D'abord le Chaos
Le feu, le sang et les ténèbres, voilà ce qui avaient frappé le petit village de Daen.
La veille, il y avait encore des champs de seigle, une bonne odeur de pain, des enfants qui jouaient au bosquet d'à côté, de la quiétude en somme.
Ce soir-là, tout ceci fut balayé par l'odeur du sang et des maisons brûlées, c'était plus qu'un pillage de bandit, c'était un véritable génocide.
Un individu à l'apparence humaine, mais qui était loin d'appartenir à l'Humanité, marchait debout, imposant au milieu des cadavres et des flaques pourpres.
Son manteau noir en lambeau trainait sur le sol boueux, son foulard et son chapeau au bord large masquait son visage et son sourire satisfait de sa sombre besogne.
Il contemplait les flammes du temple profané quand il sentit une pression faible sur sa cheville, il se tourna et vit un vieillard aux portes de la mort, gisant par terre, qui le regarda avec une lueur triste dans les yeux.
"Pourquoi..." une violente toux le prenait ; "pourquoi vous avez fait ça ? Vous...vous n'avez même pas pris notre argent, vous êtes juste venu nous... tuer... Pour-quoi ?"
C'était le chef du village qui gémit cette plainte au sombre personnage, qui le regarda dubitatif et se pencha en avant pour lui répondre :
"Pour attirer des lecteurs, et parce c'était marrant aussi" et sur ces mots, il enfonça le visage du chef dans la boue avec sa botte, étouffant ses derniers souffles de vie.
"Seigneur !" fit une voix provenant des ruines du temple, une silhouette se rapprocha à grand pas de son interlocuteur.
L'être encapuchonné s'agenouillait dans un geste militaire et précis, de sa capuche dépassait des cornes, un minotaure :
"Seigneur, le prêtre a été tué comme vous l'avez demandé, ils devraient arriver dans quelques..."
Il ne termina pas sa phrase qu'une étrange lueur traversa les nuages, en très peu de temps, le manteau gris qui couvrait le ciel ce soir-là fut violemment dissipé par la lumière d'un astre éclatant inondant la plaine de sa lumière.
Les sombres guerriers entendirent le tonnerre sans pour autant voir d'éclairs et virent trois personnes semblant tombés depuis l'astre.
Les dieux de Daen : Ashel, Gaya et Arudirr, s'écrasèrent à l'entrée du village décimé, les trois frères divins dévisagèrent les assassins de ceux qui les avaient appelés à l'aide dans leurs prières.
"...instants." termina l'hybride.
Le démon caché sous son chapeau large fit de même en baladant son regard rouge sur les trois divinités :
Ils avaient tous une prestance extraordinaire : Ashel, l'Ainé des dieux et dieu du Ciel et des étoiles était vêtu d'une armure d'argent finement gravée protégeant l'ensemble de son corps sauf sa tête coiffée d'une tiare mince qui était à peine visible entre ses cheveux d'argents.
Il était armé d'une longue épée si épurée que l'on aurait cru qu'elle fut sculptée à même le métal.
Gaya lui avait pour charge la Terre et tous ses occupants, sa tenue de guerre évoquait grandement les forets sauvages environnantes : quelques protections de peaux tannées et une longue tunique vert foncé tombant sur le sol, recouverte de mousse à son extrémité.
Son visage était caché par un masque en forme de crane de loup et il tenait une lance en bois de bouleau dans sa main gauche.
Le dernier divin Arudirr, était plus menaçant que ses pairs, Dieu du monde souterrain, son armure charbon et sa cape en lambeau représentait parfaitement sa fonction de psychopompe, sur sa tenue était brodée des pentacles et des visages de démons.
Il portait sur son épaule une longue faux d'ébène noir, entouré d'une étrange aura de flammes rouges.
Ils ne prirent même pas la peine de prendre la parole, l'émotion de détresse qui envahissait les lieux leur étaient insupportable, et ils décidèrent très vite du sort qu'ils réservèrent aux pillards.
Ensemble ils dégainèrent leurs armes. Ryne, s'il fallait l'appeler par son prénom, n'était pas intimidé pour un sou, dans un sourire carnassier il dévoila son visage, faisant voler son chapeau.
Sa peau était pale comme la peau d'un mort et ses longs cheveux épais avaient la couleur du charbon, d'un geste suffisant, il invoqua deux épées noires dans ses paumes et marcha vers les divins ; suivi de près par ses fidèles partisans sous leurs capuchons, armés jusqu'aux dents.
Se fut Gaya qui frappa le premier, ne contenant plus le chagrin qu'il éprouvait, il bondit comme un tigre qu'on sortait de sa cage sur le premier venu.
Ryne prédit cette attaque et la para, lui et Gaya échangèrent un regard empli d'agressivité, et engagèrent une danse infernale.
Les partisans, contrairement à leur seigneur, adoptèrent une tactique de groupe, n'étant pas assez puissant pour affronter seul un dieu, ils se placèrent à trois contre un pour chaque frère.
La bataille semblait interminable, les coups fusaient et chaque gladiateur déchainèrent leurs pouvoirs dans la plaine qui leur servirent d'arène.
Ils ne remarquèrent pas à quel point leurs duels avaient des conséquences sur l'environnement : de ci et de là, des fosses s'ouvraient sous leurs lames lorsqu'elles se plantèrent dans le sol, les rares arbres aux alentours étaient secoués par des vents violents venant de tous les côtés, il s'était mis à pleuvoir et le tonnerre grondait au-dessus d'eux, comme si le monde entier rugissait avec fougue et encourageait ses maitres.
