Le domaine des ténèbres

Quand il reprit un peu conscience, il se rendit compte qu'il était dans un lit, alors que sa bien aimée allumait quelques bougies, ses yeux habitués aux ténèbres l'aidaient à comprendre où il se trouvait. Le château. Il se trouvait dans un château d'obsidienne, sombre, et ténébreux, étrange et inhospitalité pour lui. La demeure où vivait son aimée. Ironiquement, il savait que sa présence ici était une sorte d'insulte à la nature des choses, lui être de lumière au royaume des ténèbres, lui le nouveau roi des Seelie, dans le palais des drows. Si quelqu'un le voyait ici... 

Et cependant, c'était là où vivait son grand amour. Il avait le droit d'être ici, au nom de l'amour les unissant, et du serment qu'ils s'étaient fait, de ne plus jamais se quitter. Il présentait que les lois naturelles allaient se liguer contre eux. Combien de barrières allaient-ils devoir abattre et briser ? Il avait jurer de protéger les feys, les Seelie, et il avait juré de la protéger, elle, une drow, celle qui faisait battre son cœur. 

Les lois naturelles s'opposaient à leur union, et probablement que des armes entières pourraient s'affronter du simple fait de sa présence ici. Mais il s'en fichait. Il se sentait le cœur à combattre férocement ces armées et ces indélicats qui ne s'abaissaient devant la puissance de l'amour les unissant. Ses yeux se posent sur son amour qui vient à lui, un flacon dans les mains, le regardant comme un premier jour, et il se met à enregistrer ses traits comme si c'était la dernière fois qu'il la voyait ou peut-être, la première fois.

«     Ce que je t'ai donné va aider ton Glamour à se régénérer. Tu devrais bientôt aller mieux, mais tu vas rester affaibli pendant quelques temps... 

Qu'elle était belle, celle qui bravait les ténèbres et leurs lois occultes pour l'amener ici, dans ses appartements où il voyait des livres à côtés d'étranges fioles. Il était presque douloureux de contempler sa beauté. Son cœur ne pouvait s'empêcher de craindre de la perdre, en dépit de leur serment, en dépit de sa certitude et de sa foi absolue en leur amour. 

Eire était la seule chose qui lui importait, le seul être dont il avait besoin, la seule personne dont l'amour importait. Il sourit en la voyant s'approcher de lui, s'asseoir sur le lit à côté de lui. Il était si fragile, même pas fichu de se décaler pour lui faire une petite place. 

Elle porta à ses lèvres une fiole. Tout en lui aurait dû se méfier de ce qu'elle contenait, mais il avait trop confiance en elle pour douter de ses intentions. Il pourrait commettre tous les pêchés pour elle. Aussi but-il en toute confiance, écoutant ses paroles, sentant son cœur remuer, son âme s'agiter, bruisser à l'idée de cette union plus complète encore qu'elle ne l'avait été auparavant, parce qu'ils avaient franchit une barrière qui aurait dû leur sembler infranchissable. 

– Tu as pris trop de risques en t'aventurant sur ce Territoire dans cet état... dit-elle.

Il sourit en l'entendant le sermonner. Tant qu'elle ignore ses penchants suicidaires du passé, et ces qu'il avait tenté de faire auprès Elatha. Il lui cacherait cela tant qu'il le pourrait. Mieux valait qu'elle ignore tout de ces actes là, impardonnables. 

– Toi aussi tu prends des risques en m'amenant ici, répondit-il dans un effort pour que sa voix soit plus qu'un simple souffle inaudible. 

Ses yeux s'emplirent de larmes alors qu'il réalisait combien il leur serait difficile de se voir. Il était roi. Roi Seelie. Ses gardes tueraient Eire avant même qu'elle n'ait le temps de franchir le seuil du sithin si elle venait à lui. Et s'il venait la voir, ce serait les sluags qui se chargeraient de lui. Oh il ne doutait pas de leur capacité à chacun à survivre à quelques gardes, mais quel combat allaient-ils devoir mener à chaque instant pour voler quelques moments d'intimités ? 

– Oh mon amour... souffla-t-il dans un sanglot. J'aimerais tellement pouvoir détruire ces murs infranchissables... pourquoi ce monde est-il devenu si compliqué, pourquoi ne pouvons-nous pas vivre notre amour simplement ? 

Il avait prit sa main dans la sienne et la serrait en tremblant d'effroi à l'idée de la perdre encore une fois. Il ne pourrait le supporter.

Dagda lui sourit, doucement, gauchement, mais un sourire qui puisait sa force dans l'amour qu'il lui portait. Il ne comptait pas argumenter avec elle sur les risques. Eire avait toujours possédé une intelligence et une raison qui supplantait de loin certains des nobles à la cour. Chaque risque qu'elle prenait était pris en considération, et il ne doutait point qu'elle savait ce qu'elle faisait, qu'elle le savait très exactement. Il l'aimait aussi pour cela. 

– Les risques que je prends sont bien moins importants, fit-elle en laissant courir ses doigts sur son visage.

