La Chute du Col Biaisé

Rapport de Sire Grevus Lirtor, second en chef du seigneur Dorgan Rasendorf du clan éponyme :

Après notre arrivée au Col biaisé, notre armée se trouvait bloquée par un obstacle de taille : les montagnes. Aussi, il y avait des chemins bien trop étroits pour que notre armée passe d'une traite. Du moins, cela mettrait en péril la vie de nos hommes. J'étais en première ligne au cotés de Dorgan Rasendorf et de son jeune frère Calan. Dorgan semblait assez perplexe et restait silencieux. Je l'interrogeai quand à la suite de la situation et des ordres qu'il était censé nous donner.

C'est sans oublier l'assassinat de son père et, avec en tête la volonté de tuer les traîtres de notre alliance que nous sommes partis de Falteran, notre citadelle qui ne semblait plus aussi sûre ces derniers temps.

Soudain, il se retourna vers moi en me transperçant de son regard bleu azur et m'expliqua sa tactique.
Il savait que des ennemis nous surveillaient et choisit pourtant de nous faire prendre les trois chemins qui se présentaient devant nous. L'armée se divisa en trois régiments : l'un dirigé par Dorgan, l'autre par son frère Calan et le dernier par moi-même. Son frère prit le chemin de droite, lui de gauche et moi continuai tout droit.

Après quelques heures à marcher dans cette crevasse pourrie remplie de larves charnues et de plantes nues, j'entendis un cor brailler. En tendant l'oreille, je me rendis compte que c'était le sien puisque le signal venait de ma gauche. Tous les fantassins portants les armoiries des Rasendorf et désormais sous mes ordres arrêtèrent leur marche saccadée pour guetter le ciel - certains avec la main en visière pour que leur rétine échappe au soleil d'hiver.
Sans attendre un moment de plus, j'ordonnai à mes hommes de laisser les charrettes remplies d'or, de draps et de vivres pour courir en inclinaison avec la montagne et s'enfoncer dans la forêt à notre gauche. Je ne savais ce qu'il en était de cette urgence mais je savais bien une chose : quand le cor sonne, l'enjeu est de taille à nous donner du fil à retordre.
Tout en courant, l'épée à deux mains dans une seule main, je m'enquis de presser le pas sans même vérifier que les autres me suivaient. Je n'avais qu'une idée en tête et je fonçai droit dessus tel un cheval avec des oeillères. Je voulais prouver encore une fois ma loyauté envers mon suzerain qui était l'homme le plus respectable que je n'ai jamais connu après son père.
Mes pas ralentirent tandis que mon corps se dégonflait. Le sol était jonché de feuilles mortes et de pierres triangulaires telles des pointes de flèches.
Arrivé au sommet, toujours au milieu des arbres - et encore plus essoufflé que lors de ma première bataille - je sentit un vent amer me caresser les cheveux. Tout en m'aggrippant à mon épée, plantée dans le sol et en me redressant, je repris ma course infernale.

Lorsque j'entendis des cliquetis strident du fer contre le métal et vice versa, je décrivis des arcs de cercle avec mon épée d'acier forgé pour détruire les buissons qui me séparaient de la bataille faisant rage. Je découvris alors un spectacle sanglant : un charnier était déjà formé au centre de la crevasse et tous les cadavres, sans exception, portaient les armoiries des Rasendorf.
Je passais près d'eux en trottinant. L'un d'eux me surprit en empoignant mon fourreau de cuir.
Il était coupé en deux parties dont l'autre était visuellement introuvable. Ses tripes trainaient derrière lui telles des serpents rouge vif et je ne parvins pas à déceller ses derniers mots à travers sont casque disloqué.
Continuant ma course vers le bruit de la bataille et l'odeur de sang, j'eus comme l'impression que la distance ne cessait d'augmenter. Et soudain, je le vis au loin : Dorgan tenait un homme par le cou de sa main droite en s'en servant comme d'un bouclier humain et de la main gauche tranchait les membres de ses attaquants. Même si c'est un guerrier hors pair et un chef militaire honorable, je savais que les hommes étaient trop nombreux pour lui. Je pris un élan et entreprit de transpercer un premier soldat de dos, du bout de ma lame. Je décapitai deux autres d'un coup brutal et, me voyant, il égorgea son otage avant de planter son épée courte dans l'oeil du dernier guerrier qui lui faisait face.
Du sang coulait sur sa joue droite toute blanche, le long de son tatouage et teignit sa barbe noire ébène à un endroit précis. Il jeta l'épée courte qu'il avait en main et attrapa son bouclier aux extrêmités tranchantes quand soudain, son regard se figea au loin. Ce n'était pas mes hommes mais plutôt d'autres guerriers habillés de blanc qui marchaient d'un pas pressé vers nous, leurs haches et épées à la main. La crevasse était occupée par les soldats blancs des deux cotés et nous n'étions qu'une dizaine d'hommes regroupés au milieu. Il ne nous restait plus qu'à courir vers la forêt. Nous le fîmes sans plus attendre et quelques lances se plantèrent non loin de mes traces de pas dans la terre battue.
Nous traversâmes la forêt en faisant plus gaffe à ne pas tomber plutôt que là où l'on se dirigeait. Puis la forêt se finit brusquement sur un ravin quelques mètres plus loin.
Entendant les attaquants débouler parmis les arbres inertes, Dorgan se pencha vers le ravin pour regarder. C'était un long fleuve qui passait en dessous. La chute était beaucoup trop risquée vu le nombre de rochers présents à l'atterrissage - et prêts à reccueillir nos pauvres os.
Mes hommes ne se montraient toujours pas et les ennemis débarquèrent en une troupe qui était le triple de nous.
Rapidement, je m'élançai aux cotés de tous les autres vers ces guerriers blancs et fit chanter l'acier de ma longue épée contre les armures en cuir des autres. Après en avoir éliminé trois, je regardai nos pertes : nous n'étions plus que cinq mais, pris au piège comme nous l'étions, nous n'avions d'autre choix que de nous battre vaillamment.
Alors que nous repoussions des ennemis dos à dos, un archer décocha une flèche de nulle part qui alla se planter dans la gorge de l'un de nos derniers hommes. Bien entendu celui-ci mourru presque aussitôt. Je me sentis comme dépassé par les ennemis quand soudain, Dorgan fixa le groupe d'ennemis de ses yeux transperçant la Mer et fut projeté en arrière brusquement par une flèche qu'il avait reçu en pleine poitrine. Sa chute fut inévitablement vertigineuse. Après avoir entendu le bruit de son corps en contact avec l'eau, je penchai la tête pour le voir mais le problème était bien là : Il était introuvable.
Pile à ce moment Calan débarqua avec son groupe d'hommes et ils tuèrent les hommes blancs tout en gardant l'archer en vie.
Ce fut une perte extrêmement douloureuse pour notre clan. Surtout en sachant que ces hommes blancs étaient sous les ordres de Sire Broner Hastings d'Ermurag, vassal et allié de longue date de la famille Rasendorf.

Même après une journée entière de recherche, le corps de Dorgan restait introuvable. Calan réclamait vengeance et moi aussi mais nous devions d'abord rejoindre le reste de notre clan pour les informer de la terrible nouvelle…

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