Un roi pour la faerie
Prostré dans un coin de la chambre, assurément le coin le plus obscur, l'ancien Dieu, l'ancien Dieu, le fils adoré de Danu gis là dans l'obscurité presque totale. Les rideaux tirés lui assurent une obscurité satisfaisante. Il n'est pas d'humeur à se laisser réchauffer par le soleil. L'astre solaire est capable de repousser ses sombres pensées mais il ne veut pas de son pouvoir salvateur, comme il refuse d'être aimé et vénéré à nouveau. Les seigneurs ont parlés. Les Nemediens l'ont choisi pour être le prochain roi. La nouvelle n'a pas encore été annoncée, mais il l'a appris de source sûre. Il sera le prochain roi. Les autres candidats n'ont pas été retenu. Bien sûr, il faudra que la pierre fial hurle son nom, mais ce n'est qu'une formalité. Les Nemediens sont l'essence même de la royauté. Quand ils prononcent un nom, ce n'est jamais en vain.
Pourtant, il ne mérite pas tout cela ! L'ont-ils tous oubliés ? Ce qu'il a fait ? Il a tué sa femme, l'a fait assassinée ! Pire. Il a laissé la faerie s'ensevelir sous la terre, il a laissé Lugh, prendre leur magie sacrée et la confinée dans son Chaudron. Comment pourrait-il encore y avoir un espoir pour lui ? Il n'était bon que pour les ténèbres. Son cœur en était après tout rempli, à ras-le-bord. C'était chez les Drow qu'il aurait dû aller. Car même les Unseelie ne pourraient l'accepter, après ce qu'il a fait. Une âme aussi noire habitant un corps voué au soleil, quelle tristesse !
Il plaqua ses mains devant ses yeux quand un rayon pernicieux tenta de convoler jusqu'à lui. Fi du soleil ! Il avait décidé d'adorer les ténèbres désormais. Il ne méritait ni le trône ni la cour, ni rien de tout cela. Pas même Nimue qu'il entendait s'agiter de l'autre côté de cette porte. S'il n'avait voulu rester prostré il lui aurait arraché le balai des mains en lui rappelant qu'elle avait été esclave. Avait-elle vraiment envie de revivre ça ?
Pourquoi restait-elle auprès de lui alors qu'il était évident qu'il était un cas désespéré ? Il aurait aimé la secouer mais ne pouvait quitter ce coin de la chambre. De toute façon, il avait réduit en charpie les oreillers, et briser les miroirs, de ce fait, morceaux de verres et plumes se mêlaient sur le sol.
Et il était pied nu. Quelques morceaux de verre s'étaient incrustés dans sa chair. Il avait tout détruit dans un accès de rage. Le problème avec la colère c'est que lorsqu'elle s'en va, il ne vous reste plus rien. Il se sentait vide, épuisé, et terrifié.
En vérité, il n'y avait pas que ses pieds qui étaient nus. Il l'était tout entier. Sale et nu. Recroqueviller dans un coin de sa chambre comme un enfant sauvage qu'on aurait obligé à prendre un bain. Il observait les ténèbres où dansait la poussière avec un air mauvais, et une lueur de défi brillant dans les yeux. Viens donc me chercher ! semblait-il dire.
Puis ses yeux quittèrent la poussière. Il senti l'énorme boule dans sa gorge nouée. Son estomac était serré. Il n'avait pourtant pas l'intention de sortir pour se nourrir. Se sustenter était exclu. La faim devait le hanter comme le souvenir des méfaits du passé et de son incompétence, de son impossibilité, et de sa lâcheté. Il ne pouvait accepter cette couronne comme il ne pouvait accepter la nourriture.
Cloîtrer dans sa chambre, il espéra que Nimue ait oublié, chose impossible ou presque, puisqu'elle avait été convié au couronnement par les nobles en personne. Seule la druidesse avait un quelconque pouvoir sur lui quand il était dans cet état là et il craignait qu'elle ne tente de l'en faire sortir. En dépit de son état, elle le supportait, et croyait réellement qu'il pourrait être le nouveau Haut Roi. Quand elle le lui susurait à l'oreille, il y croyait, mais dès qu'elle cessait de lui murmurer ses belles paroles, son esprit sombrait à nouveau dans les ténèbres vagissantes.
