Chapitre 3
Oihan va aller se mettre au sec et reprendra sa tournée plus tard : hors de question de risquer de se casser le bras en faisant un aquaplaning comme Balthazar. Il a besoin de bosser et surtout, il a besoin de l'argent qui va avec.
Une fois réfugié dans le café le plus proche et attablé avec un bon mug de chocolat chaud, il sort l'objet de sa curiosité et se met à lire en silence. Laborieusement. Sa cage thoracique gonfle et s'abaisse à un rythme irrégulier, rythme des mots qu'il déchiffre tant bien que mal: Appartement B12, Aquitaine, Biarritz.
Bonjour monsieur...
Derrière lui, le temps suit son cours. Les clients s'installent dans les sièges en fer forgé, s'émerveillent devant le mur de briques où sont présentées des photos de personnalités du monde du cinéma, boivent leur commande à petites gorgées.
L'ambiance est plus rétro, industrielle. Au plafond sont suspendus des luminaires noirs, à l'aspect rouillé et éclairant la salle d'une lumière chaude et accueillante.
De la musique résonne, pourtant masquée par les conversations et le bruit des machines à café, de la bouilloire et de la caisse enregistreuse.
Totalement plongé dans sa bulle, immergé dans un autre univers, Oihan est insensible à ces choses qui l'entourent. Il ne sent pas l'arôme léger mais à la fois puissant du latte commandé par l'homme en costume noir qui se plaint de la hausse des prix du carburant. Il ne voit pas l'agitation des serveurs qui zigzaguent entre les tables évitant parfois de peu de renverser leur plateau lorsqu'un client se lève ou esquisse de grands gestes. Il ne goûte pas, du bout de ses lèvres, aux particules de sucre qui volètent dans l'air, dessinant un nuage aérien et délicieux. Non, il est focalisé sur sa tâche, sur cette lettre qui l'intrigue tant.
Il passe la main dans ses cheveux coupés à ras et tente de se concentrer. La terreur que lui inspire les mots couchés sur le papier, la haine viscérale qu'il ressent à leur égard n'arrange en rien sa dyslexie, plus puissante lorsqu'il est sujet à des émotions telles que l'impatience et la colère. Car malgré lui, la colère l'a repris, l'enserrant dans son manteau fait de flammes et de verre brisé.
Les mots dansent sur le papier, les lettres se mélangent, changent de partenaire. Elles se placent pour la prochaine valse, tantôt en diagonale, tantôt en quinconce. Elles suivent une musique qui lui est inconnue et qui lui donne envie de vomir. Le tourbillon incessant est étourdissant, enivrant. Il lui monte à la tête et le rend fou.
Il sort alors son téléphone, résigné. Il s'apprête à lancer l'application Seeing AL, application permettant aux personnes mal voyantes de transformer les lignes et les lignes de texte qui s'étendent devant lui en un fichier audio. Ainsi, pas besoin de lire mais seulement d'écouter. C'est d'ailleurs comme cela qu'il travaille; en scannant le dos des enveloppes qu'il doit livrer et il n'a ensuite plus qu'à se rendre à l'adresse dictée par le logiciel. Son patron est au courant, il a même été très compréhensif à son égard. Considérant Oihan comme un maillon essentiel de la chaîne de la livraison, il n'a pu se résoudre à le renvoyer malgré cette... faiblesse. De plus, il est de plus en plus compliqué de recruter ces derniers temps. Et ça, Oihan en est bien conscient.
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Son écran devient noir. Un océan de noirceur qui envahit tant son téléphone que son cœur. Plus de batterie, c'est bien sa veine. Comment va-t-il se débrouiller sans son application? Il est incapable de lire, incapable de stopper cette danse infernale.
Alors, il cède. Il détache ses yeux de la petite fête improvisée sur le papier et demande à la jeune femme de la table voisine si elle peut lui en lire le contenu. Elle n'était pas là lorsqu'il s'est installé mais il lui trouve un air gentil. Pas du style à vous juger... enfin, c'est ce qu'il pense.
Il trouve une excuse minable : il sort de chez l'ophtalmo qui lui a mis des gouttes dans les yeux. Donc, il voit flou.
