Chapitre 28


18 juillet 2023

Plus besoin d'adresse, n'est-ce pas ?

Maëlle,

Il y a bien eu de l'orage dans mon cœur.

Ceci est ma dernière lettre et elle a le goût des adieux. On vient de m'annoncer la nouvelle et elle a tonné comme un gong dans ma tête. C'est ton frère qui est venu m'avertir, comme tu le lui avais demandé. Je ne te cache pas ma surprise lorsque ce jeune homme, le visage en larmes, est venu toquer chez moi. Malgré tout ce que tu m'as raconté, je ne peux m'ôter de l'esprit la certitude suivante:"il t'aime, Maëlle. Il t'aime peu importe ce qu'il prétend."

Je viendrai samedi, je te le promets. Qui aurait cru, qui aurait pu deviner qu'en répondant à une lettre anonyme je m'attacherais autant à quelqu'un? Maëlle. Pourquoi ne m'as-tu rien dit ? Tu aurais dû, j'aurais compris. Je serais venu te tenir la main, t'aider à traverser cette épreuve, te montrer que tu n'étais pas seule. Mais il est trop tard.

Le monde continuera de tourner, le soleil n'arrêtera pas sa course effrénée et la Lune ne cessera pas de briller. Pourtant, l'océan lui, chante un dernier au revoir. Et je joins ma voix à la sienne pour que, où que tu sois, tu puisses entendre notre complainte. Tu sais, j'ai l'habitude des deuils mais là, à cet instant précis, je ressens une souffrance que je pensais bien ne plus jamais ressentir. On m'a amputé d'un membre essentiel à ma vie, on m'a ôté ma joie de vivre. C'est si difficile pour moi, de me dire que plus jamais tu ne m'enverras une lettre. Que jamais plus, je ne te conseillerai. Jamais. Un mot aussi vaste que l'infini, même plus puissant que toujours. Toujours est banal, il a le goût des acquis. Jamais, quant à lui, à conscience de ce qu'il a perdu, de ce qu'il ne retrouvera pas. Jamais est le frisson, celui contre lequel on lutte mais vers qui on est sans cesse ramené. Comme si nous étions attachés à lui par un fil invisible .

Tu n'es jamais partie à Londres n'est-ce pas? Tu étais à l'hôpital. Sans moi. Dans ce lieu qui est parfois si terrifiant, si malfaisant. C'est tellement dur. Des soignants se battent chaque jour pour conquérir les territoires envahis par la maladie et les accidents, tandis que la Mort, elle, règne sans partage sur ces terres et d'un claquement de doigt, peut faucher une vie. On ne peut pas véritablement lui en vouloir, elle fait ce pour quoi elle a été créée. Mais à cet instant précis, j'aimerais bien lui lancer tous les noms d'oiseaux que je connais. Elle aurait pu attendre encore. Tu étais trop jeune. Tu avais tant de choses à voir, à découvrir. Tu n'as pas pu ouvrir un centième des portes que l'univers pouvait t'offrir.

Tu sais, j'ai l'impression que chaque fleur murmure ton nom, chacun de leurs pétales portant le fardeau de ma tristesse. Le vent lui, me souffle à l'oreille que j'aurais dû insister, te faire avouer la vérité. Il est l'image parfaite et troublante de ma culpabilité.

Je voulais te remercier. Te remercier de m'avoir écrit, même si tu ne t'attendais sans doute pas à tomber sur moi. Moi, un vieux monsieur ennuyeux. La vie est injuste. Elle aurait dû s'arrêter pour moi, la descente de cette montagne escarpée avait, pour ma part, déjà commencé. Mais toi, tu es tombée, tu as roulé en bas après avoir glissé sur un caillou. Toi, tu avais encore le temps de profiter de la balade, de savourer son paysage idyllique. Tu étais libre. Libre comme la mer, le ciel, les éléments. Indomptable et merveilleuse, fougueuse et impétueuse, solaire et... irréelle. Tu es pour moi un rêve dont on vient de me sortir avec le plus dur des réveils.

Je n'ai aucun regret Maëlle, sauf celui de ne pas t'avoir serrée dans mes bras une dernière fois, de ne pas t'avoir dit merci en face. Merci. Merci d'avoir illuminé mon existence, merci d'avoir été présente. Merci de m'avoir aidé, inconsciemment parfois, à surmonter les embûches. Je vais devoir réapprendre à exister sans toi mais pour l'instant, cela me parait impossible. Juliette est près de moi et je lis dans ses yeux toute sa peine. Elle a bien compris que tu t'en étais allée. Loin de moi, si loin. Où? Je ne sais pas. Mais si je ne peux pas te voir, cela veut dire que tu t'es déjà trop éloignée.

