Chapitre VIII

Le monde n’était plus que tâches de couleur informes et bruits dissonants. Anaïs se concentrait de toutes ses forces pour ne pas lâcher la main de Léna, qu’elle serrait dans la sienne.

Une poignée de secondes auparavant, les jumelles avaient dit adieu à leur monde et avaient enclenché le téléporteur. Tout d’abord, rien ne s’était passé. Puis, petit à petit, le décor autour d’elles s’était altéré, s’était mis à tourbillonner de plus en plus vite et à présent, elles n’avaient plus aucun repère matériel fiable. Même le sol avait disparu, leur donnant l’impression désagréable de se trouver au cœur du néant.

Au bout de ce qui lui sembla une éternité, Anaïs sentit enfin un sol dur sous ses pieds et sa vision redevint de plus en plus nette. Lorsqu’elle eut retrouvé ses esprits, elle poussa un petit cri de surprise : elle se trouvait dans la forêt où elle était venue la toute première fois, avec Lucia ! À côté d’elle, sa sœur avait eu la même réaction, apparemment, elle aussi connaissait déjà l’endroit.

La jeune fille laissa tomber au sol le sac qu’elle portait sur ses épaules. Elle était allée le récupérer sur son vélo avant de partir et avait fourré dedans toutes ses affaires, et celles de sa sœur. Elle sortit les objets un à un, vérifiant que tous étaient en bon état. La gourde était encore pleine, la lampe marchait à nouveau, de même que le talkie-walkie, leurs téléphones ne captaient rien mais fonctionnaient toujours, son fidèle lecteur mp3 avait lui aussi résisté au voyage et la carte routière de Lucia n’avait pas bougé d’un poil. Anaïs trouva aussi deux paquets de mouchoirs, une boîte de biscuits, un bloc-note et un crayon que son amie avait dû ajouter à son intention.

Elle remballa ses affaires et remit le sac sur son dos.

– Attends, fit Léna, songeuse. Tu penses qu’on pourrait prendre des photos pour les montrer à nos familles quand on reviendra ?

Anaïs s’abstint de dire qu’il était peu probable qu’elles rentrent un jour et tendit son téléphone à sa sœur.

Cette dernière le déverrouilla fébrilement et le brandit vers un arbre au feuillage rose bonbon. Elle prit la photo puis regarda le résultat. Anaïs se pencha elle aussi sur l’appareil et poussa un soupir de déception : la photo se résumait à une tache floue d’une couleur incertaine entre le marron, le vert et le orange.

– Au moins on a notre réponse… grimaça-t-elle.

Léna rangea l’appareil dans le sac et les jumelles se mirent en marche.

– La dernière fois que je suis venue ici, commenta Anaïs, j’ai marché des heures avant de me rendre compte que je tournais en rond.

– Moi aussi, fit sa sœur en hochant la tête. Nous n’avons qu’à marcher tout droit et nous verrons bien si ça nous mène quelque part.

La jeune fille fit une moue dubitative mais ne dit rien. Elle avait l’impression que sa sœur était morose, sans pouvoir l’expliquer. Quelque chose dans le ton de sa voix, sans doute.

Au bout d’un quart d’heure de marche, Léna, qui marchait en tête, s’arrêta brusquement et Anaïs manqua de la percuter. Devant elles, un petit ruisseau gazouillant courait sur son lit de galets, ses eaux limpides comme du cristal accrochant les reflets du soleil à travers la voûte des arbres, créant un ballet de couleurs ravissant.

Anaïs poussa un sifflement admiratif.

– Si nous suivons ce ruisseau, il y a des chances pour que l’on sorte de cette forêt ! s’enthousiasma-t-elle.

Les jeunes filles repartirent d’un pas vif, courant presque le long de l’eau. La forêt s’étendait devant elles, infinie. Elles avaient beau avancer, avancer et avancer encore, aucune lisière ne se devinait à l’horizon. La forêt les retenait.

