac, mais elle l'en empêcha. Elle ne confierait pas ce qu'il contenait à cet homme. Les évènements au château lui avaient montrer qu'elle ne pouvait pas faire confiance à n'importe qui. Ce voyage ne la rassurait pas. Elle ne pourrait pas se servir de ses pouvoirs si les choses tournaient mal. La seule chose qui la détendait était de savoir qu'Eniel serait proche s'il devait y avoir un problème.

La jeune femme sortie de la maison et se dirigea vers l'écurie improvisée. Quelques chevaliers se tenaient là, tenant à lui dire au revoir et l'envie de rester se fit un peu plus forte en elle. Elle les remercia pour leur hospitalité et grimpa sur le cheval scellé pour elle. Pour donner le change devant ses hommes, Posos s'approcha et lui prit la main.

— Ce fut un plaisir de vous avoir parmi nous, madame. Faites attention à l'avenir, quand vous irez cueillir vos fruits dans la forêt.

Allera lâcha un regard amusé, invisible pour les autres, mais pas pour le chevalier qui avait sa tête en dessous de celle de la princesse.

— Je me rends bien compte de la chance que j'ai eu de tomber sur votre escouade, Monseigneur.

— Faites bon voyage !

C'était le signal. Pyras prit les rennes du cheval et le tira derrière lui. La princesse et le soldat sortirent du camp sans encombre et s'éloignèrent en silence. Seul le son des sabots de l'animal et celui des pas de l'homme sur les branches et feuilles mortes venaient le briser.

Ils avaient tout prévu pour éviter les questions et les incohérences de leur histoire. Ils avaient emprunté la porte nord, celle qui se tournait vers le royaume de Moriack et non vers sa destination. Ils avancèrent pendant ce qu'il semblait âtre une éternité à la princesse avant de s'arrêter dans une clairière.

C'était le lieu de rendez-vous qu'ils s'étaient donner avec le reste de la troupe. Pyras aida la jeune femme à mettre pied à terre et lui donna les rennes du cheval.

— Je vais jeter un œil aux alentours, l'informa-t-il. Si vous m'entendez crier, vous remontez à cheval et vous partez !

Allera n'eut pas le temps d'acquiescer, il lui tournait déjà le dos pour se faufiler entre les arbres. Lorsqu'il disparut de son champ de vision, elle prêta attention à tout ce qu'elle entendait autour d'elle. Les craquements des branches se déplaçaient autour d'elle. La tension augmentait à mesure que le temps passait et que Pyras s'éloignait, la laissant dans un silence presque total. Elle se tenait prête au moindre signe.

Une dizaine de minutes s'écoulèrent avant que les craquements ne se firent de nouveau entendre. Le cheval ne bronchait pas, ce n'était donc pas un animal en chasse, mais la jeune femme n'était pas plus rassurée. Lorsque le soldat émergea entre les arbres, elle relâcha le souffle qu'elle retenait depuis quelques instants.

— Tout va bien, signala-t-il. Reposons-nous en attendant les autres !

Il sorti deux pommes de l'une des sacoches attachées à la scelle du cheval et en tendit une à la jeune femme.

— Je tiens à vous remercier pour tout ce que vous avez fait depuis que vous m'avez sauvée, commença la princesse avant de croquer dans le fruit.

Cet en-cas était le bienvenu. Les repas du campement étaient bien frugaux par rapport aux somptueux festins dont elle avait l'habitude.

— C'est mon devoir de vous protéger, Votre Altesse.

— Vous n'aviez aucune obligation de parler de votre cousine.

L'homme croqua dans sa pomme sans la regarder. Il gardait ses sens en alerte. Il n'y avait aucun doute sur son rôle de soldat.

— C'était l'histoire la plus simple et crédible que nous aurions pu fournir.

Le cheval, tranquille jusqu'à maintenant, commença à s'agiter. En tendant l'oreille, Allera crut distinguer le son de craquements de branche un peu plus loin. Pyras porta la main à son épée et tourna sur lui-même, cherchant l'endroit exact d'où viendrait la menace.

Un sifflement fusa juste à côté de l'oreille de la jeune femme. La flèche qui l'avait manquée de très peu alla se planter dans le sol, à quelques mettre de l'endroit où elle se trouvait. La peur commença à envahir la princesse alors que cinq silhouettes se faufilaient entre les arbres, armes au point. L'archer resta en retrait et encochait une nouvelle flèche, attendant le bon moment. Ses compagnons se précipitaient vers la jeune femme et le soldat qui avait déjà dégainé sa lame. Sans hésitation, il se plaça entre Allera et leurs assaillants et para les premiers coups.