Derrière la porte, il l'imaginait déjà, les cheveux en bataille, l'air plus sauvage que jamais, aussi terrifiante que belle. Nimue était belle quand elle était en colère. Dagda n'avait cessé de le lui répété. Il n'essayait pas d'encenser spécialement la colère mais estimait que, vu ce qu'il lui était arrivé, ce sentiment était tout à fait sain et digne d'être porté au nues.
Cependant, Nimue n'eut jamais l'occasion de se rendre justice, mise à part quelques meurtres de romans par ci par là auquel Dagda l'eu convié à l'époque. Il avait tout de suite vu en elle quelqu'un de spécial, bien que, lorsqu'il la trouva, à moitié nue, à moitié morte, couverte de sang, et pas que le sien, tremblante de froid, il ne vit qu'une enfant fragile ayant besoin de quelqu'un de plus fort. Il n'était plus le Dieu-Druide, mais avait besoin de prendre soin de quelqu'un, et ce fut elle qu'il choisi. Il cessa de voir en elle une enfant, avec le temps, et au fond, ne la considéra jamais comme sa fille. Elle n'était pas son enfant.
Et bientôt, ce fut elle qui se comporta parfois en mère pour lui. Ils se protégeait, l'un et l'autre, se sauvaient mutuellement la vie, sans même le savoir, se maintenaient en vie, se donnaient un but, et un univers, sale et branlant mais un univers quand même. Et quand le monde eut cessé de croire en eux, il leur restait l'autre. Mutuellement, ils s'épaulèrent. Jusqu'à ce qu'elle lui parle de ce Chaudron. Comme elle avait éveillé en lui son ambition, qu'il croyait endormie à tout jamais, et comme elle l'avait transformé. Jusqu'à ce que ces phases apparaissent.
L'Irlande, le pays, la maison, il croyait qu'ici il retrouverait sa force, son ancien moi, qu'il pourrait faire de grandes choses pour son peuple qui avait besoin de lui, plus que jamais. Mais devant l'ampleur de la tâche, il avait cedé à la panique et avait ouvert la porte aux ténèbres qui s'y étaient engouffré.
A présent, il sentait ces phases obscures se rapprocher, durer plus longtemps, et craignait qu'elles ne soient trop fortes, qu'elles l'emportent définitivement dans les ténèbres. Il se serait réfugié en enfer s'il avait pu. Les lumières qu'on attendait de lui s'étaient éteintes naguère, et désormais, il peinait à trouver quoi que ce soit qui puisse être utile aux feys en lui.
Un roi devait pouvoir guider son peuple, n'être que lumière et espoir, avoir une volonté forte, savoir ce qu'il faisait, où il allait, remporter les coeurs, gagner la confiance de tous, et leur apporter la paix. Mais il n'y avait en lui que le chaos, la mélancolie et la rancoeur, comment pouvait-il leur apporter tout cela. Comment pouvait-il changer ce qui était défait à tout jamais?
Mais il n'avait pas le choix. La cour d'été exigeait d'avoir un roi à sa tête, et le conseil des anciens, des hauts seigneurs avait parlé. C'était eux, les Nemediens qui décidaient. Ils étaient parmi les plus anciennes créatures magiques peuplant cette terre battue par la mer. C'était à eux que revenaient la décision de choisir les rois. Ils avaient ironiquement choisi Nuada, le roi au bras arraché, le roi qui avait perdu sa couronne, pour gouverner la cour d'hiver.
Dagda ignorait pourquoi ils avaient choisi de le couronner lui, roi. Il était un druide et non un roi. Autrefois, on lui avait donné le titre de Haut Druide, tandis que Nuada était le roi de la faérie. A l'époque, il n'y avait de cour les divisant. Ils étaient tous unis. Vivant ensembles, heureux. Il n'y avait de dieux alors. Ce genre de mot n'existait même pas. Danu était leur mère à tous. Et lui, occupait la figure paternelle en l'absence de son géniteur qui comme le soleil, disparaissait dès l'apparition de l'hiver. Il en avait toujours été ainsi.