Elle était belle mais aussi intelligente, aussi maligne qu'aimante, aussi délicieuse à embrasser qu'intéressante à discuter avec. Leurs discussions passionnées lui avait manqués mais moins que leurs embrassades, et la chaleur de son corps contre le sien. A l'époque, ils dormaient nus, lovés l'un contre l'autre, la chaleur de leur corps s'attisant mutuellement, la lumière jaillissait d'eux tel le bonheur qui se concentrait en eux. Tant d'amour et de passion. Cela avait été un don, un don de Danu, qu'elle n'aurait pu leur reprendre en dépit de leurs méfaits. C'était rassurant de se dire qu'en dépit de toutes ses erreurs il pouvait encore aimé et être aimé, qu'Eire ne le jugerait pas, qu'elle ne le ferait jamais.

A elle, il pourrait lui dire, sa peur d'être un mauvais roi, sa crainte de décevoir tout le monde, sa peur de ne pouvoir vaincre les ténèbres qui alourdissait le futur, mais aussi, il pourrait lui dire qu'il avait tenté de commettre l'irréparable, qu'il avait abandonné la foi et tout espoir, qu'il avait sombré plus profondément encore qu'elle ne le pensait. Il pourrait tout lui dire sans craindre d'être jugé. Tout ce qu'il craignait c'était de la blesser, de la peiner. Car il ne pouvait qu'imaginer ce que cela lui ferait, de savoir jusqu'où il avait sombré loin d'elle. Et il ne pourrait l'empêcher de se demander et si j'étais restée. Mais il doutait qu'elle même aurait pu le sauver. Personne n'aurait pu. Mais son amour pouvait le sauver maintenant. Il en avait besoin plus que jamais. Il avait besoin d'elle à ses côtés.

Et cela le terrifiait, la simple idée qu'elle ne puisse y être.

– Ces murs deviendront franchissables...  murmura-t-elle, ne faisant qu'énoncer un fait. Sa voix était pourtant lourde, chargée d'inquiétude pour des lendemains sombres. 

Son doux baiser n'éteint pour autant l'inquiétude et les larmes menacent finalement de couler hors de ses joues. Il voudrait les retenir. Pleurer ainsi devant elle, il voit cela comme un signe de faiblesse et cependant, il ne peut contenir plus longtemps l'émotion qui l'étreint, le sentiment d'impuissance qui le gagne. Comment combattre quand on se sait vaincu d'avance ? Sa douce le regarde, et il sent en elle, le doute s'insinuer, la colère peut-être, il aimerait tant parfois lire ses pensées.

– Il y a peu de temps de cela, le simple fait de te retrouver paraissait être de ces murs si gigantesques qu'on ne peut les traverser. Et pourtant, regarde-nous aujourd'hui. 

Elle saisit sa main, et il étouffe un sanglot. La fatigue le rend peut-être plus sensible, mais c'est nul doute, la présence de son grand amour qui attise ainsi les flammes de son cœur, et rend tout idée de séparation insupportable. S'il était plus vaillant, la colère l'aurait emporté, mais il est démuni et rompu. Face à son désarroi, elle lui appose sa foi indéfectible en leur amour, qu'elle impose d'un sourire.

– Cela fait des siècles que je n'ai pas été aussi heureuse qu'en cet instant, Dagda. J'ai connu la satisfaction et la joie. Le soulagement. Mais ce bonheur, je ne l'ai jamais partagé qu'avec toi. Il vaut tous les murs infranchissables du monde. 

Il lui répond d'un sourire, fatigué, mais néanmoins contenant plus de force que quelques minutes auparavant. 

– Nous trouverons une solution. Nous ne nous sommes pas retrouvés pour nous quitter à nouveau. 

Cette certitude se conclue dans un sourire plein d'espoir pour l'avenir, un espoir qu'il voudrait partager, qu'il épouse en cette nuit étoilée où tout paraît plus lumineux parce qu'elle est là.

– Tu n'aurais pas dû me donner cette potion, si je vais mieux, je devrais m'en aller, et je n'ai aucune envie de passer une seule seconde de cette nuit loin de toi, fit-il en tendant sa main vers elle tentant de gagner sa joue sans vraiment y parvenir.

– Qu'aurais-tu fait si j'étais venue à toi de jour, mourante, au sein de ta Cour ? 

La question n'était que pure rhétorique. Bien sûr qu'il aurait tout tenté pour la sauver. Même s'il n'était pas certain d'en posséder encore le pouvoir. Son glamour avait été avalé par le sithin qu'il avait dû alimenter une seconde fois après le désastre qui s'était produit, et le glamour que lui avait offert Danu avait été ingurgité par le sithin une fois la meute sauvage disparue. Il lui était resté tout juste assez de force pour venir jusqu'ici. Pour y mourir ? Non. 

Danu avait d'autres projets. Et comment ne pas voir dans cette rencontre avec son grand amour comme un dessin de sa mère, la déesse mère de tous ? Il ne pouvait croire que Danu les laisseraient à nouveau être séparé ! Peut-être avaient-ils mérités de souffrir après avoir été aussi heureux alors que Morrigan gisait quelque part, le ventre éventré, baignant dans son sang que Dagda avait fait coulé, mais ils en avaient payé le prix. Eire comme lui. Plus que de mesure.