— Partez ! lui intima-t-il en empêchant l'un d'eux de l'atteindre avec son arme. Prenez le cheval et allez-vous-en !

La jeune femme ne sut quoi faire. L'envie de venir en aide à se soldat se partageait avec celle de quitter rapidement le royaume et mener à bien la mission de son frère.

Son hésitation failli lui être fatale, l'archer en embuscade venait de décocher sa flèche. Le sifflement passa tout près d'elle, à tel point qu'elle sentit son souffle près de son bras, à travers ses vêtements.

Pyras continuait de tenir les bandits à distance tant bien que mal. Malheureusement pour lui, son arme n'était pas faite pour le combat rapproché contrairement aux poignards de leurs ennemis. Son épée l'empêchait de se mouvoir correctement entre eux et bientôt, l'un des hommes masqués pu le blesser. Sa lame entailla la chaire du soldat au niveau de sa cuisse.

Pyras sentit à peine la douleur, mais à ce rythme, il ne tiendrait pas longtemps avant qu'un autre réussisse à le blesser plus gravement. En jetant un œil derrière lui, il vit la princesse se diriger vers la monture. Une troisième flèche fusa et alla se planter dans l'arbre auquel était encore attachée la bête. Celle-ci cabra en hennissant, battant l'air de ses pattes avant, elle tira sur les rennes qui la maintenait encore et Allera manqua de se prendre un coup de sabots. Impossible de s'approcher pour le moment et la prochaine flèche pourrait bien trouver sa cible.

Pyras avait du mal à se défaire de ses assaillants. A quatre contre un, il avait peu de chance de s'en sortir. Eniel et les autres n'étaient toujours pas là. La jeune femme savait que c'était inutile d'essayer, mais elle tenta tout de même. Se concentrant pour rassembler son énergie magique, elle la dirigea vers les bandits... rien ne se produisit.

Peu surprise du résultat, elle réitéra. Toujours rien. La frustration prit la place de la peur alors qu'elle s'acharnait à essayer de balayer les attaquants. Les blessures se faisaient plus nombreuses sur le corps du soldat qui faiblissait.

L'un des hommes gisaient sur le sol. Les autres s'acharnaient encore et toujours sur Pyras. La princesse comprit brusquement ce qu'il se passait. Aucun d'eux ne cherchaient à lui faire du mal. L'archer qui manquait toujours sa cible, les autres qui l'ignoraient totalement pour se concentrer sur le soldat... et leur habileté au combat.

Ce n'était pas de simples bandits venus les détrousser. Comment avaient-ils fait pour la retrouver aussi vite ? Elle devait réagir vite. Les combattants s'étaient éloignés de l'homme agonisant. Le poignard de celui-ci gisait à proximité. Sans aucune hésitation, la jeune femme se précipita pour s'en emparer, ne prêtant aucune attention aux gémissements et à la respiration entrecouper du blessé.

Une autre flèche passa au-dessus de sa tête et elle n'en fit que peu de cas. S'il souhaitait la blesser, elle serait déjà morte. C'était de lui dont elle devait s'occuper en premier. Si elle ne risquait rien, ce n'était pas le cas de son compagnon. Elle se releva, serrant le pommeau du poignard fermement dans sa main et, sans plus réfléchir elle fonça vers l'archer avant qu'il ne puisse encocher se prochaine flèche.

L'homme, conscient qu'il ne pouvait plus rester en retrait, lâcha son arme et évita les premiers coups. La lame frappait dans le vide ou était repoussé par son adversaire, mais Allera ne s'en formalisa pas. Elle avait réussi à l'occuper, c'était tout ce qui comptait pour l'instant. Se rappelant des enseignements du maître d'armes, la jeune femme se repositionna. Elle évalua chacun des mouvements de l'homme face à elle. "Trouve les failles" lui répétait son mentor.

Coup après coup, elle adapta sa cadence, tentant de le déstabiliser. Il les contrait avec aisance, à mains nues. C'était là son point faible. Il ne comptait pas la blesser, elle n'aurait pas la même politesse envers lui. Il était rapide, bien plus qu'elle et il la désarmerait très vite s'ils continuaient ainsi.

