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Lorsque Allera reprit ses esprits, la première chose qu'elle remarqua était qu'on lui avait retiré ses vêtements. Elle n'était vêtue que de sa longue chemise qu'elle portait sous ses robes. La jeune femme sentie la panique monter en elle. Aussi discrètement que possible, elle chercha du regard l'endroit où ils auraient pu être posés en espérant que personne n'ait eu l'idée de fouiller.

Eniel n'avait pas quitté son chevet depuis qu'elle avait ouvert les yeux une heure plus tôt. Et d'après le médecin, qui les avait laissé seuls pour aller s'occuper des égratignures des soldats en entrainement, il était resté là depuis son arrivée. Une journée et une nuit complète apparemment.

— Je vais t'apporter tes vêtements, déclara son ami en se levant de sa chaise. Ils ont dû avoir le temps de sécher.

— Je te remercie.

Le soldat s'éclipsa quelques instants avant de revenir avec la robe et la cape de son amie. Allera s'empressa de récupérer ses affaires et tâta sa cape à la recherche du rouleau. Il n'était pas là. Son coeur s'emballa et elle commença à retourner le tissu dans l'espoir de retrouver l'objet ailleurs.

— Je sais ce que tu cherches, intervint Eniel en la voyant paniquer. Ne t'inquiète pas, il est en lieu sûr.

Allera savait qu'elle pouvait avoir entièrement confiance en son ami, mais le sujet était bien trop important pour qu'elle soit sereine malgré l'assurance du soldat.

— Où ?

Eniel regarda autour de lui. Son regard insista sur la porte, vérifiant que personne ne s'approchait, ni ne pouvait écouter ce qu'ils allaient se dire. Lorsqu'il fut assuré que seule son ami et lui était présent, il mit la main sous sa chemise et la ressorti avec l'objet recherché par la jeune femme. Il paraissait encore bien scellé et ne semblait pas avoir été touché par l'eau de la rivière. La princesse l'arracha des mains de son ami, malgré elle, sentant un immense soulagement s'emparer de son corps.

— Personne ne l'a vu et je ne l'ai pas ouvert.

Le soldat marqua une pause. Il semblait hésiter à lui parler. Allera attendit qu'il se décide, se doutant bien de la conversation qui allait suivre.

— Que se passe-t-il au château ? lâcha l'homme brusquement.

De toutes les questions qu'il aurait pu lui poser, c'était celle-ci qu'il choisissait. La princesse soupira alors qu'il prit place sur la chaise à côté de son lit. Elle mourrait d'envie de le lui dire, de partager son fardeau avec lui.

— Je ne peux rien te dire.

Le visage d'Eniel se ferma. Son refus de se confier à lui le blessait et confirmait qu'il se passait quelque chose de grave.

— Ara, regarde-moi, insista-t-il en posant ses mains sur ses épaules.

Son regard ambré plongeait dans ceux de son amie, cherchant le moindre signe qui pourrait l'informer de la situation.

— Je t'ai retrouvé au bord de la rivière glacée, trempée jusqu'aux os et pratiquement morte. Je ne vois que deux options pour laquelle ton frère t'aurait laissé courir ce risque.

Elle ne réagissait pas et gardait le silence, attendant la suite. Eniel senti l'agacement s'ajouter à son inquiétude. Bien qu'il ne sût rien de la situation, il connaissait la raison de son silence. C'était son rôle de la protéger, pas l'inverse.

Avant qu'il n'est pu dire quoi que ce soit d'autre, la porte de l'infirmerie s'ouvrit brusquement, laissant apparaître un homme d'âge mûr. Le visage fermé, il entra et Eniel se leva prestement de la chaise et, le dos droit, salua son supérieur. Le nouvel arrivant s'approcha du lit de la princesse et s'agenouilla, tête basse.

— Vous voilà enfin réveillée, Madame !

— Grâce à vos hommes, répondit la jeune femme. Je ne saurais jamais assez vous remercier pour cela. Relevez-vous !