 Tant de souffrances devaient s'achever, maintenant. Cela serait cruel de les réunir pour les séparer à nouveau, si cruel. Il ne pourrait le supporter. Si Eire lui était arraché, il pourrait bien se tuer, pour ne plus avoir à ressentir ce vide. A cet instant, il se sentait comme Roméo à la fin de la pièce, la dague pouvait bien s'enfoncer dans son cœur, à la simple idée de ne plus jamais la revoir, de ne plus jamais la sentir contre lui, comme à cet instant où elle se lovait contre lui.

Alors sa main retombe et s'accroche à sa main, qu'il tente de tirer, sans vraiment avoir la force d'imposer sa volonté. Il sourit doucement, élargissant ce sourire déjà présent.

– Allonge toi près de moi, je veux profiter du peu de temps que nous avons ensemble.  Avant de songer aux combats futurs pour nous retrouver, je veux être près de toi, cette nuit, Eire, glissa-t-il dans un souffle.  

– Tu as raison. Ne pensons pas encore à ces combats. Et il y aura encore bien d'autres nuits à partager, bien d'autres moments à vivre ensemble. 

Le regard qu'il lui portait était plein d'amour mais non de béatitude, car l'ombre du spectre de la séparation le hantait, et rendait ses traits attristés en dépit de la proximité de son amour qui illuminait son cœur et lui redonnait joie de vivre et chaleur. Aussi étonnant que cela puisse paraître, en dépit de la froideur de sa chair, il ressentait une douce chaleur en la regardant, en la sentant à ses côtés, en caressant sa joue d'une main délicate et douce.

Comme lui, elle savait au fond de son cœur, que les barrières tomberaient. L'amour était plus fort que tout, et l'amour pouvait tout briser, l'amour les unirait à nouveau, comme il l'avait fait des millénaires auparavant. La contemplant, droit dans les yeux, il lui dévoila ses pensées. 

– Danu ne nous laissera pas tomber une seconde fois. Mère n'est pas si cruelle que cela. L'amour dont elle nous a doté est trop fort pour céder aussi facilement. Je n'ai plus aucun doute à ce sujet, fit-il en glissant sa main dans les cheveux sombres de son aimée. 

Son cœur battait plus fort. Ses pensées virevoltaient. Il se sentait capable de tout. C'était peut-être le parfum du danger, de l'interdit, lui rendant sa jeunesse et sa vigueur d'antan mais peut-être aussi son amour pour elle qui ne s'est jamais terni en dépit des siècles. A ses côtés, il pourrait tout faire, tout vaincre, y compris les ténèbres qui l'avaient désigné tout à l'heure et cherché à le tuer.

– Il nous faut un endroit où nous pourrions nous retrouver. Sans que cela soit dangereux pour l'autre. Une maison esseulée sur la côte, un appartement, n'importe quoi... 

Et son amour pensait déjà à la suite, à trouver un endroit où ils pourraient se retrouver. Il glissa sa main sur la sienne, caressant sa peau froide et d'une blancheur pâle, il sentait le froid de sa chair absorber sa chaleur, et pourtant, ce contact le faisait frissonner, de plaisir, d'extase, de bonheur.

– Il y a une vieille maison de pêcheur tombant en ruine sur la côte. Les humains l'évitent parce qu'ils la croient hantée, et les feys... je n'ai jamais vu quiconque s'en approcher. Je pense que nous pourrions nous y retrouver. 

C'était une ruine plus qu'une maison, le genre d'endroit que les humains un peu hardi fréquentent pour se faire peur. Les Seelie n'approchent pas de cet endroit parce qu'il semble dangereux et désolé, les Unseelie sans doute l'évitent de crainte de tomber sur l'humain supposé habiter là. Mais en vérité, on n'y voit jamais une âme vivante. Peut-être se cachait-elle quelque part... Dagda espérait que non. Mais qu'importe, s'il leur fallait un lieu, il en trouverait un. Il était capable de déplacer des montagnes, mentir et voler même s'il le fallait.

Et elle se juche par dessus lui, le contemple, et son cœur semble être sur le point de se briser en mille morceau. 

– Je t'aime tant... 

 Ses pensées s'arrêtent. Il est mutique. Figé. Tremblant à l'idée que cet instant s'arrête ne serait-ce qu'une seule seconde. Il l'aime plus que de raison, il l'aime à sentir son cœur se serrer, à vouloir fondre en elle, devenir une abomination, à vouloir arracher son cœur de sa poitrine et le glisser dans ses mains. Le poids de cet amour est écrasant, déraisonnable, et absolu. Il lui donne des ailes. Lui rend la raison. Brise ses chaînes. 

Il l'embrasse, il lui rend son baiser, et lui donne sa force, autant d'énergie, les dernières brides, il l'embrasse passionnément avant de s'effondrer doucement, retomber sur le lit, et l'entraîner avec lui, l'enlacer tendrement, la couvrir de baiser tendre. 

– Je t'aime aussi. » chuchote-t-il au creux de son oreille.

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