Maëlle, cette lettre est pour toi. Elle est la dernière que je t'écrirai. Cette lettre te dit merci, au revoir, bon voyage.

Tu vas me manquer, tellement que je ne peux le quantifier.

, A jamais ton papy,

Harold

Le vieil homme. Là. Encore robuste, présent alors que tant de personnes sont parties.
Devant l'océan, il se tient là debout. Insubmersible mais pourtant inconsolable. Il a perdu bien plus qu'une correspondante. Il a perdu un membre de sa famille. Un être cher à son cœur.
Ici, dans ce lieu emblématique, celui où il a trouvé sa lettre, il fredonne une vieille mélodie. Celle qu'il a chanté à ses enfants au moment du coucher et celle qu'il chantonne chaque dimanche sur la tombe d'Héloïse. Un hymne à l'amour; le plus pur qu'il soit.
Il sait qu'elle est là. Partout dans cette étendue d'eau qui miroite, sous la pluie comme sous le soleil. Elle aurait refusé de la quitter. Alors, à chacune de ses promenades, il emmène avec lui une fleur. Toujours différente. Il la laisse ensuite voguer, s'en aller sur la mer tout en espérant qu'elle parviendra jusqu'à Maëlle.


Une femme s'avance. Elle marche, d'un pas chancelant comme si elle ne savait plus vraiment comment faire, comme si elle ne dirigeait plus complètement son corps. Elle est vidée. Elle n'a plus de larmes, elle n'a plus de mouchoirs non plus, tiens. Ses mains tremblent toutes seules, sa tête lui paraît lourde, si lourde. Elle voit la mer, plus qu'elle ne la regarde. Elle se souvient des conversations qu'elle a eu avec sa fille à ce propos, elle se souvient de son amour pour cette eau salée, pour cette houle, pour sa force. Elle se met, l'espace d'un instant, dans la peau de Maëlle. Elle qui se sentait si impuissante, si mal aimée. Elle qui rêvait de liberté et de grandeur. En la mer, elle voyait se former la personne qu'elle aurait toujours rêvé d'être. Impressionnante, puissante, utile mais aussi dévastatrice.

Le vieil homme remonte de la plage et vient se poster à ses côtés. Elle n'a plus la force de repousser qui que ce soit et se tait donc, n'esquissant aucun geste pour s'en aller. Ensemble, ils se perdent dans leurs réflexions. A sa grande surprise, c'est elle qui rompt le silence :

« Le monde est injuste. »

Cette pensée qu'elle retient depuis tant d'années, tant de mois et de semaines s'envole dans l'air marin, clouant ses espoirs par son poids de pierre,

« Le monde est injuste mais beau, lui répond l'homme. S'il était juste, nous n'aurions pas à nous battre. Si nous ne nous battions pas, nous ne nous découvririons pas car c'est dans l'adversité que l'on se dévoile. Alors oui, le monde est injuste. Mais c'est cela qui fait sa force. Notre force.

- Vous pouvez parler, vous, renifle-t-elle. Ce n'est pas vous qui venez de perdre votre fille. Ce n'est pas vous qui êtes resté immobile parce qu'il était physiquement impossible de se battre contre sa maladie ! Alors vos conseils à la noix, je vous suggère de... de les garder pour vous ! »

Elle déverse sa colère sur cet inconnu. Même si ce n'est en aucun cas de sa faute, elle veut libérer la bête qui sommeille en elle, elle veut faire ses griffes. Sinon... sinon elle risque de s'effondrer à tout moment.
Il la laisse faire. A quoi bon l'arrêter. Lui est vivant, lui est vieux. Sa petite fille à elle vient de mourir alors que ce n'était qu'une enfant. Dans un sens, il culpabilise. Pourquoi la mort ne vient-elle pas le chercher lui, plutôt que ces loupiots qui ont encore la vie devant eux ?

« Excusez-moi, je suis à cran. Cela ne fait que quelques jours et j'ai pourtant l'impression que ma fille... que ma Maëlle va rentrer à la maison ce soir, va nous demander de mettre Pékin Express en replay parce qu'elle a loupé le dernier épisode. Je n'arrive pas à me dire que tous ces instants, nous ces moments que je chérissais n'existeront maintenant plus que dans ma mémoire.

- Je m'en voudrai de vous couper mais vous êtes la mère de Maëlle ? Vous êtes Ambre Lordford ? s'enquit Harold, la voix brisée. Bien sûr, il existe de nombreuses Maëlle. Il existe de nombreuses personnes décédées à la suite d'une maladie. Mais il ne peut empêcher son coeur de battre plus vite à cette idée. A la pensée qu'il se tient, probablement, si proche d'elle. Et si loin pourtant.