L'homme s'exécuta. L'homme semblait hésitant. Il gardait les yeux rivés au sol et ne savait s'il pouvait les lever sans l'offenser.

— Parlez librement, mon Seigneur.

— Puis-je demander à Son Altesse si elle a repris assez de forces pour un entretient dans mes quartiers ?

Evidemment, elle n'y couperait pas. Sa présence dans la forêt soulevait trop de questions et risquait de la faire repérer.

— Laissez-moi une minute pour m'habiller !

— Bien sûr. Je vous suggère de mettre une de nos capes par-dessus vos vêtements. Les seules personnes à savoir votre présence ici nous attendent déjà et ont pour ordre de ne rien communiquer aux autres. Eniel !

Il fit un signe de tête à son subordonné avant de sortir. Eniel prit sa cape qu'il avait laissé choir dans un coin en attendant le réveil de son ami et la lui tendit.

— Je t'attendrai dehors.

Il sorti à son tour, laissant la jeune femme enfiler sa robe, désormais sèche et la cape que son ami lui avait prêtée. Il ne lui fallut que quelques instants avant de rejoindre Eniel dehors, le visage dissimulé sous le capuchon. Ensemble, sous les regards curieux des soldats présents autour d'eux, ils se dirigèrent vers une bâtisse parmi tant d'autres. La princesse se tendaient à mesure que les yeux de ces hommes la fixaient, cherchant à savoir qui était cette femme à l'intérieur d'un camp militaire. La jeune femme fut surprise lorsqu'ils s'arrêtèrent devant les quartiers du chef d'escouade. Ils étaient identiques à ceux des autres soldats par la taille. Le seul signe distinctif était l'étendard du royaume, accroché au-dessus de la porte.

Eniel frappa deux coups rapides contre la porte, et se présenta avant qu'un autre soldat, inconnu de la princesse ne vienne ouvrir. Le jeune home invita Allera à passer devant lui et la porte se referma rapidement derrière eux.

— Vous pouvez vous découvrir sans crainte Votre Altesse, entama le chef. Toutes les personnes présentes ont assisté à votre sauvetage.

Trois soldats en plus du soigneur, du supérieur et de son ami, se tenaient assis autour d'une table à peine assez longue pour qu'ils puissent tous s'y asseoir. Autant de personne qui pourrait soit la trahir, soit être en danger. La jeune femme s'exécuta alors que les hommes s'étaient levés et s'inclinaient pour lui présenter leur respect.

— Je vous en prie, prenez place.

Il désigna l'une des dernières chaises vacantes en bout de table. Allera alla s'y asseoir et Eniel prit place juste à côté d'elle.

— Bien ! Maintenant que tout le monde est là, nous avons certaines choses à mettre en lumières sur la présence de Son Altesse.

Le soldat fit une pause et observa un par un ses subordonnés avant de poursuivre.

— Tout d'abord, je vous prierai de bien garder l'identité de notre invitée secrète. Il en va de sa sécurité, ainsi que de la nôtre.

Les hommes hochèrent vigoureusement la tête en signe d'assentiment. C'était une évidence pour eux et leur devoir de la protéger.

— Quoi qu'il arrive, aucun de nos frères ne doit avoir connaissance de sa présence ici.

— Il ne manqueront pas de nous poser des questions sur la présence d'une inconnue dans le campement, avança un soldat plus âgé. Que devront nous leur dire ?

— Ce que dit Ygor est vrai, approuva Eniel. Nous avons essuyé beaucoup de regards curieux en venant ici.

Un silence de plomb tomba autour de la tablée, chacun réfléchissant à une excuse à sortir le moment venu. Allera aussi y réfléchit. Il fallait rapidement trouver une idée pour remédier à cela. Le chef ne pouvait simplement pas garder le silence sur la jeune femme. Cela soulèverait bien trop de question, ainsi qu'une certaine méfiance sur les raisons de son silence.

— Une annonce publique, lâcha-t-elle.