C'était très simple pour lui, personne ne pouvait battre les dieux de Daen, personne n'était autorisé à commettre le sacrilège de tuer pour le plaisir, ça sonnait comme une évidence, comme une justice immuable : ces étrangers devaient mourir, payaient pour leurs crimes, il n'y avait pas d'autre alternative.
C'était ce que pensaient les divins, mais tout bascula en un instant, leurs bravoures et leurs assurances s'écrasèrent à terre en un seul coup :
Gaya eut le souffle coupé quand il ressenti la lame maudite, une violente brulure l'envahit et il tomba à genoux, tout son flanc droit était ouvert, cependant aucun fluide n'en sortit, juste une lueur blanche qui avait quelque chose de sacré brilla de la plaie.
Ryne pouffa sournoisement, se plaça derrière lui à une vitesse éclair et lui planta un pieux sombre comme une nuit sans lune, matérialisé par la magie noire.
Tout s'écroula en un instant, le dieu de la terre avait rendu l'âme, lui qui était rempli de tant d'espoirs. Ashel cria et pleura ce spectacle terrifiant, n'écoutant que sa haine il balaya la moitié des partisans, leur offrant en guise de châtiment une puissante déflagration argentée qui ne manqua pas de les réduire en nuage de cendre.
Il ne fit que deux pas pour rejoindre Ryne, fondant sur sa proie tel un aigle. Ce dernier fut projeté vers l'arrière sur plusieurs mètres avant de pouvoir se défendre.
Mais ça ne l'avait pas affaibli, au contraire il ria au nez du dieu du ciel avec suffisance et cruauté, projetant au sol une ombre bien plus grande que lui-même sous la lumière de la foudre.
Il répliqua encore plus brutalement en traçant un pentacle noir devant lui, qui, une fois achevé, envoya de multiples éclairs mauves vers Ashel.
Le divin fit de même en appelant le ciel à foudroyer de toute sa puissance le démon, l'énergie que les deux sortilèges dégagèrent provoqua une violente explosion qui projeta à nouveau les deux protagonistes en arrière.
Ashel aurait pu gagner ce soir-là, si son armure n'était pas si lourde ...
Assommé, il peina à se relever quand son adversaire, qui n'avait aucune protection, bondi sur ses pieds.
Il rua sur lui, une hache dans sa main et le frappa à la poitrine avant même qu'il est le temps de se défendre.
La douleur était cuisante, bien plus écrasante que la pensée d'avoir perdu, lui un dieu, face à ce monstre tout droit venu des enfers, cette machine de guerre venu de l'ombre.
Ryne l'acheva de plusieurs coups de poings à la tempe, répétés avec fureur, la paume enveloppée d'une lumière mauve sombre.
Autour, le monde commença à pleurer ses maitres défunts, ses combats étaient entrain de déchirer le fragile équilibre qui le régissait : les arbres par milliers perdirent leurs feuilles, la terre s'assombrit et le ciel lança un déluge toujours de plus en plus fort.
Sa toison d'argent percuta la roche, la tachant de rouge.
Le paysage entier prenait un air d'apocalypse, tout n'était que chaos.
Ne restait plus qu'Arudirr, dont la mort de ses frères provoqua une vague de peur mêlés à du chagrin, l'intensité pouvait suffire à le déséquilibrer, c'était un sentiment qu'il n'avait jamais connu : la peur, la peur de mourir.
Il respira profondément, déjà bien amoché par les partisans de Ryne qu'il venait de massacrer, il se demanda sincèrement si c'était un cauchemar.
Puis il se ressaisit, la haine et le courage se mélangèrent dans son esprit, il n'y avait que deux issus maintenant pour lui, le dieu du monde souterrain, le plus perfide et belliqueux des trois divins : tuer ou être tuer, venger ses frères ou les rejoindre dans le néant.
Le regard déterminé, il avança vers le démon, trainant derrière lui la lame de sa faux d'ébène, qui laissait une trainée de flamme rouge.
« Tu ne peux pas me battre, démon, ta magie est puissante mais insuffisante face à cette faux » sur ces mots, il l'a brandi devant lui, sa lame acérée pointée vers l'ennemi.
-C'est exactement pour ça que je suis venu, déclara Ryle dans un sourire.
Cela surpris Arudirr, est-ce que cette tête brulée pensait vraiment pouvoir lui arracher sa faux ?
Ryne profita de l'effet de surprise et fondit vers le dernier dieu, l'épée d'Ashel à la main.
Arudirr eut un réflexe salutaire et la lame noire ne vint juste déchirer sa cape, dans un cri il le visa à la taille, et les coups fusèrent avec une cadence infernale, une cadence qu'aucun homme ne pouvait tenir.
A mesure que leur combat s'intensifiait, le dieu déchaina toute sa rage, il se laissa submerger par son pouvoir, manifesté par une aura rouge sombre qui atteignait le ciel.
Il était de plus en plus furieux, et de plus en plus épuisé, il ne savait plus depuis combien de temps il bataillait contre ses envahisseurs venus de nulle part.
Il finit par s'agenouiller, éreinté dans la cendre de la plaine qu'ils venaient de détruire, il regarda autour de lui : plus rien ne sera jamais comme avant une fois qu'il sera mort, plus les hommes, vivants ou morts, ne connaitront la paix sur Daen.
Le démon se placa devant lui, cachant l'astre que contemplait le divin, qui dans un souffle, prononça cette question, dont la réponse allait résonner en lui, frappant ses cotes endoloris comme une pierre aiguisé tombant dans un précipice avec fracas.
« Qui est-tu ? »
Ryne fit un sourire, le genre de sourire qui peut vous hanter toute votre vie, et répondit :
-Moi ? Un tueur de dieux
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