L'inconnue le regarde, un léger malaise planant dans ses yeux verts comme la jade. S'il ne se sentait pas aussi stupide, il l'aurait volontiers draguée et proposé de prendre un verre. Mais là, les joues rouge vif et un sourire gêné sur le visage, il ne prétend à rien. Elle approche sa chaise en fer près de la sienne, la posant sans ménagement sur le sol en béton ciré. Il lui tend le bout de papier, évitant à tout prix de croiser son regard. Elle se met à lire, d'une voix basse et chaude. Elle ne couvre pas le bruit des machines, des bavardages. Elle s'y mêle et il doit tendre l'oreille pour suivre le cours de sa lecture.
Monsieur Harold, (vous m'excuserez, je ne connais pas votre nom de famille).
Je me permets de vous écrire à propos de Maëlle et de votre échange. Je suis un de ses amis et je suis comme qui dirait assez inquiet et peut être trop... protecteur ? Quoi qu'il en soit si j'écris ceci aujourd'hui c'est simplement dans le but de m'assurer que vous n'êtes pas un dérangé, un menteur ou un autre type de dégénéré.
Maëlle a adressé une lettre à un inconnu, l'a déposée sur un banc. En faisant cela, elle a pris le risque de tomber sur des individus « peu recommandables » comme dirait ma mère. Sur des personnes qui pourraient lui vouloir du mal. Ceci m'est intolérable. Je suis son ami et croyez-moi, je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour m'assurer qu'il ne lui arrive rien. Nada. Niet, que dalle.
Alors, sachez monsieur que j'ai de grandes aptitudes en boxe, karaté et autres sports de combat ainsi qu'une maîtrise complète de la batte de baseball et je n'hésiterais pas à m'en servir si vous osez blesser d'une quelconque manière mon amie.
SI vous êtes réellement celui que vous dites que vous êtes (est-ce que c'est français mon histoire ?) je vous prierais de m'en donner une preuve concrète. Je n'ai pas forcément envie que Maëlle se fasse assassiner ou violer et qu'on la retrouve comme Lily, une fille de notre lycée, en larmes et le corps meurtri par des mains inconnues.
J'espère monsieur, que vous ne briserez ni son projet, ni elle-même. Sinon vous aurez à faire à moi.
Eliott
Ps : merci de ne pas parler de cette lettre à Maëlle, elle pourrait se fâcher et penser que je n'ai pas confiance en elle ; ce qui est totalement faux, je lui ai déjà prêté mon vinyle de Guns and Roses ce qui est, pour moi, la plus haute marque de confiance.
PPS : si vous êtes vraiment un gentil vieux monsieur, j'espère ne pas vous avoir blessé et sachez que j'adore le film Dragons !
Perdus au milieu des effluves de cafés et autres boissons, les deux inconnus sont absorbés, l'un par la lecture, l'autre par son écoute. Sans s'en rendre compte, la jeune femme joue avec ses cheveux, couleur chocolat au lait et les entortille le long de son annuaire. Elle fronce les sourcils à certains passages, retient un petit rire à d'autres. Elle semble à son aise, peu consciente du sentiment de gêne qui oppresse le jeune homme en face d'elle. Elle aime lire et elle le fait avec aisance. Toute sa vie tourne autour des livres. Critique littéraire depuis quelques années et étudiante en lettres, elle n'a pas peur de faire entendre sa voix et de remettre les auteurs trop confiants et sûrs d'eux à leur place.
Pour Oihan, ce monde de la littérature est un cercle VIP où il n'aura jamais sa place. Dyslexique et dysgraphique, il a mis toute son énergie à haïr tant les livres que les stylos, plutôt qu'à apprendre à les aimer et à les maîtriser. Au lieu de replonger dans les lampes de souvenirs désagréables, il se concentre sur l'inconnue et sur sa voix.
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On peut dire beaucoup de choses d'une voix : qu'elle est belle, basse ou encore aigue. Qu'elle est douce, sexy ou parfois même crispante. Mais rarement l'on exprime ce que l'écouter nous fait ressentir.
