IV

Une piscine, beaucoup trop étroite pour moi. Serrée et coincée, coinrée. Sentiment de gêne.

Une voix, malveillante, désagréable qui me parle. Je tourne en rond dans un bassin peu profond.

Je me souviens du chant des ancêtres...

Je me souviens des voix des adultes, lorsque nous nagions dans les courants froids de l'Atlantique.

Je me souviens de la violence, on m'arrache à ma mère, à ma mer, je suis transportée, déportée, de bassins en bassins. On me donne un nom, Chouchou.
Un autre est enlevée avec moi, Bibi. Elle meurt. Je pleure. Mon chant de douleur ne l'atteint même pas.
Elle est morte. Avant, elle me disais qu'il fallait rêver pour sortir. S'envoler par la pensée.

Rêver voler penser liberté...

Je vis, je survis dans cette piscine. A peine la place de rêver.

On me nourrit si peu !

Pour passer le temps, je me souviens des histoires, des légendes. Un dit qu'une petit fille est venue se perdre dans nos eaux profondes, et une de nos matriarche l'a sauvée. Depuis, elle est intuitivement liée à la mer, à nous.

C'est elle qui est venue me sauver, j'en suis sûre.

Elle m'a soignée, rendue à la mer. J'ai pu m'échapper. Je ne l'oublierais jamais. Elle m'a appelée Rosmerta. Même si les baleines n'ont pas de noms, celui là en est un plus respectable que Chouchou.

Celui qui m'appelait ainsi est venu, durant la tempête. Le ciel touchait la mer quand j'ai retrouvé ma liberté. Les vagues déchainaient leur fureur meurtrière, mais je sais qu'elle accueillaient mon retour.

Caché derrière une vague, il a attendu qu'un de mes sauveurs passe par dessus bord. Quand enfin son voeu s'est réalisé, il l'a repêché, et envoyé dans sa cale comme une vulgaire plancton.

J'ai entendu le marché de dupes qu'il lui proposais. Ils sont partis.

Ils ont sinués derrière un nuage, lâchefiler pour mieux entourloumélanger.

Et maintenant il est libre.

Je suis sous l'eau, à écoutespionner les discussions. Les pleurs, les rires, les mélanges d'émotions.

Ils s'aiment.

Des bruits au dessus de ma tête.

Des réconcilarmes.

Elle pleure, l'embrasse, le serre. Il pleure, l'embrasse, lui murmure des mots d'amour, des je t'aime, je t'aime je t'aime je t'aime je t'aime...

Lamberge l'a libéré, trois années de servitude pour une baleine.

Je plonge, ressort. Mon jet trempe les amoureux, arrose Lo. Un adieu.

Je plonge, ma queue s'agite en l'air, retombe. Je rejoins mes semblables.

Ils iront bien. Le temps guérit les blessures. Ils s'aiment, ils ont trois années à rattraper.

La luminosité baisse au fur et à mesure que je m'enfonce dans les profondeurs de l'océan.

Je suis dans mon élément.

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