- Oui, murmure-t-elle en fronçant les sourcils, oui c'est bien moi. A qui ai-je l'honneur ?

- Je suis Harold. Harold Berckley.

Devant son manque de réaction qui le déroute plus qu'il en voudrait l'avouer, il ajoute :

« Je suis le correspondant de sa fille. Vous savez celui qui vous a écrit un message...

- Ah. C'est donc vous. »

Le silence retombe, plus lourd encore qu'une chape de plomb.

« Je lui dépose une fleur tous les jours. Je la laisse ici, il désigne du bout de son doigt fripé la pointe de la digue, et je me dis que peu importe où elle se trouve, elle la recevra d'une manière ou d'une autre »

Silence. Toujours.
Silence. Assourdissant.
On dit que la souffrance est un cri, elle s'est murée en plainte, en un écho vague qui ne parvient à retenir face au fracas de l'océan qui se jette contre la digue.

« Tenez, je l'ai reçu il y a quelques jours mais je pense que cela vous revient de droit. »

Il sort de son manteau une enveloppe qu'elle saisit, presque à contre cœur. Puis il la laisse seule avec la mer, mettant fin à sa promenade quotidienne. Il rentre dans sa Clio rouge et met le cap sur sa maison où il va se servir un bon café latte, entouré de ses peintures et d'un paquet de mouchoirs.

°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°

Fébrile, Ambre l'ouvre et en sort une lettre. A la vue de l'écriture de sa fille, elle retient ses larmes. Hors de question de pleurer dans un lieu public, de se laisser aller. Les larmes couleront plus tard, à l'abri dans sa chambre.

Lettre à ma moi dans 10 ans

Un jour parmi tant d'autres

Maëlle,

C'est si bizarre de s'écrire à soi-même, de me dire que tu ne liras jamais cette lettre.

Car oui, tu es supposée l'ouvrir dans 10 ans mais je ne t'apprends rien, il ne te reste même pas deux ans d'existence.
Pourtant, je me plie au jeu, je me lance ce défi ridicule de t'écrire et de m'écrire par la même occasion.
En tout cas, si jamais Mme Delpech lit cette lettre, elle fera une syncope ! Personne ne sait pour nous. Je n'en parle à personne au lycée, ils ne peuvent pas comprendre... ou alors ils me regarderaient avec pitié et ça, je ne pourrais pas le supporter.

Madame Delpech est sympa quand même. Un peu timbrée parfois mais bon... on l'aime comme elle est; différente, dans son monde certes mais terriblement attachante. Je la préfère nettement à Madame Barza qui est une... horripilante vieille chouette. Ne parlons pas de choses qui fâchent. Je suis persuadée qu'un jour lointain nous rirons de cette énergumène qui se prenait pour une spécialiste en... tout, à vrai dire.
Mais pas aujourd'hui.
Aujourd'hui, je veux la haïr, la critiquer ou encore m'agacer contre elle et ses stupides évaluations à la noix. Il est tellement plus facile de s'énerver que d'être triste. La colère empêche les larmes et les transforme en rancœur. Je m'entoure d'elle comme d'une couverture chaude et rassurante pour éviter de me retrouver seule, dans le froid. J'ai besoin d'elle comme d'une arme. Je m'en sers pour avancer, pour me battre et continuer. Durer le plus longtemps possible. La vie est éphémère alors je prends tout ce qui est à ma disposition pour allonger un peu ce sprint final. Mais cela sera-t-il suffisant ?

Et si nous revivions ensemble ce fameux jour; Le D-Day de ma petite vie d'apparence bien tranquille qui s'est vite transformée en champ de bataille ?
Je sais que tu en meurs d'envie ( non, le jeu de mot n'est pas fait exprès) alors ...allons-y !
Ce fut d'abord l'odeur qui m'assaillit. En pleine poire comme dirait l'autre. Une odeur de tabac mêlée à celle plus intense du désinfectant et de l'alcool. J'ai eu un haut-de-cœur. Ce délicat fumet n'augurait rien de bon. Il était l'opposé exact de celle puissante et enivrante de la mer que j'associe à la vie. A chacun de mes pas, je me rapprochais de la mort. Même sans connaître le diagnostic, je savais que ce serait douloureux.
Ce qui me peine le plus, c'est de laisser derrière moi ceux qui m'ont accompagnée durant ce court périple qui fut le mien.
Qui répondra aux lettres d'Harold ?
Qui ira chercher des paquets de mouchoirs pour Liam quand il aura un rhume ?
Qui rangera les courses dans un ordre précis, alignera tout au millimètre pour faire plaisir à maman ?
Qui remettra Clara à sa place quand elle sera trop insupportable ou quand elle brisera le cœur de mon frère (parce que cela arrivera, j'en suis certaines) ?
Pas moi.
Un autre ou peut-être même personne.