A ce moment précis, Oihan a l'impression de s'enfoncer dans un matelas, de caresser un lapin, de manger un donut à la myrtille. Aucun rapport, n'est-ce pas? Pourtant, cette énumération est celle des souvenirs doux, des réminiscences les plus chaleureuses de sa vie. Le donut qu'il mangeait avec sa mère à la sortie des cours, celui qu'elle faisait maison, rien que pour lui, son fils adoré. Le matelas en plume qu'il s'est offert avec ses premiers salaires. Le lapin de Marion et Elena, ses voisines qui l'avaient invité à leur mariage l'année précédente. Des moments joyeux et emplis de bonheur. Des moments comme il en avait connu peu.
« Elle est destinée à qui cette lettre ?
Le ton de la jeune femme change, passant de celui plus monochrome de la lecture à un ton inquiet et interrogatif. Ce changement de sonorité fait lever les sourcils au postier.
« Je ne veux pas me mêler de ce qui ne me regarde pas mais j'espère que vous n'en êtes pas le destinataire. Que vous n'êtes pas un de ces gros salauds, pardonnez mon langage, qui mentent et se tape des petites minettes juste pour le plaisir. »
Elle commence alors à s'échauffer, ses joues se parant du rouge de la colère.
"Mais enfin, je ne me tape pas des minettes pour le plaisir, rétorque-t-il, choqué
- Alors c'est pour quoi? Pour vous sentir puissant c'est ça hein?
- Pardon... mais
- Aextopitoa ! le coupe-t-elle ; Ce n'est pas auprès de moi qu'il faut vous excuser !
- Vous ne comprenez pas, continue-t-il, totalement perdu
- Non je ne comprends pas môsieur ! Je n'ai pas de couilles à la place du cerveau, nom d'un petit bonhomme !"
Son expression fait se retourner un couple de personnes âgées. Si la femme est hilare, l'homme regarde avec un dégoût non dissimulé la demoiselle.
« Sachez que c'est dégradant, horrible et que vous méritez d'aller en prison ! Pensez à cette fille qui vous a fait confiance et qui est persuadée qu'elle correspond avec un adorable vieux monsieur. Espèce de gros connard,va ! »
Elle ponctue sa phrase d'un mouvement brusque qui manque de peu le visage de son interlocuteur qui n'avait pas pu placer plus d'un mot et qui venait de se prendre un tsunami d'injures et de reproches en pleine face.
Alors qu'elle rassemble ses affaires d'une main, l'autre posée sur sa hanche et le menton relevé, Oihan lui assure :
« Je ne suis pas un pervers. Cette lettre ne m'est pas destinée mais est belle et bien destinée à Harold Berckley, retraité et vieil homme adorable.
- Alors pourquoi, nom d'un p'tit bonhomme, vous avez cette lettre avec vous?
- Je suis postier et elle s'est décachetée. J'essaie de retrouver son auteur pour la livrer à la bonne personne.
- Ne me prenez pas pour une idiote ! L'adresse est toujours marquée au dos de l'enveloppe. C'est le B.A B-A de ce qu'est censé savoir un postier ! Elle gesticule, agacée et outrée. Il ne l'aura pas avec son air de chien battu. Elle le trouve louche.Vraiment, vraiment louche.
- Merci, je ne suis pas givré à ce point. Mais l'adresse s'est effacée avec la pluie quand l'enveloppe s'est ouverte et a fini par terre. Son contenu est ma seule chance de ne pas me faire virer. Vous savez, je connais Harold depuis au moins trois ans et il s'est toujours montré d'une amabilité extrême avec moi. Alors je m'en voudrais terriblement si la lettre n'arrivait pas à bon port. Comme je viens de vous le dire, je risque avant tout de me faire virer mais surtout, je risque de faillir à ma mission : qui est de remettre à chacun le courrier qui lui revient.
Un demi-mensonge pour sauver la face. Il y a une part de vérité dans ses propos. Il veut retrouver Eliott pour lui parler d'Harold. Il veut faire partie de cette histoire, il en prit conscience au cours de son écoute. Il veut appartenir à cette épopée. Il le désire à un tel point...
