Chapitre XII
Anaïs marchait sur la plage, ses pieds nus s'enfonçant dans le sable doré. Elle portait une robe légère qui ondulait dans la brise marine au même rythme que ses cheveux lâchés.
Le soleil se couchait, parant la mer et le ciel d'une infinité de nuances de bleu et de rose.
La jeune fille s'arrêta. Au loin, une silhouette féminine venait d'apparaître. À peine l'eut-elle remarqué que la femme se retrouva devant elle.
Anaïs resta immobile. La femme lui était familière, avec ses longs cheveux blonds qui tombaient en cascade sur ses épaules, ses yeux turquoise et ses lèvres vermeilles.
Petit à petit les souvenirs lui revinrent.
Une bibliothèque.
Une petite table ronde.
Un livre étrange.
– Vous êtes la femme de mon rêve, déclara-t-elle, du tac au tac.
Cette fois-ci, au lieu de changer d'apparence, la femme lui répondit, d'une voix douce :
– Oui, tu m'as déjà vu en rêve.
Anaïs examina le paysage autour d'elle.
– Nous sommes encore dans un rêve, n'est-ce pas ?
– Oui et non, répondit l'autre, énigmatique.
Elle laissa quelques secondes s'écouler et reprit :
– Je t'ai amenée ici car nous devons parler. Veux-tu marcher ?
L'adolescente accepta de bon cœur, elle avait les pensées plus claires quand elle se promenait.
Après quelques minutes à marcher en silence, la blonde prit la parole.
– Sais-tu qui tu es ?
– Heu... Je suis Anaïs, bafouilla cette dernière, prise au dépourvu.
– Tu es bien plus que cela, sourit la femme.
Anaïs lui lança un regard incompréhensif.
– Tu est l'une des Élues, expliqua-t-elle. L'une des deux Élues qui sauveront notre monde.
– Mais encore ? la relança Anaïs qui trouvait que la conversation prenait une tournure inquiétante.
– Ne panique pas, sourit à nouveau l'inconnue, comme si elle lisait dans ses pensées. Certes, tu joues un rôle majeur dans le sauvetage de ce monde, mais tu n'es pas seule dans cette mission.
– Et vous, qui êtes vous ? finit par demander Anaïs.
– Tu peux m'appeler Dame Elea, ou simplement Elea, bien que je possède de nombreuses identités.
– Et comment puis-je être sûre que je peux vous faire confiance ?
Dame Elea s'arrêta un instant puis reprit sa marche. Tout sourire avait disparu de son visage.
– Dans ce Royaume, de nombreux complots existent, certains d'une importance majeure, d'autres moins. Derrière chaque ami peut se cacher un ennemi, derrière chaque sourire, un poignard. Tu devras faire attention, ne pas accorder ta confiance au premier venu. Assure-toi que les gens qui t'entourent ne soient pas des traîtres. Personne, je dis bien personne, ne doit savoir qui tu es, d'où tu viens.
– Mais, hésita Anaïs, intimidée, je n'ai pas la moindre idée de comment fonctionne ce monde, je ne pourrai pas mentir sans savoir ce que les gens savent, eux.
– Tout d'abord, tu ne t'appelle pas Anaïs, mais Solem. C'est le nom que t'ont donné tes parents à ta naissance. Il ne dira rien à d'éventuels espions, alors que ton nom terrestre dévoilera immédiatement ton rôle. De même pour ta sœur, qui ne s'appelle pas Léna mais Lizia.
Sans s'en apercevoir, elles s'étaient arrêtées de marcher. Le soleil d'un rouge incandescent plongeait doucement dans la mer, le ciel se faisait de plus en plus sombre et quelques étoiles s'allumaient timidement.
– Ça ne suffira pas... murmura Anaïs. Je n'ai toujours aucune connaissance de ce monde...
– Suis-moi, ordonna Elea en lui tendant la main.
La jeune fille s'en saisit, après une seconde d'hésitation. Le monde sembla alors se brouiller autour d'elles, les couleurs et les sons se dispersèrent puis se rassemblèrent, dans une autre combinaison.
Anaïs lâcha la main d'Elea. Elles se trouvaient maintenant dans une bibliothèque immense, dont les voûtes du plafond se perdaient dans l'ombre.
Anaïs fronça les sourcils, elle reconnaissait l'endroit.
– C'est ici que je vous ai rencontrée pour la première fois, dit-elle.
– Oui, acquiesça Elea. Et sais-tu quel est cet endroit ?
La jeune fille prommena son regard sur les étagères qui s'élevaient autour d'elles.
– Non, finit-elle par répondre.
– Prends un livre, n'importe lequel, et ouvre-le.
– Je ne peux pas, lâcha Anaïs. J'ai essayé la dernière fois et ça ne marchait pas.
– Réessaye.
La jeune fille s'exécuta, de mauvaise grâce.
Comme prévu, elle se heurta à une barrière invisible. Elle lança un regard fataliste à Elea qui fronça les sourcils.
Cette dernière s'approcha et posa ses doigts fins sur la reliure bleue nuit d'un livre sans aucun problème. Ce fut au tour d'Anaïs de froncer les sourcils.
– Comment faites-vous ça ? interrogea-t-elle.
Pour toute réponse, Elea lui prit la main et lui dit de fermer les yeux. Puis elle la posa doucement sur un livre. Aucune barrière invisible ne l'empêcha de passer.
– Comment est-ce possible ? s'écria Anaïs, interloquée.
La blonde resta muette un instant puis déclara, d'un ton grave :
– Cette bibliothèque, Solem, c'est ta mémoire. Chaque livre que tu vois renferme un épisode de ta vie, des souvenirs heureux ou non. C'est un sanctuaire sacré de ton histoire, de ton passé. N'importe qui ayant accès à cet endroit connaîtra tes secrets les plus intimes, chaque seconde de ton existence.
