Chapitre XXVII
Les jeunes filles, Atlas et Crizée traversèrent la cour du château sur les talons de Gilfar, puis la petite troupe s'engouffra dans les couloirs du palais. Les murs de pierre étaient tendus de tapisseries aux couleurs chaudes et vibrantes, des vases et des statues étaient disposés dans des niches et le sol au carrelage en damier faisait résonner leur pas dans le silence environnant. Les fenêtres hautes laissaient entrer la lumière à travers leurs vitraux en ogives. Après ce qui leur sembla une éternité, les trois amies tournèrent un dernier angle et débouchèrent sur une porte close. Une petite plaque de cuivre indiquait humblement l'inscription Duc de Dyyr. Le majordome toqua une série de petits coups à la porte puis entra et s'inclina.
– Monseigneur, fit-il d'une voix mielleuse, voici les jeunes filles qui ont demandé à vous voir.
Puis il se tourna vers ces dernières et, d'une voix beaucoup plus sèche et grinçante, leur ordonna :
– Avancez ! Et inclinez-vous !
Elles obéirent et firent une révérence au Duc, intimidée pour les jumelles et suffisante pour Leira. L'homme leur sourit et fit signe à Gilfar qu'il pouvait les laisser. Le majordome chauve tourna les talons et s'en alla, sans manquer pour autant de lancer un regard tout sauf sympathique à la petite troupe.
Anaïs détailla rapidement la pièce où elle se trouvait. Il s'agissait sans nul doute d'un bureau, en son centre trônait une table imposante en bois sombre, derrière laquelle était assise le Duc. Le mur en face de la porte était composé d'un vitrail gigantesque qui laissait entrer la lumière du jour, éclairant la pièce de couleurs claires. De nombreuses étagères couvraient les trois autres murs et une horloge finement sculptée faisait retentir son tintement cristallin.
Après le départ de son majordome, le Duc – un homme assez petit, aux cheveux blonds mi-longs et à la mâchoire carrée – se leva et s'approcha d'elles. Il tiqua en découvrant Atlas, assis sagement sur le tapis, mais ne fit aucun commentaire. Crizée, elle, s'était perchée sur l'épaule d'Anaïs et fixait le Duc de ses yeux ronds.
– Je suis ravi de te voir sur pieds, Solem, dit-il d'une voix douce. Et je suis enchanté de vous revoir, mesdemoiselles, ajouta-t-il à l'intention de Leira et Léna.
Il marqua une pause, le temps de dévisager les trois amies d'un regard scrutateur, puis reprit la parole.
– Il me semble que vous êtes ici pour une affaire de la plus haute importance, cela dit, tout ce que j'en sais est qu'elle concerne les Légendes, et j'aimerai que vous m'en disiez plus, si cela vous est possible.
Automatiquement, les jumelles tournèrent la tête vers Leira, qui roula des yeux mais s'avança tout de même d'un pas et expliqua :
– Solem et Lizia, ici présentes, sont chargées de retrouver des clés qui permettront d'ouvrir le Jardin des Légendes afin de les libérer. Sauf que nous ne savons pas où se trouvent les clés en question.
– Cette histoire de clés me dit quelque chose... murmura pensivement le Duc. Il était aussi question de jumelles venues d'un autre monde, si je ne me trompe pas ?
Leira pinça les lèvres. Elle semblait partagée entre l'envie de tout révéler au Duc et celle de lui cacher le plus de choses possibles. Anaïs décida de venir à sa rescousse. Après tout, c'était elle qui était mentionnée dans cette prophétie, et la jeune fille aux cheveux noirs n'avait pas à prendre toutes les responsabilités.
– Oui, déclara-t-elle avec toute l'assurance dont elle était capable. Oui, ma sœur et moi venons bien d'un autre monde, et nous savons qu'une prophétie a été dite à notre sujet. C'est très aimable à vous de vouloir nous aider, cela dit, la méfiance de Leira est légitime : nous ne savons pas jusqu'où nous pouvons vous faire confiance.
Le Duc la fixa avec un intérêt nouveau. Il se passa la main sur le menton et un sourire appréciatif se forma sur ses lèvres.
– Je vois que vous êtes plus futées qu'il n'y paraît, et c'est une très bonne chose. Quant à votre confiance, soyez assurées que vous pouvez me la témoigner sans crainte.
– Prouvez-le.
Un silence s'en suivit.
– Monseigneur, ajouta Anaïs, gênée.
– Mais certainement, jeune fille, rit doucement le Duc.
Il contourna son bureau et sortit quelque chose d'un tiroir. Quand il revint vers elles, Anaïs put voir qu'il s'agissait d'un morceau de parchemin soigneusement roulé et fermé par un ruban pourpre. Un cachet de cire, brisé, y était apposé.
– Ceci, dit le Duc en dénouant le ruban, est la missive impériale qui a été envoyée par le précédent roi d'Engamella à tous les ducs de tous les duchés du royaume. Il s'agit d'instructions détaillées si jamais les Élues de la prophétie étaient retrouvées.
Il tendit le parchemin à Anaïs qui le prit religieusement entre ses doigts et le lut à haute voix.