Puis, alors qu’elles croyaient tout espoir perdu, les jumelles se retrouvèrent soudainement dehors. Une seconde auparavant, les arbres les entouraient de toute part, l’instant d’après elles étaient sorties. Anaïs fit un pas en arrière et se retrouva en plein cœur de la forêt. Elle refit un pas en avant, elle n’y était plus.

– Une illusion d’optique… murmura-t-elle, éberluée.

Elle s'intéressa ensuite au paysage qui s’étendait sous leurs yeux. Le ruisseau qu’elles suivaient depuis un petit moment jaillissait dans une plaine d'herbe légèrement jaunie par le soleil brûlant et parsemée de bosquets de feuillus, ceux-ci aux feuilles d’un vert rassurant. Des collines aux formes douces dissimulaient l’horizon aux yeux des jumelles. Le ciel d’un bleu limpide abritait de rares nuages effilochés et des rapaces tournoyaient sous sa voûte,poussant de temps à autre un cri perçant.

Les jeunes filles firent quelques pas hésitants dans l'herbe, laissant la forêt multicolore dans leur dos. Une phrase de la première lettre qu’avait reçue Anaïs lui revint à l’esprit : Suis le chemin de l’eau.

– Je pense que nous devrions continuer à suivre cette rivière, déclara-t-elle, pensant que les mots n’étaient pas destinés uniquement à trouver le point de rendez-vous fixé par le mystérieux inconnu.

– Bonne idée, approuva sa sœur, le regard absent.

Les deux jeunes filles longèrent le cours d’eau, observant avec attention chaque détail du paysage environnant. Les collines s’étendaient à perte de vue, dissimulant peut-être une habitation ou une quelconque preuve de présence humaine. L’herbe sous leurs pieds, d’une teinte jaune pâle, crissait sous leurs pas. À plusieurs reprises, elles virent d’étranges herbivores au pelage brun et ras, dotés de cornes recourbés sur les côtés de la tête s’enfuirent en bramant de derrière un buisson, effrayés par leur présence. Le soleil déclinait lentement vers l’horizon, Anaïs estima qu’il devait être environ seize heures. À la chaleur vint bientôt s’ajouter la faim, la jeune fille se dit que si elles ne trouvaient pas vite de quoi se nourrir, elles allaient bêtement mourir de manque de nourriture, inconnues de tous. Elle secoua la tête, chassant ses pensées peu agréables et rejoignit sa sœur qui avait pris un peu d’avance.

À la tombée de la nuit, les jumelles n’avaient toujours pas vu un signe de vie humaine. De grands oiseaux blancs planaient paresseusement dans la lumière orange du soleil couchant. Anaïs fit la moue, ce coucher de soleil n’avait rien de romantique, ni même d'impressionnant. Elles s’installèrent dans un petit bosquet pour dormir. Elles grignotèrent les biscuits sans échanger un mot. L’atmosphère était étrangement pesante, chacune constatant l’ampleur de leur décision, et se demandant si elles avaient fait le bon choix. Quand le soleil disparut complètement, elles décidèrent de dormir, leurs estomacs à peine rassasiés par les petits gâteaux. N’ayant rien pour se coucher, elles s’allongèrent à même le sol, sur un tapis de mousse épaisse. Au moins, il ne faisait pas froid.

Cette nuit-là, Anaïs rêva longuement de sa famille, de sa ville et de Lucia.

···✷☬۝☬✷···

Sorry, j'avais un tout piti peu oublié qu'on était mercredi ^^'

J'ai fait de l'équitation ce matin c'était super 👀

Eeeeeet sinon j'ai vu qu'on était à 100 vues sur l'intro ! Et 11 sur le chapitre 7 😑

Donc merci à ceux qui sont encore là x)

⚜️ Lise ⚜️

🌟 Merci de voter si l'histoire vous plaît ! 🌟

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top