Jusqu'à ce que Lugh ne devienne le roi, jusqu'à ce que la cour entière se sépare en deux cours. Celle d'été, des Seelies, brillante, lumineuse, remplie de rire, de fêtes, dédié à l'amour de l'art, et à l'amour, à la douceur de vivre, à la lumière, mais aussi refusant l'imperfection sous aucune forme ni physique ni mentale. La cour Seelie où chacun cherchait briller autant que possible, tentant d'oublier sa part de ténèbre, jusqu'à parfois, en devenir totalement fou. Et de l'autre côté, la cour d'hiver, les Unseelies, une cour de ténèbre, de folie, et de rage, une cour rougeoyante, une cour remplie de vice. On y festoyait aussi, mais dans des orgies sans fin, le sang coulait pour le plaisir, la guerre était célébrée autant que la cruauté. Dans la cour sombre, à l'inverse de la cour de lumière, c'était la part de ténèbres de ces êtres bannis, privés de leur magie, suffoquant dans l'Autre Monde qu'on acceptait.
Les deux cours finirent par se faire la guerre, alors que l'Autre Monde se mourrait, que toute la magie s'y trouvant disparaissait à tout jamais. Quand Lugh les mena au dehors, dans le monde des humains, les feys étaient à peine vivant, des spectres hantés par le souvenir de leur gloire passée. Les Seelies se sont réfugiés dans des lieux qui leur ressemblaient, dans des îles paradisiaques, dans des hôtels luxueux, à Los Angeles, à Hollywood, à Casablanca, dans les îles grecques tandis que les Unseelies portant les marques de leur souffrance ont choisi les lieux sombres et obscurs leur ressemblant, les bas fond de New York, les rues sanglantes de Dublin, les étendues désertiques de la scandinavie.
Quand les survivants aux guerres humaines, aux dernières guerres magiques, les derniers feys encore en vie, décidèrent de revenir sur les îles les ayant vu naître, ils dépendaient encore des deux cours. Dagda avait cru naïvement que les deux cours s'effondreraient et qu'on en reviendrait à l'ancienne cour, aux anciennes traditions. Mais il n'en était rien.
La cour sombre s'était installée sur l'île de Findias tandis que la cour de lumière avait choisi l'île de Murias. Les Nemediens s'étaient réunis sur l'île Falias et avait fait venir sur la Pierre de Fial les différents candidats qu'ils avaient. Que la pierre ait hurlé quand Nuada s'est installé sur elle n'avait rien d'étonnant. C'était le Dieu Roi. Mais Dagda lui n'avait rien d'un roi, il était un druide. Les temps avaient hélas changés. Il ne pouvait cependant refuser.
C'est cette pensée qui le sorti de sa torpeur. Il quitta les ténèbres qui le drapait en tirant sur les rideaux, et laissa la magie en lui rayonner au contact des rayons de la lumière. Sa peau pâle brillait à présent de mille feu. On aurait dit un rayon de soleil à lui tout seul. Sa main de pouvoir, celle qui lui était resté après qu'ils eurent mit tous leurs pouvoirs et leur magie dans le chaudron, était celle du soleil, de la lumière.
Peut-être était-ce pour cela qu'on avait cru qu'il ferait un bon roi pour la cour de lumière. Il l'ignorait lui-même. Mais il fallait un roi pour que le sithin reprenne vie, et il fallait un roi pour que la cour prenne sens. A défaut d'avoir un Roi unique, ils en auraient deux. Qui était-il pour critiquer ? L'enfant premier de Danu ? Ce n'était qu'une vieille légende cela. Lugh était le plus puissant d'entre eux alors qu'il était aussi parmi les plus jeunes. L'âge ne voulait rien dire. L'important, c'était la volonté, et votre dévouement à la magie. Il avait trop longtemps été plongé dans les ténèbres, il ignorait s'il était même capable de rayonner à nouveau comme avant, s'il pouvait à nouveau guider son peuple.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top