Allera avait très envie de jeter un oeil à Pyras pour voir comment il s'en sortait, mais détourner les yeux ne serait-ce qu'une seconde pourrait lui être fatal. Elle entendit un gémissement et priait la Créatrice pour que ce ne soit pas lui.

Agacé, par l'insistance de la jeune femme, l'assaillant frappa l'avant-bras de celle-ci, juste assez fort pour lui faire perdre sa prise sur le poignard. L'impact lui fit desserrer sa poigne malgré elle, et sa main laissa échapper la lame qui alla s'écraser sur le sol terreux. Elle n'eut pas le temps de réaliser ce qu'il se passait qu'elle se retrouva prisonnière de la poigne ferme de l'homme.

— Ca suffit, gronda-t-il entre ses dents. Vous devriez me suivre sans faire d'histoire.

Allera se débattait avec rage, maudissant ses pouvoirs de lui faire défaut et son manque d'assiduité pendant les cours de combats auxquels son père l'avait forcé à assister. Devant elle, Pyras n'en menait pas large. Il avait réussi à se défaire d'un autre de leurs ennemis, mais avait reçu de multiples blessures qui l'affaiblissaient. Il lui restait deux adversaires à vaincre. Il n'y arriverait pas.

La sensation d'une pointe glacée contre sa jugulaire fit frémir la jeune femme. Elle savait ce qu'il comptait faire.

— Jete ton épée, Chevalier, somma-t-il. Où tu iras expliquer à ton roi pourquoi sa soeur adorer est morte !

Le combat entre les trois hommes cessa immédiatement. Chacun observait l'adversaire et restait sur ses gardes. Le regard de Pyras se porta sur la princesse... et le poignard qui menaçait à tout instant de percer sa peau pâle. Il eut un temps d'hésitation, mais ne lâcha pas son arme pour autant.

— Je ne me répéterais pas !

Allera sentit la lame s'enfoncer un peu plus, mais pas suffisamment pour faire couler le sang. Elle devait réagir.

— Ne l'écoutez pas ! lui hurla-t-elle. Ils me veulent vivante, il ne me fera rien.

Allera sentit une légère brûlure dans son coup et un liquide chaud s'écouler le long de sa gorge. Ce n'était qu'une égratignure, mais elle suffit à faire monter le doute et la peur dans le cœur de la princesse. Le soldat vit tout cela et n'hésita que quelques secondes avant de baisser son épée, pour finalement la lâcher. Il n'en fallut pas plus à ses opposants pour se jeter sur lui.

L'homme qui maintenait la princesse éloigna le poignard de son coup et la jeune femme se débattit avec plus de rage.

— Je vous ordonne de le laisser !

Les cris d'Allera se répercutèrent sur les arbres et résonnèrent dans la forêt. Combien de temps faudrait-il au groupe pour les rejoindre ? Pyras encaissait les coups de ces adversaires. Rapidement, il tomba à genoux. Les coups continuaient de pleuvoir sur son visage, dans ses côtes et même dans les jambes, il ne lâcha pas un cri ni gémissement.

— Assez joué ! s'impatienta le troisième. La grande prêtresse attend !

Ils cessèrent aussitôt leur acharnement sur le chevalier et Allera ne put retenir un cri lorsque l'un d'eux brandit son poignard au-dessus de sa tête.

— Non !

Brusquement, la princesse sentit un nouveau souffle monter en elle et s'échapper pour propulser son agresseur au loin. Comment était-ce possible ? L'homme s'écroula quelques mètres plus loin, sous les yeux ébahis de ses deux comparses. Il n'était pas mort, juste un peu sonné et resta au sol le temps de reprendre ses esprits.

Pas le temps de se remettre de ce qu'il venait de se passer, la jeune femme se tourna vers les deux hommes restants et puisa l'énergie magique qui dormait au fond d'elle. La vague fut moins puissante que la première, mais elle réussit à les éloigner de l'homme à terre.

L'utilisation de cette magie lui causa une intense fatigue. Ses oreilles bourdonnaient et ses jambes la lâchèrent alors que leurs attaquants se redressaient. L'un d'eux reprit son poignard, tomber lorsque l'énergie magique l'avait balayé, et se précipita sur Pyras devant le regard impuissant de la jeune femme.

Il n'eut pas le temps d'abattre son arme sur sa victime. Il se figea, bras en l'air et regard figé par la douleur et la surprise avant de sur le soldat, laissant apparaître une longue tige de bois enfoncée dans son dos.

Trois nouvelles silhouettes surgirent entre les arbres. Si familières. Ils étaient enfin là. 

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