Toutes les têtes se tournèrent vers elle. Les yeux des hommes exprimaient le doute et les questions. Aucun n'osait prendre la parole. Ils attendaient tous une explication. Allera regarda le chef d'escouade dans les yeux.

— Vous devriez annoncer publiquement la présence d'une inconnue dans le camp pour éviter les questions.

— Allera, tu n'y pense pas ! s'exclama Eniel.

— Eniel ! le reprit Ygor. Un peu de respect pour la princesse.

La manière dont il s'était adressé à elle n'était pas en adéquation avec leurs rangs. Elle était princesse, lui soldat. Pour ses camarades comme pour n'importe qui d'autre, il était inconcevable qu'un chevalier s'adresse ainsi à une dame de haut rang. Allera ne s'en formalisa pas. Depuis qu'ils étaient enfant il ne l'avait jamais considéré différente de lui et cela ne l'avait jamais dérangé. Malgré tout, il devait garder ces familiarités dans les moments où ils étaient seuls. Pas entourés d'autres soldats.

— Il suffit de trouver une bonne histoire à raconter, poursuivit-elle en ignorant totalement son ami.

Elios et Pyras fixait leur supérieur qui semblait pensif devant cette option. A moins de la faire repartir tout de suite et prétendre à une hallucination collective, c'était la meilleure solution.

— Qu'en penses-tu, Posos ? Ça pourrait marcher ?

Le dit Posos sorti de ses pensées et riva son regard dans celui de la princesse.

— Il faudra dissimuler votre visage à chacune de vos sorties jusqu'à votre départ, prévint-il. Vous devez également quitter l'infirmerie. Mes hommes sont entraîner à un confort minimal, mais pas à l'abri de blessures.

La jeune femme avait déjà pensé à cela. Elle ne comptait pas s'attarder au campement. Elle ne le pouvait pas, mais aucun d'eux ne la laisserait partir tant qu'elle ne serait pas remise. S'ils la laissaient partir. C'était un autre point qu'elle devait évoquer avec Eniel et Posos. Sans les autres.

La réunion se termina de longues minutes plus tard, après avoir mis au point leur petite histoire sur l'identité de la princesse et la raison de sa présence près de la frontière. L'idée vint de Pyras, resté silencieux jusqu'à présent.

— J'ai une cousine qui vit non loin, expliqua-t-il. D'après ses lettres, elle a pour habitude de se promener à l'orée de la forêt pour ramasser les fruits qui y poussent.

Elle se nommerait donc Estrezia Dorod, jeune paysanne de vingt-sept ans qui cueillait des fruits dans la forêt pour faire de bons repas et desserts à sa famille.

— Du moment que l'on ne me demande pas d'accompagner les chasseurs-cueilleurs et de faire des tartes, plaisanta la jeune femme.

Les six hommes esquissèrent des sourires amusés.

— Il manque un détail, protesta Elios. Pourquoi aurions-nous retrouvé ta cousine si loin de chez elle et de l'endroit où elle a ses habitudes.

La réponse vint naturellement à Eniel.

— N'ayant pas trouvé assez de fruits, elle se serait éloignée et serait tombée dans la rivière. Les courants l'auraient amenée là où nous l'avons trouvée.

Cette explication sembla satisfaire tout le monde. Ils peaufinèrent les détails et la réunion prit fin.

— Je vous ferais ramener le reste de vos affaires, déclara Posos. Vous pouvez vous disperser messieurs. Je parlerais de la cousine de Pyras ce soir au repas.

Les soldats s'exécutèrent, la princesse ne bougea pas et son ami non plus. Il attendait qu'elle lui parle. Lorsque le dernier fut sorti, non sans avoir adressé une autre révérence à la jeune femme, Posos remarqua la présence du jeune homme.

— Eniel ?

Le soldat n'eut pas le temps d'ouvrir la bouche.

— En fait, intervint Allera. Je dois vous informer de la situation et j'aimerais que le Seigneur Eniel reste pour écouter.

Les deux hommes fixèrent la jeune femme, attendant ses explications. 

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