Mardi 6 Novembre
Cher personne,
Aujourd'hui, il m'est arrivée quelque chose. Ce n'est peut-être pas grand chose en réalité, mais bon, ça fait que j'ai un truc à raconter, à écrire. Alors voilà.
J'étais dans un couloir pour aller en cours, je marchais tranquillement, et j'avais mon carnet à la main, je griffonnais quelques mots et réfléchissais tout en marchant. C'est alors qu'un type, un peu plus grand que moi, un peu baraqué, et surtout à l'air très pressé, m'a bousculée en courant dans le couloir.
Je me suis retournée pour lui dire qu'il aurait pu faire attention, mais je n'aie pas dis un mot qu'il s'est retourné (toujours en courant, donc à reculons) pour me dire "Désolé, j'aurais dû faire gaffe, mais je suis en retard." Puis il s'est à nouveau retourné (donc en marche avant) et a continué son chemin en accélérant au bout du couloir pour tourner vers les escaliers.
Et tandis que je le regardais partir, mon regard a croisé celui d'une fille. Elle m'a adressée son plus beau sourire.
"Tiens, il est tombé."
Elle me tendait mon petit carnet. Je me suis empressée de le récupérer. C'est une part de moi, j'ai horreur de le laisser en d'autres mains. J'ai bafouillé un merci à peu près audible et je me suis dirigée vers la salle de classe sans demander mon reste.
En m'asseyant, je me suis maudit de tous les noms. Quelqu'un m'adressait la parole, et je suis partie comme une voleuse. Déjà que je n'ai strictement rien fait pour me faire intégrer dans la classe... Tout ça parce qu'en septembre je n'avais qu'une idée en tête, c'était que je n'avais aucune envie d'être ici et qu'il devait bien y avoir un moyen pour que je retourne chez mon père. Du coup, forcément, tout le monde a laissé tombé l'idée de venir faire ma connaissance. Et je me suis habituée à être seule. Mais je n'aime pas ça pour autant, juste que je ne suis pas douée pour aller vers les autres, je ne sais pas faire.
Mais apparemment, au bout de deux mois, même si ce sont les autres qui viennent vers moi, je ne suis même plus capable de leur répondre... Tu n'imagines pas, cher personne, à quel point je me suis traitée de tous les noms pour ne pas avoir été capable de lui rendre son sourire et d'aligner ne serait-ce qu'une phrase ! Sujet-verbe-complément, ce n'est pas si compliqué quand-même, si ?
Et là, cher personne, tu ne vas pas en revenir (parce que moi non plus, à l'heure où j'écris ces lignes, je n'en reviens toujours pas). Alors que je me morfondais comme une imbécile sur ma table au fond de la salle, quelqu'un est venue s'assoir à coté de moi. Oui, tu as bien lu, cher personne. Quelqu'un est venu à la place à coté de moi, au fond de la salle, où il n'y a habituellement jamais personne ! Et devine quoi... C'était la fille du couloir !
J'ai sursauté quand j'ai entendu la chaise bouger à coté de moi. Et j'ai été choquée de voir la fille s'asseoir et me faire son plus beau sourire. A ce moment là, j'ai essayé de remettre un nom sur son visage. Elle est dans ma classe, j'aurais dû avoir repérer les prénoms des personnes que je vois tous les jours, en deux mois. Mais je me suis rendue compte que j'étais incapable de trouver son prénom.
"Cassandre, tu te sauves souvent comme ça quand on te parle ? Tu dois être très timide, je ne t'ai jamais vu adresser la parole à qui que ce soit depuis le début de l'année."
Elle m'a parlé avec beaucoup de bienveillance, et une légère pointe d'ironie. Elle avait vraiment l'air gentille. Et moi, j'étais choquée. Je ne m'y attendais pas. Et j'étais toujours incapable de lui donner un prénom. D'ailleurs, mon trouble devait se lire sur mon visage, puisqu'elle n'a pas attendu ma réponse pour continuer.
"En même temps, je n'ai vu personne venir te voir non plus. Et puis, une fille qui dessine si bien, c'est forcément quelqu'un de bien dans le fond."
J'ai ramené mon carnet contre ma poitrine. Je ne le montre pas d'habitude. Enfin, si, mais uniquement à mes amis. Dans mon ancien lycée donc. Je leur montrais parfois, mais seulement certaines choses, et seulement quand je voulais. Personne n'a jamais regardé dedans sans que je le veuille.
"Désolée, il est tombé ouvert. Forcément, j'ai vu ce qu'il y avait sur la page. Mais ne t'inquiète pas, je garderai secrète la beauté de tes œuvres."
Elle me fait un clin d'œil. Je lui adresse un sourire, reconnaissante. Je ne sais pas vraiment pourquoi je lui suis reconnaissante, mais le fait est que je le suis.
Elle sort ses affaires. Le reste de la classe est progressivement arrivé durant notre conversation (ou plutôt durant son monologue), et le prof est prêt à commencer. Juste quand il entame sa leçon du jour, elle me glisse un petit papier discrètement. "Au fait, je suis Lyse ;)"
J'écris ma réponse en dessous "Ravie de faire ta connaissance, Lyse."
Puis nous avons suivi le cours chacune de notre coté. C'était le dernier cours de la journée, et à la fin, ses copines sont venues la rejoindre et elles ont parlé ensemble tout en rangeant leurs affaires. Je n'ai pas demandé mon reste, me sentant de trop, et je me suis rapidement éclipsée.
Mais, alors que je passais à coté d'elle, Lyse m'a glissé quelques mots : "A demain Cassandre". Je lui ai adressé un sourire avant de partir. Son ton chaleureux m'a fait chaud au cœur.
Bon, je ne sais pas trop ce qui s'est passé en fait. Mais j'ai l'impression qu'il s'est passé quelque chose aujourd'hui. Peut-être de plus important que ça n'en a l'air, j'entends.
A bientôt cher personne,
Cassandre
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