Je revois encore ce bureau. Tapissé de papier peint d'une couleur plus que douteuse oscillant entre le marron et le vert avec sa moquette blanche et ses chaises grinçantes. Derrière moi et ma mère, assises sur ces fameuses chaises, se tenait une grosse bibliothèque avec tous les livres de médecine possibles et imaginables. Pourtant, aucun n'avait la solution. Je revois le visage du médecin, sa petite moustache blanche, ses maigres cheveux plaqués contre son crâne et ses lunettes noires, très mal réglées, il faut bien l'avouer. Il n'y est pas allé de main morte ce jour-là. Il a annoncé les mots terribles, les mots qui ont scellé mon avenir: insuffisance cardiaque. Sans me ménager, sans préambule. Aucun tact pour sa cliente. Car oui, je n'étais pas une patiente mais une cliente à ses yeux. Un moyen de gagner de l'argent.

Comme ça, on ne s'imaginerait pas que c'est grave. Une insuffisance, c'est quand il te manque quelque chose non ? Oui, mais là, il me manque plus que quelque chose; il me manque un cœur en bon état. C'est dommage quand même. Surtout quand on sait que l'on peut espérer vivre encore dix ans avec mais que non, pour moi ce temps n'est pas valable.

Je crois que j'aurais préféré ne rien savoir. Rester dans l'ignorance et vivre. Peu c'est vrai mais vivre. Mes parents m'ont coincée dans une bulle que je ne peux pas percer et c'est encore pire. Mon frère refuse de me parler, mes ami(e)s ne se doutent de rien et ne se préoccupent pas de ma pâleur, de ma difficulté à respirer. Sauf Eliott et Harold.

Je suis seule. Seule dans cette galère. Dans ce cadeau empoisonné de la vie que j'aurais bien refusé si j'avais eu le choix. Qui choisirait de mourir ? Pas moi c'est sûr et certain.

J'ai parfois l'impression d'étouffer. L'impression que le monde tourne, que les gens avancent et que moi, je suis là : immobile, étrangère à leur course infinie pour rester le plus longtemps possible dans ce jeu mondial qu'est la vie. Ils s'échinent tous alors qu'une voiture, un feu, une seconde peuvent les tuer. Une maladie aussi. Nous ne sommes jamais à l'abri mais c'est ce que l'on veut croire.
Croire. Croire pour ne pas se laisser couler.
L'espoir. Il est fourbe celui-là. Il te fait espérer, te fait imaginer un avenir plus beau, coloré, empli de mille et une images du bonheur alors que tu peux être fauché à tout moment. Fauché par la haine, la tristesse, le désespoir. Quelle vaste blague !

Alors moi, je suis là. Sur un îlot, entourée par des vagues et un lagon sublime. Je peux seulement m'y baigner mais pas m'éloigner. Une barrière de corail me retient. Elle délimite ma vie. La ligne à ne pas franchir. Celle qui m'éloigne des autres. Je n'ai pas toujours senti ce besoin d'appartenir à un groupe. Je voulais juste être heureuse. Mais là, quand j'ai compris que je n'aurais pratiquement personne pour m'épauler, j'ai cru me noyer. Finalement, oui, je suis dépendante. Il m'est nécessaire d'avoir de l'aide et du soutien de la part de mes proches. Je l'ai enfin appris.

Je suis là à me demander ce qu'il va se passer par la suite. Combien de temps vais-je tenir encore ? Car oui, le marathon est bientôt fini. Combien de gens seront là à mon enterrement ? Se souviendront-ils de moi ? En tant que Maëlle, la joyeuse, la rigolote ou comme la pauvre fille qui est tombée malade et qui est morte ? Penseront-ils que j'ai été faible ? Faible de leur cacher ma situation, ma vérité ?

Mais au final, je m'en fiche comme de ma première chaussette... je ne serai plus là pour voir ça. Alors autant se concentrer sur le présent tu ne crois pas ? Mon petit présent tout choupinou, doux comme un lapin en peluche mais qui me semble parfois très lourd.

Ma lettre ne sera pas aussi longue que demandée mais je m'en fiche. J'ai envie de sourire et non pas de pleurer. Alors je vais tâcher d'oublier. Et je vais vivre. Pas comme une fille normale de mon âge certes mais ça tombe bien, je déteste être comme les autres.