Lorsqu'il s'exprime, sa voix est claire, nette. Elle tranche le tissu d'a prioris et de calomnies de la jolie demoiselle d'un coup assuré et bien placé. Pas un fil ne dépasse. Son assurance apparente est son arme la plus précieuse... ainsi que sa veste de la poste qui se trouve sur le dossier de sa chaise. Il faut dire que cela conforte ses dires et, pour une fois, cet uniforme qu'il juge « dégueulasse » lui a sauvé la mise.
« Vous allez vous y prendre comment ? lui demande l'inconnue aux yeux de jade, plus timide qu'auparavant et légèrement honteuse de s'être emportée de la sorte.
- A vrai dire, lui répond-il, je n'en ai pas la moindre idée.
- Est-ce que... est-ce que je pourrais vous aider ?"
Aussi surpris l'un que l'autre, ils se fixent en silence. Cette proposition est sortie de nulle part mais pourtant du fond du cœur. Elle se sent liée, d'une manière inexplicable, à Eliott. Elle a lu son attachement profond et d'une sincérité rare qui le rattache à Maëlle. Derrière ses mots, elle a deviné ce qu'il ressentait à son égard, ce qui lui oppresse le cœur. Ah, se dit-elle, c'est beau l'amitié. L'amitié neuve qui luit dans la nuit, astre chaud qui réconforte l'âme. L'amitié qui vous protège, vous enserre dans une couverture molletonnée où rien de mauvais ne peut vous arriver.
Lorsqu'elle se penche à nouveau sur la feuille légèrement écornée, elle pointe du bout de son ongle parfaitement manucuré les quelques lignes soulignées : l'adresse.
« Bah voilà, c'était pas si compliqué au final. Heureusement que ce jeune respecte les règles de base de la forme des lettres sinon cela aurait été la cata. Vous êtes sûr que vous êtes postier vous ? »
Oihan ne rêve que d'une chose, se frapper la tête contre la table. Ce stupide machin avant la lettre, il n'avait pas réussi à le lire ; il n'avait pu que déchiffrer la date et la formule d'introduction avant que les mots ne se décident à danser la gigue.
Brusquement, la jeune femme se lève et sort du café, la lettre toujours dans la main, ne laissant à Oihan aucun autre choix que celui de la suivre. D'un pas vif , sa mince silhouette glisse avec aisance entre les murs et les badauds. Esquivant les passants, les landau, les déambulateurs.
Lui, moins alerte, gêne le passage et percute des sacs à main, écrase des pieds. Il a beau être sportif, avec sa carrure imposante il peine à se frayer un passage dans la foule dense. Autour de lui, il entend parler espagnol. Voilà ce qui explique la cohue. Malgré le mauvais temps, leurs voisins sont venus profiter de la côte basque. Question météo, ils n' ont pas eu de bol. Il s'apprête à faire part de sa remarque à sa compagne lorsque celle-ci s'arrête net. Devant elle se trouve un Range Rover noir et rutilant, garé avec une précision remarquable.
Combien on parie que les roues sont parfaitement parallèles au trottoir ? se dit Oihan
La jeune femme déverrouille sa voiture et se retourne vers lui :
« Tu mets pas tes mains sur ma carrosserie, tu ne touches pas à l'inclinaison des sièges et surtout, surtout tu ne la salis avec tes godasses pleines de boue ok ? Si tu oses poser tes pieds sur autre chose que le tapis de sol qu'on soit sur l'autoroute ou dans la montagne je m'en fous, tu sors de ma voiture et tu te débrouilles tout seul comme un grand. Compris ? »
Il acquiesce, tendu, se disant que finalement, demander de l'aide à une inconnue rencontrée dans un café n'était peut-être pas l'idée du siècle. Gesticulant dans tous les sens elle avait, il faut bien l'avouer, l'air d'une folle. Elle mettait un point d'honneur à protéger sa voiture ? Grand bien lui fasse. Mais menacer une personne pour une voiture ? Sérieusement, il devait lui manquer quelques neurones.