– Cher Duc Alzebran de Dyyr, vous êtes certainement au courant des évènements de la nuit passée. Je vous prierais cependant de garder le silence sur ce que vous avez pu voir ou entendre. Le naufragé venu du Sud a été très clair à ce sujet : personne ne doit rien savoir de la prophétie ou de l'existence de nos sauveuses. La prophétie en question, je doute que vous la connaissiez, aussi la voici : « Lorsque les douze disparaîtront, le sang des Astres s'unira. Les Étoiles nées de leur union chasseront les Forces de l'Ombre avant de disparaître à leur tour. Pendant treize ans, elles seront cachées de tous, protégées par l'ignorance de leur nature. À la fin de ces treize années, le Dieu du Mal surgira à nouveau de son Royaume de Ténèbres et cherchera à reprendre le pouvoir. Les Étoiles reviendront alors de l'Autre Monde et libéreront les douze, prisonnières du Destin, grâce à leurs pouvoirs et à la magie des Clés. Les Élues au sang pourpre devront unir leurs forces afin de chasser le Mal à tout jamais. » Inutile de vous répéter que vous êtes tenu au secret absolu. Si jamais les Élues venaient à réapparaître, les forces de Sarhal feront tout pour les retrouver avant nous, aussi tous les ducs du Royaume ont été mis au courant et nous devons à tout prix empêcher les sarhaliens de réaliser leur sombre dessein. Nous ne possédons malheureusement aucune information sur l'apparence des jumelles, sauf peut-être une couleur d'yeux inhabituelle. Dans tous les cas, si jamais vous pensez avoir trouvé les Élues, vous seriez prié de me le faire savoir au plus vite et de les dissimuler aux yeux de tous, de peur qu'elles ne soient reconnues par les forces ennemies. Avec mes sincères salutation, le Roi Léotride d'Engamella.
Anaïs releva lentement les yeux vers le Duc.
– Soit... Je crois que vous avez notre confiance, déclara-t-elle.
Leira et Léna approuvèrent de la tête et le Duc sourit.
Anaïs put cependant entendre leur amie marmonner quelque chose du genre "instructions détaillées, hein ! Je crois qu'il faudrait revoir la définition de certains mots..." mais le Duc, s'il avait entendu, ne releva pas.
– Depuis que mon arrière-arrière-grand-père, le Duc Alzebran de Dyyr, a reçu cette lettre, mes prédécesseurs et moi-même avons mené de nombreuses recherches, annonça-t-il plutôt. Nous en avons tiré en conclusion qu'il existait huit clés : une clé par élément plus une pour la vie, une pour la mort, une pour l'harmonie et une pour la justice.
Anaïs fronça les sourcils. Elle se souvenait d'un détail de la lettre que Léna et elle avaient ouverte dans la forêt de Bartville, avant leur téléportation.
– On nous a pourtant dit qu'il existait douze clés, et non huit... hésita-t-elle.
– On ? releva le Duc.
– Une lettre que nous avons reçue avant d'arriver ici, expliqua Léna, et qui nous expliquait notre rôle.
– C'est étrange... fit l'homme, sceptique. Quoi qu'il en soit, nous avons localisé les huit clés que nous savons exister.
L'annonce fit l'effet d'un coup de tonnerre sur les trois jeunes filles qui durent se retenir de sauter au plafond tant elles étaient heureuses. Huit clés localisées, cela allait leur rendre la tâche tellement plus aisée ! Elles n'auraient pas à parcourir chaque mètre carré du Royaume au peigne fin, les lieux leur étaient servis sur un plateau d'argent. Mais tout ne pouvait pas être si simple, et le Duc doucha quelque peu leur enthousiasme.
– Quand je dis que nous les avons localisées, reprit-il, ce n'est pas de manière extrêmement précise. Je connais les lieux approximatifs mais vous devrez chercher par vous même l'emplacement exact de chacune d'elles.
Les jumelles et Leira échangèrent un regard. La tâche, même grandement facilitée, leur prendrait du temps.
– Pouvez-vous nous montrer dès maintenant l'emplacement des clés ? demanda Léna.
– Mais certainement, acquiesça le Duc. Venez par ici.
Il sortit un autre rouleau de parchemin du tiroir de son bureau et l'étala sur la surface du meuble. Les trois jeunes filles se penchèrent sur ce qui s'avéra être une gigantesque carte du Royaume, bien plus soignée et détaillée que l'exemplaire qu'elles possédaient.
– Les clés que nous avons localisées se trouvent aux endroits suivants : la clé de feu à Ti-More (les trois amies échangèrent un regard discret que le Duc ne vit pas), celle de la Terre dans la plaine de Sahël, quelque part entre ici et Ti-Shal, la clé de l'Air à Fridjy, ou dans les environs, celles de la Vie et de la Mort respectivement dans la forêt de Myrte et sur l'extrémité de la Grande pointe, celle de la Justice dans les Glaciers, celle de l'Harmonie dans le nord de la plaine de Shist, et la clé de l'Eau a été récupérée dans le Golf de notre ville, et se trouve actuellement ici même.
Les jeunes filles relevèrent la tête au moment où le Duc s'approcha du mur de droite et bougea une brique qui dévoila une cache où se trouvait une petite clé en argent dont le joyau bleu laissait échapper des étincelles de lumière couleur océan.
🌟 Merci de voter si l'histoire vous plaît ! 🌟
Et bonne année 2025 !!!
PS: je suis désolée, je viens de me rendre compte que les jumelles savaient déjà où étaient les clés, c'est dit dans un lointain chapitre et ma mémoire a décidé d'oublier ça TT
De plus, j'ai changé l'itinéraire en cours de route donc les premières indications (données par Elea, lors de sa deuxième rencontre avec Anaïs) sont fausses. Alors on va faire comme si elles n'avaient jamais existé et je corrigerai à la réécriture...
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