Sincèrement ta,

Maëlle

A la fin de sa lecture, les larmes jaillissent tel un torrent et pour la première fois, Ambre ne les refoule pas mais les accepte. Accepte la douleur pour pouvoir commencer à cicatriser. Malgré les promeneurs, malgré le lieu, elle pleure. Et elle se sent libre.

°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°

Quelques jours plus tard, elle se rend chez Harold, les mains enserrées sur un assortiment de petits gâteaux. Elle veut lui parler de sa fille. Elle veut lui parler de son idée et de celle de Madeline et Johanna. La mère d'Eliott a en effet parlé avec cette jeune femme et s'est rendu compte que par un biais détourné, elle aussi « connaissait » Maëlle. Ce rapprochement fait, elles ont voulu lui offrir un présent et ont utilisé la maquette de leur travail pour lui réaliser un montage. Un ensemble de témoignages de personnes plus ou moins connues, de personnes ayant plus ou moins participé à son parcours.

Elle n'avait que peu parlé à Madeline avant, persuadée qu'elle n'était pas véritablement intéressante. Elle avait repris ses études, ne participait à aucun club, ne faisait partie d'aucun groupe. Ses préjugés l'avaient donc menée jusqu'alors à ignorer une femme pleine de vie et pourvue d'un sens de la répartie incroyable. Et elle en était désolée. Mais grâce à sa fille, elles ont pris contact et se sont découvertes.

Elle se souvient de ce message qu'elle avait lu un peu vite, elle se souvient de s'être dit qu'Eliott était un prénom vraiment laid. Lorsque les mots s'étaient affichés sur l'écran, elle avait soudain pris conscience que ce message serait le premier de toute une longue série de messages de soutien, de condoléances et d'apitoiement. « Nous aurions aimé la voir plus », avaient dit certains de leurs amis. « Si seulement elle était venue nous voir pendant les vacances » avaient regretté ses cousins. Pourtant personne ne lui avait demandé comment elle allait. Personne mis à part Madeline.

« Bonjour, je suis la maman d'Eliott. Toutes mes condoléances pour votre fille. Elle était adorable.

Ma question peut vous paraître étrange mais... Comment allez-vous ? N'hésitez pas si je peux faire quoi que ce soit pour vous aider. Eliott était très proche de Maëlle et il est effondré alors je n'ose pas imaginer l'état dans lequel vous devez vous trouver. »

Elle avait simplement répondu merci. Rien de plus. Pourtant, un jour, un jeune garçon blond vint toquer à leur porte. Liam et Philippe étant sortis, ce fut elle qui lui ouvrit. Elle se rappellerait toujours la tristesse sur son visage basané, ses yeux vert d'eau emplis de larmes contenues. Tout en lui respirait la peine. Cependant, il venait pour lui apporter du réconfort. Il lui offrit une boîte de chocolats et lui tendit un vieux pull qu'elle reconnut aussitôt :

« Tenez, Maëlle a oublié ça chez moi. C'était un de ses pulls préférés, il sourit faiblement, je voulais vous le ramener. »

Prise par l'émotion, elle contempla ce vêtement. C'était un de ses vieux sweets, datant de son adolescence, de sa rencontre avec Célian. Savoir qu'il était un de ses favoris, qu'elle le mettait souvent lui mettait du baume au cœur ; elle se sentait plus proche d'elle.
Après cela, elle prit le temps de véritablement répondre à Madeline et fit ainsi la connaissance de Johanna qui avait participé à l'histoire de son enfant.

- Le monde est petit, se dit-Ambre, alors qu'elle passait devant le vieux cerisier du jardin. Le monde est étrange aussi, et, faiblement, elle sourit.

Elle est inquiète de soumettre leur idée à ce vieux monsieur, comme si lui plus que quiconque pourrait savoir si elle plairait à Maëlle.
Elle ressent de la jalousie à son égard, sachant l'attachement que sa fille lui vouait. Elle aurait aimé en être la destinataire, mais elle l'avait offert à un inconnu. Pourtant, lorsqu'il lui ouvre la porte, ce sentiment s'efface, sans bruit ni fracas, remplacé par la peine mais aussi la sérénité. Étrange mélange, il faut bien l'avouer.

Il la reçoit dans son joli salon, empli de végétaux. Au contact de cette flore, Ambre se détend, plus apaisée. Elle aime la nature et les grands espaces. Il l'a reconnue, bien entendu et tandis qu'elle s'installe sur le canapé, il lui sert un café.

« Vous m'excuserez mais je préférais de pas vous donner du thé, je crois qu'il doit être périmé »

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