Il réprime un frisson. Pour un peu, il comprendrait Eliott. L'inconnu est effrayant. L'autre, le prochain, celui qui n'est pas nous est un terrain incertain, un monde peuplé de dangers insoupçonnés que nous tentons tant bien que mal de dompter. On s'y expose tantôt consciemment, tantôt sans véritablement savoir ce qui se trame au-dessus de nous. Sans s'en rendre compte, on peut vite se retrouver aux côtés d'une mystérieuse jeune femme au caractère bien trempé et loufoque, enfermé dans une voiture et dont notre vie repose entre ses mains. Pour le meilleur comme pour le pire, l'inconnu se transformait en une véritable aventure.
Le trajet se fait dans un calme relatif, uniquement ponctué du crissement des roues, des exclamations furibondes de la chauffeur et des publicités Leclerc qui passent à la radio. Pareil, interdiction de changer de fréquence. C'est RFM. Point barre. Faudrait pas pousser « amatxi dans les chachis » (version basque du « faudrait pas pousser mémé dans les orties). Après cette rapide conversation, limitée à : « Touche pas au bouton, merci bien. » Oihan n'eut pour seule distraction que le paysage derrière la vitre, qui défilait à une vitesse grand V. Le regard fixé sur la route de peur de dégobiller, il pense à ce qu'il dirait une fois chez Eliott. Il voit les scénarios s'enchaîner, plus catastrophiques les uns que les autres. Sinon, l'improvisation c'est pas mal aussi.
Ils arrivent devant un immeuble. Gris. Entièrement gris. A côté des maisons qui jalonnent la côte Basque, colorées de vert ou bien de rouge, l'immeuble semble tristounet à Oihan, chauvin et fier de l'être.
Le bâtiment s'élève sur plusieurs étages et est entouré d'arbres et de végétation. Plus moderne que les maisons traditionnelles, il date seulement de quelques années et ni l'humidité ni le temps n'ont encore osé l'attaquer.
La Range Rover se gare sur le grand parking, oubliant au passage de respecter l'instruction « Réservé aux résidents. ». Après tout me direz-vous, une voiture ça ne sait pas lire.
Cet argument est d'ailleurs le favori de notre conductrice chevronnée qui l'a utilisé de nombreuses fois lorsqu'elle était arrêtée pour excès de vitesse.
Ensemble, ils se rendent jusqu'à l'appartement 12, niveau B où vivent Eliott, sa mère et sa petite sœur Eglantine. C'est d'ailleurs cette dernière qui vient leur ouvrir, après qu'ils eurent sonné à la porte. Elle s'ouvre avec fracas, faisant violemment reculer le couple et laisse apparaître une petite fille aux cheveux frisés et tenant à bout de bras un ours borgne.
« Vous voulez quoi ?
La jeune femme s'agenouille et répond, d'une voix calme et douce qu'Oihan n'aurait jamais pensé entendre venant d'elle.
« Bonjour ma puce. Je m'appelle Johanna. Et toi tu es...
Devant la mine boudeuse de l'enfant, elle sourit et continue comme si de rien n'était,
- Nous cherchons ton frère : Eliott. Il est ici ?
Seul le silence lui répond. Pourtant, bien qu'habituellement peu patiente, Johanna garde son sourire avenant ce qui paraît étrange à son coéquipier qui ne la croyait pas capable d'une telle douceur. Bien sûr, lors de la lecture il avait décelé en elle une part d'empathie mais il croyait s'être trompé car s'était superposé à l'image de la jeune femme à la voix envoûtante du café, celle plus féroce de l'impitoyable conductrice et maître des opérations.
Comme quoi, l'humain juge sans connaître, sans chercher à comprendre. Il voit la façade et cela lui suffit à étiqueter et à ranger dans une case.
Devant eux, la petite frimousse constellée de taches de rousseur s'est assombrie davantage. L'enfant, aux yeux dont le noir d'ébène est plus obscur encore qu'une nuit sans étoiles, les fixe tour à tour, sans ménagement puis finit par leur tirer la langue et leur claque la porte au nez.
Surpris, les deux adultes restent là, comme deux ronds de flan.
Johanne marmonne, sans véritablement s'en rendre compte « Nom d'un petit bonhomme ! » ce qui cause l'hilarité d'Oihan. Ils se regardent et éclatent d'un rire, à la fois nerveux et salvateur. Ce dernier dure, s'étend et s'arrête brusquement lorsque la porte se rouvre en un grincement.
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