Anaïs avait blêmit.
– Mais alors... vous... vous... bégaya-t-elle.
– Non, je ne connais pas tous tes secrets, si c'est cela qui t'inquiète, répondit Elea. Je n'ai pas ouvert chaque livre de ta bibliothèque.
– Mais comment faites-vous pour y avoir accès ?
– Te souviens-tu du jour où tu es passée à Engamella pour la première fois ? Ton amie était blessée, puis tu as cru t'évanouir et tu es arrivée dans une bibliothèque.
Anaïs hocha la tête, la lumière commençait à se frayer un chemin dans son esprit.
– Cette grande bibliothèque avec la mer... c'était donc celle de Lucia ?
– Oui, c'est cela.
– Mais je n'ai aucune idée de comment j'y suis entrée !
Elea la fixa d'un regard intense.
– Réfléchis bien, l'encouragea-t-elle.
– Je... Je ne sais pas, répondit Anaïs après quelques secondes. Je ne sais vraiment pas.
La femme sembla embêtée. Elle ne s'attendait visiblement pas à cela.
– Bon, se résigna-t-elle, tu dois savoir que chaque personne au monde a une manière différente de vivre, de penser, et par conséquent une bibliothèque différente. Mais toutes ces bibliothèques ont un point commun : elles sont impénétrables. Des murailles invisibles et immatérielles empêchent le passage de quoi que ce soit.
– Mais, protesta Anaïs, alors pourquoi pouvez-vous venir dans mon esprit, et pourquoi j'ai pu aller dans celui de Lucia ?
– Parce que tu es télépathe, lâcha Elea.
– Je... Pardon ?!
– Ce n'est pas pour rien que ta sœur et toi êtes les Élues. Vous possédez les deux sangs, ce qui n'est jamais arrivé auparavant, et cela vous confère des pouvoirs spéciaux, dont celui de la télépathie.
Anaïs resta sans voix pendant de longues secondes.
– Et... Et vous ? Vous avez aussi les deux sangs ?
– Non, mon cas est une autre histoire...
La jeune fille ouvrit la bouche pour lui demander des détails mais déchanta vite.
– Que je ne te raconterai pas.
Elle croisa les bras sur sa poitrine et pinça les lèvres.
– Et maintenant ? demanda-t-elle.
– Maintenant tu dois apprendre à accéder à tes propres souvenirs. Quand ce sera fait, tu pourras accéder à la mémoire d'autres personnes et seulement là tu seras en pleine possession de tes pouvoirs. J'aurais aimé t'aider mais je n'en ai pas le temps, car il faut que je t'explique votre mission, à Lizia et toi, plus en détails.
Anaïs redevint attentive.
– Tu sais déjà que vous êtes les deux Élues de la prophétie et que vous devez retrouver douze clés pour ouvrir le Jardin des Légendes et les libérer. (Anaïs hocha la tête) Mais ce que tu ne sais pas, c'est où sont ces clés. Il y a donc douze clés, parce qu'il y a douze Légendes. Parmi elles, il y a deux clés pour chaque élément : la Terre, le Feu, l'Eau et l'Air et quatres clés pour la Vie, la Mort, la Justice et l'Harmonie. Ces quatres dernières sont surnommées les Puissantes, car elles contrôlent, en quelque sorte, les autres. As-tu une carte du Royaume d'Engamella ?
– Oui, même si elle est assez sommaire, répondit la jeune fille.
– Bien. Je vais te montrer où sont les clés et tu devras les placer sur ta propre carte à ton réveil.
Elea fit apparaître une carte sous les yeux ébahis d'Anaïs et y plaça dix points.
– La position des clés que je t'indique ici est assez vague, car je ne sais pas exactement où est située chacune d'elle, mais tu auras tout de même une idée d'où chercher. Tu as déjà une clé, ta sœur aussi, il ne vous en reste plus que dix à trouver. Après cela, vous vous rendrez dans les Montagnes Célestes, devant le Jardin, et vous l'ouvrirez.
Anaïs trouva que cela faisait beaucoup d'informations à enregistrer en si peu de temps, aussi fut-elle soulagée lorsqu'Elea déclara qu'elle n'avait plus le temps de lui dire autre chose.
– J'aurais aimé te parler du système gouvernemental et des règles du Royaume mais je n'ai plus le temps. Tu le découvriras par toi-même, à tes dépens.
Et elle disparut.
Anaïs resta plantée au même endroit, les bras ballants. Son cerveau tentait en vain de remettre en ordre l'avalanche d'informations qu'il venait de recevoir.
– Bon, dit-elle à haute voix, il faut que j'apprenne à ouvrir l'un de ces fichus bouquins !
Elle s'approcha d'une étagère, tendit la main... Et se heurta à une barrière invisible. Elle grommela un juron, ferma les yeux et, tentant de retrouver les gestes et sensations qu'elle avait eues quand Elea lui avait fait toucher le livre. Après une dizaines de tentatives, elle dut s'avouer vaincue.
Elle se laissa tomber au sol, remonta les genoux contre sa poitrine, croisa les bras dessus et enfouit sa tête dans ses coudes.
– Pourquoi je n'y arrive pas ? sanglota-t-elle dans le silence qui s'était fait oppressant. Qu'est-ce qui cloche avec moi ?
Elle laissa les larmes couler sur ses joues.
– En plus je ne sais même pas comment sortir d'ici...
De longues minutes passèrent, pendant lesquelles la jeune fille prit pleinement conscience de sa situation, si bien que toute trace d'espoir finit par la quitter.
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